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  • Australie : L’inaction climatique et les réductions budgétaires alimentent les incendies dévastateurs

    L’Australie est en proie à une crise extrême de feux de brousse. Des vagues de chaleur record et des mois de sécheresse ont créé les conditions pour des incendies massifs dans tout le pays. L’ampleur des incendies est sans précédent, affectant tous les Etats du pays. Ce sont les plus grands feux de brousse jamais enregistrés en Australie. Au moment où nous écrivons ces lignes, près de 6 millions d’hectares ont brûlé : plus de cinq fois la taille des feux de 2019 dans la forêt amazonienne. Quinze personnes ont été tuées et le nombre de morts va probablement augmenter.

    Par Jeremy Trott, Socialist Action (CIO-Australie)

    Pendant des semaines, une brume de fumée toxique a englouti Sydney, Brisbane et Canberra. La plupart des jours, la qualité de l’air est pire qu’à Pékin. Au cours des deux premières semaines de décembre, des douzaines de bureaux de Sydney ont été évacués lorsque les alarmes incendie ont été déclenchées par la fumée qui s’infiltrait à l’intérieur. Les appels d’ambulance pour des difficultés respiratoires ont augmenté de 30% au cours de la même période.

    Alors que ce désastre se déroule, le gouvernement de coalition libéral-national dort au volant. Comme l’empereur Néron qui jouait du violon pendant que Rome brûlait, le premier ministre Scott Morrison est allé en vacances à Hawaï pendant l’état d’urgence, ce qui a suscité une vaste condamnation publique. Pour beaucoup de gens, les vacances de Morrison résument l’attitude impitoyable d’un gouvernement qui refuse de faire quoi que ce soit pour lutter contre le réchauffement climatique alors même que ses effets deviennent indéniables.

    Pendant des décennies, les scientifiques et les expertes en incendie ont averti que le changement climatique allait exacerber les feux de brousse en Australie. Ces avertissements sont maintenant une réalité. La saison des feux de brousse s’allonge, avec une réduction des précipitations et des étés plus longs et plus chauds. Les conditions sont tellement sèches que les zones de végétation sont comme des poudrières géantes. En plus de la fréquence et de l’intensité accrue des feux, cela signifie une réduction des possibilités de feux contrôlés pour gérer les sous-bois.

    Le capitalisme australien et ses politiciens n’ont rien fait pour se préparer à cette situation. La lutte contre les incendies en Australie rurale est principalement assurée par des milliers de volontaires locaux non rémunérés, qui sacrifient leur temps – et parfois leur vie – généralement sans compensation. Privés de financement gouvernemental, les pompiers volontaires comptent souvent sur les efforts de collecte de fonds de la communauté pour fournir les fournitures de base. Le service d’incendie rural du Queensland et de la Nouvelle-Galles du Sud a dû faire face à des réductions budgétaires peu avant la saison des feux de 2019. Ces compressions ont coûté des vies.

    Bien qu’il soit criminel de forcer des services d’incendie essentiels à fonctionner avec un budget restreint, le plus grand crime de l’establishment politique est de loin sa politique climatique. Au service de l’avidité de l’industrie des combustibles fossiles, les partis libéral et travailliste ont augmenté la production de gaz et de charbon au lieu de prendre des mesures rapides pour passer à l’énergie renouvelable. Leur soutien bipartisan à l’exploitation du charbon dans le bassin de Galilée du Queensland en est l’exemple le plus flagrant. Ils suivent aveuglément la logique du marché capitaliste : des profits à court terme quel que soit le coût.

    L’heure de la riposte

    40 000 personnes sont descendues dans la rue à Sydney en décembre pour protester contre l’inaction du gouvernement fédéral et de l’État de Nouvelle-Galles du Sud. Cette mobilisation de masse est révélatrice de la colère qui couve dans la société et qui doit être exploitée pour construire un mouvement sérieux capable de transformer la situation.

    En plus d’un plus grand nombre de grèves étudiantes, les syndicats doivent être le fer de lance de ce mouvement en intensifiant l’organisation d’actions collectives sur le lieu de travail. Les travailleurs et travailleuses de la construction, du transport maritime et de l’électricité de Sydney ont déjà pris la fuite pour des raisons de santé et de sécurité en réaction à la fumée toxique.

    Ces petites actions d’arrêt de travail devraient être transformées en une grève nationale des travailleuses et travailleurs avec les étudiants pour exiger un financement immédiat des services d’incendie et des mesures de lutte contre le changement climatique. Une grève de masse et des protestations visant à paralyser l’économie, ne serait-ce qu’une journée, exerceraient une pression énorme sur le gouvernement.

    En fin de compte, pour faire face à la crise climatique et à ses conséquences désastreuses, il faut une restructuration radicale de l’économie. Il est clair que tant que la richesse, les ressources et les industries de la société appartiendront au secteur privé, les entreprises feront passer leurs propres intérêts de profit avant les intérêts de la communauté.

    Pour commencer à s’attaquer à cette urgence, nous avons besoin de la propriété et du contrôle publics des éléments clés de l’économie. Par exemple, si nous mettions les grandes sociétés pétrolières, gazières et minières entre les mains du secteur public, nous pourrions amorcer une transition planifiée vers l’énergie renouvelable. Au lieu de supprimer des emplois, les travailleuses et travailleurs de ces industries pourraient être réaffectés à des emplois durables ailleurs.

    Nous ne pouvons pas compter sur le secteur privé pour prendre des décisions importantes concernant notre environnement et nos moyens de subsistance. Un plan de production démocratique et socialiste, impliquant les travailleuses et travailleurs de tous les secteurs, est nécessaire de toute urgence. Les changements climatiques posent d’énormes défis – le capitalisme ne peut pas les relever.

  • Australie: les étudiants brossent les cours et exigent des mesures pour le climat!

    Le vendredi 30 novembre dernier, des étudiants de toute l’Australie ont quitté leurs écoles pour faire grève contre l’inaction du gouvernement en matière de changements climatiques. Des milliers de personnes ont assisté à des manifestations organisées dans au moins 30 villes.

    Kai Perry, Socialist Party (section australienne du CIO), article initialement publié le 7 décembre 2018

    Ces protestations ont eu lieu en même temps que l’annonce faite par Adani ; la multinationale a déclaré vouloir autofinancer son projet controversé de mine de charbon dans l’Etat du Queensland après en avoir réduit la taille et la portée, en dépit d’importantes protestations du public. Aucun des deux grands partis n’est prêt à arrêter le projet.

    Les étudiants australiens ont été inspirés par l’étudiante suédoise Greta Thunberg , qui sèche les cours chaque vendredi pour protester devant son parlement à Stockholm.

    Thunberg appelle les jeunes à se joindre à elle. Elle a écrit dans le Guardian : « Asseyez-vous devant votre parlement ou votre gouvernement local où que vous soyez et exigez qu’ils se mettent sur la bonne voie pour maintenir le monde en dessous de 1,5 degré [de réchauffement]».

    Les jeunes vivront pour faire face aux conséquences les plus terribles du changement climatique. Ils seront punis pour l’inaction des gouvernements actuels dans le monde.

    Le premier ministre libéral Scott Morrison, complètement déconnecté, a attaqué le projet des étudiants avant les manifestations. Il a déclaré qu’il voulait « moins d’activisme dans les écoles » et qu’il ne pouvait soutenir « la transformation des écoles en parlements ».

    Cependant, comme l’ont fait remarquer de nombreux étudiants, si les gouvernements du monde entier faisaient quelque chose d’important pour lutter contre les changements climatiques, les manifestants n’auraient pas eu besoin de faire grève.

    Les commentaires de Morrison ont montré à quel point lui et le reste de son gouvernement sont éloignés de la population en général. Il a montré clairement qu’ils ne prennent pas au sérieux les préoccupations des jeunes !

    Cela n’a servi qu’à encourager à juste titre de nombreux étudiants, ainsi que ceux qui les soutiennent. Bon nombre des signes brandis par les manifestants ont directement critiqué l’incompétence du gouvernement et souligné l’hypocrisie de la déclaration de Morrison.

    L’un des signes les plus populaires de la manifestation qu’on a pu voir sur les journaux télévisés : « On sera moins activistes si tu es moins merdique ».

    M. Morrison a affirmé que son gouvernement prend le changement climatique au sérieux et qu’il prend des mesures à cet égard. Mais un rapport sur les écarts d’émissions publié par les Nations Unies a montré que l’Australie n’avait « pas amélioré » sa politique climatique depuis l’année dernière.

    La vérité est que le capitalisme bloque l’action sur le changement climatique. Le capitalisme repose sur la propriété privée des industries mondiales et sur la production pour le profit, y compris l’industrie énergétique.

    De puissantes cliques de super riches ont encore des milliards de dollars de financement dans les combustibles fossiles. Ils se battent pour que leurs ‘actifs’ restent rentables le plus longtemps possible. Et il y a encore beaucoup d’argent à gagner dans l’industrie du charbon et d’autres industries destructrices de l’environnement pour que les capitalistes continuent d’investir dans ces industries.

    La richesse contrôlée par les investisseurs capitalistes et par l’industrie énergétique doit être placée sous contrôle public. Nous pourrons alors nous assurer qu’elle sera utilisée pour bâtir un avenir énergétique propre.

    Le problème, c’est que nous ne pouvons pas contrôler ce que nous ne possédons pas. Les gouvernements n’ont pas réussi à obliger les capitalistes à investir de manière appropriée dans l’énergie propre. Au lieu d’un système capitaliste axé sur le profit, nous avons besoin d’une propriété publique et d’un plan d’investissement démocratiquement décidé pour passer immédiatement aux énergies renouvelables et à une production durable.

    Les étudiants qui ont participé à cette marche nationale ont envoyé un message clair au gouvernement. Ils ne laisseront pas leur avenir être ruiné par les capitalistes avides de profit et leurs acolytes au gouvernement.

    Ce n’est potentiellement que le début d’une campagne, et non la fin. Pour lutter contre les changements climatiques, nous avons besoin de plus d’actions comme celle-ci. Mais nous devons également impliquer des couches plus larges de la société, y compris les travailleurs.

    Ce n’est qu’en continuant à organiser sur les lieux de travail, les écoles et les communautés, et en formulant des demandes claires pour lutter contre le changement climatique, que nous pourrons construire un mouvement sérieux et réussi.

    Il est clair que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont causés par le système capitaliste, et ce système doit être réellement défié afin de s’attaquer à la cause profonde de l’inaction avant qu’il ne soit trop tard.

    Greta Thunberg a résumé ce qui est nécessaire dans la lutte contre le changement climatique et contre l’inaction du gouvernement sur cette question, lorsqu’elle a déclaré : « On ne peut plus sauver le monde en respectant les règles parce qu’il faut changer les règles ».

     

  • Migration. Francken veut s’inspirer du « modèle Australien » : de quoi s’agit-il ?

    Alors que le nombre de tentatives de suicides, de violences et trafics divers ne fait qu’augmenter dans les centres de détention australiens (1) (principalement à Nauru et Manus), qu’un réfugié iranien de 26 ans détenu à Nauru vient de mettre fin à ses jours il y a quelques semaines (2) et que les Nations Unies condamnent officiellement la politique d’immigration australienne (3)…Théo Francken réitère son admiration du « modèle australien » dans divers médias belges (4).

    Par Brune (Bruxelles)

    Après l’affaire Mawda et la prochaine ouverture d’une aile pour familles de migrants avec enfants (5) dans un centre fermé, Francken semble vouloir aller plus loin en affirmant qu’il est possible d’appliquer la politique du « No Way » australienne, que la politique d’asile évolue vers un système avec « zéro demandeur d’asile à Bruxelles ». «Nous devons remplacer le modèle actuel, qui se base sur les requêtes à l’initiative des demandeurs d’asile après une entrée illégale sur le territoire, par le modèle australien, dans lequel on pratique uniquement une immigration légale limitée», a écrit Francken sur sa page Facebook.

    Mais quel est ce fameux « modèle australien » ? Pourquoi la NVA propose-t-elle un modèle similaire ?

    La politique du « No way »

    Il y a en ce moment 1.369 réfugiés enfermés dans divers centres de détention australiens, dont 7 enfants (6). La durée moyenne d’une détention est de 826 jours (février 2018), jusqu’à 4 ans pour certains, sans aucune information de la progression de leur application. Deux de ces centres sont offshores : Nauru et Manus Island. La Papouasie-Nouvelle-Guinée et Nauru sont soudoyés par le gouvernement australien pour accepter ces installations sur leurs côtes. Celui-ci a d’ailleurs été embarrassé en 2016 lorsque la Cour suprême de Papouasie-Nouvelle-Guinée a statué que le centre de détention de l’île de Manus était illégal.

    Le tribunal a déclaré que les réfugiés étaient “emmenés de force en Papouasie-Nouvelle-Guinée” et détenus dans un établissement “enfermé avec des barbelés”. Les centres de détention australiens ont été qualifiés de “torture”. Certains réfugiés ressortent de ces prisons avec des problèmes de santé mentale extrêmes. Les détenus sont victimes d’intimidation et les installations sont inadéquates. Au moins un réfugié en détention est mort des suites de soins médicaux médiocres. Il y a eu des dizaines de suicides, et l’automutilation est courante.

    Le gouvernement australien gaspille plus d’un milliard de dollars par an pour le fonctionnement des centres de détention, versés à une série d’entreprises privées. Cela inclut Wilson Security, une société versée dans des scandales de corruption et détenue par les frères Kwok de Hong Kong. Le gouvernement australien dépense entre 239 000 $ et 400 000 $ par an pour chaque réfugié en détention – 400 000 $, le salaire de huit travailleurs à temps plein en Australie !

    Le Parti socialiste d’Australie (la section-sœur du PSL) fait campagne pour que les réfugiés puissent rester et s’installer en Australie. Ils exigent que l’argent gaspillé dans les centres de détention soit utilisé pour financer la création d’emplois, des logements sociaux de haute qualité et des services pour les réfugiés et les travailleurs.

    Des dizaines de milliers de personnes en Australie protestent chaque année contre l’emprisonnement des réfugiés. En février 2016, un bébé réfugié nommé Asha a été soigné dans un hôpital de Brisbane. Le gouvernement voulait expulser Asha vers un centre de détention offshore. Le personnel hospitalier a refusé cela. La communauté a formé un piquet de grève à l’hôpital. Ils ont arrêté chaque voiture et ont exigé de vérifier celles-ci pour s’assurer qu’elle n’emportait pas Asha. Le gouvernement a été contraint de renoncer à envoyer celle-ci en détention.

    L’Australie blanche

    La classe dirigeante australienne a une tradition de politique raciste anti-immigration. Dans les années 1850, des restrictions ont été imposées aux immigrants chinois. La “politique de l’Australie blanche”, qui a duré de 1901 à 1966, a été créée pour limiter l’immigration de personnes non européennes. Les politiciens ont parlé du “péril jaune” – le “jaune” est une insulte raciste utilisée contre les Asiatiques.

    Dans les années 1990, le parti politique ” One Nation ” a été lancé pour s’opposer à l’immigration chinoise. La tête du parti, Pauline Hanson, disait alors aux Australiens qu’ils risquaient d’être “submergés par les Asiatiques”. Le Parti socialiste a organisé à l’époque la résistance contre One Nation, menant des grèves d’écoliers et participant à des manifestations contre leur racisme anti-asiatique.

    Le racisme est utilisé pour diviser les travailleurs les uns contre les autres et pour distraire les Australiens en blâmant les étrangers pour les problèmes causés par le capitalisme – chômage de masse et coupures dans l’aide sociale, les hôpitaux et l’éducation. Plus récemment, ce racisme s’est retourné contre les personnes issues du Moyen-Orient, et les réfugiés en ont été les victimes.

    La crise de l’île de Manus, la situation actuelle

    Depuis la déclaration de son illégalité en 2016, rien n’a été fait, ou très peu, pour clôturer le centre de détention de l’île de Manus. D’innombrables demandeurs d’asile sur l’île sont coincés dans les limbes de l’immigration. Il reste environ 600 réfugiés sur l’île, dont beaucoup sont détenus depuis plus de 4 ans.

    Il n’y a pas de véritable plan pour permettre aux réfugiés de quitter l’île. Au lieu de cela, ils devaient être transportés vers des “centres d’hébergement alternatifs”, des centres de transition dans la ville de Lorengau.

    Les centres de transition n’étaient pas terminés en octobre et l’hébergement (des conteneurs) dans ces nouveaux centres est largement en dessous des normes. La décision de la cour en 2016 signifie que le gouvernement australien est maintenant incapable de garder les gens enfermés dans le centre de détention offshore, mais les réfugiés qu’il détient restent piégés sur l’île. Ils n’ont pas de papiers, pas de travail, pas de comptes bancaires.

    Pour empirer les choses, le gouvernement a réduit le nombre d’établissements de soins de santé qui étaient auparavant destinés aux réfugiés. Lorsque le centre de détention a été forcé de fermer, de nombreux services, dont les soins de santé, ont été retirés. Les services de consultation et de traumatologie sont partis avec l’ancien centre et n’ont pas été remplacés.

    Depuis la fermeture du centre, des cliniques à petite échelle ont ouvert sur les trois centres d’hébergement. Mais ils n’ont pas remplacé les anciens services et ils n’offrent pas de service après les heures d’ouverture, de soins aux patients en phase critique ou de soins aux personnes incapables de quitter leur lit.

    Pour ajouter au problème, le gouvernement australien a mis fin à son contrat avec le prestataire de services de santé International Health and Medical Services, IHMS. Les services de soins de santé sont maintenant transférés à des entrepreneurs locaux et au système de santé publique de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

    Selon une étude d’Amnesty International, l’hôpital Lorengau de l’île de Manus fonctionne à 33 % au-dessus de sa capacité. La moitié des postes de médecins et 43 % des postes d’infirmières demeurent vacants. L’année dernière, deux réfugiés de l’île de Manus se sont suicidés. Un autre réfugié est mort après avoir sauté d’un autobus à la fin mai. Les changements apportés au système de soins de santé entraîneront probablement plus de décès sur Manus.

    Maintenant que le centre de détention a été fermé, la question se pose de savoir ce qu’il adviendra des réfugiés actuellement pris au piège sur l’île. L’île de Manus est une petite île où sévit le chômage et a une économie en difficulté. L’île de Manus a une population de seulement 50 000 habitants et des ressources extrêmement limitées, ce qui signifie que l’installation à long terme des réfugiés n’est pas viable sans l’aide constante du gouvernement australien.

    Bien qu’il existe un accord avec les États-Unis pour échanger certains réfugiés sur Manus contre des réfugiés d’Amérique centrale, ce n’est pas une option viable pour de nombreux réfugiés sur Manus. L’interdiction d’immigration de Trump sur les citoyens de l’Iran, de la Libye, de la Somalie, de la Syrie et du Yémen signifie que beaucoup se verront refuser l’asile aux États-Unis.

    La Nouvelle-Zélande a offert d’accueillir des réfugiés, mais le gouvernement australien refuse cette offre. Ils prétendent croire que cela encouragera plus de bateaux et que les réfugiés utiliseront les lois de la Nouvelle-Zélande en matière d’immigration comme porte dérobée vers l’Australie.

    La seule solution viable est d’autoriser les réfugiés à venir en Australie. Il n’y a aucune raison pour que tous ceux de Manus et ceux de Nauru ne puissent pas être amenés en Australie, logés dans la communauté. La raison pour laquelle le gouvernement ne s’engage pas dans cette voie est d’ordre politique.

    Ce ne sont pas quelques milliers de réfugiés qui sont responsables de la montée en flèche des loyers, des pertes d’emplois et des services inadéquats. La faute en incombe aux gouvernements capitalistes et aux grandes entreprises qu’ils représentent.

    Les travailleurs australiens doivent faire campagne pour des logements abordables, des emplois décents et des services publics adéquats pour tous. Nous devrions lier nos campagnes pour de meilleurs niveaux de vie au besoin de droits des réfugiés. Nous devons mettre fin à la détention obligatoire et aux centres offshores.

    Nous ne devrions pas permettre au gouvernement de monter différents groupes de personnes exploitées les uns contre les autres. Il y a plus qu’assez de richesses en Australie pour subvenir aux besoins de tous, y compris les réfugiés. Le problème, c’est qu’il est détenu par les 1% de la population.

    La politique de la NV-A

    En Belgique aussi, les divisions sont une arme dans les mains des politiciens à la botte des capitalistes. La politique de criminalisation des migrants, sans papiers et demandeurs d’asile en est l’expression la plus vive. Comme nous le disions récemment dans un article du PSL : « Le 15 mai 2018, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken a reçu le feu vert du Kern (Conseil restreint des ministres) pour le projet d’adoption d’un arrêté royal sur le placement d’enfants en centres fermés dès juillet. Cette politique raciste du gouvernement, menée à coups de rafles, d’enfermements et de violence est allée jusqu’à causer la mort d’une fillette de deux ans, la jeune Mawda, dont la famille kurde fuyait la terreur instaurée par l’État islamique en Irak ».

    L’ouverture de 3 nouveaux centres fermés est prévue d’ici 2021 afin de doubler la capacité de rétention. Il s’agit bien de véritables prisons où des hommes, des femmes et des enfants, qui n’ont commis aucun délit et qui ne sont passés devant aucun juge, sont enfermés.

    Le gouvernement a décidément de l’argent pour enfermer les migrants, y compris leurs enfants, mais il n’en a pas pour créer des emplois convenables et mener une politique sociale pour la population.

    La politique de Théo Francken, et son amour pour le « No way » australien est l’expression d’une politique pour diviser, détourner l’attention de l’opinion publique des vrais responsables des politiques d’austérité antisociales et utiliser les migrants comme boucs émissaires.

    Bien que la politique insulaire permettant à l’Australie d’envoyer des réfugiés dans des îles perdues dans l’Océan Pacifique ne soit pas applicable à la Belgique, de telles déclarations permettent à Francken de flatter son électorat et sa base de soutien au sein de la NV-A ; en comparaison des Michels and Co. celui-ci paraît être « l’homme de la situation », un homme prêt à répondre aux problèmes de l’immigration avec fermeté.

    Il est très important de répondre à cela en mettant en avant la réalité derrière ce type de politique d’immigration, qu’elle soit Belge ou Australienne : une réalité cruelle et meurtrière.

    L’indignation n’est malheureusement pas suffisante. Il faut organiser la colère en forgeant un rapport de forces chez les jeunes, les travailleurs et d’une manière générale auprès de tous et toutes pour exiger les démissions de Jambon, de Francken et la fin de toutes ces politiques racistes.

    Ainsi, le PSL mobilise largement pour des manifestations diverses afin de soutenir les associations de sans-papiers, les collectifs, les syndicats contre la politique migratoire répressive du gouvernement. Une convergence des luttes est indispensable pour que les richesses que l’on produit soient mises à profit de l’ensemble de la population, afin d’en finir avec un système barbare qui ne produit que misère et inégalités, partout dans le monde.

    NOTES
    1. https://www.theguardian.com/australia-news/2017/may/18/self-harm-suicide-and-assaults-brutality-on-manus-revealed
    2. https://www.theguardian.com/world/2018/jun/15/iranian-asylum-seeker-dies-by-suicide-on-nauru
    3. https://www.theguardian.com/world/2018/jul/08/un-body-condemns-australia-for-illegal-detention-of-asylum-seekers-and-refugees
    4. http://www.lesoir.be/151237/article/2018-04-15/no-way-theo-francken-veut-adopter-la-politique-dimmigration-australienne-video
    5. https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_un-centre-ferme-pour-familles-avec-enfants-inacceptable-pour-les-associations?id=9918169
    6. https://www.refugeecouncil.org.au/getfacts/statistics/aust/asylum-stats/detention-australia-statistics/

  • Les Australiens votent massivement en faveur du mariage égalitaire !

    Des milliers de personnes se sont rassemblées à travers le pays ce mercredi 15 novembre pour regarder le statisticien en chef de la chaîne ABS annoncer les résultats de la consultation australienne concernant le mariage entre personnes de même sexe.

    Article du Socialist Party – Australie (section australienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    79,5% des potentiels participants ont renvoyé leur questionnaire. Parmi ceux-ci, 61,6% ont voté «oui», en faveur de l’égalité du mariage! Cela représente 7.817.247 personnes en faveur de l’égalité des droits ! Le “oui” l’a emporté dans les huit États et territoires, y compris dans la circonscription de Warringah, où siège l’ex Premier ministre libéral Tony Abbott, 75% ont voté “oui”.

    Ce résultat est vraiment impressionnant. Il s’agit d’un revers majeur pour tous ceux qui s’opposaient à cette réforme fondamentale. Le résultat illustre également que les éléments les plus conservateurs de la campagne pro-égalité se sont trompés en suggérant que l’événement donnerait lieu à un «festival de la réaction».

    C’est le contraire qui s’est produit. Des millions de personnes ont activement soutenu la lutte pour les droits des personnes LGBTQI+ (Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexués et autres), dont beaucoup pour la toute première fois. Indéniablement, ce sont les politiciens des deux grands partis (les libéraux et les travaillistes) qui ont freiné l’arrivée de cette réforme par le passé. Les gens discutaient déjà des droits au mariage pour les personnes LGBTQI+ et les opinions LGBTQIphobes ont régulièrement diminué au cours de ces 13 dernières années.

    En 2004, lorsque John Howard a modifié la Loi sur le mariage pour s’opposer spécifiquement au droit au mariage entre personnes de même sexe, plus de 60% ont approuvé ce changement. Depuis lors, ce nombre a complètement été renversé. Ce changement d’attitude est en grande partie dû aux efforts inlassables des militants des droits LGBTQI+, ici et à l’étranger.

    Ce résultat positif stimulera fortement le mouvement des droits des LGBTQI+ et représente un pas important vers la garantie de droits égaux au mariage, mais la lutte est loin d’être terminée. La législation actuellement soutenue par Malcolm Turnbull, Bill Shorten et les Verts (le projet de loi Smith) est criblée de clauses discriminatoires supplémentaires, soi-disant pour protéger les «libertés religieuses».

    L’aile droite du Parti libéral a proposé un projet de loi encore pire qui prolonge considérablement la discrimination envers les personnes LGBTQI+. Aucun de ces projets de loi ne devrait être accepté par le mouvement LGBTQI.

    Nous devons continuer à nous battre pour nous assurer de gagner l’égalité du mariage sans aucune clause discriminatoire. Nous devrions également utiliser la mobilisation créée ces derniers mois pour lutter au-delà de l’égalité du mariage et obtenir des droits égaux pour les personnes LGBTQI+ à tous les niveaux.

    En tant que socialistes, nous défendons l’égalité des droits mais, pour nous, ce n’est que le premier pas. Nous continuerons à lutter jusqu’à ce que les personnes LGBTQI+ obtiennent des droits égaux et pour cela, nous nous battons pour un monde libéré de toute oppression et discrimination, pour une société socialiste.

  • Les origines du capital et du travail en Australie

    Dans le Manifeste communiste, Karl Marx et Friedrich Engels ont écrit: «L’histoire de toute société jusqu’à présent est l’histoire des luttes de classes». Il ne fait aucun doute qu’en Australie, la force motrice de l’histoire a été la lutte entre le capital et le travail. Dans cet article, Anthony Main examine comment ces deux classes sont nées.

    Par Anthony Main (Socialist Party, section australienne du CIO)

    Le 26 janvier 1788 fut le jour où l’Empire britannique débarqua officiellement sa première flotte sur le continent australien. Envahissant les terres des peuples Aborigènes, ils occupèrent très vite une zone à Port Jackson (Sydney), mettant ainsi en place la première colonie pénitentiaire. A cette époque, le continent était connu pour beaucoup comme la Nouvelle-Hollande. Nommé par les explorateurs hollandais, ceux-ci en avaient tracé le littoral, mais n’avaient pas tenté de s’y établir.

    C’est à partir de 1788 que commença le processus d’établissement du capitalisme en Australie. La nouvelle colonie, appelée Nouvelle-Galles du Sud, devait être un emblème de l’Empire britannique, ayant récemment perdu la colonie d’Amérique du Nord après la Révolution américaine.

    Le capitalisme australien et la classe ouvrière australienne se sont développés dans des circonstances tout à fait uniques. Contrairement à d’autres parties du monde, il n’y eut pas de transition du féodalisme au capitalisme. Au lieu de cela, le capitalisme australien fut reconstitué sur des terres volées.

    Les Aborigènes étaient déjà présents sur le continent depuis plus de 60 000 ans. Comme les sociétés de chasseurs-cueilleurs à travers le monde, ils développèrent des moyens très sophistiqués de vivre de la culture de la terre. Cela s’est étendu à l’utilisation à grande échelle du feu dans la gestion du paysage. Certains groupes ont planté, récolté et pratiqué l’aquaculture. De petites colonies, y compris des abris avec des fondations en pierre, marquaient des emplacements où les gens vivaient de façon semi-permanente.

    Pendant longtemps, les Australiens non aborigènes furent inculqués à l’idée que les sociétés aborigènes n’utilisaient pas ‘vraiment’ la terre; Il s’agissait de justifier la colonisation et de peindre les peuples autochtones comme étant peu sophistiqués. En réalité, cette forme d’économie faisait de la terre une utilisation intensive, et impliquait le développement généralisé d’une technologie spécialisée. Cela permit de maintenir de petites populations avec une abondance de nourriture variée, tout en laissant suffisamment de temps dans la vie des gens pour des activités cérémonielles et de loisirs. Ces sociétés échangeaient beaucoup, mais surtout, ce commerce profitait à des communautés entières. Elle n’était pas destinée à extraire et à accumuler des bénéfices pour une minorité.

    Quand les Britanniques sont arrivés, ils se sont mis à créer un nouveau type de système. Leur système capitaliste axé sur le profit était incompatible avec l’ancien mode de production. Pour établir le capitalisme, les Britanniques devaient remplacer l’ancien ordre. Ils l’ont fait avec succès et, en quelques décennies, l’imposition du capitalisme a entraîné des changements dévastateurs sur la population aborigène.

    Le développement du capitalisme australien ne peut être correctement compris que dans une perspective internationale. Ce développement était le résultat direct des processus qui se déroulaient à l’échelle mondiale. Le capitalisme britannique était en expansion à l’époque et les opportunités s’ouvraient pour le commerce dans l’Est. La région du Pacifique elle-même était riche en ressources naturelles et mûre à l’exploitation.

    Les changements qui ont eu lieu à la suite de la révolution industrielle en Grande-Bretagne ont vu des milliers de personnes fuir de leurs terres et vers les zones urbaines. La pauvreté et les difficultés dans les villes ont augmenté de façon spectaculaire et des lois sévères ont été introduites pour protéger les intérêts du profit de la classe capitaliste. Par exemple, la peine de mort pu être imposée pour vol, et même les crimes moins graves virent des gens emprisonnés, parfois à vie.
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    Colonies Pénitentiaires

    Avec toujours plus de pauvres remplissant les prisons de Grande-Bretagne, de nombreux condamnés furent envoyés à l’étranger. Mais lorsque les colonies nord-américaines gagnèrent leur indépendance dans les années 1770, un nouveau lieu pour les détenus devenait nécessaire. S’occuper du problème des prisonniers était une des raisons principales pour lesquelles les Britanniques décidèrent de mettre en place une colonie pénitentiaire, mais en même temps, la nouvelle colonie britannique était également d’une importance stratégique. Elle aiderait à empêcher leurs rivaux français de s’installer et faire du Pacifique une colonie commerciale via l’Australie.

    Environ 1 000 personnes sont arrivées de la Première Flotte; 700 d’entre eux étaient des condamnés. Les officiers britanniques en charge de l’expédition étaient mal équipés pour la lourde tâche de construire une nouvelle colonie sur un territoire inconnu et, au départ, le projet a presque échoué. Très rapidement, les officiers ont demandé à ce que des “colons libres” ayant des connaissances agricoles soient également envoyés afin de contribuer à la consolidation de la colonie.

    Des concessions de terres furent faites aux colons libres ainsi qu’aux officiers britanniques. Les condamnés ont été forcés au travail comme faisant partie de leur châtiment. Dès le départ, certains privilégiés ont été pourvus essentiellement de capitaux libres et de main-d’œuvre bon marché. Cela leur a donné un énorme avantage et ce sont ces individus qui ont formé l’embryon de la classe capitaliste australienne.
    Le commerce à petite échelle entre ces individus a vu les débuts d’un marché émerger. Lorsque plus de navires sont arrivés de Grande-Bretagne transportant des marchandises, de petits magasins ont également été établis. C’est à partir de ces débuts simples que sont jetés les fondements d’une nouvelle économie capitaliste.

    Lorsque les condamnés terminaient leur peine, ils étaient autorisés à travailler pour de petits commerçants et des agriculteurs pour des salaires modestes. Certains prisonniers qui étaient considérés comme faisant preuve «de bonne conduite» se sont vu attribuer de petites parcelles de terre, mais les principaux bénéficiaires dans les premiers jours ont été sans aucun doute les officiers britanniques. Ils ont monopolisé de nombreuses parties de l’économie naissante pour eux-mêmes et se sont accordés d’immenses étendues de terre.

    À l’époque il y avait une pénurie de pièces de monnaie, donc le principal moyen de troc était le rhum. Les officiers ont maintenu le contrôle strict de l’approvisionnement en rhum et, par conséquent, sont devenus connus sous le nom de «Rhum Corps». Les officiers ont utilisé les richesses qu’ils avaient accumulées pour exercer une influence politique et économique excessive. Même dans les premières décennies de la colonisation, il y avait une forte division entre les riches officiers et les propriétaires fonciers et le reste de la population.

    Le commerce de la laine

    En 1805, un officier amena le premier troupeau de moutons en Australie et installa une petite station. La croissance de l’industrie textile en Grande-Bretagne signifiait une demande croissante de laine. Avec des techniques agricoles améliorées, un climat idéal, des terres libres et des forçats forcés au travail, le secteur de la laine s’est rapidement développé dans les années à venir.

    En 1807, seulement 245 lb de laine ont été exportés. Cela a augmenté à 175,400 livres en 1821 et ensuite à un massif 3 693 241 livres en 1836.

    Comme la demande internationale de laine augmentait de manière fulgurante le gouvernement colonial et les capitalistes eurent besoin de plus de terres pour faire paître les moutons. Il s’agissait de terres que les Aborigènes utilisaient alors. La population autochtone était considérée comme un obstacle à la réalisation de profits et pour surmonter cette situation, les colons ont entrepris une campagne violente pour chasser ceux-ci de leurs terres.

    Au gré des besoins du capitalisme mondial, des dizaines de milliers d’Aborigènes ont été chassés dans des régions éloignées ou tout simplement tués. Certains ont été brutalement assassinés, tandis que d’autres sont morts de faim ou de maladies comme la variole et la tuberculose. Ces maladies ont été introduites par les Britanniques, et n’étaient auparavant pas présents parmi la population indigène. Il est prouvé que la variole a été introduite délibérément dans le cadre d’une stratégie militaire en 1789, comme cela avait été fait trente ans plus tôt en Amérique du Nord !

    La création d’immenses pâturages de moutons signifiait également que des changements majeurs ont été apportés à l’environnement naturel. Beaucoup de plantes et d’animaux sur lesquels les peuples aborigènes comptaient pour se nourrir ont été détruits. Cela a eu un impact énorme sur leur capacité à chasser et à récolter de la nourriture, à cultiver et à pêcher. Pour se nourrir, il arrive que des aborigènes tuent des moutons. Les propriétaires de moutons ont souvent répondu en tuant indistinctement des aborigènes en représailles.

    Une lutte très vive, mais essentiellement inégale, eut lieu entre les colonisateurs britanniques et les peuples autochtones. Une série de conflits se sont produits, les Aborigènes luttant férocement pour se défendre, ainsi que leur terre et leur mode de vie. Parallèlement à la guerre conventionnelle à petite échelle, les peuples autochtones se livrèrent aussi à des formes de sabotage pour résister. Des bâtiments furent brûlés, des chevaux tués et du bétail volé.

    Génocide aborigène

    Malheureusement, les colonisateurs britanniques eurent le dessus dans le conflit, principalement parce qu’ils étaient équipés d’armes bien supérieures telles que armes à feu et poisons. La façon dont les peuples aborigènes étaient socialement organisés a également rendue difficile la défense à grande échelle de la terre.
    La guerre continua pourtant et la population aborigène décimée. D’une population estimée à plus de 700 000 au moment de l’invasion de 1788, près de 90% de tous les indigènes avaient été tués en 1900.

    Au début, le capitalisme australien était indubitablement construit sur le dos des moutons et des condamnés, mais il l’a aussi été dans le sang des aborigènes. Le génocide qui a eu lieu provient des fondements même des nouvelles relations de propriété capitalistes qui étaient en cours de création.
    En raison de leur mode de vie, les peuples autochtones n’ont pas adhéré au concept capitaliste de la propriété privée. En revanche, les colonisateurs cherchaient essentiellement à privatiser eux-mêmes les terres pour les exploiter.

    Les colonisateurs britanniques apportèrent avec eux toutes sortes d’idées reculées. En partie, leur racisme brutal envers les Aborigènes a été formé par leur attitude envers les Noirs sous l’esclavage, mais a aussi été utilisé pour justifier la dépossession qui a permis d’étendre la colonie. Ils considéraient les Noirs comme des êtres inférieurs. Les condamnés étaient également considérés comme inférieurs, encore une fois pour justifier leur traitement sévère et l’exploitation de leur travail.

    Exploitation des condamnés

    Les condamnés étaient systématiquement punis et fouettés pour avoir refusé de se conformer aux ordres. Le confinement solitaire et le travail forcé étaient des punitions courantes. Le traitement sévère a été conçu en partie pour dissuader les rébellions; malgré cela, les condamnés ont tenté de résister et de lutter pour améliorer leurs conditions de vie.

    Le ralentissement du travail et le sabotage ne sont que quelques-unes des tactiques utilisées par les détenus pour obtenir des concessions – ils ont d’abord obtenu des « limites » sur le nombre d’heures travaillées, puis le droit de travailler pour un salaire –parfois payé, souvent pas.

    Des soulèvements comme la célèbre rébellion de Castle Hill ont également eu lieu mais, en raison des conditions économiques auxquelles les condamnés étaient confrontés, une lutte pour leur pleine émancipation n’était pas possible. Certains de ceux qui ont réussi à échapper au régime ont fini par devenir des « bushrangers » et ont vécu comme hors la loi.

    Dans les années 1820, une petite économie capitaliste prospère avait pris racine à côté des colonies pénitentiaires. Une nouvelle classe marchande avait également émergée et commençait à briser le monopole des officiers britanniques. Des banques et des sociétés commerciales ont été créées et une monnaie stable a finalement été établie. Cela sapait encore l’influence des officiers, et la classe capitaliste commença à se diversifier.

    Les capitalistes britanniques ont été encouragés à investir en Australie, en particulier dans le secteur agricole. L’importation et l’exportation de biens ont augmenté et, parallèlement à la laine, la vente de bois, d’huile de baleine et de peaux de phoques a contribué à la croissance de l’économie. L’augmentation du commerce a vu l’expansion des ports maritimes, et a vu de plus en plus de travailleurs employés dans l’industrie maritime.

    La classe ouvrière

    Ce fut dans ces conditions que la classe ouvrière australienne commença à émerger. Les capitalistes pouvaient déjà exploiter la terre, mais ils savaient qu’ils pourraient produire beaucoup plus de valeur en exploitant également la force de travail de cette classe ouvrière naissante. Les condamnés ont fourni les premières formes de travail en Australie, mais à mesure que l’économie grandissait, il fallait plus de «main-d’œuvre libre». Les condamnés qui avaient servi leur temps sont devenus peu à peu des travailleurs salariés et de nouveaux ouvriers avec certaines compétences sont arrivés de la Grande-Bretagne.

    Il n’a pas fallu trop de temps à ces travailleurs pour se réunir dans une tentative d’améliorer leur situation. Beaucoup ont commencé à s’organiser en «sociétés». Il s’agissait généralement de combinaisons temporaires de travailleurs en fonction des revendications particulières – habituellement des améliorations des salaires et des conditions de travail. Même dans les premiers jours du capitalisme australien, les travailleurs savaient que leurs demandes étaient plus susceptibles d’être acceptées s’ils agissaient collectivement.

    En 1823, le gouvernement britannique créa un Conseil législatif et reconnut formellement l’Australie comme une colonie. La loi draconienne sur les maîtres et les serviteurs a été introduite en 1828 dans le but de contrôler les travailleurs qui avaient commencé à lutter pour une plus grande part de la richesse et de limiter leur capacité à s’organiser collectivement. Tandis qu’une lutte se faisait sur la richesse créée, le mouvement des premiers travailleurs était encore trop immature pour contester l’ordre social existant.

    Au début des années 1840, l’Australie connut une grave crise économique précipitée par la spéculation sur les terres et les stocks, ainsi qu’une sécheresse sévère. Un certain nombre de banques se sont effondrées et le chômage est devenu un problème majeur. Tandis que beaucoup de gens ordinaires ont lutté pour joindre les deux bouts, le gouvernement colonial fit tout en son pouvoir pour soutenir les intérêts de profit des propriétaires riches terriens et des capitalistes.

    L’économie s’est finalement rétablie et, au fur et à mesure que le capitalisme s’est développé de nouveau, il fallut encore plus de force de travail. Les programmes de migration de la Grande-Bretagne ont été établis, les prix des terres étant fixés juste hors de la portée de la majorité. Cela a forcé la plupart des nouveaux arrivants à la main-d’œuvre et solidifié la position économique des riches propriétaires fonciers. Ces propriétaires sont devenus connus sous le nom de «squatters», car ils avaient essentiellement acquis des droits d’usage en occupant d’abord la terre.

    Lutte pour le « travail libre »

    A cette époque, une lutte s’engagea entre les « squatters » et les classes émergentes de travailleurs et de marchands dans les villes. Les squatters voulaient maintenir le système bon marché du travail forcé, alors que les travailleurs voulaient que le travail libre soit institué plus largement.

    Pour les travailleurs, la présence de forçat permet de tirer vers le bas les salaires et empêchait l’extension de leurs droits par l’introduction de l’autonomie gouvernementale. Pour les commerçants et les petits commerçants, la main-d’œuvre libre serait un stimulant pour leur fortune, avec la capacité de consommation de la population en hausse. L’augmentation de la population pour répondre aux besoins des villes en pleine croissance a vu l’équilibre des forces pencher en faveur d’un système de travail libre.

    Le transport des condamnés était de plus en plus considéré comme une forme de châtiment inefficace, car beaucoup de condamnés en Australie étaient effectivement mieux placés que ceux qui étaient touchés par la pauvreté en Grande-Bretagne. Le transport vers la Nouvelle-Galles du Sud a été arrêté en 1840, mais les tentatives pour le redémarrer ont été faites en 1848. Des réunions et des manifestations de masse ont été tenues et le gouvernement a été forcé d’abandonner toute tentative pour transporter des forçats à Sydney en 1850.

    La découverte de l’or en Australie en 1851 a enfoncé l’un des derniers clous dans le cercueil des forçats, car il était perçu comme ridicule d’envoyer des criminels dans un pays où ils pourraient potentiellement devenir riche! De 1850 à 1868, seuls des transports de très petite échelle ont eu lieu. Au cours des 80 premières années de colonisation, environ 162 000 condamnés ont été envoyés en Australie. 80% de tous les condamnés envoyés en Australie ont été transportés pour crimes contre la propriété, contre seulement 3% qui avaient été transportés pour «crimes contre la personne».

    Ruée vers l’or

    C’est dans le contexte de la ruée vers l’or des années 1850 que le capitalisme australien a vraiment commencé à prendre forme. La ruée vers l’or a transformé l’économie australienne de façon spectaculaire, avec un long essor qui a lieu entre les années 1850 et les années 1890. Pendant les années 1850, la population de la colonie a essentiellement triplé avec des milliers de personnes immigrant de tous les coins du globe.

    Au fur et à mesure que la taille de la classe ouvrière augmentait, sa capacité à exercer davantage d’influence allait de pair. Avec l’expansion de l’économie à un rythme rapide, les ouvriers dans les villes, les pelleteurs sur les champs d’or, et les petits commerçants exigeaient une plus grande part de la richesse créée. De puissantes batailles eurent lieu, la plus célèbre étant la rébellion d’Eureka à Ballarat.

    Avant les années 1850, le régime des détenus entravait la mise en place d’un mouvement syndical organisé. D’une part, le gouvernement exerçait des pouvoirs dictatoriaux, tandis que d’autre part les capitalistes et les squatters riches ont donné la priorité à l’utilisation du travail des forçats afin de maximiser les profits.

    À partir des années 1850, ce système a été réduit et des syndicats ont été créés. Un certain nombre de luttes organisées réussies ont été menées. Tout en venant plus tard que bon nombre de leurs homologues du monde entier, la classe ouvrière australienne a pu profiter des niveaux de vie relativement élevés créés par les booms économiques de la laine et de l’or.

    Les travailleurs australiens de cette époque ont forcé toute une série de concessions importantes de la classe capitaliste, y compris les droits de vote des hommes, les réformes agraires et la journée de travail de 8 heures. Dans de nombreux cas, ces réformes ont été remportées des décennies à l’avance des travailleurs à l’étranger.

    Puissance latente

    Le capitalisme précoce en Australie a profité énormément de la terre qui a été volée aux populations aborigènes ainsi que de la surexploitation des prisonniers. La laine et l’or ont fourni la base pour le développement du capitalisme, mais la majeure partie de la richesse qui a été créée provient de l’exploitation des travailleurs. Comme c’est le cas pour le capitalisme partout, les travailleurs sont exploités en ce sens qu’ils ne reçoivent qu’une partie de la richesse qu’ils produisent. Le reste est tenu par les capitalistes comme profit.

    Un système inégal a été mis en place dès le début en Australie. Cependant, dans son sillage une force sociale – la classe ouvrière – a été créée. Aujourd’hui, la plupart des gens sont de la classe ouvrière. Notre classe est unique en ce qu’elle est la seule force dans la société qui a le pouvoir latent d’arrêter l’exploitation et l’oppression sur laquelle le capitalisme se fonde.

    Si la classe ouvrière agit collectivement et s’aligne sur les autres peuples opprimés, elle a le potentiel non seulement de remporter des réformes, mais aussi de créer un nouveau type de société qui utilise la richesse générée pour la majorité et le bien-être de tous. En mettant l’économie aux mains du public, nous pourrions utiliser cette richesse pour mettre fin à la pauvreté et à la dévastation environnementale du capitalisme et créer une société capable d’offrir une qualité de vie élevée pour toutes les personnes – et non pas seulement pour une minuscule minorité.

    Comprendre l’histoire de la lutte entre le capital et le travail en Australie et ailleurs n’est que la première étape pour effectuer un tel changement.

     

  • Affaire des «neuf de Bali»: Il faut abolir la peine de mort!

    bali9Au petit matin du 29 avril dernier, huit hommes condamnés pour des délits de drogue et condamnés à mort par les tribunaux indonésiens ont été extraits de leur cellule, attaché à des poteaux et abattu par un peloton d’exécution composé de 13 hommes. Parmi eux se trouvaient deux australiens, Andrew Chan et Myuran Sukumaran, deux dirigeants du groupe des «neuf de Bali».

    Par Conor Flynn (Socialist Party, section australienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)

    En 2006, ceux-ci avaient été reconnus coupables d’un complot pour avoir tenté de faire passer 8,3 kg d’héroïne, (d’une valeur de 4 millions de dollars) de l’Indonésie à l’Australie. Sept des neuf personnes impliquées dans l’affaire avaient reçu de très lourdes peines de prison, allant de 20 ans à perpétuité. Chan et Sukumaran avaient quant à eux été condamnés à mort.

    Le plus grave dans l’affaire (outre une exécution sommaire effroyable) fut que la police nationale indonésienne (INP) avait été alertée onze jours au préalable de l’opération de contrebande. En effet, le père d’un des hommes impliqués avait alerté la police fédérale australienne (AFP) du plan avant que le groupe ait quitté l’Australie pour Bali.

    Il avait alors été assuré par l’AFP que son fils serait retenu à la frontière. Au lieu de cela, l’AFP avait simplement remis l’information à la police indonésienne. Ceux-ci avaient en effet conseillés à l’INP de «prendre les mesures qu’ils jugeaient appropriées». Lorsqu’Andrew Chan et Myuran Sukumaran furent condamnés, le Premier ministre de l’époque John Howard (Liberal Party) et le chef de l’opposition Kim Beazley (Labor) avaient soutenu le rôle de la police fédérale australienne dans cette affaire tout en sachant pertinemment que leur décision avait probablement mené les deux hommes à leur exécution.

    Et tandis qu’Howard et Beazley versaient des larmes de crocodile, aucun responsable politique de l’un des partis traditionnels d’alors n’avait eu la décence ou le courage de condamner l’AFP pour avoir facilité la mort de ces deux jeunes hommes.

    En 2009, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono avait toutefois imposé un moratoire de quatre ans sur la peine de mort, et il semblait alors probable que leurs condamnations à mort furent commuées. En juin 2014, le gouverneur de la prison de Kerobokan, Farid Junaedi, avait même usé de moyens personnels pour tenter de faire réduire leur peine tant leur comportement était exemplaire.

    Cependant, l’espoir pour les deux hommes avait été anéanti quand Joko Widodo a remporté l’élection présidentielle en octobre dernier. Bien qu’initialement populaire, le soutien de Widodo en Indonésie a considérablement diminué. Dans le contexte d’un ralentissement de l’économie, la baisse des prix du pétrole, et les exigences de la Banque mondiale pour une refonte de l’économie indonésienne, le soutien de Widodo a plongé d’un niveau record de 71 % à 42 %.

    Dans le but de consolider le soutien de certaines figures-clés de la classe dirigeante indonésienne à Widodo, et de détourner l’attention des vrais problèmes auxquels font quotidiennement face les indonésiens, celui-ci a ainsi adopté une approche intransigeante en matière de criminalité, et a promis d’intensifier la «guerre contre la drogue» en Indonésie.

    Malgré d’innombrables appels juridiques et moraux afin de tenter de sauver la vie des deux hommes, Widodo avait fermement rejeté la candidature de Chan et Sukumaran à la clémence en Janvier dernier. Le Président indonésien avait ainsi juré qu’il ne montrerait aucune pitié à l’un des 64 trafiquants de drogue condamnés à mort, et qu’il n’y aurait pas de «compromis» quant à la politique de l’Indonésie concernant la peine capitale.

    Pourtant, la peine capitale est une méthode barbare de contrôle social. Les défenseurs des idées du socialisme exigent que la peine de mort soit abolie. L’État capitaliste, un corps biaisé qui permet à une minorité riche de statuer au détriment de la majorité, ne devrait pas pouvoir décider qui a droit de vie ou de mort !

    Seul un système qui est basé sur la satisfaction des besoins de la majorité pourrait mettre un terme au pouvoir dont sont dotés tous ces politiciens, qui utilisent ainsi la vie des gens comme un moyen pour servir leurs propres fins politiques. Tout en faisant campagne pour abolir la peine de mort ici et maintenant nous devons également nous battre pour une société socialiste où les besoins passent avant les profits, pour éradiquer la corruption et les horreurs que ceux-ci engendrent.

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