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  • [INTERVIEW] Collectif Krasnyi : l’image comme arme de changement social

    Les passionnés de l’image ne manquent pas dans les manifestations, les grèves ou les actions de protestation. Bien souvent, c’est d’ailleurs à ces journalistes improvisés que l’on doit les meilleurs captures de moments de lutte, ces vidéos et reportages-photos insoumis qui permettent de mieux saisir l’atmosphère d’un combat social en comparaison des informations qui passent par les canaux dominants. Reste à chercher à diffuser cette approche au-delà de son simple réseau d’amis ou de collègues… C’est le défi que s’est lancé le Collectif Krasnyi, et nous en avons brièvement discuté avec Laure Miège, par ailleurs également membre du PSL.

    D’où provient votre collectif ?

    Notre collectif était embryonnaire lors des évènements qualifiés d’”émeutes à Matongé” fin 2011 dans les médias. En fait, c’est lors de ces manifestations qu’il est né. Un des photographes à l’initiative du projet y a rencontré un autre, ils ont été arrêtés ensemble, et ont décidé de joindre leurs photos via le collectif. L’envie était forte de dépeindre, par leurs images, une réalité bien différente de celle qui transparaissait quotidiennement dans les médias classiques.

    En l’occurrence, ces “émeutes” que l’on photographiait au quotidien, étaient relatées dans les médias de manière très différente de la réalité que nous observions. Les Congolais y étaient fortement criminalisés alors que nous vivions en direct une énorme répression, dont la violence émanait d’abord des policiers. Le collectif est donc parti d’une constatation : celle que les médias traditionnels, malheureusement les plus vus ou entendus, ne diffusent pas une vision neutre de l’actualité, mais bien un point de vue. Et ce point de vue défend, la plupart du temps, les intérêts des ‘‘grands’’ de ce monde, que cela soit par la façon dont les sujets sont traités ou par le choix des sujets traités. Nous voulions faire un contrepied à cette information clairement orientée.

    Il était important pour nous de mettre l’image au service des gens que nous photographions, contrairement à ce que l’on voit trop souvent. Nous ne voulions pas de cette photographie qui se prétend “artistique”, mais qui n’a de prétention que de servir celui qui la prend, et qui ne se préoccupe en aucun cas des gens qu’elle révèle.

    Le regard que vous portez sur les événements n’est donc pas ‘‘neutre’’…

    Pour nous le regard neutre n’existe pas. Personne ne peut prétendre être neutre. D’une part parce que nous sommes des êtres humains, que nous avons chacun nos expériences, notre propre regard sur les choses. Ensuite parce que le point de vue que nous choisissons de prendre, ou qui s’impose à nous comme une évidence, est propre à chacun. Ainsi, un même sujet, traité soit disant de manière neutre, sera totalement différent s’il se place d’un côté des évènements, ou de l’autre. Nier cette réalité n’est que pur mensonge.

    Enfin, malheureusement, les médias dominants sont aujourd’hui (pardonnez l’expression) ‘‘tenus par les couilles’’ par leurs principaux donateurs c’est-àdire par l’Etat ou encore par de riches milliardaires. Quelle liberté de ton peut on avoir avec la crainte d’incriminer ceux-là même qui nous financent ?

    La question du temps évidemment joue aussi dans l’altération de la qualité de l’information. Pour faire une information de qualité, il faut pouvoir avoir le temps de faire une réelle investigation et de prendre le temps de discuter avec les gens dont l’on veut parler. Or ce temps coûte de l’argent, et la sacrosainte rentabilité domine aussi dans les médias traditionnels. Donc l’information est la plupart du temps ponctionnée par les journalistes dans de grosses banques de données telles que les agences de presse Belga ou AFP, très loin d’être neutres…

    Nous avons donc voulu poser notre propre regard, mais surtout essayer de redonner la parole à ceux qui sont trop souvent condamnés au silence dans les médias traditionnels, renverser cette balance où seule la minorité dominante peut exprimer son point de vue. Nous voulions permettre de voir et d’entendre les personnes qui luttent au quotidien, les victimes qui font face à ceux qui disposent du pouvoir économique et politique.

    Vous référez-vous à de précédentes expériences dans l’histoire des luttes sociales ?

    Bien sûr, nombreux sont ceux qui nous ont inspirés et qui ont été précurseurs de cette mise en image des opprimés, des résistants, de la majorité silencieuse, peu importe comment on l’appelle. C’est le cas de Capa, de certains de Magnum, des Medvedkines, et bien d’autres encore. Il en existe encore beaucoup aujourd’hui, mais ils restent trop souvent dans l’ombre et on connait peu leur travail. C’est aussi une volonté du collectif, réunir tous ceux qui veulent, comme nous, relayer les mouvements sociaux à travers le monde.

    Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier, qui vous semblent le mieux illustre votre action ?

    C’est difficile à dire. D’une part parce que nous sommes tous très différents dans le collectif, et que nous aurions sans doute des coups de coeur très différents.

    Mais s’il faut en choisir un, notre reportage sur les mineurs espagnols des Asturies était sans doute une des plus belles expériences pour l’ensemble des membres du collectif.

    Que retirez-vous du contact avec des travailleurs en lutte, des grévistes,… ? Comment êtes-vous reçu dans les mobilisations ?

    De manière générale, nous sommes reçus de manière très chaleureuse, très généreuse de la part des acteurs des mouvements sociaux. Ça commence souvent par un peu de méfiance, mais ça change dès que les gens comprennent que nous ne voulons pas faire un tri sélectif des moments croustillants mais au contraire leur donner la parole. D’ailleurs, cela se comprend très vite puisque nous restons la plupart du temps plusieurs heures avec eux et non quelques minutes comme les journalistes traditionnels.

    Nous avons toujours été très bien accueillis par les gens que nous rencontrons. C’est à chaque fois une agréable surprise, et un moment d’échange très riche, où l’on apprend beaucoup. Une belle leçon d’humanité à tous les coups!

    Comment fonctionnez-vous concrètement concernant votre ligne éditoriale, vos prises de décision,… ?

    Nous avons établi depuis peu des statuts, et nous sommes en train de travailler sur une charte déterminant notre fonctionnement, mais aussi notre ligne éditoriale. Globalement, nous sommes pour laisser une grande liberté à chacun pour exprimer et traiter les sujets en fonction de ses affinités, et de la manière qui lui est propre. Evidemment, le fil rouge reste toujours de relayer autant que faire se peut la parole des acteurs sociaux en résistance.

    Concernant les prises de décisions, nous sommes encore un petit noyau donc nous avons toujours réussi à nous entendre en prenant le temps de discuter. Si nous devions trancher des questions urgentes, ou très polémiques, la majorité aurait force de décision et un bilan de celle-ci serait discuté après.


    www.collectif-krasnyi.be – Le collectif réunit actuellement Karim Brikci- Nigassa, Nelson De Vos, Pierre Vanneste, Laure Miège, Pablo Ortega, et Marieau Palacio.

  • Les mineurs espagnols montrent la voie à la classe ouvrière

    Nous avons tous suivi depuis le 28 mai dernier le combat déterminé que mènent les mineurs esapgnols afin de sauver leurs emplois. La fin annoncée des aides au secteur minier, déjà approuvée par le gouvernement précédent du PSOE (Parti socialiste ouvrier Espagnol), a juste été accélérée par le gouvernement du Parti Populaire. Si le gouvernement gagne, cela entrainera la fermeture des mines d’ici 2018 au plus tard et la disparition de milliers d’emplois.

    Par Karim Brikci, tête de liste de Gauches Communes à Ixelles

    • Collectif Krasnyi – Reportage – ”Madrid ouvrier avec les mineurs"

    La Marcha Negra :

    Les mineurs ont su renouer très rapidement avec les meilleures traditions de lutte de la classe ouvrière espagnole : grève illimitée, bloquages et occcupations. Parallèlemement aux actions locales dans des régions très rurales, les mineurs ont organisé une marche noire sur Madrid pour construire le soutien et défier le gouvernement. Partie des différentes régions minières du pays, cette marche a traversé des dizaines de villes dans lesquelles les mineurs ont à chaque fois vécu des moments de solidarité inoubliables.

    L’arrivée à Madrid restera une référence importante de la lutte sociale en Espagne pendant encore longtemps. Aux cris de “Vive la lutte de la classe ouvrière” ou encore “Madrid ouvrier avec les mineurs”, des dizaines de milliers de madrilènes ont acceuilli magnifiquement les mineurs en lutte. La manifestation qui a débuté à 22h pour normalement finir à minuit à la puerta del sol (lieu symbolique de la contestation en Espagne depuis le mouvement des Indignés) ne s’acheva qu’à plus de 2h du matin dans une ambiance combative solidaire et remplie d’émotions. N’en déplaise à la presse de droite, les mineurs ont prouvé que la solidarité ouvrière n’a pas disparue!

    La grande manifestation syndicale du 11 juillet

    Le lendemain de la marche nocturne a eu lieu la grande manifestation syndicale pour la défense des emplois dans les bassins miniers. Le succès est au rendez vous. La foule compacte exprime sa totale solidarité avec la lutte des mineurs. Des travailleurs du secteur public et du privé manifestent sous leurs banderoles réclamant l’abolition de la réforme du travail imposée par le gouvernement il y a quelques mois tout en exprimant leur total soutien aux mineurs en grève.

    Alors que les discours des dirigeants syndicaux ne sont même pas finis, la police attaqua la manifestation et provoqua des affrontements avec des mineurs en colère. La réaction collective et organisée de certains groupe de mineurs a pu protéger le cortège et empêcher la police de continuer à abbattre sa violence à coup de matraques.

    Plusieurs arrestations et blessés seront quand même à comptabiliser à la fin de la journée. Le travail de criminalisation débuté dans les Asturies continuait…

    La timidité de la direction syndicale induit l’arrogance du gouvernement

    Les mineurs ont montré le chemin que doit reprendre l’ensemble de la classe ouvrière espagnole et ce chemin est celui de la lutte de classe. Les mineurs l’ont compri, leurs camarades aussi, mais apriori, pas leurs dirigeants.

    La grève illimitée massivement suivie par les mineurs n’a fait que confirmer leur volonté ininterrompue de mener le combat jusqu’à sa conclusion logique: la victoire. Il est malheureux de noter une fois de plus l’attitude timide voire contre productive des directions syndicales. On a déjà parlé de l’enthousiasme énorme qu’a suscité la lutte des mineurs et leur marche sur Madrid. La question était posée par les mineurs d’occuper la puerta del sol à leur arrivée à Madrid . Même si l’on peut discuter de la pertinence d’occuper une place comme moyen d’action à long terme (expérience des indignés), les directions syndicales, elles, ont refusé de discuter de la suite des actions et de la façon de saisir le potentiel présent pour construire un réel mouvement massif contre la politique antiouvrière du gouvernement Rajoy. A la fin de la tant attendue Marche sur Madrid, les syndicats ont laissé les mineurs seuls face aux forces de l’ordre sans service d’ordre et surtout sans aucun mot d’ordre pour la suite du combat, exception faite de leurs chaleureux remerciements pour la lutte menée. Refrain connu : “Merci pour tout et à bientôt”.

    Le gouvernement quant à lui ne fait pas preuve de la même timidité. Le comble de son arrogance aura même été d’annoncer le jour de la grande manifestation des mineurs le plus grand plan d’austérité qu’a connu le pays. Alors que les mineurs reprenaient leurs bus, les fonctionnaires descendaient dans la rue.

    Il est criminel que les directions syndicales continuent aujourd’hui à appliquer une politique de division consciente des différentes couches de travailleurs qui entrent en action. La situation sociale, l’arrogance du gouvernement et l’énorme soutien qu’ont réussi à construire les mineurs malgrès une campagne médiatique très dure aurait du être l’occasion d’appeler à une réaction unifiée de l’ensemble de la classe ouvrière espagnole. L’appel à une grève générale de 48 h comme premier pas de la lutte pour la chute de ce gouvernement d’austérité peut avoir aujourd’hui un écho énorme dans la société espagnole.

    Depuis le 11 juillet, chaque jour, chaque soir et chaque ville vit son lot de manifestations combatives, déterminées et brutalement réprimées. Le combat ne fait que commencer en Espagne mais demande en urgence une direction adéquate et déterminée à gagner!

  • Choisir entre ‘‘rigueur’’ et austérité ? Un seul mot : Résistance !

    Les mauvaises nouvelles sont pour après le 14 octobre. Ensuite, le budget fédéral sera présenté à la Commission Européenne et l’austérité frappera encore, des Régions jusqu’aux communes. Actuellement, les partis établis se taisent dans toutes les langues concernant les trous à combler. Ils attendent que le 14 octobre soit passé pour une fois de plus nous présenter la facture d’une crise que nous n’avons pas provoquée.

    Tract général du PSL pour les élections communales du 14 octobre

    Tract en version PDF

    L’austérité à tous niveaux

    L’économie du pays faiblit à nouveau, jusqu’à se contracter. Résultat : plus de chômage et moins de revenus pour les autorités. Il est possible que jusqu’à un milliard d’euros soit encore assaini des budgets de l’Etat d’ici la fin de cette année, en plus des précédentes mesures antisociales notamment contre les pensions et les allocations de chômage.

    Au niveau régional ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les moyens manquent pour tous les besoins fondamentaux, tant pour les logements sociaux, que les transports publics ou l’enseignement. Nous pouvons voir au quotidien ce que cela signifie : diminution de la qualité du service à la STIB ou aux TEC, manque de places dans les écoles, listes d’attentes à rallonge pour les logements sociaux, les soins de santé ou les crèches publiques,… Il nous sera bientôt possible de figurer sur liste d’attente de la crèche jusqu’à la maison de repos !

    Au niveau communal également, le manque de moyens règne en maître, notamment suite au désastre de Dexia : 39% des communes wallonnes sont dans le rouge, tout comme la moitié des bruxelloises et 70% des flamandes.

    Dans l’actuel contexte de politique européenne d’austérité drastique – responsable du naufrage des conditions de vie des populations grecques, espagnoles ou italiennes – aucune reprise économique n’est attendue. Pourtant, tous les partis traditionnels continuent d’approuver la logique d’assainissement des finances visant à nous faire payer une crise dont nous ne sommes en rien responsables.

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    En juin dernier, une délégation du PSL s’était rendue en France pour participer à la “Marche contre l’austérité et le fascisme” et soutenir la candidature de Jean- Luc Mélenchon (Front de Gauche) contre celle de Marine Le Pen (Front National) aux élections législatives.

    Préparons la résistance !

    Nous avons besoin de bons emplois (notamment pour assurer que nos jeunes ne soient pas une génération perdue), de logements sociaux abordables et de bons services collectifs (crèches,…). Mais les partis établis préfèrent négliger ces domaines en faveur de projets de prestige destinés à attirer des touristes et une population plus riche. Pendant ce temps, une couche croissante de la population voit ses perspectives d’avenir s’évaporer. Fautil dès lors s’étonner que les problèmes deviennent plus explosifs dans cette société sans cesse plus dure ?

    Combattre les divers manque de moyens et l’insécurité, cela signifie combattre la politique d’austérité. Partout en Europe grandit la colère contre cette logique, ce qui a abouti aux grèves générales grecques ou encore au mouvement des Indignés et à la lutte des mineurs des Asturies en Espagne. Ici aussi, nous devons prendre le chemin de la lutte ! Nous devons nous battre, tant dans les rues que dans les entreprises et sur le plan politique.

    Le Parti Socialiste de Lutte – Linkse Socialistische Partij (PSL-LSP) veut jouer un rôle actif dans ce processus. Nous stopperons d’autant mieux cette avalanche d’assainissements si nous nous y prenons avant que notre niveau de vie ait rejoint celui des Grecs. Lutter activement contre cette politique implique de discuter d’un instrument politique. Nous pensons nécessaire que les opposants au néolibéralisme s’unissent dans un parti ouvert et démocratique respectant les diverses personnalités et tendances regroupées en son sein.

    Les travailleurs, les chômeurs, les pensionnés, les jeunes,… ont besoin de leur propre relais politique, avec des représentants qui, contrairement aux politiciens établis, ne gagneraient pas autant qu’un manager, mais l’équivalent du salaire moyen d’un travailleur.

    C’est dans ce cadre que nous allons participer à ces élections sur des initiatives unitaires locales ouvertes regroupant des syndicalistes, des militants politiques ou associatifs et diverses organisations de gauche. Nous voulons développer le débat en faveur d’une coordination unitaire à la gauche du Parti ‘‘Socialiste’’ et d’Ecolo pour les élections législatives de 2014. A Bruxelles, nous participons aux listes unitaires ‘‘Gauches Communes’’, soutenues par le PSL, le Parti Humaniste et le Comité pour une Autre Politique, avec également des candidats de Syriza (Grèce) et du Socialist Party (Irlande). Dans le Hainaut, nous participons aux listes ‘‘Front de Gauche’’ (à Charleroi et La Louvière), soutenues par le Parti Communiste et le PSL. A Liège, nous participons à la liste déposée par la coopérative politique ‘‘Verts et à gauche’’ (VEGA), sur laquelle seront également présents divers candidats du Mouvement Socialiste et du Mouvement politique des objecteurs de croissance.

    En Flandre, Rood! (Rouge) est sorti du SP.a (l’équivalent flamand du PS) et veut rassembler les forces à l’extérieur de ce parti en un nouveau mouvement politique. Nous serons présents avec Rood! à Gand et à Anvers. Nous serons également sur les listes LSP-Rood! à Keerbergen, LSP à Termonde et LEEF! A Zottegem.

    ‘‘Qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu.’’ (Bertolt Brecht)

    Ce pour quoi nous luttons

    Le PSL défend un programme qui se base sur les intérêts de la majorité de la population. Les possibilités technologiques et les richesses sont plus que suffisantes pour les satisfaire. Quelques points centraux :

    • De l’EMPLOI pour tous. Alors que le chômage atteint des proportions dramatiques, certains doivent prendre des pilules pour supporter leur charge de travail et d’autres ont besoin de deux jobs pour parvenir à la fin du mois. Au lieu de répartir le chômage, il faut répartir le travail disponible ! C’est possible, en diminuant le nombre d’heures de travail par semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Nous défendons la résistance active contre tous les licenciements et la création de bons emplois avec lesquels il est possible de faire face à l’avenir.
    • Des SERVICES PUBLICS pour tous. Privatisations et libéralisations entraînent de moins bons services qui coûtent plus chers. Énergie, transports en commun, poste, crèches, soins de santé,… sont autant de services essentiels que la collectivité doit avoir en main afin de les développer et non de les sacrifier pour les profits. Les assainissements de ces dernières années ont déjà réalisé de grands trous dans notre tissu social, laissant de plus en plus de gens sur le bord de la route. Il nous faut plus de moyens publics pour de meilleurs services publics !
    • Des LOGEMENTS SOCIAUX abordables. Un programme de construction de logements sociaux est urgent. De plus, cela ferait pression à la baisse sur les loyers du privé. Les logements sociaux doivent être dans les mains du public et de bonne qualité. Les loyers ne doivent pas dépasser 20% du revenu des ménages.

    Les moyens existent-ils ?

    Une alternative socialiste

    Chaque acquis issu des luttes ouvrières passées est en danger. Le capitalisme est en crise systémique et n’a plus à offrir que chômage, pauvreté, guerre et dégradation de l’environnement pour la majorité. Pourtant, les capacités technologiques et les richesses n’ont jamais été aussi grandes.

    Le PSL se bat pour une alternative socialiste où la richesse créée par les travailleurs reviendra à la société toute entière au lieu de disparaître dans les poches des actionnaires et autres spéculateurs. La nationalisation des secteurs clés de l’économie est une première étape pour assurer un contrôle démocratique de la finance ou de l’énergie, entre autres. Nous sommes pour le socialisme démocratique, pour que la production soit organisée en fonction des besoins de la majorité et non en fonction des profits d’une infime minorité.
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    Il y a bien de l’argent pour les énormes projets de prestige avec lesquels les villes et les communes veulent attirer les touristes et les habitants riches.

    Il y a bien de l’argent chez cette infime élite mondiale de super-riches qui avait au moins 17.000 milliards d’euros sur ses comptes dans des paradis fiscaux en 2010. Les chercheurs qui ont dévoilé ce chiffre ont déclaré : “Le monde possède une énorme montagne de richesses financières qui pourrait être utilisée pour solutionner les problèmes majeurs sur Terre.”

    Il y a bien de l’argent chez ces 14 entreprises du Bel20 qui ont réalisé un bénéfice net de 7 milliards d’euros les 6 premiers mois de cette année. Les grandes entreprises réalisent chaque année des milliards d’euros de profit et reçoivent en plus des cadeaux fiscaux comme les 4,25 milliards d’euros de déduction des intérêts notionnels en 2011. Il existe en plus une fraude fiscale d’environ 30 milliards d’euros par an.

    Des moyens, il y en a, mais les capitalistes assurent qu’il est impossible que les richesses produites dans la société servent à satisfaire les besoins de la majorité de la population. Ce système capitaliste est incapable de parvenir à un programme social qui rencontre les besoins réels et n’en a que faire. Un tel programme n’est possible que si la masse de la population active s’organise et lutte pour ôter les richesses de la société des mains de ceux qui se les accaparent aujourd’hui pour les remettre à ceux qui les produisent : les travailleurs.

    Seul un système garantissant que les richesses de la société soient aux mains de cette société elle-même peut rendre cela permanent. C’est ce que nous appelons une société socialiste démocratique, une société basée sur la planification démocratique de l’économie.

    Ce que nous pensons :

    “Même les communes cherchent l’argent principalement dans les poches de la population ordinaire, tout en protégeant les privilèges des plus riches. Pourtant, les communes pourraient aller chercher leurs moyens parmi ce 1% de super-riches, les capitalistes et les spéculateurs. Mais les communes sont dirigées par ces mêmes partis au pouvoir à tous les niveaux. Pour nous y opposer, nous devons commencer à rassembler les forces qui veulent lutter contre l’austérité.”

    ANJA DESCHOEMACKER, tête de liste de Gauches Communes à Saint-Gilles

    “À Charleroi, il y a seulement un emploi disponible pour 40 chômeurs. Il faut s’attaquer au chômage, pas aux chômeurs. Ce qu’il faut, c’est des emplois de qualité pour tous. La commune pourrait montrer l’exemple en lançant un vaste programme de travaux publics répondant aux besoins urgents de la population, construction et rénovation des logements, des crèches, des écoles,… Mais aussi en diminuant le temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires pour l’ensemble des travailleurs communaux. Ce ne sera possible que si nous nous décidons à aller chercher l’argent là où il est, dans les poches du patronat !”

    STEFANIE LAGAE, candidate sur la liste Front de Gauche à Charleroi

    “Aujourd’hui, à Liège comme ailleurs, seule manque la volonté politique pour réquisitionner les dizaines d’immeubles inoccupés qu’on laisse pourrir pour spéculer et qui pourraient très bien abriter les nombreuses familles en attente d’un logement social. Faute de responsables politiques qui défendent nos interêts, c’est nous, travailleurs, qui devons nous mobiliser pour imposer une politique qui réponde à nos besoins.”

    SIMON HUPKENS, candidat sur la liste VEGA à Liège


    Faites campagne avec nous !

    Il y a des candidats du PSL à Bruxelles à Saint-Gilles (Gauches Communes), Ixelles (Gauches Communes), Anderlecht (Gauches Communes) et Jette (Gauches Communes) ; en Wallonie à Liège (Vega) et Charleroi (Front de Gauche) et en Flandre à Gand (Rood!), Anvers (Rood!), Termonde (LSP), Zottegem (LEEF!), Keerbergen (LSP-Rood!). Là où nous ne sommes pas présents, nous appelons à voter pour des syndicalistes combatifs et des candidats issus du mouvement ouvrier.

    Le Parti Socialiste de Lutte n’est pas actif qu’au moment des élections. Nous sommes impliqués au quotidien dans des luttes, mouvements et campagnes sur les lieux de travail, dans les quartiers et parmi la jeunesse. Contre la crise du capitalisme, il nous faut une gauche ouverte et unifiée. Le PSL veut participer à sa construction. Soutenez nos campagnes financièrement, participez à nos activités ou mieux : rejoignez-nous ! Numéro de compte: 001-2260393-78 du LSP. Pour plus d’infos / devenir membre, contactez-nous via info@socialisme.be ou au 02/345.61.81.

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    Rejoignez le PSL ! Le PSL-LSP essaye le plus possible d’impliquer ses membres dans l’activité. Nous tenons des réunions de discussion politique hebdomadaires et menons campagne sur les lieux de travail, dans les quartiers, aux universités, aux écoles,… Voulez-vous également jouer un rôle actif contre le capitalisme? Rejoignez-nous aujourd’hui, contactez-nous pour une discussion avec un militant! info@socialisme.be 02/345.61.81.

  • Espagne : Les mineurs se rendent à Madrid et montrent la voie de la lutte aux travailleurs !

    Pour une grève générale de 48 heures destinée à renverser le gouvernement Rajoy

    Des milliers de mineurs sont arrivés à Madrid la semaine dernière, au terme d’une marche sur la capitale dans le cadre de leur lutte pour défendre leurs emplois. Ils y ont été accueillis par des milliers de travailleurs et jeunes madrilènes descendus afin d’exprimer leur solidarité tandis que des pompiers les ont escortés à travers la capitale, jusqu’au devant du parlement. Le jour même de l’arrivée des mineurs, Rajoy et le gouvernement de droite du PP (Parti Populaire) ont annoncé de nouvelles mesures budgétaires, qui comprennent selon divers observateurs les pires coupes budgétaires depuis 1956, à l’époque de la dictature fasciste de Franco.

    John Hird, Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne)

    La couverture du magazine satirique EL JUEVES montre Mariano Rajoy embrasser à pleine bouche le joueur de foot Iker Casillas, en parodie du fameux baiser qu’Iker avait donné à sa compagne lorsque l’Espagne avait remporté la coupe du monde de foot il y a deux ans. Rajoy a tout tenté pour être associé à la récente victoire de l’équipe espagnole lors de la coupe de l’Euro 2012. Rajoy a même appelé le coach Vincente Del Bosque à “gagner la coupe pour l’Espagne afin de nous aider à oublier la crise.” Del Bosque a répondu que son équipe ferait de son mieux, mais que la victoire ne résoudrait pas les problèmes sociaux-économiques du pays. Quel grand coach et quel homme avisé !

    Les mineurs des Asturies et d’autres régions ont apporté la lutte de classe jusqu’à la porte de Rajoy et ont balayé le facteur ’Euro Cup’. Le célèbre footballeur David Villa (du FC Barcelone et de l’équipe nationale) a même ouvertement déclaré son soutien pour les mineurs et leur lutte. Alors que les mineurs étaient en marche à Madrid, ils chantaient : "Esta es nuestra selección" (“voilà notre équipe”.) Un mineur a commenté dans les médias qu’il s’attendait à un bon accueil à Madrid, mais qu’avec l’accueil incroyable qu’ils ont finalement reçu, il se sentait réellement comme étant dans ’La selección’.

    L’arrivée des mineurs à Madrid a été telle une catharsis pour les autres couches de travailleurs également cibles d’attaques antisociales, comme les pompiers, les enseignants et les fonctionnaires locaux. “Les mineurs sont notre fierté!” Les chants d’encouragement de ces travailleurs illustrent que le mouvement des mineurs rassemble la colère qui vit en Espagne. Les mineurs eux-mêmes reprennent des chants de la guerre civile espagnole comme “Santa Barbara”. Même le grand quotidien bourgeois El Pais admet l’idée que la “lucha obrera” (la lutte ouvrière) reprend de la vigueur. Mais en général, les médias espagnols continuent de jouer un rôle des plus lamentables. Alors que des dizaines de milliers de travailleurs manifestent dans les rues de Madrid, les chaînes de TV continuent de diffuser un menu d’émissions de sport, de films américains et de d’émissions de variété.

    La presse gouvernementale ne fait que publier des mensonges à propos des mineurs. Selon ABC, les mines sont si sûres que les femmes peuvent s’y rendre en hauts talons, alors que les mineurs reçoivent des salaires de 2.100 euros par mois, ce qui est loin d’être le cas. Les mineurs auraient dilapidé les millions d’euros de subsides qu’ils ont reçu et – l’attaque n’est pas neuve – ce seraient des gens violents. Dans les faits, les mineurs reçoivent en moyenne un salaire compris entre 1.000 et 1.500 euros par mois pôur un travail très dangereux. Un policier gagne environ 1.900 euros.

    Toute l’industrie est subsidiée en Espagne, y compris les transports et l’agriculture. Pourquoi s’en prendre aux mineurs, dont les subsides ne représentent qu’1% de l’aide publique totale ? Les banques espagnoles ont encore récemment reçu une centaine de milliards d’euros, et où est passé tout cet argent ? Les subsidies accordés aux compagnies minières ont été gaspillées auprès des entreprises minières privées et des gouvernements locaux et régionaux. Cela aurait dû être consacré à l’amélioration des infrastructures et à la création d’emplois. Les mineurs ne sont pas responsables de cela, et de nombreux travailleurs espagnols le comprennent fort bien. Concernant la violence, que peut-il bien y avoir de plus violent que la destruction brutale de 8.000 emplois directs dans les mines et de 30.000 emplois indirects dans toute la collectivité ? La seule réponse de Rajoy face aux exigences des mineurs a été de mobiliser la police nationale et la Garde Civile, ce qui constitue une véritable provocation pour les communautés de mineurs. Les mineurs et leurs familles ont déjà souffert de leur brutale répression. A Ciñera, León, des balles en caoutchouc ont été utilisées, de même que des gaz lacrymogènes.

    Les mineurs féminines ont aussi marché des Asturies à Madrid, et les femmes des mineurs ont aussi commencé à s’organiser. Des milliers de personnes ont pris part aux manifestations massives aux portes du ministère de l’Industrie, avec les mineurs aux côtés de leurs familles et de travailleurs de tous les secteurs de Madrid, parmi lesquels les travailleurs du secteur de l’enseignement. Les manifestations se sont principalement déroulées pacifiquement, malgré les provocations policières. Mais de véritables batailles rangées ont eu lieu, avec le quartier général du Parti Populaire protégé par une douzaine de véhicules armés de la police.

    Les politiciens vivent en plein déni. Esperanza Aguirre, présidente de la communauté de Madrid, a refusé d’admettre l’ampleur de la marche des mineurs, tandis que Rajoy n’a jusqu’à présent pas une seule fois mentionné leur cas. A Los Cortes, seul le dirigeant d’Izquierda Unida (Gauche Unie) a quelque peu reflété la colère qui prend place dans le pays en affirmant que les récentes mesures de coupes budgétaires étaient comme de jeter de l’essence dans les rues d’Espagne.

    Pour une grève générale de 48 heures

    Alors que les mineurs étaient en pleine manifestation, Rajoy a annoncé une augmentation de la TVA de 3% et une réduction importante des allocations de chômage. Rajoy a affirmé que cela “encouragerait” les chômeurs à trouver de l’emploi ! Il y a actuellement plus de 5 millions de travailleurs sans emploi dans le pays… Au total, le pays devra économiser sur les deux ans et demi à venir, c’est à dire d’ici à la fin 2014, 65 milliards d’euros supplémentaires, en plus des précédentes mesures. Le gouvernement capitaliste propose aussi de réduire le nombre de permanents dans les syndicats afin de les rendre moins aptes à défendre les travailleurs. Des protestations spontanées de travailleurs du secteur public (enseignants, fonctionnaires, éboueurs, et même certaines sections de la garde civile) ont eu lieu dans les rues. Selon El Pais, certains membres de la police anti-émeute ont retiré leurs casques à un moment, en signe de solidarité. Tout cela n’est qu’une anticipation de l’explosion sociale massive et des lutes qui vont surgir en Espagne au cours des prochaines mois.

    Samedi dernier, Rajoy a dû annuler des apparitions publiques en raison des protestations. D’anciens premiers ministres, comme Aznar et Zapatero, ont déjà dû faire face à une aversion semblable. Mais comme El Pais le souligne, ils ont eu à le faire après 5 années passées au pouvoir alors que Rajoy n’est au pouvoir que depuis 6 mois !

    La ligne de front est claire. Le gouvernement n’agit que pour le grand capital. Leur seule politique est de faire payer les pauvres et la classe ouvrière. Hier encore, de nombreux travailleurs étaient en colère face à ce constat, mais n’avaient pas encore la confiance suffisante pour résolument parti à la contre-attaque. C’était hier. Aujourd’hui, les mineurs espagnols ont montré la voie de la résistance à toute la classe des travailleurs. Les syndicats ont appelé à des protestations nationales pour ce 19 juillet. Cela ne sera pas suffisant. Une grève générale de 48 heures est nécessaire en tant que prochaine étape dans la lutte pour renverser le gouvernement Rajoy et lutter pour une alternative favorable aux travailleurs.


    La police anti-émeute solidaire des manifestants

    Sur la photo ci-dessous, on peut voir les policiers placés devant le Parlement de Madrid retirer leurs casques afin de soutenir les manifestants. Cette image est bien entendu très populaires sur les médias sociaux, tandis que la presse traditionnelle reste étrangement silencieuse à ce sujet…

  • Crise de la zone euro. Le capitalisme espagnol chancelle

    L’Espagne a maintenant rejoint la Grèce dans le club des pays à grands problèmes. L’approfondissement de la crise européenne est proprement effrayant. L’Espagne est la quatrième économie de l’Union européenne : quasiment deux fois la taille des économies de celles de Grèce, d’Irlande et du Portugal réunies ! Le pays était déjà victime des conséquences de sa bulle immobilière et d’un marché de l’emploi avec un taux de chômage supérieur à 25% (et de plus de 50% parmi la jeunesse). Le pays est maintenant frappé de plein fouet par la crise internationale et le rôle destructeur du capital financier.

    Par Peter Delsing, article issu de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    De l’indignation à la grève des mineurs

    Les illusions entretenues par les capitalistes espagnols envers les capacités de la droite de reprendre la situation en main de manière décisive furent bien éphémères. Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy (Parti Populaire), s’est retrouvé face à une furieuse opposition de la part de la classe ouvrière espagnole. La grève générale du 29 mars contre les réformes du travail a mobilisé des millions de travailleurs. Le premier mai, plus d’un million de personnes étaient dans les rues. Le 12 mai, le premier anniversaire du mouvement des Indignés, un million de personnes ont manifesté dans des dizaines de villes. Le 22 mai la grève de l’enseignement a connu un taux de participation de 80%. Ces actions, surtout en l’absence de réelle stratégie de la part des directions syndicales, illustrent la volonté des jeunes et des travailleurs de mener une bataille acharnée contre les tentatives du capitalisme de décimer leur niveau de vie.

    Dans les Asturies, la résistance massive des mineurs, de leurs familles et même des commerces locaux est indicative du type de confrontations que nous allons voir de plus en plus se développer. Le gouvernement veut supprimer plus de 60% des subventions à l’industrie, 8.000 emplois sont directement en jeu, des dizaines de milliers indirectement. La tradition de résistance des mineurs a ses racines dans la dictature de Franco et même avant, dans les années ’30. Ils ont érigé des barricades afin de protéger leurs communautés et leurs emplois et sont parvenus à bloquer la police à plusieurs reprises, parfois lors de scènes semblant issues de la guerre civile. Avec leurs méthodes militantes et l’organisation d’une résistance de masse, les mineurs ont également reçu le soutien des petits commerçants. En Belgique, les dirigeants syndicaux regardent ces commerçants plutôt comme des adversaires.

    Si les dirigeants des grands syndicats et du parti de gauche Izquierda Unida étaient aussi combatifs et déterminés que leur base, le gouvernement ne tiendrait pas jusqu’à la fin de l’année. D’ici là, le gouvernement veut encore assainir 27 milliards d’euros dans les dépenses publiques. La section espagnole du Comité pour une Inter nationale Ouvrière, Socialismo Revolucionario, appelle à une grève générale de 48 heures afin de continuer sur la lancée du succès de la grève générale du 29 mars et pour que le mouvement des Indignés se saisisse de cette occasion pour en faire son angle d’attaque.

    Le gouvernement espagnol n’a-t-il pas besoin d’un renflouement ?

    Le bluff de Rajoy et du Partido Popular n’a pas marché. Ils ont tout d’abord clamé que l’Espagne n’avait pas besoin d’un plan de sauvetage, qu’il s’agissait seulement d’une aide pour les banques. Les dettes de l’Etat semblaient limitées au début de cette crise, à environ 60% du Produit Intérieur Brut. Mais elle a très vite augmenté. La nationalisation et le sauvetage de Bankia – un conglomérat de différentes banques – va pousser la dette espagnole à 80% ou 90% du PIB.

    Actuellement, l’Espagne a une dette nationale de 595 milliards d’euros, ce à quoi il faut maintenant ajouter l’aide européenne pour le secteur bancaire. Ce dernier montant peut atteindre les 100 milliards d’euros, une somme trouvée en quelques heures parce que l’Espagne est ‘‘too big to fail’’ (trop grande pour foirer). Les audits privés sur lesquelles se base le gouvernement parlent dans ‘‘le pire des cas’’ de 62 milliards d’euros pour ces banques. Mais ce n’est là que le sommet de l’iceberg. Au premier trimestre de 2012, les prix de l’immobilier ont baissé de 13%, la plus forte baisse sur base annuelle depuis le début de la crise. La crise du secteur de la construction s’approfondit. D’autres études indiquent que les banques Espagnoles auront besoin de 134 à 180 milliards d’euros pour se recapitaliser dans les années à venir.

    Selon la RBS (Royal Bank of Scotland) le gouvernement Rajoy devra refinancer ses obligations d’Etats pour un montant de 155 milliards d’euros d’ici 2014. Dans cette même période, 121 milliards doivent être trouvés pour financer le déficit budgétaire. Le fait que 40% des dépenses publiques soient effectuées par les régions et les autorités locales, avec toutes les tensions nationales présentes en Espagne, ne rend pas la question plus aisée à résoudre. Le gouvernement espagnol sera forcé de tirer la sonnette d’alarme à un moment donné. La résistance de la population contre la barbarie et le déclin de la civilisation sera un élément crucial dans ce développement.

    Les banques espagnoles sont propriétaires d’un tiers des obligations d’Etat espagnoles. Les banques et le gouvernement se tiennent mutuellement dans un étau. Si le gouvernement ne peut plus payer ses dettes, le secteur bancaire sera décimé. Si les banques s’effondrent, la dette publique sera insoutenable à cause des garanties sur l’aide européenne.

    Le parti de gauche Izquierda Unida remonte dans les sondages mais, malheureusement, le parti est beaucoup moins résolu que Syriza, en Grèce, à s’opposer à l’austérité. La direction du parti s’est fait rappeler à l’ordre par sa base concernant une coalition régionale avec le PSOE, le parti social-démocrate tout entier acquis au néolibéralisme. La constitution d’une véritable gauche socialiste et combative au sein des syndicats et d’Izquierda Unida est de la plus haute importance pour développer la résistance de masse contre le capitalisme et pour une société socialiste démocratique.

  • Espagne : Solidarité avec les luttes des mineurs

    Depuis plus d’un mois les mineurs de plusieurs régions d’Espagne sont entrés dans une lutte déterminée afin de protester contre la diminution drastique des subventions au secteur minier de la part du gouvernement qui au même moment, renfloue à hauteur de 24 milliards la Bankia. Il s’agit d’une atteinte de plus aux conditions de vie des 99% afin de satisfaire l’avidité des 1%.

    Par Nicolas P. (Bruxelles)

    Depuis le 28 mai, les milliers de mineurs des régions des Asturies, de Léon et d’Aragon ont entamé une grève, devenue illimitée trois jours plus tard. Pour des raisons d’économies budgétaires, le gouvernement espagnol entend réduire de 63% les subventions accordées au secteur minier, ce qui représente la somme de 190 millions d’euros pour l’année 2012. Il s’agit de la suppression des deux tiers des subventions, et donc, dans les faits, de la fermeture d’ici 2018 des mines qui n’emploient plus aujourd’hui que 8000 personnes (contre plus de 45 000 en 1991).

    La grève illimitée a conduit à l’occupation des mines, de puits, de routes et de chemins de fer. Le 18 juin, les deux grands syndicats espagnols, l’UGT et la CC.OO ont lancé un mot d’ordre de grève générale dans les régions concernées, les Asturies, l’Andalousie, en Castille et en Aragon. Celle-ci a partout été massivement suivie. Une des raisons du succès de la solidarité envers les mineurs est sans aucun doute le fait qu’au moment même ou la vie des dizaines de milliers de personnes est jetée à la poubelle, le gouvernement cherche et trouve près de 24 milliards d’euros, afin de soutenir de façon touchante la Bankia (conglomérat de banque qui se vante d’un chiffre d’affaires de 486 milliards d’euros) qui décidément nécessitait un coup de main de la part d’amis dévoués. Une solidarité sélective de la part du gouvernement espagnol qui pousse toute la population à l’indignation et à la colère. Ce n’est pas une nécessité ”mal comprise” par les gens stupides comme se plaisent à le faire croire les médias traditionnels, mais bien un choix politique parfaitement compris et totalement rejeté par la population, un choix qui favorise les 1% au détriment de la vie des 99%.

    Le 18 juin des manifestations ont eu lieu dans tout le pays avec des records à Oviedo (50.000 participants) et à Léon (150.00 manifestants) avec l’occupation du conseil provincial. Une ”marche noire” a débuté fin juin et devrait se terminer le 11 juillet à Madrid. Partout la police a tenté d’attaquer les grèves et les manifestations mais a dû reculer face au soutien indéfectible de la population locale. Les scènes de violence, de barricades en feu et de lance-roquettes improvisés ont fait la une de la presse, celle-ci trop heureuse d’éviter une analyse de fond pour se consacrer à de violents discours contre la brutalité primaire d’ouvriers incapables de comprendre que leur emploi ne peut avoir de place dans une économie mondialisée et des finances publiques saines.

    Ce mouvement n’est pas sans rappeler les grèves des Asturies qui, entre 1962 et 1963, avaient bousculé l’Espagne franquiste. Les mineurs étaient partis d’abord en lutte pour des augmentations de salaires et des conditions sociales meilleures et avaient ensuite orienté leurs actions vers les droits démocratiques comme la reconnaissance du droit de grève ou l’élection libre des représentants syndicaux. Malgré quelques concessions notables, le mouvement n’avait pas réussi à renverser le régime franquiste, notamment à cause d’erreurs tactiques de la part du Parti Communiste Espagnol, fer de lance de la lutte dans les régions concernées. Cependant, l’ampleur du mouvement est attestée par Guy Debord qui écrivait qu’il s’agissait certainement de ”l’événement le plus important de l’année pour le mouvement ouvrier en Europe.”

    Comme lors de ce conflit, les mineurs d’aujourd’hui tiennent tête avec force aux policiers, déçus de ne plus pouvoir se défouler sans risque sur des Indignés. Le chef des unités de police spécialisées dans la lutte contre les ”désordres publics” (les CRS espagnols) a déclaré à la presse : ”Avez-vous vu les biceps de la plupart des mineurs. D’une simple gifle, ils arrachent les casques de nos hommes.” Un autre CRS, nostalgique des après-midi de ”gestion des foules” à la Puerta Del Sol déclarait qu’avec les étudiants au moins ”on leur file un coup et le sang coule de leur nez délicat.” Le chômage des jeunes est de plus de 60% dans les régions concernées et avec la mort du secteur minier, c’est toute une partie de l’Espagne qui risque de sombrer dans la misère. La résistance est donc à la hauteur du risque, n’en déplaise aux policiers et au gouvernement.

    Les arguments classiques contre les mineurs et leur travail sont visibles partout dans les médias : archaïque, polluant, coûteux… Un dernier adjectif qui pourrait tout aussi bien qualifier la ratification du Traité de stabilité, qui oblige aujourd’hui l’Espagne à appliquer une austérité brutale qui, de toute évidence, n’enchante pas tout le monde. Avant même le mouvement des mineurs, l’Espagne connaissait une grève générale le 29 mars, suivie par plus de dix millions de travailleurs à travers le pays. La lutte des mineurs doit s’inscrire dans une lutte globale contre l’austérité afin de répondre sur tous les fronts aux injonctions des banques et des marchés. Un gouvernement qui s’opposerait à celle-ci défendrait réellement les intérêts des travailleurs et serait en mesure de nationaliser la totalité du secteur énergétique du pays et d’allier progrès écologique avec la sauvegarde d’emplois et de conditions de vies décentes.

  • Théorie. La révolution espagnole 1931-1939

    D’emblée, certains se demanderont pourquoi nous parlons de « révolution » espagnole. Et effectivement, lorsque nous parcourons les manuels d’histoire, on évoque le plus souvent ces événements sous le terme de « guerre d’Espagne » ou « guerre civile espagnole ». Il ne s’agit cependant pas d’une simple querelle de termes ; il s’agit d’une déformation consciente de l’idéologie dominante visant à éluder tout le caractère de classe de ce conflit. C’est donc volontairement que nous utilisons le mot « révolution ». Ce mot a le mérite d’éviter tout malentendu et de mieux cerner ces événements dans leurs justes proportions.

    Cédric Gérôme

    La révolution espagnole est pour nous une expérience historique extrêmement riche en leçons. Il s’agit tout en même temps d’une confirmation éclatante de la théorie de la révolution permanente développée par Trotsky, d’une démonstration pratique, si besoin en est encore, de la faillite des méthodes anarchistes dans la lutte du mouvement ouvrier révolutionnaire, et enfin, d’un exemple de plus du rôle objectivement contre-révolutionnaire qu’a joué le stalinisme dans la lutte des classes.

    Trotsky disait que l’héroïsme des travailleurs espagnols était tel qu’il eût été possible d’avoir 10 révolutions victorieuses dans la période 1931-1937. Pour exemple, on a dénombré pas moins de 113 grèves générales et 228 grèves partielles en Espagne rien qu’entre février et juillet ’36 ! Malheureusement, par le manque d’un parti révolutionnaire à même d’amener le mouvement à ses conclusions logiques, la politique du « Front Populaire » prônée par les staliniens va ouvrir la voie à 40 ans de régime fasciste pour la classe ouvrière espagnole. Il est donc plus qu’important d’étudier les leçons de cet épisode de l’histoire pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.

    L’Espagne: le maillon faible

    Dans les années ’30, l’Espagne est un des maillons les plus faibles de la chaîne du capitalisme européen. L’Espagne reste à cette époque un pays arriéré, agricole, où 70% de la population vit dans les campagnes. Dans l’ensemble du pays, la terre appartient essentiellement à la classe des propriétaires fonciers ; 50.000 d’entre eux possèdent la moitié du sol. Le poids de l’Eglise catholique espagnole donne une image assez claire de ce monde rural médiéval : à côté de la masse paysanne qui compte encore 45% d’illettrés, on dénombre plus de 80.000 prêtres, moines ou religieuses, ce qui équivaut au nombre d’élèves des écoles secondaires et dépasse de 2 fois et demi le nombre d’étudiants…Si l’Espagne a connu un « âge d’or », période de floraison et de supériorité sur le reste de l’Europe au 15è-16ème siècle, cette situation s’est transformée en son contraire suite à la perte de ses positions mondiales, celle-ci s’étant achevée au 19ème siècle par la perte des dernières colonies en Amérique du Sud.

    Dans le courant du 19ème siècle et durant le 1er tiers du 20ème siècle, on assiste en Espagne à un changement continuel de régimes politiques et à des coups d’état incessants (les « pronunciamentos »), preuve de l’incapacité aussi bien des anciennes que des nouvelles classes dirigeantes de porter la société espagnole en avant. En réalité, la société de l’ancien régime n’avait pas encore fini de se décomposer que déjà la société bourgeoise commençait à ralentir. Trotsky analysait la situation comme suit : « La vie sociale de l’Espagne était condamnée à tourner dans un cercle vicieux tant qu’il n’y avait pas de classe capable de prendre entre ses mains la solution des problèmes révolutionnaires ».

    Cependant, la période de la première guerre mondiale et le rôle neutre que va y jouer l’Espagne, vont amener de profonds changements dans l’économie et la structure sociale du pays, créer de nouveaux rapports de force et ouvrir de nouvelles perspectives. Cette période va en effet voir s’amorcer une industrialisation rapide du pays, et son corollaire : l’affirmation du prolétariat en tant que classe indépendante. Les années 1909, 1916, 1917, 1919 seront des années de grandes grèves générales en Espagne, mais dont les défaites successives vont préparer le terrain pour la dictature militaire bonapartiste du Général Primo de Riveira. Il s’agira par là de mettre un terme à l’agitation ouvrière et paysanne, en s’en prenant aux principales conquêtes ouvrières et aux relatives libertés démocratiques qui permettaient, dans une certaine mesure, l’organisation des ouvriers et des paysans.

    Cependant, cette dictature n’assure aux classes dominantes qu’un bref répit. L’inflation galopante qui dévore les salaires et le niveau de vie, puis la crise économique de ’29 qui mine profondément la base du régime vont obliger le roi, pour préserver la monarchie, à se débarasser de Primo de Riveira en 1930. Et de la même manière, un an plus tard, les classes possédantes obligeront le roi Alfonso XIII à faire ses bagages et sacrifieront la monarchie dans le but de sauver leur propre peau ;autrement dit, dans le but de ne pas faire courir au pays le risque d’une révolution « rouge »…

    La République : portier de la révolution

    Le 14 avril 1931, la République est donc proclamée. Il ne s’agit toutefois que d’un changement de façade, du remplacement d’un roi par un président, d’une opération à laquelle ont recours les classes possédantes afin de bénéficier d’un nouveau sursis et de calmer les ardeurs des masses. Mais cela aura l’effet inverse : la proclamation de la République nourrit les aspirations des masses et ouvre un processus révolutionnaire qui s’étendra sur plusieurs années. Pendant toute cette période cependant, le facteur subjectif (la direction du mouvement ouvrier) restera en retard par rapport aux tâches du mouvement : c’est la faiblesse de ce facteur qui conduira le mouvement à sa perte.

    L’anarchisme dispose à l’époque d’une influence beaucoup plus importante en Espagne que dans les pays industrialisés d’Europe Occidentale. La CNT (Confédération Nationale du Travail), de tendance anarcho-syndicaliste, rassemble autour d’elle les éléments les plus combatifs du prolétariat espagnol, même si elle n’a aucune perspective et aucun programme à offrir à sa base. En 1918, elle réunit déjà plus d’un million de syndiqués. Cette prépondérance des anarchistes en Espagne s’explique par plusieurs raisons :

    – le rôle de premier plan qu’a joué la CNT dans l’organisation de la grève générale insurectionnelle de 1917 <br- le tournant à droite que connaît le PSOE (Parti Socialiste Ouvrier Espagnol) après la première Guerre Mondiale, suivant la tendance générale de toute la social-démocratie en Europe. Cela va se marquer fortement en Espagne par le fait que le PSOE et la centrale syndicale qu’il contrôle, l’UGT (Union Générale des Travailleurs) se prononcent en 1923 pour une collaboration avec la dictature militaire. Le secrétaire général de l’UGT, Francisco Largo Caballero, celui que d’aucuns qualifieront par la suite, et à tort, de « Lénine espagnol », sera même conseiller d’Etat sous Primo de Riveira !

    – l’inconsistance du Parti Communiste Espagnol, qui sera affaibli tant par la répression systématique qu’il subit sous la dictature que par sa politique sectaire qui l’isole des masses. En effet, à partir de ’24, le PCE subit le même sort que tous les PC, soumis mécaniquement aux ordres et zigzags de la bureaucratie stalinienne en URSS. Pour exemple, lors de la proclamation de la République, le PCE, suivant la ligne ultra-gauche de l’Internationale, reçoit la consigne de lancer le mot d’ordre de : « A bas la République bourgeoise ! Tout le pouvoir aux soviets ! » dans un pays et à une période où il n’existe pas l’ombre d’un soviet ou d’un organisme semblable. Le résultat de cette politique désastreuse est qu’en avril ’31, moment de l’avènement de la République, le PCE ne compte pas plus de 800 membres dans l’ensemble de l’Espagne.

    Le premier gouvernement républicain est formé d’une coalition entre les Socialistes et les Républicains. Ces derniers sont les principaux représentants politiques de la bourgeoisie et se caractérisent par un programme social extrêmement conservateur. Trotsky expliquait : « Les républicains espagnols voient leur idéal dans la France réactionnaire d’aujourd’hui, mais ils ne sont nullement disposés à emprunter la voie des Jacobins français, et ils n’en sont même pas capables : leur peur devant les masses est bien plus forte que leur maigre velléité de changement. » Et de fait, cette coalition républicano-socialiste, à cause de la crise mondiale du capitalisme, est bien incapable de tenir ses promesses et de réaliser les tâches élémentaires, bourgeoises, qui se posent au pays : la réforme agraire, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et la résolution de la question nationale. Celle-ci est particulièrement aigüe en Espagne, dans la mesure où, l’unification nationale n’étant pas arrivée à son terme, deux régions –bastions de l’industrie-, la Catalogne et le Pays Basque, manifestent de sérieuses tendances séparatistes. Cela rajoute un élément explosif au contexte de crise générale que traverse la société espagnole.

    L’impuissance du nouveau gouvernement face aux problèmes historiques du pays alimente les contradictions sociales et les divergences au sein du mouvement ouvrier. Celui-ci s’engage dans une série de grèves qui sont réprimées sans ménagement. Parallèlement, la paysannerie s’engage dans des tentatives de saisir la terre, mais là aussi , la seule réponse du gouvernement est d’envoyer les troupes. La CNT, à la tête de laquelle domine le courant aventuriste, putschiste et anti-politique de la FAI ( Fédération Anarchiste Ibérique), s’engage quant à elle dans une série d’insurrections locales, éphémères et désorganisées qui sont violemment réprimées dans le sang. Quant au PC, il continue d’appliquer mécaniquement les analyses et les mots d’ordre élaborées dans le cadre de la politique dite « de la 3ème période », caractérisée par son sectarisme et son refus de l’unité ouvrière.

    La définition de la social-démocratie comme « social-fasciste », qui aboutira en Allemagne à la victoire sans combat des bandes hitlériennes, est appliquée à la situation espagnole. Mais ici, les staliniens vont encore plus loin : ils étendent cette définition aux anarchistes, désormais qualifiés d’ « anarcho-fascistes » ! Il est évident que cette politique contribue davantage à les isoler.

    Pendant ce temps, les communistes oppositionnels s’efforcent de promouvoir une autre politique. Sous l’impulsion d’Andrès Nin, ancien cadre de la CNT et ami personnel de Trotsky, ainsi que d’autres militants trotskistes, l’opposition de Gauche, appelée « Izquierda Comunista » (=Gauche Communiste) est créée officiellement en Espagne en 1932. A peu près à la même période se crée également le Bloc Ouvrier et Paysan, dirigé par d’anciens membres du PCE, et dont le principal dirigeant, Joacquin Maurin, ne cache pas ses tendances boukhariniennes. Ce parti refuse de prendre position entre trotskistes et staliniens, et adopte une ligne très opportuniste sur la question nationale, se déclarant « séparatiste » en Catalogne et soutenant, sans distinction, tous les mouvements indépendantistes catalans.

    Le fascisme : la réaction bourgeoise en marche

    Les élections d’octobre ’33 donnent l’avantage à la droite, qui profite de la faillite de la coalition socialiste-républicaine des 2 années précédentes. Pour ce nouveau gouvernement, il ne s’agit plus simplement d’une alternance de pouvoir, mais d’un début de contre-attaque contre le mouvement ouvrier, pour laquelle d’autres moyens qu’électoraux seront employés si nécessaire. Le nouveau gouvernement, présidé par un certain Lerroux, donne d’exorbitantes subventions au clergé, diminue les crédits de l’école publique, engage massivement dans la police et l’armée. Les groupes d’extrême-droite descendent dans la rue avec la protection ouverte des autorités ; les fascistes commencent à attaquer locaux et journaux ouvriers.

    Mais la victoire de la droite n’est pas la seule conséquence de la politique de collaboration de classes des socialistes. Dans les rangs du PSOE, et plus particulièrement de la Jeunesse Socialiste, se dessine un courant qui remet radicalement en question la défense de la démocratie bourgeoise et l’optique réformiste de la direction. Ce développement aura d’importantes répercussions par la suite…

    Après plusieurs hésitations, le gouvernement Lerroux décide d’intégrer dans son cabinet 3 membres de la CEDA, parti catholique d’extrême-droite. La CEDA est sans cesse menacée d’être débordée sur sa droite, soit par sa propre organisation de jeunesse , la Juventud de Accion Popular (J.A.P.) que dirige Ramon Serrano Suner, beau-frère de Franco, admirateur d’Hitler et de Mussolini, grand pourfendeur de « juifs, franc-maçons et marxistes », soit par la Phalange, au programme et aux méthodes typiquement fascistes, que dirige José Antonio Primo de Riveira, fils du dictateur et agent du gouvernement fasciste italien.

    L’épisode de la « Commune Asturienne »

    La nouvelle composition du gouvernement, comprenant 3 ministres d’extrême-droite, est considérée comme une déclaration de guerre par le mouvement ouvrier. Elle provoque sa réaction immédiate ; les travailleurs espagnols sont en effet bien décidés à ne pas subir le même sort que leurs camarades allemands et autrichiens, qui viennent de succomber sous la botte du régime nazi. L’UGT lance le mot d’ordre de grève générale, tandis que la CNT, sur le plan national, ne bouge pas. Finalement, 3 foyers insurrectionnels se déclarent : Barcelone, Valence et les Asturies. A Barcelone et à Valence, le gouvernement rétablit facilement son autorité, du fait que la CNT s’est positionné contre la grève et a ainsi brisé le front unique.

    Dans les Asturies en revanche, la CNT rejoint la lutte, ce qui donne à celle-ci un autre impact. Dans tous les villages miniers se constituent des comités locaux qui prennent le pouvoir. Etant sûr de tenir le reste de l’Espagne, le gouvernement central emploie les grands moyens et écrase dans le sang ce que l’on appellera la «Commune Asturienne ». La répression est féroce : plus de 3000 travailleurs tués, 7000 blessés et plus de 40.000 emprisonnés. L’instigateur de cette répression n’est autre que Francisco Franco.

    Création du POUM et entrée en scène des staliniens

    Après cet épisode, on assiste à des reclassements rapides au sein du mouvement ouvrier. Trotsky préconise l’entrée de la Gauche Communiste dans le PSOE afin d’opérer la jonction avec l’aile gauche des Jeunesses Socialistes en train de se radicaliser. Nin, comme la majorité des dirigeants de la GC, refuse le conseil de Trotsky, rompt avec celui-ci et s’oriente vers une fusion avec le Bloc Ouvrier et Paysan. Cette fusion aboutira à la création du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste) en 1935, qui compte alors quelques 8000 militants et une base ouvrière réelle, surtout en Catalogne, mais qui ne dispose pas d’un caractère national. C’est là une lourde responsabilité et une grave erreur qu’ont pris sur eux les dirigeants de l’Opposition de Gauche, laissant sans perspectives cette jeunesse socialiste qui se cherche et qui, comme le disait Trotsky, « en arrivait spontanément aux idées de la 4ème Internationale ».

    Car dans le même temps, l’Internationale Communiste stalinienne opère un tournant radical à 180° et adopte une ligne complètement nouvelle lors de son 7ème congrès, préconisant la politique du Front Populaire, à savoir une coalition programmatique avec les républicains bourgeois. Rompant ainsi son isolement et jouant sur le prestige de la révolution russe dans cette période de troubles révolutionnaires, le PCE va ainsi réussir à attirer vers lui l’aile gauche du Parti Socialiste. Cela aboutit, en avril ’36, à la fusion entre la minuscule Jeunesse Communiste et la puissante organisation de la Jeunesse Socialiste, donnant naissance à la JSU (Jeunesse Socialiste Unifiée) qui constitue dès lors le levier principal de l’influence stalinienne en Espagne. En Catalogne, le PCE et le PSE fusionne carrément pour former le PSUC (Parti Socialiste Unifié de Catalogne) qui adhère, dès sa fondation, à la 3ème Internationale. De plus, le « tournant politique » de 1935 et les circonstances particulières de la guerre civile redonnent au communisme un visage attractif auquel cèderont, au moins dans un premiers temps, bien des libertaires endurcis.

    Le Front Populaire : une combinaison politique pour tromper les travailleurs

    A l’approche de nouvelles élections, alors que la polarisation de classes est à son plus haut niveau et que le danger fasciste se fait de plus en plus menaçant, un pacte d’alliance électorale – le futur Front Populaire- est signé entre les Républicains, le Parti Socialiste, le Parti Communiste, l’Esquerra catalane (parti nationaliste bourgeois) …et le POUM. Le programme du Front Populaire mentionnait pourtant explicitement le refus de la nationalisation des terres et des banques, le refus du contrôle ouvrier, l’adhésion à la Société des Nations,…bref, un programme qui, en toute logique compte tenu de ses principaux signataires, ne dépassait pas le cadre de la société bourgeoise. Les socialistes le qualifient d’ailleurs sans ambages de « démocratique bourgeois ».

    Le Front Populaire, présenté comme une alliance nécessaire avec la soi-disante bourgeoisie « progressiste » pour constituer le front le plus large contre le fascisme, va en réalité servir à freiner l’action révolutionnaire des masses et donner un sérieux coup de pouce à la victoire du fascisme. Le rôle du Front Populaire est clairement exprimé par cette déclaration du Secrétaire Général du PC de l’époque, José Diaz : « Nous voulons juste nous battre pour une révolution démocratique avec un contenu social. Il n’est pas question de dictature du prolétariat ou de socialisme mais juste d’une lutte de la démocratie contre le fascisme ».

    En réalité, la prétendue bourgeoisie « progressiste » n’existait que dans la tête des staliniens. La bourgeoisie industrielle de Catalogne avait été le plus fervent soutien à la dictature militaire de Primo de Riveira. La bourgeoisie espagnole était une bourgeoisie largement dépendante des capitaux étrangers, et entretenant des liens étroits avec l’aristocratie et les propriétaires terriens. Pour exemple, l’Eglise était simultanément le plus gros propriétaire de terres et le plus gros capitaliste du pays ! Difficile dans ces conditions d’admettre que « la bourgeoisie était dynamique et très intéressée par un changement politique. » (1). Pour tout dire, la bourgeoisie espagnole avait très bien compris que le fascisme était le seul et ultime rempart contre la montée du mouvement ouvrier. C’est pourquoi, déjà à cette époque, elle s’était rangée comme un seul homme derrière Franco…De la même manière que la montée révolutionnaire ne pouvait être véritablement vaincue que par la réaction fasciste, le fascisme ne pouvait être combattu que par la voie de la lutte révolutionnaire. Opposer un barrage légal au fascisme ne pouvait donc servir qu’à endormir les masses et à paralyser leur action ; en d’autres termes, à sauver la bourgeoisie.

    Dès la victoire du Front Populaire en février ’36, la classe ouvrière va montrer dans la pratique sa détermination à aller plus loin que le programme plus que modéré de celui-ci ; autrement dit, à éclater les cadres trop étroits du succès remporté aux urnes. Sans attendre le décret d’amnistie, les travailleurs espagnols ouvrent les portes des prisons et libèrent les milliers de prisonniers de la Commune Asturienne. Des défilés monstres et des grèves éclatent dans tout le pays, pour la réintégration immédiate des ouvriers licenciés, le paiement d’arriérés de salaires aux travailleurs emprisonnés, contre la discipline du travail, pour l’augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail. Les cheminots exigent la nationalisation des chemins de fer. A la campagne, les occupations de terre se multiplient, les fermiers refusent de payer leurs fermages. Le gouvernement de Front Populaire, lui, multiplie les appels au calme, demande aux travailleurs de « rester raisonnables afin de ne pas faire le jeu du fascisme », et reste passif, incapable d’apporter la moindre réforme digne de ce nom dans l’intérêt des ouvriers et des paysans.

    De plus, même si deux généraux suspects de conspiration sont éloignés de la capitale (Franco est nommé aux Canaries, Goded aux Baléares), le gouvernement fait preuve d’une grande tolérance vis-à-vis des éléments fascistes présents dans l’armée et l’appareil d’état. « Quelles sont les mesures drastiques qui ont été prises contre les provocateurs fascistes et contre les criminels ? Aucune.», reconnaît après coup Jiminez Asua, député socialiste à Madrid en ‘36. Le contraire eût d’ailleurs été étonnant. S’attaquer aux officiers fascistes de l’armée signifiait s’attaquer à la machine d’état sur laquelle se reposait la classe dominante, avec laquelle les représentants du Front Populaire n’étaient nullement prêts à rompre.

    La contre-révolution déclenche la révolution

    Mais alors que le gouvernement se porte garant de la fidélité des officiers à la république, le coup d’état des Généraux se prépare dans les hautes sphères de l’armée, tandis que Hitler et Mussolini fournissent argent et armes aux fascistes espagnols. Le coup d’état militaire éclate dans la nuit du 16 au 17 juillet 1936. Le chef du gouvernement prononce alors cette phrase célèbre, nouveau témoignage de toute la détermination du Front Populaire à combattre le fascisme : « Ils se soulèvent. Très bien. Et bien moi, je vais me coucher. »

    Contre toute évidence, le gouvernement nie la gravité de la situation, et refuse de distribuer des armes à la population, qui envahit par milliers les rues des grandes villes pour les réclamer. Il est clair que les politiciens bourgeois au gouvernement craignaient mille fois plus une classe ouvrière armée qu’une Espagne fasciste.

    Dès lors, la classe ouvrière prend l’offensive et commence à organiser la lutte armée. Dans la plupart des grandes villes, le peuple assiège les casernes, érige des barricades dans les rues, occupe les points stratégiques. On raconte que dans certaines régions, la population laborieuse se lançait à l’assaut des bastions franquistes avec des armes de fortune tels que des canifs, couteaux de cuisine, fusils de chasse, pieds de chaise, dynamite trouvée sur les chantiers, poêles, fourches,…bref, avec tout ce qu’elle pouvait trouver, et parfois même à mains nues ! La situation est très bien décrite par Pierre Broué (2) : « Chaque fois que les organisations ouvrières se laissent paralyser par le souci de respecter la légalité républicaine, chaque fois que leurs dirigeants se contentent de la parole donnée par les officiers, ces derniers l’emportent…par contre, ces mêmes officiers sont mis en échec chaque fois que les travailleurs ont eu le temps de s’armer, chaque fois qu’ils se sont immédiatement attaqués à la destruction de l’armée en tant que telle, indépendamment des prises de position de ses chefs, ou de l’attitude des pouvoirs publics légitimes ». Bien souvent, les travailleurs peuvent compter sur le soutien ou dumoins la sympathie d’une frange importante des soldats. C’est le cas dans la marine de guerre où la quasi-totalité des officiers sont gagnés au soulèvement, mais où les marins, sous l’impulsion de militants ouvriers, se sont organisés clandestinement en « conseils de marins ». Ces derniers se mutinent ; certains, en pleine mer, exécutent les officiers qui résistent, s’emparent de tous les navires de guerre et portent ainsi au soulèvement des généraux un coup très sérieux. « Au soir du 20 juillet, sauf quelques exceptions, la situation est clarifiée. Ou bien les militaires ont vaincu, et les organisations ouvrières et paysannes sont interdites, leurs militants emprisonnés et abattus, la population laborieuse soumise à la plus féroce des terreurs blanches. Ou bien le soulèvement militaire a échoué, et les autorités de l’Etat républicain ont été balayées par les ouvriers qui ont mené le combat sous la direction de leurs organisations regroupées dans des « comités » qui s’attribuent, avec le consentement et l’appui des travailleurs en armes, tout le pouvoir. » (3)

    La lutte armée ne représente effectivement qu’un aspect de ce vaste mouvement d’ensemble initié par la classe ouvrière : en réalité, la contre-révolution avait déclenché la révolution. Le putsch des chefs militaires ne réussit qu’à accélérer le processus de transformation de la société déjà commencé dans les faits. L’Espagne se couvre de comités ouvriers qui entreprennent la remise en marche de la production et la direction des affaires courantes. Pour exemple, à Barcelone, les travailleurs, dès les premiers jours, prennent en main les transports en commun, le gaz, l’électricité, le téléphone, la presse, les spectacles, les hôtels, les restaurants , et la plupart des grosses entreprises industrielles. Le même processus apparaît dans les campagnes : les paysans non plus n’avaient pas l’intention d’attendre en vain que le gouvernement légifère. Entre février et juillet ’36, la prétendue « réforme agraire » initiée par le Front Populaire avait fourni de la terre à 190.000 paysans…sur 8 millions ! (moins d’un sur 40). A ce rythme, il eût fallu plus d’un siècle pour donner de la terre à tout le monde…C’est pourquoi, rapidement, les villageois se débarassent de leurs conseils municipaux et s’empressent de s’administrer eux-mêmes. Se met alors en place un profond mouvement de collectivisation de la terre, jamais vu dans l’histoire. En Aragon, les ¾ de la terre sont collectivisés.

    Grâce à cette furia et à cette combativité populaire exemplaire, non seulement l’échec de l’insurrection militaire est consommé en quelques jours, mais en outre, les masses détiennent pratiquement le pouvoir entre les mains. La situation qui se crée en Espagne n’est en effet rien d’autre qu’une situation de double-pouvoir. Lorsque les autorités se remettent de leur stupeur, elles s’aperçoivent tout simplement qu’elles n’existent plus. L’Etat, la police, l’armée, l’administration, semblent avoir perdu leur raison d’être. Le gouvernement est suspendu dans les airs et n’existe plus que par la tolérance de la direction des différents partis ouvriers. Fin juillet, les masses contrôlent 2/3 du pays. Elles exercent le pouvoir, mais celui-ci n’est pas organisé ni centralisé. Les « comités » (ou « conseils », « juntes », ou « soviets », qu’importe le nom), organes d’auto-administration de toutes les couches de la population laborieuse, et élus par celle-ci, auraient dû être élargis à chaque entreprise, chaque lieu de travail, chaque district, en y incluant la population paysanne ainsi que les milices ouvrières. Ces comités auraient dû être reliés via des délégués dans le but de former des comités locaux, régionaux, et national. Cela aurait constitué les bases d’un nouveau régime, jetant définitivement par-dessus bord le vieux gouvernement impuissant et passif : la dictature du prolétariat, Etat de type nouveau reposant sur la représentation directe des travailleurs et rompant une fois pour toute avec la « légalité bourgeoise ». Les masses voulaient abattre le capitalisme, tentaient d’imposer une politique révolutionnaire à leurs dirigeants qui étaient trop aveugles, trop malhonnêtes, trop peureux ou trop sceptiques que pour appréhender la situation correctement. Ceux-ci seront les principaux obstacles sur la voie d’une prise de pouvoir effective : la révolution va s’arrêter à mi-chemin.

    Le mouvement ouvrier : analyses

    Anarchistes et anarco-syndicalistes refusent d’engager une lutte pour un pouvoir dont ils ne sauraient que faire vu qu’il serait contraire à leur principe. Ils affirmeront par la suite qu’ils auraient pu prendre le pouvoir mais qu’ils ne l’ont pas fait, non parce qu’ils ne le pouvaient pas mais parce qu’ils ne le voulaient pas. Cela n’empêchera pourtant pas les anarchistes d’accepter finalement des portefeuilles dans les 2 gouvernements : celui de la Généralité de Catalogne d’abord, celui de Madrid ensuite ! Autrement dit, de collaborer à un gouvernement bourgeois et qui plus est, à un moment où sa base dans le rapport de force a disparu…On cerne ici toute la faillite de la théorie anarchiste, prise au piège de ses propres contradictions : n’ayant pas d’alternative et de stratégie pour contrer la politique de la classe dominante, les anarchistes font la politique A LA PLACE de la classe dominante. En renonçant à exercer la dictature du prolétariat, ils acceptent dans les faits à exercer la dictature…de la bourgeoisie. Comme le disait Trotsky, renoncer à la conquête du pouvoir, c’est le laisser dans les mains de ceux qui le détiennent, c’est-à-dire aux exploiteurs.

    Le POUM était quant à lui l’organisation la plus honnête et la plus à gauche en Espagne. Mais bien qu’ils se dénommaient marxistes, les dirigeants du POUM resteront à la traîne des anarchistes pendant tout le conflit, et les suivront jusqu’à entrer dans le gouvernement de Catalogne avec eux. Au moment où l’heure a sonné de préparer la prise du pouvoir par les masses, Andrès Nin affirme que la dictature du prolétariat existe déjà en Espagne. Ensuite, alors que les dirigeants bourgeois profitent de la passivité des organisations ouvrières pour restaurer l’appareil d’Etat bourgeois, celui-ci devient ministre de la Justice en Catalogne. En couvrant ainsi l’aile gauche du Front Populaire, le POUM préparera la voie à sa propre destruction. Pourtant, le POUM avait d’énormes possibilités. Il était passé d’un parti de 1000-1500 membres à plus de 30.000 membres en 6 semaines. Selon certaines sources, il aurait atteint jusqu’à 60.000 membres. Proportionnellement, il était donc numériquement plus fort que le Parti Bolchévik au début de la révolution russe. Malheureusement, oscillant entre le réformisme et la révolution, le POUM commettra toute une série d’erreurs qui lui seront fatales : au lieu de faire un travail dans la CNT, syndicat le plus puissant d’Espagne, les poumistes créeront leurs propres syndicats, laissant ainsi les travailleurs de la CNT dans les mains d’une direction aveugle et minée par la bureaucratie. Au lieu de faire un travail dans l’armée, ils créeront leurs propres milices. Cherchant ainsi des raccourcis dans la lutte des classes, ils isoleront l’avant-garde de la classe et laisseront les masses sans direction.

    Quant aux staliniens, il n’est sans doute pas exagéré de dire qu’ils constitueront l’avant-garde de la contre-révolution espagnole. Pendant tout le conflit, les staliniens nageront complètement à contre-courant de la dynamique révolutionnaire, allant jusqu’à nier le fait qu’une révolution prenait place en Espagne. Il est clair que le but poursuivi à l’époque par Staline dans ce pays n’était pas la victoire de la révolution, mais seulement l’assurance de se constituer de bons alliés contre l’Allemagne nazie pour la 2ème guerre mondiale qui s’annonçait. Staline ne voulait à aucun prix du triomphe d’une révolution sociale en Espagne, parce qu’elle eût exproprié les capitaux investis par l’Angleterre, alliée présumée de l’URSS dans la « ronde des démocraties » contre Hitler. D’ailleurs, les staliniens ne le cachent pas. Dans un livre écrit par Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70, on peut lire : « Il est clair qu’à l’époque, la bourgeoisie européenne n’aurait pas toléré qu’un petit pays comme l’Espagne puisse victorieusement porter une révolution socialiste. A cette époque, nous ne parlions pas de révolution socialiste et nous critiquions même ceux qui le faisaient, car nous voulions neutraliser les forces bourgeoises des démocraties européennes. » Ce qu’on ne précise pas dans ce passage -très instructif, au demeurant-, c’est que les staliniens ne se contentaient pas de « critiquer » ceux qui parlaient d’une révolution socialiste, mais les arrêtaient, les emprisonnaient, les torturaient dans des prisons spéciales du GPU, les assassinaient…En outre, on a beaucoup de mal à croire que les classes dominantes anglaise et française étaient assez dupes pour ne pas se rendre compte qu’une révolution était en train de menacer leurs intérêts capitalistes en Espagne, et cela du simple fait que les staliniens refusaient d’en parler !

    Pour les staliniens, la lutte n’était pas entre révolution et contre-révolution mais entre démocratie et fascisme, ce qui rendait nécessaire le maintien du Front Populaire et de l’alliance avec les républicains bourgeois, le respect des institutions légales, de la démocratie parlementaire et du gouvernement. Le journal « L’Humanité » (journal du PCF) du 3 août 1936 affirmait : « Le peuple espagnol ne se bat pour l’établissement de la dictature du prolétariat mais pour un seul but : la défense de la loi et de l’ordre républicain dans le respect de la propriété. » Un argument souvent utilisé par les staliniens pour justifier la politique du Front Populaire est que celui-ci visait à « avancer un programme plus modéré capable d’attirer la petite-bourgeoisie vers le mouvement ouvrier ». S’il entendait cela, Lénine se retournerait dans sa tombe ! L’histoire du bolchévisme est l’histoire d’une guerre sans relâche contre de telles notions. Le moyen de gagner les couches moyennes à la cause du mouvement ouvrier n’est pas de lier les mains de ce dernier aux politiciens bourgeois, mais bien au contraire de faire tout pour les démasquer , de faire tout pour montrer l’incapacité de la bourgeoisie et de son système politique à résoudre la crise, de faire tout pour démontrer dans l’action que la seule issue se trouve du côté des travailleurs. En Russie en 1917, c’est cette politique de classe intransigeante qui a permis de gagner la confiance de la paysannerie et a ainsi assuré le succès de la révolution. La petite-bourgeoisie, de par sa position intermédiaire dans la société, a tendance, dans la lutte des classes, à se ranger du côté du « cheval gagnant », c’est-à-dire du côté de la classe qui se montrera la plus résolue et la plus à même de gagner la bataille. En Espagne en 1936, la politique de Front Populaire a seulement réussi à pousser la paysannerie et la petite-bourgeoisie des villes dans l’indifférence, voire dans les bras de la réaction fasciste.

    La réaction « démocratique »

    Dans ces conditions, les premiers succès des milices restent sans lendemain. Une machine de guerre moderne entre en action, la situation se renverse : les fascistes reprennent du terrain et procèdent à des massacres féroces. En septembre ’36, tous les comités sont dissous et remplacés par des conseils municipaux à l’image du gouvernement. Le corps des magistrats est remis en fonction, les milices placées sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur. Les conseils de soldats qui avaient vu le jour pendant la révolution sont supprimés, les grades, les galons et l’ancien code de Justice Militaire sont remis en vigueur.

    Le gouvernement, selon sa propre expression, « légalise les conquêtes révolutionnaires », ce qui constitue en réalité un moyen d’empêcher leur extension. Le coup d’arrêt porté à la révolution coïncide avec l’arrivée de l’aide matérielle russe (chars, tanks, avions…et police politique), qui s’était jusqu’ici engagée dans un pacte de « non-intervention », et l’entrée en scène, à l’initiative et sous le contrôle des différents partis communistes du monde, des « Brigades Internationales », formées de volontaires de tous pays venus combattre le fascisme.

    La contre-révolution stalinienne, la défaite et son prix

    La « réaction démocratique » fait ensuite place à la contre-révolution stalinienne dans toute sa cruauté, mettant la touche finale à l’étranglement de la révolution. L’Espagne devient un laboratoire pour la prochaine guerre mondiale où Staline va pouvoir démontrer aux puissances occidentales qu’il est un allié solide capable d’arrêter une révolution. Le mot d’ordre principal du PC est qu’il faut « d’abord gagner la guerre », et remettre à plus tard les questions sociales. Ce qu’il faisait mine de ne pas comprendre est qu’on ne pouvait gagner la guerre sans gagner la révolution. Il n’y avait évidemment pas de solution intermédiaire, à partir du moment où l’on admet la structure de classe de la société.

    Les staliniens vont exceller dans un travail consistant concrètement à aider le fascisme à triompher. En novembre ’36, le consul général d’URSS à Barcelone dénonce le journal du POUM « vendu au fascisme international ». La presse stalinienne se déchaîne contre les révolutionnaires, le POUM est dissout et tous ses dirigeants sont arrêtés. Andrès Nin et de nombreux militants trotskistes sont exécutés par la police politique ;on les accuse d’être « des fascistes déguisés qui emploient un langage révolutionnaire pour semer la confusion » (4).

    Le décret de collectivisation en Catalogne est suspendu, les propriétaires récupèrent les terres et les usines. Fin ’37, les premiers conseillers russes seront rappelés : la plupart seront à leur tour exécutés en URSS. Les envois d’armes diminuent rapidement. L’Espagne devient le théâtre d’une guerre classique où un camp se trouve en situation d’infériorité militaire et technique. Le calvaire durera jusqu’en ’39 ; il se terminera par de nombreux supplices et exécutions et par la victoire définitive de Franco.

    Conclusion

    Il s’est présenté en Espagne une situation révolutionnaire exceptionnellement favorable. Malheureusement, il n’y avait pas un parti révolutionnaire avec une direction capable de faire une analyse correcte de la situation, d’en tirer les conclusions nécessaires et de mener fermement les travailleurs à la prise du pouvoir. Trotsky disait que pour la solution victorieuse des tâches révolutionnaires qui se posaient à l’Espagne, il fallait trois conditions : un parti, encore un parti…et toujours un parti. Cette même conclusion peut être tirée de nombreux mouvements révolutionnaires qui jalonnent l’histoire du capitalisme. C’est pourquoi nous pensons que les leçons à tirer de cette expérience sont d’une importance cruciale et conservent toute leur actualité.


    (1) extrait d’une interview de Santiago Carillo, président du PCE dans les années ’70

    (2) voir Pierre Broué, « La Révolution et la Guerre d’Espagne » (p.87-88)

    (3) voir Pierre Broué, « La Révolution Espagnole 1931-1939 » (p.70)

    (4) José Diaz, discours du 9 mai 1937, « Tres Anos de Lucha » (pp.350-366)

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