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Tag: Asturies
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[INTERVIEW] Collectif Krasnyi : l’image comme arme de changement social
Les passionnés de l’image ne manquent pas dans les manifestations, les grèves ou les actions de protestation. Bien souvent, c’est d’ailleurs à ces journalistes improvisés que l’on doit les meilleurs captures de moments de lutte, ces vidéos et reportages-photos insoumis qui permettent de mieux saisir l’atmosphère d’un combat social en comparaison des informations qui passent par les canaux dominants. Reste à chercher à diffuser cette approche au-delà de son simple réseau d’amis ou de collègues… C’est le défi que s’est lancé le Collectif Krasnyi, et nous en avons brièvement discuté avec Laure Miège, par ailleurs également membre du PSL.
D’où provient votre collectif ?
Notre collectif était embryonnaire lors des évènements qualifiés d’”émeutes à Matongé” fin 2011 dans les médias. En fait, c’est lors de ces manifestations qu’il est né. Un des photographes à l’initiative du projet y a rencontré un autre, ils ont été arrêtés ensemble, et ont décidé de joindre leurs photos via le collectif. L’envie était forte de dépeindre, par leurs images, une réalité bien différente de celle qui transparaissait quotidiennement dans les médias classiques.
En l’occurrence, ces “émeutes” que l’on photographiait au quotidien, étaient relatées dans les médias de manière très différente de la réalité que nous observions. Les Congolais y étaient fortement criminalisés alors que nous vivions en direct une énorme répression, dont la violence émanait d’abord des policiers. Le collectif est donc parti d’une constatation : celle que les médias traditionnels, malheureusement les plus vus ou entendus, ne diffusent pas une vision neutre de l’actualité, mais bien un point de vue. Et ce point de vue défend, la plupart du temps, les intérêts des ‘‘grands’’ de ce monde, que cela soit par la façon dont les sujets sont traités ou par le choix des sujets traités. Nous voulions faire un contrepied à cette information clairement orientée.
Il était important pour nous de mettre l’image au service des gens que nous photographions, contrairement à ce que l’on voit trop souvent. Nous ne voulions pas de cette photographie qui se prétend “artistique”, mais qui n’a de prétention que de servir celui qui la prend, et qui ne se préoccupe en aucun cas des gens qu’elle révèle.
Le regard que vous portez sur les événements n’est donc pas ‘‘neutre’’…
Pour nous le regard neutre n’existe pas. Personne ne peut prétendre être neutre. D’une part parce que nous sommes des êtres humains, que nous avons chacun nos expériences, notre propre regard sur les choses. Ensuite parce que le point de vue que nous choisissons de prendre, ou qui s’impose à nous comme une évidence, est propre à chacun. Ainsi, un même sujet, traité soit disant de manière neutre, sera totalement différent s’il se place d’un côté des évènements, ou de l’autre. Nier cette réalité n’est que pur mensonge.
Enfin, malheureusement, les médias dominants sont aujourd’hui (pardonnez l’expression) ‘‘tenus par les couilles’’ par leurs principaux donateurs c’est-àdire par l’Etat ou encore par de riches milliardaires. Quelle liberté de ton peut on avoir avec la crainte d’incriminer ceux-là même qui nous financent ?
La question du temps évidemment joue aussi dans l’altération de la qualité de l’information. Pour faire une information de qualité, il faut pouvoir avoir le temps de faire une réelle investigation et de prendre le temps de discuter avec les gens dont l’on veut parler. Or ce temps coûte de l’argent, et la sacrosainte rentabilité domine aussi dans les médias traditionnels. Donc l’information est la plupart du temps ponctionnée par les journalistes dans de grosses banques de données telles que les agences de presse Belga ou AFP, très loin d’être neutres…
Nous avons donc voulu poser notre propre regard, mais surtout essayer de redonner la parole à ceux qui sont trop souvent condamnés au silence dans les médias traditionnels, renverser cette balance où seule la minorité dominante peut exprimer son point de vue. Nous voulions permettre de voir et d’entendre les personnes qui luttent au quotidien, les victimes qui font face à ceux qui disposent du pouvoir économique et politique.
Vous référez-vous à de précédentes expériences dans l’histoire des luttes sociales ?
Bien sûr, nombreux sont ceux qui nous ont inspirés et qui ont été précurseurs de cette mise en image des opprimés, des résistants, de la majorité silencieuse, peu importe comment on l’appelle. C’est le cas de Capa, de certains de Magnum, des Medvedkines, et bien d’autres encore. Il en existe encore beaucoup aujourd’hui, mais ils restent trop souvent dans l’ombre et on connait peu leur travail. C’est aussi une volonté du collectif, réunir tous ceux qui veulent, comme nous, relayer les mouvements sociaux à travers le monde.
Quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus fier, qui vous semblent le mieux illustre votre action ?
C’est difficile à dire. D’une part parce que nous sommes tous très différents dans le collectif, et que nous aurions sans doute des coups de coeur très différents.
Mais s’il faut en choisir un, notre reportage sur les mineurs espagnols des Asturies était sans doute une des plus belles expériences pour l’ensemble des membres du collectif.
Que retirez-vous du contact avec des travailleurs en lutte, des grévistes,… ? Comment êtes-vous reçu dans les mobilisations ?
De manière générale, nous sommes reçus de manière très chaleureuse, très généreuse de la part des acteurs des mouvements sociaux. Ça commence souvent par un peu de méfiance, mais ça change dès que les gens comprennent que nous ne voulons pas faire un tri sélectif des moments croustillants mais au contraire leur donner la parole. D’ailleurs, cela se comprend très vite puisque nous restons la plupart du temps plusieurs heures avec eux et non quelques minutes comme les journalistes traditionnels.
Nous avons toujours été très bien accueillis par les gens que nous rencontrons. C’est à chaque fois une agréable surprise, et un moment d’échange très riche, où l’on apprend beaucoup. Une belle leçon d’humanité à tous les coups!
Comment fonctionnez-vous concrètement concernant votre ligne éditoriale, vos prises de décision,… ?
Nous avons établi depuis peu des statuts, et nous sommes en train de travailler sur une charte déterminant notre fonctionnement, mais aussi notre ligne éditoriale. Globalement, nous sommes pour laisser une grande liberté à chacun pour exprimer et traiter les sujets en fonction de ses affinités, et de la manière qui lui est propre. Evidemment, le fil rouge reste toujours de relayer autant que faire se peut la parole des acteurs sociaux en résistance.
Concernant les prises de décisions, nous sommes encore un petit noyau donc nous avons toujours réussi à nous entendre en prenant le temps de discuter. Si nous devions trancher des questions urgentes, ou très polémiques, la majorité aurait force de décision et un bilan de celle-ci serait discuté après.
www.collectif-krasnyi.be – Le collectif réunit actuellement Karim Brikci- Nigassa, Nelson De Vos, Pierre Vanneste, Laure Miège, Pablo Ortega, et Marieau Palacio.
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Les mineurs espagnols montrent la voie à la classe ouvrière
Nous avons tous suivi depuis le 28 mai dernier le combat déterminé que mènent les mineurs esapgnols afin de sauver leurs emplois. La fin annoncée des aides au secteur minier, déjà approuvée par le gouvernement précédent du PSOE (Parti socialiste ouvrier Espagnol), a juste été accélérée par le gouvernement du Parti Populaire. Si le gouvernement gagne, cela entrainera la fermeture des mines d’ici 2018 au plus tard et la disparition de milliers d’emplois.
Par Karim Brikci, tête de liste de Gauches Communes à Ixelles
- Collectif Krasnyi – Reportage – ”Madrid ouvrier avec les mineurs"
La Marcha Negra :
Les mineurs ont su renouer très rapidement avec les meilleures traditions de lutte de la classe ouvrière espagnole : grève illimitée, bloquages et occcupations. Parallèlemement aux actions locales dans des régions très rurales, les mineurs ont organisé une marche noire sur Madrid pour construire le soutien et défier le gouvernement. Partie des différentes régions minières du pays, cette marche a traversé des dizaines de villes dans lesquelles les mineurs ont à chaque fois vécu des moments de solidarité inoubliables.
L’arrivée à Madrid restera une référence importante de la lutte sociale en Espagne pendant encore longtemps. Aux cris de “Vive la lutte de la classe ouvrière” ou encore “Madrid ouvrier avec les mineurs”, des dizaines de milliers de madrilènes ont acceuilli magnifiquement les mineurs en lutte. La manifestation qui a débuté à 22h pour normalement finir à minuit à la puerta del sol (lieu symbolique de la contestation en Espagne depuis le mouvement des Indignés) ne s’acheva qu’à plus de 2h du matin dans une ambiance combative solidaire et remplie d’émotions. N’en déplaise à la presse de droite, les mineurs ont prouvé que la solidarité ouvrière n’a pas disparue!
La grande manifestation syndicale du 11 juillet
Le lendemain de la marche nocturne a eu lieu la grande manifestation syndicale pour la défense des emplois dans les bassins miniers. Le succès est au rendez vous. La foule compacte exprime sa totale solidarité avec la lutte des mineurs. Des travailleurs du secteur public et du privé manifestent sous leurs banderoles réclamant l’abolition de la réforme du travail imposée par le gouvernement il y a quelques mois tout en exprimant leur total soutien aux mineurs en grève.
Alors que les discours des dirigeants syndicaux ne sont même pas finis, la police attaqua la manifestation et provoqua des affrontements avec des mineurs en colère. La réaction collective et organisée de certains groupe de mineurs a pu protéger le cortège et empêcher la police de continuer à abbattre sa violence à coup de matraques.
Plusieurs arrestations et blessés seront quand même à comptabiliser à la fin de la journée. Le travail de criminalisation débuté dans les Asturies continuait…
La timidité de la direction syndicale induit l’arrogance du gouvernement
Les mineurs ont montré le chemin que doit reprendre l’ensemble de la classe ouvrière espagnole et ce chemin est celui de la lutte de classe. Les mineurs l’ont compri, leurs camarades aussi, mais apriori, pas leurs dirigeants.
La grève illimitée massivement suivie par les mineurs n’a fait que confirmer leur volonté ininterrompue de mener le combat jusqu’à sa conclusion logique: la victoire. Il est malheureux de noter une fois de plus l’attitude timide voire contre productive des directions syndicales. On a déjà parlé de l’enthousiasme énorme qu’a suscité la lutte des mineurs et leur marche sur Madrid. La question était posée par les mineurs d’occuper la puerta del sol à leur arrivée à Madrid . Même si l’on peut discuter de la pertinence d’occuper une place comme moyen d’action à long terme (expérience des indignés), les directions syndicales, elles, ont refusé de discuter de la suite des actions et de la façon de saisir le potentiel présent pour construire un réel mouvement massif contre la politique antiouvrière du gouvernement Rajoy. A la fin de la tant attendue Marche sur Madrid, les syndicats ont laissé les mineurs seuls face aux forces de l’ordre sans service d’ordre et surtout sans aucun mot d’ordre pour la suite du combat, exception faite de leurs chaleureux remerciements pour la lutte menée. Refrain connu : “Merci pour tout et à bientôt”.
Le gouvernement quant à lui ne fait pas preuve de la même timidité. Le comble de son arrogance aura même été d’annoncer le jour de la grande manifestation des mineurs le plus grand plan d’austérité qu’a connu le pays. Alors que les mineurs reprenaient leurs bus, les fonctionnaires descendaient dans la rue.
Il est criminel que les directions syndicales continuent aujourd’hui à appliquer une politique de division consciente des différentes couches de travailleurs qui entrent en action. La situation sociale, l’arrogance du gouvernement et l’énorme soutien qu’ont réussi à construire les mineurs malgrès une campagne médiatique très dure aurait du être l’occasion d’appeler à une réaction unifiée de l’ensemble de la classe ouvrière espagnole. L’appel à une grève générale de 48 h comme premier pas de la lutte pour la chute de ce gouvernement d’austérité peut avoir aujourd’hui un écho énorme dans la société espagnole.
Depuis le 11 juillet, chaque jour, chaque soir et chaque ville vit son lot de manifestations combatives, déterminées et brutalement réprimées. Le combat ne fait que commencer en Espagne mais demande en urgence une direction adéquate et déterminée à gagner!
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Crise de la zone euro. Le capitalisme espagnol chancelle
L’Espagne a maintenant rejoint la Grèce dans le club des pays à grands problèmes. L’approfondissement de la crise européenne est proprement effrayant. L’Espagne est la quatrième économie de l’Union européenne : quasiment deux fois la taille des économies de celles de Grèce, d’Irlande et du Portugal réunies ! Le pays était déjà victime des conséquences de sa bulle immobilière et d’un marché de l’emploi avec un taux de chômage supérieur à 25% (et de plus de 50% parmi la jeunesse). Le pays est maintenant frappé de plein fouet par la crise internationale et le rôle destructeur du capital financier.
Par Peter Delsing, article issu de l’édition d’été de Lutte Socialiste
De l’indignation à la grève des mineurs
Les illusions entretenues par les capitalistes espagnols envers les capacités de la droite de reprendre la situation en main de manière décisive furent bien éphémères. Le chef du gouvernement, Mariano Rajoy (Parti Populaire), s’est retrouvé face à une furieuse opposition de la part de la classe ouvrière espagnole. La grève générale du 29 mars contre les réformes du travail a mobilisé des millions de travailleurs. Le premier mai, plus d’un million de personnes étaient dans les rues. Le 12 mai, le premier anniversaire du mouvement des Indignés, un million de personnes ont manifesté dans des dizaines de villes. Le 22 mai la grève de l’enseignement a connu un taux de participation de 80%. Ces actions, surtout en l’absence de réelle stratégie de la part des directions syndicales, illustrent la volonté des jeunes et des travailleurs de mener une bataille acharnée contre les tentatives du capitalisme de décimer leur niveau de vie.
Dans les Asturies, la résistance massive des mineurs, de leurs familles et même des commerces locaux est indicative du type de confrontations que nous allons voir de plus en plus se développer. Le gouvernement veut supprimer plus de 60% des subventions à l’industrie, 8.000 emplois sont directement en jeu, des dizaines de milliers indirectement. La tradition de résistance des mineurs a ses racines dans la dictature de Franco et même avant, dans les années ’30. Ils ont érigé des barricades afin de protéger leurs communautés et leurs emplois et sont parvenus à bloquer la police à plusieurs reprises, parfois lors de scènes semblant issues de la guerre civile. Avec leurs méthodes militantes et l’organisation d’une résistance de masse, les mineurs ont également reçu le soutien des petits commerçants. En Belgique, les dirigeants syndicaux regardent ces commerçants plutôt comme des adversaires.
Si les dirigeants des grands syndicats et du parti de gauche Izquierda Unida étaient aussi combatifs et déterminés que leur base, le gouvernement ne tiendrait pas jusqu’à la fin de l’année. D’ici là, le gouvernement veut encore assainir 27 milliards d’euros dans les dépenses publiques. La section espagnole du Comité pour une Inter nationale Ouvrière, Socialismo Revolucionario, appelle à une grève générale de 48 heures afin de continuer sur la lancée du succès de la grève générale du 29 mars et pour que le mouvement des Indignés se saisisse de cette occasion pour en faire son angle d’attaque.
Le gouvernement espagnol n’a-t-il pas besoin d’un renflouement ?
Le bluff de Rajoy et du Partido Popular n’a pas marché. Ils ont tout d’abord clamé que l’Espagne n’avait pas besoin d’un plan de sauvetage, qu’il s’agissait seulement d’une aide pour les banques. Les dettes de l’Etat semblaient limitées au début de cette crise, à environ 60% du Produit Intérieur Brut. Mais elle a très vite augmenté. La nationalisation et le sauvetage de Bankia – un conglomérat de différentes banques – va pousser la dette espagnole à 80% ou 90% du PIB.
Actuellement, l’Espagne a une dette nationale de 595 milliards d’euros, ce à quoi il faut maintenant ajouter l’aide européenne pour le secteur bancaire. Ce dernier montant peut atteindre les 100 milliards d’euros, une somme trouvée en quelques heures parce que l’Espagne est ‘‘too big to fail’’ (trop grande pour foirer). Les audits privés sur lesquelles se base le gouvernement parlent dans ‘‘le pire des cas’’ de 62 milliards d’euros pour ces banques. Mais ce n’est là que le sommet de l’iceberg. Au premier trimestre de 2012, les prix de l’immobilier ont baissé de 13%, la plus forte baisse sur base annuelle depuis le début de la crise. La crise du secteur de la construction s’approfondit. D’autres études indiquent que les banques Espagnoles auront besoin de 134 à 180 milliards d’euros pour se recapitaliser dans les années à venir.
Selon la RBS (Royal Bank of Scotland) le gouvernement Rajoy devra refinancer ses obligations d’Etats pour un montant de 155 milliards d’euros d’ici 2014. Dans cette même période, 121 milliards doivent être trouvés pour financer le déficit budgétaire. Le fait que 40% des dépenses publiques soient effectuées par les régions et les autorités locales, avec toutes les tensions nationales présentes en Espagne, ne rend pas la question plus aisée à résoudre. Le gouvernement espagnol sera forcé de tirer la sonnette d’alarme à un moment donné. La résistance de la population contre la barbarie et le déclin de la civilisation sera un élément crucial dans ce développement.
Les banques espagnoles sont propriétaires d’un tiers des obligations d’Etat espagnoles. Les banques et le gouvernement se tiennent mutuellement dans un étau. Si le gouvernement ne peut plus payer ses dettes, le secteur bancaire sera décimé. Si les banques s’effondrent, la dette publique sera insoutenable à cause des garanties sur l’aide européenne.
Le parti de gauche Izquierda Unida remonte dans les sondages mais, malheureusement, le parti est beaucoup moins résolu que Syriza, en Grèce, à s’opposer à l’austérité. La direction du parti s’est fait rappeler à l’ordre par sa base concernant une coalition régionale avec le PSOE, le parti social-démocrate tout entier acquis au néolibéralisme. La constitution d’une véritable gauche socialiste et combative au sein des syndicats et d’Izquierda Unida est de la plus haute importance pour développer la résistance de masse contre le capitalisme et pour une société socialiste démocratique.
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Espagne : Solidarité avec les luttes des mineurs
Depuis plus d’un mois les mineurs de plusieurs régions d’Espagne sont entrés dans une lutte déterminée afin de protester contre la diminution drastique des subventions au secteur minier de la part du gouvernement qui au même moment, renfloue à hauteur de 24 milliards la Bankia. Il s’agit d’une atteinte de plus aux conditions de vie des 99% afin de satisfaire l’avidité des 1%.
Par Nicolas P. (Bruxelles)
Depuis le 28 mai, les milliers de mineurs des régions des Asturies, de Léon et d’Aragon ont entamé une grève, devenue illimitée trois jours plus tard. Pour des raisons d’économies budgétaires, le gouvernement espagnol entend réduire de 63% les subventions accordées au secteur minier, ce qui représente la somme de 190 millions d’euros pour l’année 2012. Il s’agit de la suppression des deux tiers des subventions, et donc, dans les faits, de la fermeture d’ici 2018 des mines qui n’emploient plus aujourd’hui que 8000 personnes (contre plus de 45 000 en 1991).
La grève illimitée a conduit à l’occupation des mines, de puits, de routes et de chemins de fer. Le 18 juin, les deux grands syndicats espagnols, l’UGT et la CC.OO ont lancé un mot d’ordre de grève générale dans les régions concernées, les Asturies, l’Andalousie, en Castille et en Aragon. Celle-ci a partout été massivement suivie. Une des raisons du succès de la solidarité envers les mineurs est sans aucun doute le fait qu’au moment même ou la vie des dizaines de milliers de personnes est jetée à la poubelle, le gouvernement cherche et trouve près de 24 milliards d’euros, afin de soutenir de façon touchante la Bankia (conglomérat de banque qui se vante d’un chiffre d’affaires de 486 milliards d’euros) qui décidément nécessitait un coup de main de la part d’amis dévoués. Une solidarité sélective de la part du gouvernement espagnol qui pousse toute la population à l’indignation et à la colère. Ce n’est pas une nécessité ”mal comprise” par les gens stupides comme se plaisent à le faire croire les médias traditionnels, mais bien un choix politique parfaitement compris et totalement rejeté par la population, un choix qui favorise les 1% au détriment de la vie des 99%.
Le 18 juin des manifestations ont eu lieu dans tout le pays avec des records à Oviedo (50.000 participants) et à Léon (150.00 manifestants) avec l’occupation du conseil provincial. Une ”marche noire” a débuté fin juin et devrait se terminer le 11 juillet à Madrid. Partout la police a tenté d’attaquer les grèves et les manifestations mais a dû reculer face au soutien indéfectible de la population locale. Les scènes de violence, de barricades en feu et de lance-roquettes improvisés ont fait la une de la presse, celle-ci trop heureuse d’éviter une analyse de fond pour se consacrer à de violents discours contre la brutalité primaire d’ouvriers incapables de comprendre que leur emploi ne peut avoir de place dans une économie mondialisée et des finances publiques saines.
Ce mouvement n’est pas sans rappeler les grèves des Asturies qui, entre 1962 et 1963, avaient bousculé l’Espagne franquiste. Les mineurs étaient partis d’abord en lutte pour des augmentations de salaires et des conditions sociales meilleures et avaient ensuite orienté leurs actions vers les droits démocratiques comme la reconnaissance du droit de grève ou l’élection libre des représentants syndicaux. Malgré quelques concessions notables, le mouvement n’avait pas réussi à renverser le régime franquiste, notamment à cause d’erreurs tactiques de la part du Parti Communiste Espagnol, fer de lance de la lutte dans les régions concernées. Cependant, l’ampleur du mouvement est attestée par Guy Debord qui écrivait qu’il s’agissait certainement de ”l’événement le plus important de l’année pour le mouvement ouvrier en Europe.”
Comme lors de ce conflit, les mineurs d’aujourd’hui tiennent tête avec force aux policiers, déçus de ne plus pouvoir se défouler sans risque sur des Indignés. Le chef des unités de police spécialisées dans la lutte contre les ”désordres publics” (les CRS espagnols) a déclaré à la presse : ”Avez-vous vu les biceps de la plupart des mineurs. D’une simple gifle, ils arrachent les casques de nos hommes.” Un autre CRS, nostalgique des après-midi de ”gestion des foules” à la Puerta Del Sol déclarait qu’avec les étudiants au moins ”on leur file un coup et le sang coule de leur nez délicat.” Le chômage des jeunes est de plus de 60% dans les régions concernées et avec la mort du secteur minier, c’est toute une partie de l’Espagne qui risque de sombrer dans la misère. La résistance est donc à la hauteur du risque, n’en déplaise aux policiers et au gouvernement.
Les arguments classiques contre les mineurs et leur travail sont visibles partout dans les médias : archaïque, polluant, coûteux… Un dernier adjectif qui pourrait tout aussi bien qualifier la ratification du Traité de stabilité, qui oblige aujourd’hui l’Espagne à appliquer une austérité brutale qui, de toute évidence, n’enchante pas tout le monde. Avant même le mouvement des mineurs, l’Espagne connaissait une grève générale le 29 mars, suivie par plus de dix millions de travailleurs à travers le pays. La lutte des mineurs doit s’inscrire dans une lutte globale contre l’austérité afin de répondre sur tous les fronts aux injonctions des banques et des marchés. Un gouvernement qui s’opposerait à celle-ci défendrait réellement les intérêts des travailleurs et serait en mesure de nationaliser la totalité du secteur énergétique du pays et d’allier progrès écologique avec la sauvegarde d’emplois et de conditions de vies décentes.