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Tag: Asie du Sud-Est
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La crise économique débarque en Asie du Sud
Rapport de l’école d’été du CIO
Jusqu’à récemment, les économies “émergentes” des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) croissaient encore à un rythme soutenu. La Chine semblait particulièrement défier les lois de la gravité économique ou plutôt, les lois de la crise, typiques de toute économie capitaliste. On a entendu toute une série de gens nous dire que ces pays pourraient maintenir l’économie à flot et sauver le monde de la crise qui continue à ravages l’Europe et les États-Unis. L’effondrement tragique du taux de croissance au Brésil (qui est passé de 7,5 % en 2010 à… 0,9 % en 2012), et la révolte de masse des travailleurs et des jeunes de ce pays, ont mis un terme à cette illusion.
Clare Doyle, Comité pour une Internationale Ouvrière
Le ralentissement actuel en Chine, dont l’économie “surboostée” lui avait permis de ravir au Japon sa place de deuxième PIB mondial (après les États-Unis), est maintenant source de gros ennuis pour la clique dirigeante en Chine et partout dans le monde. La Chine est très fortement impliquée dans de grands projets de capitalisation dans toute une série de pays, pour des raisons économiques aussi bien que stratégiques ; mais la baisse de ses exportations a déjà un effet sur les économies des pays dans lesquels la Chine a délocalisé certaines opérations industrielles de base et à partir desquels elle tire les matières premières qui alimentent son industrie.
L’Inde – qui est la troisième plus grande économie d’Asie, et qui ne s’est que récemment ouverte au marché mondial – a vu son taux de croissance chuter, de 10,5 % en 2010 à 3,2 % en 2012. La croissance de l’économie de la Malaisie, qui est extrêmement dépendante du commerce avec la Chine, a ralenti pour n’atteindre que 4,1 % cette année. La plupart des pays asiatiques ont au départ bénéficié de la baisse des investissements productifs (càd, profitables) qui s’est produite ailleurs dans le monde. D’énormes quantités de capitaux “dormants”, qui ne généraient que peu ou aucun intérêt dans les banques des pays pratiquant l’assouplissement quantitatif (l’impression d’argent), se sont déversées sur l’Asie en tant qu’“investissements” spéculatifs.
Le Financial Times commentait ainsi que les marchés obligataires en monnaies locales « ont beaucoup prospéré du fait que l’effondrement financier mondial de 2008 a libéré une masse d’argent facile […] qui a quitté les États-Unis et l’Europe. Que se passe-t-il lorsque les taux d’intérêts commencent à monter, surtout aux États-Unis ? Combien de cet argent va se retourner et prendre ses jambes à son coup ? ». Près de 50 % des bons d’État de l’Indonésie appartiennent à des étrangers ; c’est le cas aussi de 40 % des bons d’État de la Malaisie et des Philippines.
Allons-nous maintenant assister à une nouvelle “crise asiatique”, aussi grave, voire plus grave encore, que celle de 1997-98 ? Les gouvernements d’Asie du Sud et du Sud-Est (ces deux régions, qui s’étendent de l’Afghanistan à l’Indonésie, représentant ensemble 33 % de la population mondiale) parviendront-ils à éviter la tempête à venir ?
Un précédent historique
Au cours de la “crise asiatique” de 1997-99, on a vu plonger les devises de pays comme la Thaïlande, tandis que des centaines de milliers d’emplois passaient à la moulinette. Les soulèvements révolutionnaires contre la politique d’austérité imposée par le FMI ont notamment, en Indonésie, renversé le dictateur honni, Suharto. En Malaisie, un mouvement de masse qui réclamait des réformes démocratiques a menacé le long règne du Front national (BN), dominé par l’Organisation nationale des Malais unis (UMNO). À la fin 1997, la Corée du Sud a connu de nouvelles grèves générales contre les attaques néolibérales, semblables à celles qui se sont produites encore récemment.
La fois passée, le FMI avait envoyé des prêts massifs à tous ces pays en proie à la crise afin d’éviter un effondrement social et une révolution. Dans le cas de la Corée du Sud, le montant des prêts s’élevait à 57 milliards de dollars. Aucun de ces mouvements de résistance n’a pu former une voix et une ligne politique capable d’accomplir les processus révolutionnaires qui avaient vu le jour. En Indonésie, certains groupes de gauche ont entretenu des illusions dans le caractère “démocratique de Megawati Sukarnoputri, qui, une fois au pouvoir, a joué son rôle de gérante du grand capital national et international, en alliance avec les généraux de l’ancien régime. En Malaisie, Anwar Ibrahim, le très populaire dirigeant du mouvement “Reformasi”, était un ancien membre du gouvernement UMNO avec Mahathir Mohammed. En tant qu’économiste néolibéral éduqué aux États-Unis, il ne voulait pas (et ne veut toujours pas) d’un mouvement qui pourrait aller jusqu’au bout et organiser la fin du capitalisme.
Le CIO avait appelé au soutien total à ces mouvements pour les droits démocratiques et pour la liberté, et avait cherché à s’y impliquer autant que possible, mais tout en expliquant – suivant en cela le concept de la “révolution permanente” tel qu’imaginé par Trotsky – la nécessité de débarrasser ces pays néocoloniaux de la domination du capitalisme multinational aussi bien que national. Il fallait y mener une politique socialiste claire, basée sur la compréhension du rôle de la classe des travailleurs qui seule, avec le soutien des pauvres des villes et des campagnes, peut établir une véritable démocratie et transformer les vies de l’écrasante majorité de la population dans cette région.
Tandis que le vent froid de la récession mondiale a maintenant atteint les pays asiatiques, de pareils mouvements tout aussi tumultueux pourraient voir le jour. Étant donné le fait que les économies des divers pays du monde sont encore plus interconnectées aujourd’hui qu’alors, l’Inde et le Pakistan, qui avaient évité le pire de la crise de 1997-98, pourraient à présent se retrouver complètement submergés. Le FMI ne va certainement pas pouvoir intervenir de manière aussi importante qu’il l’a fait à l’époque pour sauver les gouvernements des soulèvements révolutionnaires. Les premières explosions de colère et de désespoir pourraient s’élargir pour aboutir sur un mouvement généralisé au sein duquel l’ensemble des travailleurs et des jeunes pauvres se mettraient à chercher des solutions révolutionnaires. En ce moment, aucun pays asiatique ne peut prétendre avoir un gouvernement stable, confiant et viable.
L’Inde
L’Inde est caractérisée par « l’économie de marché économique avec la moins bonne performance de l’année » (The Guardian, 7 aout), vu le fait que sa croissance s’est arrêtée au second trimestre. « Les investisseurs craignent une répétition de la crise qui avait frappé l’Inde en 1991 ».
Misère de masse et privations sont deux termes synonymes en Inde : « Quatre-cent millions d’Indiens n’ont pas l’électricité … La moitié des Indiens défèquent à l’air libre … Les taux d’immunité pour la plupart des maladies sont inférieures à ceux d’Afrique subsaharienne … Un enfant indien a deux fois plus de chances de souffrir de la faim qu’un enfant africain (ils sont 43 % à en souffrir en Inde) … Le budget de la santé publique s’élève à à peine 39 $ par personne et par an, alors qu’il est de 203 $ par personne par an en Chine, et de 483 $ au Brésil » (The Economist, 29 juin 2013)
La majorité des femmes indiennes subissent une souffrance et des difficultés sans nom. Le viol collectif et le meurtre d’une étudiante à New Delhi en décembre dernier a provoqué un large mouvement de protestation en Inde comme à l’échelle internationale. Il est possible que des mesures soient introduites afin de tenter de sévir contre les criminels sexuels, mais il faut se rendre compte que la violence contre les femmes bénéficie du soutien de nombreuses vieilles pratiques et croyances. Les catastrophes naturelles sont aggravées par la destruction irresponsable de l’environnement, comme on l’a vu avec les glissements de terrain meurtriers dans l’Uttarakhand (petit État de l’Himalaya, frontalier du Népal et du Tibet (sous domination chinoise), 10 millions d’habitants) en juin de cette année. L’état des services de secours d’urgence est lamentable, ce qui cause encore plus de morts et de souffrances.
Le gouffre qui s’étend entre la masse de la population indienne, forte de près de 1,3 milliards de gens, et la minuscule poignée de super-riches, s’élargit de plus en plus. Quelques individus issus de riches dynasties familiales ont amassé de vastes fortunes. Selon le magazine Forbes, Mukesh Ambani, patron de Reliance Industries et le 22ème homme le plus riche du monde, possède une fortune de 20 milliards de dollars (10 000 milliards de francs CFA, voir ici les photos de son yacht qui a couté 10 milliards de francs) ; le magnat de l’acier Lakshmi Mittal pèserait quant à lui 16 milliards de dollars (8000 milliards de francs). Une nouvelle classe moyenne s’est développée dans certaines villes, et fournit un certain marché pour les voitures et les produits de semi-luxe.
« Pour les riches, le seul problème est leur tour de taille », comment The Economist (06/07/13). « Transportés partout par leurs chauffeurs, dispensés de toute corvée quotidienne par leur armée de serviteurs, ils sont devenus une race à part, corpulente, qui se distingue clairement de leurs compatriotes maigrelets ». (Cela nous rappelle les vieilles caricatures du gras capitaliste, alors qu’au même moment, aujourd’hui aux États-Unis, ce sont les travailleurs qui sont obèses, vu la manière dont on les gave de nourriture bon marché mais d’origine indéterminée).
L’écrasante majorité de la population indienne continue à mener tant bien que mal une existence sordide avec un revenu de misère constamment érodé par l’inflation galopante. Les couches moyennes, qui ont pu bénéficier d’un certain développement de l’économie, voient déjà leurs espoirs brisés par le ralentissement de l’économie.
Le gouvernement de Delhi dirigé par le parti du Congrès est ravagé par l’indécision et la corruption. Des régions entières du pays échappent au contrôle du gouvernement, où les forces de guérilla naxalites (maoïstes) se sont rendues populaires en chassant les propriétaires terriens rapaces et les multinationales. Alors que des élections sont prévues en 2014, le premier ministre Manmohan Singh vacille entre la pression de l’extérieur, qui veut le forcer à mettre en place des “réformes” néolibérales, et la pression d’en-bas.
Il y a maintenant même la possibilité de voir revenir au pouvoir le parti nationaliste de droite largement discrédité, le BJP (Bharatiya Janata Party, Parti du peuple indien), dirigé par Narendra Modi. Modi est toujours détesté par des millions de gens qui le surnomment le “boucher du Gujarat” (État frontalier du Pakistan, 60 millions d’habitants) pour y avoir été responsable du meurtre de plus de 2000 musulmans en 2002. Dans de nombreux États, son parti se vautre dans la corruption. Mais comme le disait le Financial Times : « Si l’impression d’un vide étatique donnée par le Congrès continue comme ça, de plus en plus de gens seront tentés de prendre des risques avec lui » (10/06/13)
Et cela, dans un pays qui a connu en février la plus grande grève générale de l’histoire de l’humanité – plus de cent millions de travailleurs étaient partis en grève pendant deux jours. Les grévistes réclamaient entre autres la fin de la cherté de la vie et un salaire décent pour tous. (Le roupie indien a chuté de 15 % rien qu’entre mai et juillet, ce qui a fortement nuit aux revenus déjà faibles).
Les partis “communistes” de masse, jouissent toujours d’un certain soutien parmi les travailleurs et même parmi les paysans. Cependant, le “Parti communiste indien (marxiste)” a perdu énormément de plumes depuis qu’il a perdu le pouvoir au Bengale occidental (province de Calcutta/Kolkata, à la frontière avec le Bangladesh ; 100 millions d’habitants), où il régnait depuis des décennies. Il a souffert électoralement à cause des attaques brutales menées par lui sur le niveau de vie des travailleurs et des paysans, sacrifiés sur l’autel du capitalisme indien comme étranger. Il sera difficile – bien que pas impossible, en l’absence de tout autre parti des travailleurs de masse – pour le PCI(M) de regagner un soutien là ou ailleurs, tant qu’il adhère à la doctrine stalinienne traitre des “deux stades” – selon laquelle il faut d’abord installer le capitalisme avant de commencer toute lutte pour le socialisme.
Le Pakistan
La crise quasi permanente qui constitue la vie quotidienne au Pakistan illustre bien le besoin urgent pour les travailleurs de s’en prendre directement au féodalisme et au capitalisme en même temps. La vie personnelle tout comme la vie politique est oppressée par les coupures de courant, les attentats terroristes, l’effondrement des services publics et la paralysie du gouvernement.
Le Parti du peuple pakistanais (PPP), autrefois si puissant, est entré dans une période de déclin qui sera peut-être terminale. La seule raison pour laquelle son gouvernement corrompu et inapte, sous la direction de M. Zadari dit “20 %” (une amélioration depuis son titre précédent de “M. 10 %”), est parvenu à arriver jusqu’au bout de son mandat, est l’inertie affichée par toutes les autres forces. L’armée, qui contrôle en coulisses des pans entiers de l’économie et de la société, n’est pas intervenue non plus pour reprendre le pouvoir direct. Cela ne veut pas dire qu’elle ne le fera pas à nouveau dans le futur, vu le développement de la crise politique et sociale.
Le PPP, dans lequel tant de travailleurs et de jeunes avaient placés tous leurs espoirs au début des années ’80, a maintenant perdu la plupart de son autorité. Le gouvernement de Nawaz Sharif est confronté à des problèmes impossibles à résoudre : un État en faillite, une économie en crise, le terrorisme islamiste de droite, et de puissantes forces centrifuges qui menacent de faire éclater le pays.
L’économie pakistanaise est dangereusement instable et fragile. Le nouveau prêt du FMI, d’une valeur de 5,3 milliards de dollars, est lié à l’exigence d’une “discipline financière”, càd, aucun subside pour les pauvres. La priorité est la réforme du secteur du transport de l’électricité, pour remédier aux coupures de courant qui causent maintenant chaque année à l’économie nationale des pertes estimées à 2 % du PIB.
Il est fort improbable que le nouveau gouvernement puisse y faire quoi que ce soit. Les deux-tiers de l’électorat vivent dans les zones rurales, où des propriétaires féodaux ont encore pour ainsi dire droit de vie ou de mort sur des millions de paysans. Ce sont aussi eux qui décident du résultat des élections. La lutte héroïque de Malala Yousafzai (une adolescente de 16 ans, déjà victime de plusieurs tentatives d’assassinat dont une balle dans la tête pour son blog anti-talibans) contre les talibans qui voulaient empêcher les filles de s’inscrire à l’école, leur a par la même occasion permis de redorer un peu leur blason (Yousafzai est le nom d’une grande famille noble pachtoune, une ethnie qui vit à la fois au Pakistan et en Afghanistan). Mais la lutte contre les féodaux et contre les autorités, qui ne peuvent assurer une éducation complète et gratuite des garçons et des filles à la ville et à la campagne, est loin d’être terminée.
Néocolonialisme et gouvernements faibles
Dans la plupart des sociétés asiatiques, beaucoup de droits démocratiques de base n’ont jamais été établis. Les classes capitalistes émergentes n’ont pas été assez fortes pour accomplir une réforme agraire en profondeur ni pour chasser les restes du féodalisme. En Chine, il a fallu l’État prolétarien déformé de Mao Zedong pour accomplir cette tâche. Ce qui avait été accompli au cours des siècles précédents par les classes bourgeoisies lors de leurs révolutions en Angleterre, en France et ailleurs, reste toujours inachevé dans la plupart des pays asiatiques.
Tout comme sur les autres continents, la plupart des nations asiatiques ont été créées artificiellement par des lignes tracées sur des cartes après (ou avant) des années de pillage et de destructions meurtrières. Des nations entières ont été réduits au statut de “minorité ethnique” en Birmanie, en Thaïlande, au Sri Lanka. Seuls des partis des travailleurs à la tête de gouvernements socialistes seront à même de résoudre les questions des droits des minorités nationales et d’entamer la tâche de bâtir des confédérations mutuellement coopératives de nations, à l’échelle sous-régionale.
Cela fait des décennies que le règne direct exercé par l’impérialisme a pris fin partout en Asie. Cette domination a été remplacée par des puissances régionales telles que la Chine et l’Inde, qui luttent pour des “concessions” avantageuses sur le plan stratégique ou économique, comme on le voit au Sri Lanka, en Birmanie, et ailleurs.
Des multinationales géantes fouillent la région à la recherche de marchés, de main d’œuvre bon marché et de maximalisation des profits. Dans la plupart des pays les plus pauvres du monde, le marché des graines, des engrais, des détergents, de la vente, etc. est dominé par des monopoles multinationaux. Unilever effectue ainsi 57 % de ses ventes sur les “marchés émergents”, Colgate 53 % et Procter & Gamble 40 % (Financial Times 29/07/13).
Une campagne contre l’invasion du marché de la distribution indienne par Walmart organisée par le PCI(M) a obtenu une semi-victoire. Il reste à voir si la mise en échec de Walmart sera définitive. Les “communistes” du PCI(M) ont juré de rester vigilants, mais même des campagnes de masse ne peuvent obtenir que des victoires temporaires tant que les forces du “libre marché” capitaliste déterminent l’économie.
Les géants du textile et de la chaussure que sont Primark, Gap, Reebok et Adidas tirent d’énormes profits du travail asiatique. Le Bangladesh reçoit 20 milliards de dollars par an de ses exportations de textiles fabriqués par des travailleurs payés 38 $ par mois (20 000 francs CFA). La fureur suscitée par les conditions de travail dans des entreprises telles que le complexe Rana Plaza à Dhaka (la capitalie), qui s’est effondré cette année en tuant 1300 travailleurs, s’est exprimé dans les rues par des manifestations de masse et par des grèves.
À l’échelle internationale, on verse des larmes de crocodile, puis on parvient à des accords entre les revendeurs, les organisations patronales, les ONG et les fédérations internationales de syndicat comme IndustriALL. Même des organisations modérées comme “War on Want” (Guerre à la pauvreté, une ONG britannique) se plaignent du fait que de tels accords ne mènent jamais à rien et ne permettent jamais de garantir un salaire décent, une réduction des heures de travail ou de meilleures conditions de vie pour les millions de travailleurs de l’industrie textile partout en Asie du Sud et du Sud-Est. Ces accords ne permettent pas non plus l’émergence de véritables organisations de travailleurs combatives.
Certains des géants les plus connus de l’industrie automobile possèdent aussi des usines en Asie. Ils forcent leurs travailleurs à accepter des salaires et des conditions qui ne seraient pas tolérées dans aucune autre région du monde. Mais en même temps, ils ont créé une nouvelle génération de jeunes combattants de classe qui ont organisé des grèves très importantes, comme celle de Maruti, près de Delhi (Maruti est une société industrielle appartenant à Suzuki ; les travailleurs demandaient le triplement de leur salaire et des logements ; le directeur des ressources humaines est décédé dans un incendie au cours de cette grève ; l’usine a été fermée pendant presque un an ; le conflit est toujours en cours).
Les magnats “locaux” tels que les Tata, les Mittal, les Ambani, etc. se sont tellement enrichis depuis l’“indépendance” de leur pays, sur le dos de millions de travailleurs frappés par la pauvreté, dans leur pays comme en-dehors que leurs entreprises d’acier, d’automobiles et de mines parcourent à présent le monde entier, dans leur éternelle quête de profits.
Démocratie ?
Un simple regard sur n’importe quel pays d’Asie du Sud nous confirmera l’immense, l’infranchissable “déficit démocratique”, comme les commentateurs bourgeois le disent. Au Royaume-Uni, il y a eu tout un débat afin de savoir si la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth pouvait ou non avoir lieu comme prévu au Sri Lanka cette année (ce qui laisserait le Sri Lanka présider l’organisation du Commonwealth pendant les deux prochaines années !). La presse à cette occasion signalait le fait que le seul élément de démocratie présent au Sri Lanka est l’organisation d’élections. Le Sri Lanka serait le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes, selon l’ONG “Reporters sans frontières”. L’armée continue à saisir et à “lotir” les terres des Tamouls dans le nord du pays, tandis que son ministre de la Défense, Gotabaya Rajapakse (frère du président Mahinda Rajapakse, du ministre de l’Économie Basil Rajapakse et du président de l’Assemblée nationale Chamal Rajapakse), aime à déclarer que « Les droits de l’homme ne sont pas pour nous ».
La guerre civile au Sri Lanka a été noyée dans le sang de dizaines de milliers de Tamouls par la dictature népotiste chauviniste cingalaise de Mahinda Rajapakse. Mais aucune des grandes puissances qui luttent pour l’opportunité de faire des investissements très profitables et pour l’influence politique au Sri Lanka – notamment la Chine et l’Inde – n’est embarrassée par le manque de droits démocratiques dans le pays.
Cette année en juin, nous avons vu la première grève générale dans le pays, bien que partielle, depuis des années ; c’est là un signal d’avertissement au régime apparemment tout puissant. Un gouvernement confiant dans son avenir n’aurait pas besoin de se reposer si fortement sur l’usage de l’armée, sur la censure de la presse ou sur la traque des opposants et des éléments minoritaires.
Même dans “la plus grande démocratie du monde” – l’Inde – les votes lors des élections sont achetés et vendus. Toutes sortes de “cadeaux électoraux” – télévisions, ordinateurs, téléphones portables, etc. – sont distribués par les partis d’opposition comme du pouvoir lors des élections nationales ou régionales. De véritable fiefs de la taille de pays entiers sont détenus par des Ministres-en-chef et par leurs amis. La promesse d’éliminer l’immonde système des castes, reprises en chœur par tant de dirigeants politiques, reste irréalisée, et les minorités ethniques voient leurs terres les plus précieuses se faire arracher par des gouvernements ou des cartels qui œuvrent main dans la main (sauf là où des mouvements de masse déterminés sont parvenus à bloquer leurs projets).
Le “second monde”
La Malaisie, pays d’Asie du Sud-Est, parfois considérée comme faisant partie du “second” plutôt que du “tiers” monde, comprend trois principaux groupes raciaux (Malais, Chinois, Indiens). Le gouvernement du Barisan Nasional (Front national), qui se base sur la majorité malaise, prétend avoir à nouveau gagné les élections en mai, bien qu’il ne détienne maintenant plus la majorité des deux tiers qui lui permettait d’effectuer des modifications constitutionnelles.
Les électeurs “chinois” (càd, d’ethnie “chinoise”, et non pas de nationalité chinoise), qui constituent un quart du total des Malaisiens, se sont écartés du BN pour protester contre la continuation de sa politique pro-malais. La majorité des électeurs “indiens” malaisiens ont en général voté pour l’opposition de la Pakatan Rakyat (Alliance du peuple).
Au cours du mois qui a précédé les élections nationales, on a tout d’un coup vu tomber un “déluge” d’allocations sociales pour les familles pauvres, d’un montant total de 2,6 milliards de dollars. D’autres cadeaux ont été faits pour l’ensemble des électeurs. Malgré cela, l’alliance au pouvoir, dirigée par le BN, a sans nul doute été vaincue ; mais elle a affirmé sa victoire, malgré les très nombreux rapports de fraude électorale partout dans le pays. (Même le contrat pour l’encre nécessaire au vote a été donné à une entreprise qui appartient à un membre de l’alliance au pouvoir !)
Des jeunes radicalisés et en colère sont immédiatement descendus dans les rues pour déclarer le gouvernement illégitime ; certains de leurs dirigeants ont été arrêtés. Le dirigeant de l’opposition – ce même Anwar Ibrahim qui avait dirigé le mouvement “Reformasi” en 1997 – a condamné la fraude électorale et a exigé une enquête par les tribunaux. Mais il n’a à aucun moment demandé à ce que le gouvernement laisse le pouvoir et à manifester pour cela. Petit à petit, le mouvement des jeunes s’est essoufflé puis a disparu.
Il faut une nouvelle force politique en Malaisie, comme partout ailleurs dans la région, afin de canaliser la colère des jeunes et des travailleurs en une lutte pour une alternative socialiste. Le CIO en Malaisie, dans son journal “Solidarité ouvrière” présente une longue liste de revendications démocratiques liées à d’autres portant sur les salaires, le logement, les emplois pour les jeunes, la nationalisation des banques et des grandes entreprises sous contrôle et gestion démocratique par les travailleurs. Ce journal est vendu aux manifestations, sur les marchés de nuit, devant les entreprises – que ce soit des banques ou des usines – et dans les quartiers ouvriers.
Quel avenir
Lorsque les économies asiatiques seront soumises à la pleine force de la tempête économique qui approche, tous les partis politiques de la région seront soumis à l’épreuve. Ceux qui prétendent représenter les travailleurs, mais ne sont pas prêts à mener une lutte jusqu’au bout et sans compromis contre la domination du capitalisme et de l’impérialisme, perdront leur soutien. Ces vieux partis seront rejetés au cœur de la lutte de classes. Le développement d’une nouvelle force prolétarienne, basée sur un programme de classe combatif, est la tâche principale des socialistes en Inde, au Pakistan, en Malaisie, au Sri Lanka et dans toute la sous-région.
Des évènements terribles se préparent pour l’Asie du Sud et du Sud-Est ; c’est en particulier le cas pour les pays plus petits comme la Birmanie, le Népal, le Vietnam ou le Cambodge. Toutes les vieilles “certitudes” seront remises en question, et c’est au CIO que reviendra l’immense responsabilité de développer la capacité de lutte de la classe des travailleurs à travers toute la sous-région.
Comme Trotsky l’a écrit dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale, rédigé il y a 75 ans : « Bons sont les méthodes et moyens qui élèvent la conscience de classe des ouvriers, leur confiance dans leurs propres forces, leurs dispositions à l’abnégation dans la lutte » (Programme de transition). Les quelques-uns qui comprennent aujourd’hui la nécessité d’un programme complet afin d’effectuer une transformation socialiste en profondeur de la société ont pris l’habitude de « nager contre le courant ». Mais la vague de soulèvements de masse en Asie et ailleurs dans le monde, contre le capitalisme sous toutes ses formes, les porteront « à la tête du flux révolutionnaire », comme l’écrivait encore Trotsky.
Que ce soit le régime chancelant de Yudyohono en Indonésie, l’alliance instable au Pakistan, le gouvernement mou de Singh en Inde, le pouvoir illégitime de Najib Raziv en Malaisie ou la dictature de verre au Sri Lanka, aucune de ces cliques corrompues ne donne la moindre apparence de stabilité pour la sous-région. Loin de là. Les tempêtes qui pointent à l’horizon les verront remplacés non par un ni deux, mais par toute une série de gouvernements de crise, jusqu’à ce qu’un parti armé d’un programme socialiste révolutionnaire parvienne à saisir les rênes du pouvoir et à inspirer une vague révolutionnaire à travers toute l’Asie et au reste du monde.
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Environnement. Pénurie énergétique et changement climatique : Il faut une planification socialiste pour les énergies alternatives
Un spectre hante le monde – le spectre du changement climatique irréversible. Mais en même temps, le monde est saisi d’une soif désespérée d’énergie. Chaque année, nous générons et utilisons de plus en plus, produisons de nouveaux produits, tandis que les habitants des pays riches sont persuadés de jeter leurs vieux produits. Au Royaume-Uni, la consommation d’énergie est restée à peu près constante pendant les 30 dernières années, parce que presque tous nos biens de consommation sont importés. L’énergie qui est nécessaire à la fabrication de ces produits, par exemple, en Chine, est une des raisons pour lesquelles la demande en énergie s’est tellement accrue. Mais la demande en énergie n’est pas simplement un besoin de l’“Occident avide”.
Par Geoff Jones, Socialist Party of England and Wales (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Au fur et à mesure que les travailleurs des pays en voie de développement s’organise et obtiennent le droit à la parole, ils demandent eux aussi le droit de pouvoir posséder tous ces biens que nous tenons pour indispensables à la vie : des frigos, des lampes électriques, des radiateurs ou climatiseurs.
La construction de routes, de chemins de fer, de logements décents, tout cela demande de l’énergie, même si de nouvelles technologies permettent aujourd’hui de ralentir la croissance de cette demande – par exemple, l’utilisation de téléphones portables nous épargne la nécessité de mettre en place un réseau de câbles téléphoniques ; les ampoules LED consomment beaucoup moins que les ampoules incandescentes traditionnelles.
La concentration de dioxyde de carbone et autres gaz à “effet de serre” dans l’atmosphère terrestre augmente de plus en plus. Cette augmentation de leur concentration va mener à une hausse de la température mondiale, dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour l’humanité. 87 % de notre énergie dans le monde est produite en brulant des carburants fossiles non-renouvelables – essentiellement le pétrole, le gaz et le charbon –, ce qui génère du dioxyde de carbone.
Au Royaume-Uni, la proportion est presque la même, bien que le gouvernement Con-Dem se soit engagé à ce que 15 % (à peine) de notre énergie provienne de sources d’énergie renouvelables d’ici 2020. Une telle politique qui finalement ne mène à aucun changement, ne peut que nous conduire à la catastrophe.
Les sources d’énergie aujourd’hui
Aujourd’hui, la plupart de notre énergie est produite par de grosses multinationales dont le seul but est une offre sur le court terme et de super profits.
Pour extraire le pétrole, ils passent des contrats avec les seigneurs féodaux du Moyen-Orient, et ils transforment des terres agricoles en déserts pollués. Ce n’est que lorsque la pollution causée par l’extraction du pétrole apparait plus proche de chez eux, comme on l’a vu avec la catastrophe du golfe du Mexique, que les multinationales pétrolières (essentiellement américaines) affichent un tant soit peu de repentir – mais ça ne dure jamais qu’un bref moment.
Cela fait une génération que l’offre mondiale de pétrole est dominée par les dictatures du golfe Persique. L’Arabie saoudite produit ainsi à elle seul le dixième des exportations de pétrole. Cherchant désespérément d’autres sources, les compagnies pétrolières bâtissent des plate-formes pétrolières en haute mer qui forent de plus en plus profond et dans des zones de plus en plus dangereuses.
L’ironie suprême est que le réchauffement climatique lui-même cause la fonte des glaces polaires, ce qui ouvre tout d’un coup l’accès aux immenses gisements de pétrole et de gaz de l’Arctique, ce qui ne peut avoir pour conséquence qu’une hausse encore plus catastrophique de la température mondiale.
L’exploitation à ciel ouvert des sables bitumineux du nord du Canada, qui est un procédé extrêmement polluant et inefficace, fournit malgré tout 20 % des importations de pétrole américaines. À présent, il y a un projet de démarrer une exploitation qui créera dans le nord du Canada un désert toxique de la taille de l’Arabie saoudite, qui amènera ensuite le pétrole sur la côte Pacifique à l’ouest afin qu’il puisse y être acheminé vers la Chine. Ce projet a déjà provoqué de nombreuses manifestations.
Certains “biocarburants” sont une source alternative d’énergie, mais leur culture implique la destruction d’immenses superficies de forêt tropicale en Amérique latine et la reconversion de terrains aux États-Unis et ailleurs uniquement pour la production de maïs, à fins de biocarburant. Toutes ces terres pourraient à la place être employées pour cultiver des vivriers.
Après le pétrole, le gaz naturel est la deuxième plus grande source d’énergie du Royaume-Uni ; dans le monde, ce combustible est troisième derrière le charbon et le pétrole. Dans les années ’80 et ’90, les Tories ont utilisé les champs de gaz de la mer du Nord pour restaurer leur économie capitaliste en faillite. À présent ces gisements sont presque épuisés. En 2011, les importations de gaz ont excédé la production nationale pour la première fois.
Dans le reste du monde, la production continue de s’accroitre, mais les réserves ne sont évidemment pas inépuisables. En outre, rien ne permet d’empêcher les exportateurs d’augmenter leurs prix sans prévenir (comme l’Opep, Organisation des pays exportateurs de pétrole, l’avait fait en 1973 en décidant subitement une hausse de +70 %), ou d’éviter de couper totalement leurs fournitures énergétiques, comme la Russie l’a fait subir à l’Ukraine en 2009 en coupant le “robinet à gaz”.
La nouvelle panacée serait à présent la “fracturation hydraulique” – un forage profond dans les couches de schiste géologiques pour en extraire du gaz. Au Royaume-Uni, les ministres Con-Dem ont sauté sur cette occasion pour permettre aux firmes privées de foncer sur ce nouveau créneau, même après qu’une première expérience ait déclenché des séismes mineurs et ait révélé un véritable risque de pollution des eaux souterraines.
Les Tories parlent de gaz “bon marché”, mais le gaz qui sera ainsi produit sera vendu sur le marché mondial ; donc son prix sera aligné sur le prix mondial. De toute manière, un récent rapport indique que le cout de l’extraction par fracturation hydraulique serait plus élevé que le prix mondial actuel du gaz.
Enfin, il y a le charbon. La Chine est le plus grand producteur de charbon mondial. Elle extrait trois fois plus de charbon que les États-Unis et six fois plus que l’Inde, qui sont les deux autres plus grands producteurs mondiaux. Depuis que les Tories ont détruit l’industrie charbonnière britannique dans les années ’80, le Royaume-Uni est contraint d’importer deux fois plus de charbon que ce qu’il en produit.
À l’échelle mondiale, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prédit, sur base des tendances actuelles, que le charbon sera la plus grande source d’énergie mondiale d’ici 2020, et que si cette tendance continue, le climat mondial connaitrait une hausse de température de 6°C d’ici 2100.
L’énergie nucléaire, qui était généralement considérée il y a 50 ans comme une source d’énergie bon marché et non-polluante, a depuis longtemps perdu de son aura. Les réacteurs nucléaires, utilisant des systèmes conçus pour produire des armes nucléaires, laissent derrière eux des montagnes de déchets radioactifs hautement dangereux.
Au centre de traitement des déchets nucléaires de Sellafield, en Angleterre, le stock de déchets radioactifs est égal en volume à 27 piscines olympiques, et les autorités n’ont aucune idée de quoi faire avec ! (ce serait déjà bien s’ils savaient où se trouve l’ensemble des déchets). On pourrait construire des systèmes qui produisent moins de produits dangereux mais, à nouveau, les gouvernements et les entreprises privées ne sont pas désireux de financer les investissements sur le long terme que cela implique.
Pendant ce temps, la possibilité de systèmes efficaces et non-polluants tels que la fusion nucléaire (plutôt que la fission) semble n’avoir été qu’un mirage, qui s’éloigne au fur et à mesure qu’il parait plus proche.
La capture du carbone ?
Le charbon, le pétrole et le gaz requièrent des procédés de plus en plus chers, dangereux et polluants pour leur extraction, tout en continuant à relâcher de plus en plus de gaz à effet de serre. Les émissions mondiales de dioxyde de carbone sont passées de 20 gigatonnes par an en 1990 à près de 30 gigatonnes par an aujourd’hui. Neuf gigatonnes sont produits par les seules centrales électriques au charbon.
Le changement climatique ne peut plus être empêché, mais il pourrait être ralenti en capturant une partie du dioxyde de carbone émis et en le stockant quelque part. Mais cela voudrait dire un investissement considérable dans la recherche afin de développer des systèmes adéquats ; cela couterait de l’argent et nuirait aux bénéfices des compagnies énergétiques. Les gouvernements parlent de la nécessité de capturer et stocker le carbone, mais il faut beaucoup plus de recherches ; aussi, le nombre d’installations à capture du carbone actuellement opérationnelles est minuscule si on le compare à l’ampleur du problème.
Il y avait dans le monde en 2011 seize installations à grande échelle de capture du carbone, qui toutes ensemble ne capturaient qu’un millième du carbone généré à l’échelle mondiale. Il est prévu d’en construire plus (surtout en Chine), mais dans de nombreux cas, les investissements gouvernementaux se font longtemps attendre.
Au Royaume-Uni par exemple, l’installation de capture de carbone de Longannet, qui devait capturer environ 1,5 mégatonnes de carbone par an, n’a finalement jamais vu le jour, parce que les propriétaires espagnols de Scottish Power et le gouvernement Con-Dem ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur le financement du projet.
Bien que Ed Davey, secrétaire d’État à l’énergie Con-Dem, aime discourir à longueur de temps sur les “formidables opportunités” qui se présentent dans l’industrie de la capture de carbone, il n’y a en ce moment que très peu de recherches effectuées, et aucune installation de capture de carbone à grande échelle n’existe au Royaume-Uni.
Il existe une alternative
Il existe pourtant une alternative à l’accroissement indéfini de l’utilisation de carburants fossiles. En fait, en novembre 2009 déjà, dans un article paru dans la célèbre revue américaine Scientific American, on démontrait que simplement en utilisant la technologie dont nous disposons déjà à l’heure actuelle, il serait possible de satisfaire toute la demande mondiale en énergie, en utilisant des sources d’énergie renouvelables et non-polluantes. Quelles sont ces sources ? Essentiellement les énergies solaire, éolienne, et hydraulique.
L’énergie solaire, générée par des panneaux photovoltaïques, est déjà familière. On la voit un peu partout, sur les calculatrices de poche et sur les toits des maisons. La baisse de cout extrêmement rapide des matériaux nécessaires pour la fabrication des panneaux photovoltaïques rend aujourd’hui possible et compétitive la génération d’énergie solaire à une échelle industrielle.
En Californie par exemple, près de 2 gigawatts d’énergie solaire ont été installés. Cela est d’une part réalisé par des “fermes solaires”, champs de panneaux solaires à grande échelle, et d’autre part, par les nombreuses installations sur les toits des maisons et des entreprises, qui subviennent ainsi à leurs propres besoins.
Cette “génération d’énergie distribuée” a aussi le grand avantage de fortement diminuer le cout du transport de l’électricité. De tels plans ont été adoptés en Allemagne, et c’était également un des objectifs du dernier gouvernement britannique, qui voulait créer une “taxation adaptée” afin d’encourager les firmes solaires britanniques (mais ce plan est passé à la trappe sitôt les Con-Dem au pouvoir).
Bien sûr, la Californie est un cas particulier, vu qu’elle jouit d’un climat idéal, et de centaines d’hectares de désert ; mais l’idée des fermes solaires est reprise sur d’autres continents. Au Ghana par example, un projet d’installation solaire devrait fournir 155 mégawatts – 6 % de la demande énergétique ghanéenne.
Aussi, un immense projet appelé “Desertec”, vise à satisfaire 15 % de la demande énergétique européenne à partir de fermes solaires en Afrique du Nord, acheminée par des câbles sous la Méditerranée. Mais ce projet rencontre beaucoup de critiques. Au premier rang, les Africains qui se demandent pourquoi ils devraient envoyer toute cette électricité en Europe, quand eux-mêmes en ont tellement besoin. Mais il reste tout de même que ce projet démontre que la génération d’énergie solaire à grande échelle est possible.
L’énergie éolienne est devenue la source d’énergie renouvelable la plus diabolisée. Mis à part les mythes selon lesquels les champs éoliens en haute mer terroriseraient les dauphins et tueraient les oiseaux migrateurs, l’énergie éolienne est souvent décrite comme inefficace et chère. En réalité, tout cela est faux.
Une récente étude effectuée par un groupe de recherche très respecté, Cambridge Econometrics, a démontré qu’il est possible d’installer des turbines éoliennes en haute mer qui satisferaient à un quart de la demande énergétique britannique à un cout modique, à peine plus que le cout équivalent d’utilisation de gaz équivalent, tout en créant des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur de la construction.
Il faut, il est vrai, des systèmes de stockage de l’énergie pour s’assurer de la fourniture au cas où il n’y a ni vent, ni soleil, mais cela peut être fait.
On entend aussi l’argument comme quoi le régime des vents n’est pas fiable. Moins que les oligarques russes et les sultans arabes ?
L’énergie hydraulique, qui utilise des turbines actionnées par l’eau stockée dans de grands réservoirs (lacs de barrage), est la plus ancienne forme d’énergie renouvelable.
Aux États-Unis dans les années ’30, l’Autorité de la vallée du Tennessee a été instituée en tant qu’agence fédérale hydraulique – suscitant une vive critique de la part des compagnies énergétiques – afin de fournir des emplois et une électricité à bon marché grâce à un réseau d’immenses barrages. En Chine, le barrage des Trois Gorges, qui traverse le fleuve Yangtzi, devrait fournir 22,5 gigawatt. Mais ce barrage a déplacé 1,3 millions d’habitants, et causé de graves dégâts écologiques.
D’un autre côté, l’énergie océanique et marémotrice est une immense ressource mais qui est complètement négligée, surtout si on parle d’une nation insulaire telle que le Royaume-Uni.
En Europe, il n’existe qu’une seule installation marémotrice à grande échelle, celle de l’estuaire de la Rance, en France, qui fonctionne depuis 1966, et génère 240 mW. Mais des projets grandioses tels que celui du barrage maritime de l’estuaire du Severn, censé produire 5 % des besoins énergétiques britanniques, ne sont sans doute pas la meilleure option. Une majorité de l’industrie de la construction pourrait se voir engagée dans ce projet pendant des années, et il pourrait avoir des conséquences environnementales imprévisibles. D’un autre côté, un réseau de générateurs marémoteurs tel que proposé par l’ONG Friends of the Earth, produirait tout autant d’énergie pour beaucoup moins de dégâts écologiques.
Enfin, le développement de générateurs utilisant l’énergie des vagues (ou houlomotrice) est complètement ignorée par le gouvernement et par les entreprises énergétiques.
En fait, dans l’ensemble, très peu d’intérêt est affiché par les gouvernements et les multinationales de l’énergie partout dans le monde pour le développement de systèmes non-polluants.
Bien que la recherche dans de nouvelles technologies encore inconnues puisse offrir des solutions encore plus efficaces dans le futur, et devrait d’ailleurs être financée comme il le faut, il est urgent de s’occuper de ce problème aujourd’hui et maintenant. Au Royaume-Uni, la dépendance obsessive de la part du New Labour et des Tories sur l’industrie privée nous mène droit au pire.
D’un côté, il faut absolument fermer les centrales électriques au charbon qui vomissent des tonnes de dioxyde de carbone dans l’air, d’autant plus étant donné leur âge, vu que que les firmes énergétiques refusent d’investir dans de nouveaux générateurs qui seraient un peu plus propres.
D’un autre côté, nous voyons que les gouvernements ont toujours échoué à maintenir le moindre engagement envers la production d’énergie non-polluante et les économies d’énergie. Ils espèrent pouvoir se baser sur des centrales au gaz, en important du gaze ou en utilisant des procédés polluants et potentiellement très dangereux tels que la fracturation hydraulique.
Quoi qu’il en soit, le prix des combustibles va inévitablement s’accroitre, ce qui veut dire que de plus en plus de gens seront poussés dans la misère de ce fait. Et le chef de l’office de régulation de l’industrie, Ofgen, nous a déjà prédit que dans quelques années, le Royaume-Uni connaitra sans doute des délestages, ce que nous n’avons jamais vu dans le pays depuis la grève des mineurs de 1974.
Que doivent faire les marxistes?
Tout d’abord, nous ne devons pas accorder la moindre confiance au système capitaliste pour nous sortir de la catastrophe qui arrive à grands pas.
Au Royaume-Uni, nous devons réclamer :
- La fin immédiate des essais de fracturation hydraulique.
- La renationalisation du secteur de la production et de la distribution d’énergie, afin de permettre la mise en place d’un plan de capture de carbone, et de nous sortir de l’utilisation de combustibles fossiles aussi rapidement que possible.
- Une reconversion à très grande échelle de l’industrie de la “défense” vers la production de générateurs éoliens et solaires, en nationalisant les grandes compagnies énergétiques quand cela est nécessaire, sans compensation sauf sur base de besoins prouvés.
- Un programme national d’expansion de la “génération énergétique distribuée” sur chaque nouveau bâtiment construit : à chaque logement et chaque entreprise ses panneaux solaires.
- Une expansion massive du système de transport public, en particulier des chemins de fer, afin de réduire la pollution par les véhicules qui circulent sur les routes.
- Un plan massif et public de recherche et de développement dans les systèmes de génération d’énergie marémotrice et houlomotrice.
Dans le monde :
- Les organisations des travailleurs, des peuples indigènes et des militants écologistes doivent s’opposer à tous les plans de développements désastreux tels que l’extraction des sables bitumineux et les plantations de cultures à “biocarburants”.
- Il faut soutenir la lutte des peuples des pays à basse altitude, en particulier d’Asie du Sud-Est et du Pacifique, qui seront contraints à la migration et à l’appauvrissement national à cause de la hausse du niveau de la mer et du changement climatique.
- Il faut se battre pour un plan énergétique international afin de satisfaire aux besoins de l’humanité en utilisant uniquement les énergies renouvelables.
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Le capitalisme étouffe la planète
Au Bangladesh comme ailleurs
Le 15 novembre dernier, un cyclone a frappé les côtes du Bangladesh, provoquant plus de 3.250 morts, la destruction de milliers d’habitations et la fuite forcée de centaines de milliers de personnes. Une grande partie de la population, totalement isolée par les dégâts, est privée d’eau potable et de vivres.
A première vue, la responsabilité du système de production capitaliste n’est pas limpide pour beaucoup de monde. Cependant, la course effrénée aux profits, en plus d’occasionner des dégâts à l’environnement et à la population, alourdit les conséquences de telles catastrophes.
Quand il s’agit de profiter de la situation précaire et des salaires dérisoires des ouvriers du textile bangladais, d’exiger la privatisation du secteur bancaire, de soutenir un régime réprimant les grèves et le mécontentement, ou encore de vendre des armes aux militaires, gouvernements et multinationales se précipitent.
Par contre, pour prévenir des catastrophes naturelles, rien de tel n’est mis en œuvre. Par exemple, alors que le Bangladesh est fortement vulnérable à des aléas climatiques techniquement prévisibles (un tiers de son territoire est situé en zone inondable) entraînant des faits dramatiques, les moyens nécessaires pour y faire face ne sont pas déployés.
A chaque catastrophe, les grandes puissances capitalistes et les différents organismes internationaux s’achètent en quelque sorte une bonne conscience en annonçant l’envoi d’aides humanitaires. Cependant, du milliard de dollars promis après le tremblement de terre à Bam (Iran) fin 2003, seuls 17 millions avaient effectivement été payés deux ans plus tard. De même, après les tempêtes tropicales de 1998 en Amérique centrale, sur 300 millions d’euros promis, la moitié seulement avait été débloquée.
D’autres évènements ont démontré la passivité du capital quand il faut agir contre les catastrophes naturelles. Cyclones, tremblements de terre, inondations et tsunamis sont placés sous le même signe… celui de l’indifférence dans le meilleur des cas, celui de la poursuite de la politique des gouvernements dans le pire.
En 2005, le tsunami en Asie du Sud-Est a bénéficié d’une attention médiatique supérieure aux autres désastres naturels, en grande partie en raison du nombre de touristes occidentaux victimes du raz-de-marée. On a beaucoup moins parlé de la manière dont l’aide a été répartie ; elle a été utilisée en priorité pour reconstruire les sites touristiques (notamment en chassant des pêcheurs dont les villages avaient été détruits) ou pour s’attaquer plus encore aux minorités ethniques (en Indonésie ou encore au Sri Lanka).
La même année, le cyclone Katrina à la Nouvelle-Orléans avait frappé les esprits. Là encore, les profits priment sur la survie et la sécurité de la population. Au nom de la lutte contre le terrorisme, 187 millions de dollars avaient été retirés chaque année du budget de prévention américain destiné aux catastrophes naturelles. Cela laissait à ce budget une somme dérisoire comparée aux milliards de dollars qui ont été chaque semaine nécessaires à l’occupation de l’Irak… Et quand Bush a rapatrié 300 soldats d’Irak pour les envoyer à la Nouvelle-Orléans, ils devaient avant tout protéger les restes de la ville des « pillages » avec le mot d’ordre de « tirer pour tuer ». La majorité écrasante de ces “pillages” n’était en fait que des opérations de collectes de vivres ou de médicaments pour faire face à l’incurie des secours…
Comment apporter une aide réelle et effective à toutes les victimes en restant prisonnier d’une telle logique ?
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Les micro-crédits : Un concept cynique du néolibéralisme
Incroyable ! Un « banquier » reçoit le prix Nobel de la Paix. Muhammad Yunus est le fondateur de la Grameen-Bank, dont le système de « micro-crédit » a entre-temps rencontré l’estime et l’imitation mondiale.
La Grameen-Bank est issue d’un projet pilote en 1983 au Bangladesh et a, d’après leurs sources, accordé des crédits à 6,6 millions de personnes jusqu’à présent, dont 97 % sont des femmes. Aux yeux des organisations gouvernementales et des ONG, ainsi que pour des gens de tendances politiques très variées, les micro-crédits sont aujourd’hui internationalement considérés comme la base essentielle de la lutte contre la pauvreté. Les discours critiques sont rares. La quadrature du cercle a-t-elle effectivement réussi ?
La Pauvreté : un phénomène de masse en pleine croissance
L’ONU a proclamé la décennie 1997-2006 « décennie pour la suppression de la pauvreté ». En effet, la pauvreté a grimpé. Il ne suffit pas de tirer des chiffres comme « de combien de dollars par jour dispose un homme ». Les chiffres de mortalité infantile, de malnutrition, d’accès à l’enseignement et aux soins de santé ou de la condition de la femme sont partiellement aussi parlants. Il est un fait que le nombre de famines a augmenté dans les deux dernières décennies. Internationalement, il y avait en moyenne 15 famines par an dans les années 80. A l’arrivée du nouveau millénaire, le nombre de famines avait grimpé à 30 par an. Au même moment, environ ¼ de la population mondiale n’avait pas d’accès à l’eau potable. Dans des parties de l’Afrique et de l’Asie du Sud-est, 40 à 50 % de tous les enfants souffrent de troubles dus à des carences alimentaires. Dans l’Europe de l’Est et les Etats de l’ex-URSS, les réductions et privatisations des soins de santé remettent à l’ordre du jour des maladies liées à la pauvreté comme la tuberculose.
L’aide au développement n’est pas dépourvue d’idéologie
Des conceptions de comment aider les pauvres, il y en eu et il y en a toujours beaucoup. Jamais elles ne sont dépourvues d’idéologie. Au contraire, elles suivent dans leur développement le courant dominant sur le plan politique et économique. Quand maintenant le micro-crédit est soutenu et dicté par des institutions comme l’ONU et la Banque Mondiale (BM), la méfiance s’avance.
Dans la politique économique, la doctrine s’est modifiée de façon déterminante depuis les années 80. Le néolibéralisme est le principe dominant tout et le « fun » du micro-crédit en est une expression. Cette évolution va de paire avec un rapport de force politique changé. Dans les années 60 et 70, les ex-Etats coloniaux s’avançaient sûrs d’eux : ils n’étaient pas encore tombés dans le piège de l’endettement, ils s’étaient débarrassés d’une grande partie de leurs seigneurs coloniaux, et avaient acquis une indépendance du moins formelle. Un système alternatif au capitalisme existait en Union Soviétique même s’il s’agissait alors d’une dictature bureaucratique plutôt que d’une démocratie socialiste. Aujourd’hui, la charge des dettes dans les Etats néocoloniaux est accablante, leur dépendance politique et économique est à nouveau grande, et leurs élites dominantes sont le plus souvent les marionnettes de différents Etats impérialistes.
Le micro-crédit et la politique agricole
La politique agricole est un thème international particulièrement brûlant et une source de conflits internationaux, par exemple entre les USA et l’UE, ou encore au sein même de l’UE. C’est pourquoi dans les institutions internationales, principalement l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les questions agraires se trouvent au premier plan. La situation actuelle se résume, pour l’essentiel, par les points suivants :
- Les pays industrialisés disposent d’excédents agricoles dont ils se débarrassent volontiers en les écoulant dans le « Tiers-monde ».
- Internationalement, la production agricole est de plus en plus industrialisée. Cela conduit les petits paysans, tout particulièrement dans les pays pauvres, à la perte de leurs terres. Ils se retrouvent alors piégés dans un processus d’endettement que les semences à base d’OGM accélèrent.
- Les pays industrialisés exportent des produits agricoles vers le « Tiers-monde », qui de son côté est assigné aux importations. Il est contraint de se borner à une production strictement orientée vers l’exportation (café, thé, tabac, etc.).
- D’un côté, la production agricole des pays industrialisés est fortement subventionnée alors que, de l’autre, des contrats particuliers rédigés par l’OMC interdisent de subventionner les pays néocoloniaux.
La politique des institutions internationales – comme le Fond monétaire international (FMI), la BM et l’OMC – dans laquelle, par exemple, l’octroi de crédit a été lié à de considérables concessions, aggravent encore l’inégalité.
- Les subventions de biens de première nécessité ont été fortement réduites voire supprimées. Autrement dit, les prix des produits alimentaires de base et du chauffage ont grandement augmenté, ce qui a pour effet direct de couler rapidement le standard de vie de la population. Le mouvement révolutionnaire de 1998 en Indonésie a été maté grâce à un dictat semblable émanent du FMI.
- La production agricole a été réorientée vers l’exportation, le rendement ainsi constitué sert à rembourser les établissements de crédits. De cette façon, la population même n’est plus en mesure de subvenir à ses propres besoins alimentaires.
- Les Programmes d’Ajustements Structurels (PAS) signifient la réduction de subventions agricoles dans les pays plus pauvres. Sur le marché mondial, la production de ceux-ci ne peut pas rivaliser avec celle des Etats impérialistes (qui est elle-même fortement subventionnée).
Le résultat de cette politique est que, depuis 1995, il y a un accroissement de la sous-nutrition mondiale. Les micro-crédits opèrent également dans ce sens : les crédits sont octroyés, en Inde par exemple, surtout pour construire des petits commerces (magasins). Les gens pauvres sont retirés de l’agriculture au profit du secteur tertiaire (services), et même une partie d’entre eux est utilisée dans la nouvelle chaîne de distribution.
Il y a de graves conséquences : la dépendance augmente massivement. Tandis que l’agriculture propre ne rapporte que de faibles rendements, ces derniers pourraient cependant permettre d’accéder aux besoins essentiels propres, même sans gagne-pain. Mais via le processus d’abandon du secteur primaire au profit du tertiaire, cela est impossible.
Les effets secondaires de cette politique font le bonheur des multinationales : la terre est plus facile à racheter aux propriétaires fonciers, jusque-là autochtones, car ils sont endettés par les crédits. Du coup, la dépendance aux aliments issus de l’importation augmente.
Les micro-crédits et le secteur financier international
Un argument central pour le micro-crédit est qu’il permet l’accès à l’emprunt à des gens qui, de par leur situation incertaine, n’ont pas droit au crédit « normal ». Ici doit être posée la question suivante : pourquoi la pauvreté ainsi qu’une absence de capitaux chez certains existent-elles dans cette société ? La pauvreté dudit « Tiers-monde » est le résultat d’une exploitation abusive et longue de plusieurs siècles par des Etats impérialistes et colonialistes. Les pays du Tiers-monde ont été systématiquement pillés de leurs ressources naturelles, leurs populations ont été brutalement exploitées et opprimées, et toutes les violences possibles y ont été utilisées pour empêcher le moindre développement industriel indépendant. Les institutions internationales – ONU, FMI, BM, OMC, etc. – ne se sont pas contentées de ne rien faire pour aider ces pays en difficultés, elles ont profondément aggravé la situation déjà particulièrement pénible. Par l’action de la politique néolibérale mise en place depuis les années 80, les contradictions entre riches et pauvres n’ont cessé de s’accroître au sein des pays, de la même façon qu’entre les pays riches et pauvres. Jusque dans les années 70, un crédit ouvert par un ex-Etat colonial était respectivement détenu par son ex-Etat colonisateur. Dans les années, 80, les taux d’intérêt grimpèrent comme jamais auparavant. Ce fut le début du piège de la dette dans lequel se trouvent aujourd’hui enfoncés les pays néocoloniaux. En réalité, on assiste dans les années 80 à un bouleversement du courant capitaliste unique, à savoir que le Tiers-monde alimente en profits les consortiums du monde capitaliste. Par exemple, depuis 1995, la région subsaharienne transfère dans les pays industrialisés du Nord 1,5 milliard de plus qu’elle n’en reçoit. Dans les années 90, l’accès au crédit était fort difficile pour les pays pauvres, et cela a également mené à un manque non négligeable de capitaux. Depuis le passage au nouveau millénaire, cela a encore changé, en partie aussi avec le micro-crédit.
Une autre raison qui explique l’intérêt nouveau des institutions financières internationales pour les pays pauvres est la suraccumulation mondiale. Le capitalisme se trouve depuis les années 80 dans une dépression – il nécessite des profits toujours croissants. La concurrence internationale grandissant, il faut toujours réaliser des profits plus importants, ce qui a pour conséquence une surproduction massive et mondiale (de ce que les gens sont capables de consommer, pas de ce qu’ils ont réellement besoin). Investir de l’argent dans le domaine de la production rapporte de moins en moins de profits. Cela a pour effet de faire migrer les capitaux, en partie tout du moins, vers le domaine spéculatif. C’est ce qui s’exprime dans le boom du marché financier et par les innombrables nouveaux « produits » financiers liés au domaine spéculatif. Les micro-crédits représentent un nouveau marché financier, une nouvelle couche de clients est découverte, de nouvelles possibilités de placements s’ouvrent pour le capital international.
L’ONU a appelé 2005 l’année du micro-crédit avec comme but à atteindre 100 millions de gens clients du micro-crédit (ou plutôt endettés par le micro-crédit).
Les micro-crédits seront octroyés par les ONG, et par les établissements bancaires nationaux et internationaux. Depuis longtemps déjà, ce marché est conquis par les grandes banques telles – en Inde par exemple – la banque d’Etat Bank of India, ou la FTC – filiale de la BM –, ou le Fonds Soros au développement économique, ou encore le Response Ability Global Microfinance Fund, un fond appartenant à diverses banques suisses dont le Groupe Crédit Suisse fait partie. Beaucoup de grandes banques travaillent ici avec des filiales dont le nom provient du concept « Développement » ou de quelque chose de similaire pour clarifier des prétentions dites humanistes. C’est d’ailleurs également un excellent moyen de vendre à des investisseurs critiques des pays industrialisés – qui ne souhaitent pas voir leur argent profiter aux budgets de l’armement ou aux pollueurs – des formes de placement qui leur laisse la conscience tranquille (c’est en partie connu comme « Fonds éthique »). La coordination internationale est chapeautée par la BM.
L’Agence au développement autrichien (ADA), le Centre de compétence de collaboration au développement de l’Autriche orientale l’écrit de façon très directe : « Contrairement à ce qui était le cas il y quelques années, le micro-financement aujourd’hui ne peut plus être de la charité, mais doit être source de profits. »
Les OGN agissent souvent en tant qu’intermédiaire entre la banque et le « client », soit par conviction, soit par manque d’alternative, soit parce qu’elles sont le prolongement de la politique. Le rôle que joue les ONG – tout particulièrement dans les pays néocoloniaux – doit être considéré de façon critique, car il est fréquent qu’elles soient installées comme instrument pour imposer la représentation dominante (autrement dit : la représentation des dominants), et pour mener les potentielles résistances aux injustices sur des voies contrôlables.
Le risque pour les banques est comparativement faible : la mensualité d’un micro-crédit se trouve généralement à hauteur de 90 %, et puis surtout, parce que des aides financières d’Etat existent comme garanties (ce qui ne veut absolument rien dire sur les facilités ou les difficultés que rencontre le débiteur pour rembourser son crédit). En outre, une grande partie des frais engendrés par l’octroi de crédit est sous-traité. Cela veut dire que le conseil et la prise en charge, l’appréciation pour savoir qui a droit au crédit ou pas, le remboursement de dettes et la gestion contribution/remboursement est rempli par les ONG et plus spécifiquement par les preneurs de crédit (qui, pour la plupart, sont considérés comme des membres par la Grameen-Bank). Il s’agit ici d’un travail non rémunéré dont la prestation est une condition préliminaire à l’octroi d’un crédit.
Quand les crédits sont octroyés en euros plutôt qu’en dollars (il s’agit alors quasiment d’octrois de crédits étrangers), les preneurs de crédit – assis sur un siège ambivalent – portent seuls tous les risques de fluctuation monétaire.
C’est donc en tout point une excellente affaire qui, de plus, jouit d’une publicité gratuite par le fait qu’elle est associée à une image « humaniste ».
Mise en pratique d’une idéologie : plus de privé, moins de public
Depuis longtemps déjà, on sent un recul de la politique de développement de la part des Etats. En 1970, l’ONU s’est donnée pour objectif – depuis ce temps-là constamment – confirmé que les pays « riches » payent 0,7 % de leur PIB pour l’aide au développement. Après que les versements aient augmenté depuis le début des années 60, il a de nouveau chuté depuis cette époque. En ce temps-là, la valeur de ces contributions se situait en moyenne à 0,4 % du PIB ; en Allemagne, à environ 0,3 %. Egalement dans les pays néocoloniaux eux-mêmes, des mesures prises pour lutter contre la pauvreté – comme par exemple des subventions d’aliments de première nécessité – furent supprimées, en partie sous la pression du FMI et de la BM. La conception que mettre fin à la pauvreté par des versements des Etats riches (et non pas par les entreprises qui profitent de l’exploitation de ces pays) peut et doit être remis en cause, mais la chute des aides au développement reflète une fois de plus la tendance générale à la privatisation ; tendance que l’on appréhende complètement dans cette politique de sous-aide.
Ainsi, pendant que d’un côté on assiste à un recul des mesures étatiques, on a de l’autre côté une énorme propagande en faveur du micro-crédit. Dans les années 70, on savait que « la faim n’est pas un hasard » et la responsabilité du colonialisme et de l’impérialisme envers la pauvreté était bien connue. En ce temps-là, beaucoup d’Etats anciennement coloniaux menaient une politique autarcique, autrement dit, ils essayaient de cultiver et de produirent eux-mêmes leurs biens de façon à se rendre indépendant des importations étrangères (ce qui pris fin à l’époque de la concurrence internationale croissante des pays impérialistes, notamment à cause de l’action de l’OMC). Il faut également déceler un changement de paradigme dans la compréhension de la responsabilité envers la pauvreté. Les micro-crédits créent justement l’illusion que, maintenant, chacune et chacun aurait la possibilité de se libérer de la pauvreté. « Chacun de sa chance est l’artisan. » est sans cesse répété par la propagande du micro-crédit. Dans cette maxime, il faut surtout comprendre : qui reste pauvre en dépit de ces magnifiques possibilités, celui-là est coupable.
Dans l’explication du micro-crédit de 1997, on remarque que les micro-crédits seraient la victoire du pragmatisme sur l’idéologie. Il serait plus juste de dire que les micro-crédits sont le changement d’une idéologie pour une autre.
La position de Muhammad Yunus, détenteur du prix Nobel, correspond bien à ce changement d’idéologie. Par exemple, il se positionne contre la suppression de la dette du Tiers-monde et pense que « les hommes grandissent grâce aux défis et non par des remèdes de soulagement ». En cela, il néglige complètement que vivre au Bangladesh – pour ne citer qu’un exemple – est déjà en soi un défit au quotidien, et qu’il ne s’agit là en rien de cadeaux, mais tout simplement de mettre fin à l’exploitation.
Qu’apportent les micro-crédits aux pauvres ?
Après toute cette critique, on pourrait malgré tout noter que les micro-crédits aident les pauvres, qu’il s’agit de procédés win-win et que par conséquent, banques et entreprises en profitent au même titre que les pauvres. Mais la réalité est toute autre. Aucune étude approfondie n’a été menée sur l’effet des micro-crédits. A ce sujet, il existe toute une série d’exemples individuels d’ordre sentimental et complètement vides de consistance comme des femmes auxquelles un micro-crédit a permis de garder une vache et de renforcer leur confiance en elles. Pourquoi ces études n’ont-elles pas été menées ? En soi, c’est déjà une question pertinente : pourquoi un projet semblable et de si grande ampleur n’est-il pas pesé globalement afin d’en tirer un bilan ? Il y a de la part de critiques une série d’enquêtes et d’exemples qui démontrent les conséquences négatives des micro-crédits.
Les micro-crédits ont dans leur règlement de très hauts taux d’intérêts. La Grameen-Bank exige des crédits à ouvrir une rente d’au moins 20 %, mais il existe aussi des taux d’intérêts qui vont jusqu’à 40 %. Ces valeurs sont certes moins élevées que chez les prêteurs d’argent privés là-bas, mais elles sont plus hautes que les plus grand crédit dans les banques d’Etat, par exemple. Les taux exorbitants sont légitimés avec de lourdes dépenses administratives pour accorder les crédits et pour gagner des « clients ». Toutefois, ces coûts et prestations sont sous-traités ; ils sont pris en charge en grande partie par les emprunteurs mêmes. Et les grandes banques n’investissent dans un secteur que si ce dernier promet des profits.
Par le changement d’une économie agricole – qui permettait une certaine indépendance – au secteur des services, la dépendance des emprunteurs s’est accrue, car ils sentent souvent venir le cercle vicieux.
L’endettement des emprunteurs monte, de façon individuelle ou par l’intermédiaire d’associations d’entraide. Celles-ci constituent la structure de base pour les établissements de crédits et leurs octrois. Les gens qui en font partie n’ont généralement aucune expérience des « grandes » quantités d’argent (or, comme ils sont tous détenteurs de micro-crédits, ils ont encore plus à payer ensemble qu’individuellement). De plus, une grande partie des crédits sont utilisés pour des dépenses immédiates dans des situations de besoin, en cas de mauvaise récolte, de mort d’un membre, etc., ce qui ne correspond pas à des revenus mais à de nouvelles dettes à venir. Et là où des crédits sont risqués pour investir, il y a – comme le montre une étude en Inde du Sud – une pression des banques pour investir dans des magasins (les femmes, par exemple, qui préfèreraient investir dans des vaches sont « convaincues » d’investir dans un magasin). Ces magasins sont rarement rentables, ce qui est logique car : qui va y aller pour faire ses courses ? La population locale n’a pas d’argent ; s’il y avait une demande de tels magasins, il y en aurait déjà depuis longtemps. Mais les banques – qui poussent les gens à investir en masse dans des affaires non rentables – se fichent éperdument de savoir d’où puisse venir l’argent pour rembourser le crédit. Souvent les banques conseillent à leurs clients de faire des emprunts comme s’il s’agissait d’épargne (que pourrait-on gagner sans s’endetter). Andrah Pradesh, qui est fréquemment présentée comme « l’histoire à succès des micro-crédits », est également l’Etat fédéré d’Inde qui connaît le plus grand nombre de décès pour cause d’endettement.
Il n’y a pas de micro-crédit pour les plus pauvres des pauvres. A cause de critères de sélection qui devrait indiquer une certaine « capacité de crédit » (donc, la chance de pouvoir rembourser le crédit), tous ceux qui, par exemple, sont incapable de travailler, restent des demandeurs de crédit exclus.
L’argument peut-être le plus fréquent en faveur du micro-crédit est qu’il permet aux femmes des sociétés fortement patriarcales de renforcer leur indépendance. En effet, dans la majeure partie des cas, ce sont les femmes qui sont préférées ou seules comme clientes de micro-crédits. Souvent des associations d’entraide sont mises sur pied ou, en réalité, instrumentalisées. La rencontre de femme dans des groupes, l’échange d’expérience, etc. est naturellement positif pour l’assurance personnelle (il est d’ailleurs étrange que ces structures n’aient pas été créés de toute façon avant le micro-crédit). Mais plus les crédits amènent dans les centres la préoccupation de leur exécution et de leur prise en charge, plus les autres thèmes (violence familiale, place de la femme dans la société) sont mis à l’arrière plan. Souvent, les associations d’entraide sont également utilisées par l’Etat ou par les établissements de crédit (par exemple la Grameen-Bank) pour imposer leurs conceptions au regard des plannings familiaux, d’hygiène, etc. Même quand ces conceptions peuvent être positive (par exemple, ne boire que de l’eau qui a été portée à ébullition), elles s’expriment de façon très paternaliste. Dans les associations d’entraide, on doit également rapporter des évolutions négatives quand les projets ne remportent pas le succès économique et que le remboursement des dettes mène aux conflits dans le groupe. Ce qui est particulièrement négatif, c’est que – dû au fait que ce sont avant tout les femmes qui reçoivent les crédits, mais que les structures familiales ne changent pas – ce sont avant tout les femmes qui tombent dans le piège de la dette. La femme prend un crédit, l’homme l’utilise, mais pas pour payer des choses que lui-même ne payerait pas (l’argent pour les études des enfants, par exemple), et la femme doit ensuite rembourser le crédit en prenant un travail supplémentaire ou en renonçant davantage à ses propres besoins.
Quelques remarques pour terminer
Les micro-crédits sont une affaire où des millions – si pas des milliards – de dollars sont en jeu. Les institutions à qui cette charge est confiée sont très différentes. Chaque critique ne peut pas s’appliquer à chacune d’entre elles. Il est indubitable qu’il existe aussi des expériences positives avec des preneurs de crédit qui ont réussi à améliorer leur vie.
Mais il est primordial de noter que les micro-crédits ne sont en rien une solution à la faim et à la pauvreté. Le mensonge colossal du capitalisme – que chacun peut, de « plongeur », devenir millionnaire – ne deviendra pas subitement une vérité à force d’être répété. Le Bangladesh est volontiers utilisé comme exemple maternel pour illustrer le « succès » du micro-crédit. La population du Bangladesh souffre entre autres d’une eau potable contaminée par l’arsenic et de fréquentes inondations (qui par suites du réchauffement de la planète a été encore davantage aggravé). A ces deux problèmes, il n’y a pas de solution individuelle.
Au 19e siècle aussi, il y avait l’espoir – grâce à des associations de production et de consommation – d’ériger quasiment des « îlots sociaux » dans le capitalisme. La tentative d’Hugo Chávez au Venezuela de construire une forme d’économie parallèle et juste va également dans ce sens.
Mais en définitive, tous ces débuts ont échoué dès qu’il s’agissait de supprimer aux gens la pauvreté, l’exploitation et la faim. A partir du moment où la distribution équitable des richesses n’est pas naturelle, ces problèmes ne sont pas non plus solvables par des réponses individuelles. Et justement, les micro-crédits agissent dans le sens d’une individualisation ; les questions par exemple d’une résistance aux prix exorbitants des semences ou à la distribution inéquitable de la terre ne sont pas posées. La faim et la pauvreté sont la conséquence d’un ordre économique dans lequel les profits sont le point de rotation et d’attraction. Le capitalisme a besoin de chômage et de pauvreté pour pouvoir réaliser ses profits. Un capitalisme social – tout particulièrement pour l’ensemble des hommes dans le monde – est une utopie qui contredit les besoins et les mécanismes du système.
Il est nécessaire, ici et maintenant, de lutter contre la pauvreté et la faim, mais une suppression de ces fléaux de l’humanité n’est possible qu’avec une suppression du capitalisme.
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Thailande. Un coup d’état suite à l’impasse politique. L’armée supprime les droits démocratiques.
Ce 19 septembre, la Thailande a été le théâtre d’un autre coup d’état. Ceci est le 17ème coup d’état depuis que la « monarchie constitutionnelle » a été établie en 1932. Ce coup d’état, mené par Sonthi Bunyaratglin, commandant en chef des forces armées, a expulsé le premier ministre Thaksin Sinawatra, un magnat des télécoms milliardaire. Depuis 2001, avec son gouvernement du parti « Thai Rak Thai » (TRT – « les Thaïs aiment les Thaïs »), Thaksin Sinawatra a remporté deux écrasantes victoires électorales, avant de devoir faire face cette année à des manifestations de rue contre la corruption. Il est largement entendu que le roi Bhumibol a donné le feu vert à l’armée quant à la mise sur pied de ce coup d’état. Les forces armées, avec le soutien du roi, misaient sur l’hostilité générale envers Thaksin, en particulier sur celle de la population urbaine de Bangkok, afin d’obtenir une victoire rapide, remportée sans devoir tirer le moindre coup de feu ni verser la moindre goutte de sang. Ce coup d’état avait pour but, selon ses chefs, de mettre un terme à plus d’un an d’impasse politique.
Dossier par Ravie Chandren
La chute de Thaksin
Thaksin est arrivé au pouvoir en 2001, en utilisant à son avantage l’impact de l’agenda de « restructuration » demandé par le FMI lors de la crise de l’économie asiatique en 1997. Il gagna un soutien significatif, surtout dans les zones rurales, pour son programme populiste vis-à-vis des fermiers et des pauvres, avec par exemple des promesses de soins de santé bon marché. En même temps, il utilisa des mesures protectionnistes pour servir ses propres intérêts économiques. Ses cinq ans au pouvoir furent caractérisés par son administration de style « PDG ». A cause des pressions économiques au niveau mondial, Thaksin recourut à une politique néo-libérale, comprenant des privatisations de services publics (par exemple, l’électricité). Il introduisit des accords de libre échange pour faciliter les investissements étrangers.
Ces mesures furent à la source de désaccords importants avec des hommes d’affaires locaux, et d’autres plus petits commerçants et industriels, ainsi que d’une certaine colère de la population urbaine, lorsque l’inflation atteignit son plus haut niveau en 6 ans. La population urbaine était également outragée par le contrôle que Thaksin exerçait sur les médias et par sa négligence des droits démocratiques, par ses incessantes tentatives de remplir les institutions avec ses propres hommes, par sa « guerre contre les trafiquants de drogue » (qui lui servait d’excuse pour commettre des meurtres illégaux), et par les moyens de répression brutaux qu’il employa contre une insurrection organisée par les musulmans au Sud, et qui intensifia les émeutes séparatistes.
La goutte qui fit déborder le vase, fut la vente de toutes les parts que la famille de Thaksin détenait dans Sin Corp., le géant des télécommunications, à Tamasek Holdings, une société singapourienne, pour une valeur de 1,88 milliards de dollars, réalisant ainsi la plus grosse vente de toute l’histoire de Thaïlande. Pas un centime de taxe n’en fut prélevé. Cette opération donna naissance à des manifestations de milliers de personnes dans les rues de Bangkok, en février et mars de cette année, comprenant les classes moyennes, des groupes de citoyens, d’étudiants, d’intellectuels, les partis d’opposition et les églises, ainsi que des travailleurs. Pendant ce temps, Thaksin se reposait sur son soutien populaire à la campagne, où habite 60% de la population, utilisant à son avantage les divisions entre campagne et ville, élaborant des stratégies de « diviser pour régner » afin de remporter les élections.
Cependant, les tensions entre Thaksin et les partis d’opposition atteignirent un sommet lors des derniers mois. Thaksin tenta de calmer les manifestations à Bangkok, en improvisant des élections le 2 avril de cette année. Les partis d’opposition boycottèrent le scrutin, de sorte qu’il fut impossible de former un nouveau parlement sur base des maigres résultats. Par conséquent, Thaksin promit de démissionner dès qu’un nouveau cabinet aurait été mis sur pied. On pense que cette décision lui fut conseillée par le roi Bhumibol, afin de mettre un terme à l’impasse politique. Mais la crise ne se résolut pas, ce qui poussa le roi à demander aux juges du pays de « mettre de l’ordre » dans le pays.
La cour constitutionnelle annula rapidement les élections d’avril, puis la cour criminelle emprisonna trois des commissaires qui avaient organisé les élections. Les nouveaux commissaires avaient été choisis un peu plus tôt ce mois-ci. Il semblait que la Thaïlande se dirigeait vers de nouvelles élections, peut-être dès le mois de novembre, et auxquelles les partis d’opposition auraient pris part. Mais la crise politique n’aurait pas été terminée, même après ces élections de novembre, puisqu’il était largement attendu que le parti de Thaksin (le TRT) allait remporter les élections, grâce à son important soutien rural. Et donc, même si Thaksin avait démissionné de son poste de premier ministre, comme il avait suggéré de le faire, il aurait continué de contrôler le gouvernement à travers le TRT.
Au même moment, des couches entières de l’élite dirigeante ressentaient un profond malaise vis-à-vis des conséquences politiques et économiques que causerait une confrontation prolongée entre Thaksin et ses opposants politiques : plus longtemps durerait ce conflit, plus grand allait en être l’impact sur les prix des actions, sur l’inflation et sur les investissements. Des couches encore plus larges de la population étaient aussi prêtes à donner de la voix si l’économie continuait à se détériorer.
Une autre cause du coup d’état semble avoir été les manœuvres de Thaksin contre des officiers âgés, dont le Général Sonthi, qui était critique envers le premier ministre. Des rapports indiquent que pendant le mois de juillet, cent officiers de rang moyen qui étaient loyaux à Thaksin, furent écartés des postes-clés à Bangkok. Récemment, Thaksin avait projeté de placer deux de ses partisans à des endroits stratégiques, pour contrôler la sécurité de la capitale.
Depuis le coup d’état de cette semaine, les généraux de l’armée ont insisté sur le fait que Thaksin, qui se trouve pour l’instant à Londres, est libre de rentrer au pays, et même de participer aux prochaines élections. Pendant ce temps, Reuters a mentionné deux juges et l’ancien dirigeant de la banque centrale comme membres attendus du nouveau comité de six experts qui aurait pour mission d’enquêter sur les affaires financières de Thaksin, de sa femme, de ses autres parents, et de ses collègues politiques. Divers accusations ont été formulées contre lui auprès des tribunaux et, maintenant qu’il a quitté le pouvoir, d’autres semblent devoir bientôt suivre.
Le roi et l’armée
La Thaïlande, le seul pays d’Asie du Sud-Est à n’avoir jamais été colonisé par une puissance européenne, était une monarchie absolue pendant presque quatre siècles, jusqu’en 1932, lorsqu’un coup d’état pacifique limita les pouvoirs du roi. Cependant, le roi reste extrêmement révéré et influent, de par la constitution. C’est par son implication dans le coup d’état militaire que le gouvernement Thaksin a vu son terme. Pendant presque les deux tiers du siècle dernier, la direction du pays a été dominée par les forces armées, avec toute une succession de dictateurs militaires.
Le lendemain du coup d’état, la junte militaire qui a pris le pouvoir, composée de six hommes, est apparue devant les medias du monde entier, insistant qu’ils n’avaient aucune intention de s’accrocher au pouvoir. Ils ont promis de passer le pouvoir dans deux semaines, après qu’ils aient sélectionné l’administration civile qui devra diriger le pays pour une année. Les généraux ont aussi insisté sur le fait que ce nouveau cabinet devrait constituer un comité à charge d’écrire une nouvelle constitution, qui serait soumise à un référendum avant que des élections n’aient lieu.
Bien que le pays ait déjà eu 15 constitutions différentes depuis 1932, de nombreux politiciens et académiciens thaïs semblent convaincus qu’une nouvelle réécriture sera un grand succès. Le magazine The Economist a écrit : « Lorsque la dernière constitution a été rédigée, en 1997, elle fut largement perçue comme porteuse d’un équilibre certain. D’un côté, elle fournissait à la Thaïlande des partis politiques et un pouvoir exécutif plus forts – ce dont elle avait besoin, avec son histoire faite de différentes administrations aussi faibles qu’éphémères ; d’un autre côté, elle introduisait de nouveaux équilibres et contrepoids, tels que la cour constitutionnelle, et un important organe anti-corruption. Malgré cela, on reproche maintenant à la constitution de 1997 d’avoir permis à M. Thaksin de dominer les institutions étatiques, et d’abuser de son pouvoir de premier ministre. Différentes propositions de réformes – telles que des restrictions aux changements d’allégeance politique – ont été rédigées ; bien qu’il semble peu probable qu’elles puissent réaliser les miracles qui sont attendus d’elles, même si elles devaient être promulguées. »
La junte militaire, qui s’est donnée le nom de « Conseil pour la Réforme Démocratique », répète que son but est de sauver la démocratie thaï de la « corruption galopante » du gouvernement Thaksin, de mettre un terme à ses interventions au sein des institutions du pays, supposées « indépendantes », et de réparer les divisions profondes que Thaksin a ouvertes parmi les Thaïs. Néanmoins, lorsque nous examinons le passé (pas si lointain que ça) de la Thaïlande, il est clair que les solutions ne sont pas à aller chercher du côté des chefs militaires qui prennent le pouvoir.
Cette semaine, après que l’armée ait pris le contrôle à Bangkok et dans les zones environnantes, la première action des généraux a été d’interdire toutes les manifestations et les rassemblements de plus de 5 personnes. Le nouveau régime a ensuite interdit tous les meetings et autres activités qui auraient pu être organisés par des partis politiques. Ces mesures répressives ont été conçues pour tenter d’empêcher toute tentative de contre-coup d’état de la part des partisans de Thaksin au sein de l’armée, et d’empêcher les mouvements de protestations parmi la population rurale, chez qui Thaksin est très populaire. En prenant les pouvoirs législatifs jeudi 21 septembre, les militaires ont interdit tout compte-rendu médiatique jugé « négatif », ont renforcé les restrictions vis-à-vis des partis politiques existants (mais n’ont donné aucune indication quant à la durée de ce blocus), et ont interdit la formation de nouveaux partis politiques.
Il semblerait que le commandant en chef de l’armée, Sonthi Boonyaratglin, officiellement intronisé ce vendredi 22 septembre en tant que chef de la nouvelle junte militaire, ne correspond pas au profil habituel des anciens putschistes. Les généraux de police ou d’armée qui ont dirigé la Thaïlande précédemment étaient en général des personnages arrogants et égoïstes – des descriptions qui, jusqu’ici, ne peuvent s’appliquer à Sonthi. « Lors de mes conversations avec le général Sonthi, je l’ai trouvé honnête, modeste, poli et professionnel », a déclaré Surin Pitsuwan, un ancien ministre des affaires étrangères thaï, et le chef du « Parti Démocrate ». Sonthi va tenter d’utiliser son image « modérée » pour assurer à la fois à la population thaïe et aux groupes de la finance internationale que sous son règne la vie sera paisible et prospère. Mais, si la situation économique et politique devait ne pas se redresser, ou empirer, le commandant en chef Sonthi Bunyaratglin et sa junte peuvent toujours prendre des mesures plus sévères contre l’opposition populaire.
Les meneurs du coup d’état vont probablement assigner un premier ministre par intérim, capable de rassurer la « communauté financière » nationale et multinationale. Le message qu’ils cherchent à faire passer est que l’économie thaïe, si dépendante de ses exportations, se trouve entre de « bonnes mains ». La spéculation autour de qui sera appointé aux postes gouvernementaux cruciaux pointe en direction Supachai Panitchpakdi, l’ancien chef de l’OMC, et de l’ancien directeur de la Banque Centrale, Pridiyathom Devakula. De toutes façons, qui que soit le prochain premier ministre, tout le monde s’attend à ce que ce soit la junte militaire, accompagnée du roi, qui dirige la politique des cabinets par intérim.
Les conglomérats de la finance et des multinationales qui, depuis 2001, ont beaucoup bénéficié de la politique néolibérale du premier ministre Thaksin, applaudiraient aussi à ce coup d’état, s’il aidait à résoudre la longue crise politique débilitante qui a frappé la croissance économique. Les économistes disent qu’ils ne s’attendent guère à un gros impact sur l’économie thaïe, pourvu que la situation politique du pays demeure calme et que le pays s’achemine rapidement vers un régime civil. Somjai Phagaphasvivat, professeur en sciences politiques à l’université Thammasat, à Bangkok, a dit que « Je ne prévois pas beaucoup d’impact sur l’économie globale, qui, ironiquement, aurait pu encore plus se dégrader si Thaksin était resté au pouvoir. Jusqu’à présent, elle a été affaiblie par une société sérieusement divisée, et par la crise politique de cette année… Le redressement ou l’effondrement de l’économie dépendra de la manière dont les meneurs de ce coup d’état vont la diriger, et de la manière dont ils tiendront leur promesse d’organiser rapidement des élections correctes. »
Bien que les grandes puissances occidentales, comme les USA et le Royaume-Uni, ont exprimé leur « considération » quant à la fin de la démocratie en Thaïlande, il n’y a eu aucune condamnation sérieuse du coup d’état. Ces puissances sont plutôt satisfaites de voir la démocratie supprimée, et l’arrivée au pouvoir des généraux, si cela est dans l’intérêt général des grosses entreprises et de l’impérialisme, et si cela permet de faire taire les mouvements de protestation populaires. Qu’en est-il de l’idée des « révolutions démocratiques », que Bush et les autres leaders occidentaux ont proclamée partout au Moyen-Orient et dans le monde néocolonial ?!
Les partis d’opposition thaïs, la population urbaine et les groupes de « citoyenneté » qui ont mené les manifestations au cours des derniers mois, ont bien acclamé l’intervention de l’armée. Ils pensent que l’action des généraux peut mettre un terme à l’incertitude politique qui avait été amenée par le régime Thaksin. Les directions de ces organisations n’ont pas un programme pour en finir avec les crises économiques et politiques. Ceci signifierait la fin du système de profit.
Les populations rurales et urbaines
A de nombreuses reprises, l’histoire de la Thaïlande a démontré qu’à chaque fois qu’il y a une intense crise politique ou économique, la classe dirigeante utilise soit la monarchie, soit l’armée, ou, quand elle le peut, le système parlementaire, comme outil pour briser la révolte populaire et façonner l’Etat en faveur des besoins de la classe capitaliste. Le coup d’état militaire de cette semaine a été mené à des fins similaires. L’intervention de l’armée a été conçue pour mettre un terme à un an de troubles politiques, qui ont affectés l’industrie et l’économie toute entière, en particulier à Bangkok, qui se trouve être le pivot de l’économie thaïe.
Sous le règne militaire, il pourra y a voir quelques réformes pour apaiser des couches de la population, tels que les pauvres à la campagne. Mais aucune réforme ne peut être durable dans le système de profit, qu’elles soient établies par des gouvernements civils ou par des dirigeants militaires. Le capitalisme est incapable de satisfaire les besoins fondamentaux des travailleurs et des paysans. La classe ouvrière thaïe et les paysans pauvres vont devoir faire face à encore plus d’incertitudes et d’attaques sur leur mode de vie au cours des prochaines années, ce qui mènera à une nouvelle instabilité politique, qui déclenchera de nouvelles luttes de masse.
Lors des deux précédentes émeutes de masse en Thaïlande, il y avait des illusions envers la soi-disant « bourgeoisie progressive » (la classe capitaliste), surtout parmi les classes moyennes, les étudiants et les paysans, qui espéraient gagner des droits démocratiques par des luttes contre le régime militaire. Le 14 octobre 1973, une manifestation menée par des étudiants renversa une dictature militaire et amena une courte période de régime démocratique. Cette période dura jusqu’en 1976, lorsque des forces militaires de droite réprimèrent violemment le mouvement étudiant. En mai 1992, un autre dictateur militaire, Suchinda Kraprayoon, a été chassé par des citoyens thaïs. Ils étaient en colère contre ses mesures anti-démocratiques. Mais Suchinda Kraprayoon fut remplacé par un gouvernement de droite qui fut incapable de résoudre les problèmes économiques et sociaux qui se posaient au peuple thaï.
Ces événements montrent que les travailleurs et paysans thaïs peuvent avoir des illusions dans les ailes soi-disant « démocratiques » ou « progressives » de la classe capitaliste. Toutes les différentes sections de la classe dirigeante et des partis politiques agissent d’abord au profit des grosses entreprises, et cela inclut la suppression des droits démocratiques s’ils entrent en contradiction avec leurs intérêts de classe.
Cette année, al crise politique a révélé les différents agendas des organisations qui constituent l’opposition, qui inclut les partis politiques, les étudiants, les ONG (organisations non-gouvernementales), les syndicats et d’autres, tous unis sous « l’Alliance Populaire pour la Démocratie » (APD). Ils resserrèrent les rangs après que Thaksin ait été accusé d’abuser de son pouvoir, et en particulier, de s’enrichir soi-même grâce à une grosse opération financière dans le secteur des télécommunications. Mais les forces qui composent l’APD différèrent au sujet de ce qu’il fallait faire de Thaksin et de son parti, de la nature des réformes constitutionnelles, et des négociations de « libre échange » avec les Etats-Unis.
Les partis d’opposition de droite, tels que le Parti Démocrate, qui a organisé des attaques sur les paysans et les travailleurs lorsqu’il était au gouvernement, se concentre maintenant essentiellement sur le démantèlement du parti de Thaksin. La demande d’une « réforme constitutionnelle » émanant du Parti Démocrate n’est qu’une rhétorique politique pour tenter d’élargir son soutien électoral. Les syndicats, les « groupes de pression », et les organisations d’étudiants veulent plus de changements fondamentaux, exigeant la fin des privatisations et des autres attaques néolibérales sur les travailleurs. Mais cela n’est pas à l’agenda des directions de l’APD et du Parti Démocrate.
La plupart des partis politiques et des organisations de masse misent publiquement sur le roi, espérant qu’il calmera la situation, et qu’il veillera à l’amélioration de la vie pour les Thaïs. Mais l’histoire des nombreux coups d’état en Thaïlande montre que le roi a toujours donné son soutien à partir des coulisses aux juntes militaires comme le régime Sonthi. Cela montre bien que la monarchie aide les magnats de l’industrie tels que Thaksin à monter au pouvoir. Le roi légitimise les coups d’état et les régimes anti-travailleurs et anti-paysans.
Le problème des rébellions des musulmans, et des demandes séparatistes – une cause d’instabilité majeure en Thaïlande – ne peut être résolu sur base du capitalisme. Seule, l’action de la classe salariée, par la lutte pour ses droits démocratiques, pour les réformes sociales et économiques, et pour le socialisme, peut gagner de véritables droits pour cette communauté opprimée.
Les expériences passées de luttes de masse en Thaïlande ont clairement prouvé que, en dépit de leur héroïsme et de leur sacrifice, ni les paysans, ni les étudiants, ni la classe moyennes, à cause de leur caractère très hétérogène, ne peuvent mener la bataille pour la mise à bas du capitalisme. En ce moment, il semble que la population rurale (surtout composée de paysans), qui constitue la majorité de la population en Thaïlande, penche vers un soutien à des meneurs tels que Thaksin.
La classe salariée est la seule classe capable de prendre la direction jusqu’à la chute du capitalisme, et capable de tirer à elle le soutien des pauvres des campagnes, des étudiants et des classes moyennes, ainsi que celui des pauvres musulmans du Sud. Afin d’accomplir cette tâche, il est crucial de commencer la construction d’un parti des travailleurs. Un tel parti, avec un soutien massif, sur base d’un programme socialiste, donnerait assez de confiance à la classe salariée pour qu’elle prenne la direction des luttes d’opposition.
Pour un parti des travailleurs et des paysans, il est nécessaire de lier les revendications pour des droits démocratiques et des réformes économiques et sociales, au besoin de bâtir un Etat ouvrier. Une Thaïlande socialiste gagnerait le soutien des travailleurs à travers toute l’Asie du Sud-Est, et le monde entier.
Le CIO demande :
- Opposition totale au coup d’état militaire
- Non au règne des généraux, non au règne des politiciens millionnaires et corrompus
- Non à la suppression des droits démocratiques, et à la mainmise étatique sur les médias
- Pour une lutte de masse afin de remporter des droits démocratiques complets, y compris le droit aux travailleurs de s’organiser, de manifester et de faire grève
- Pour des organisations paysannes et des syndicats indépendants, combatifs, et démocratiques
- Des droits syndicaux pour les soldats – afin de gagner le soutien des soldats pauvres pour les luttes des travailleurs
- Pour la construction d’un parti de masse, des salariés et des paysans
- Pour une lutte unie des travailleurs et des paysans, afin de renverser l’armée et son gouvernement fantoche
- Pour une Assemblée Constituante honnête et représentative
- Abolir la monarchie
- Pour un gouvernement à majorité ouvrière et paysanne
- Des droits égaux pour toutes les minorités ethniques, y compris les populations musulmanes
- Non à la politique néolibérale de privatisation et de dérégulation
- Nationaliser les grosses entreprises, les secteurs-clé de l’industrie, les grands holdings privés et les banques
- Pour une économie planifiée destinée à fournir à tous les travailleurs et paysans leurs besoins de base, sous le contrôle et la gestion démocratique de comités élus à partir des ouvriers et des paysans
- Pour une Thaïlande socialiste et membre d’une fédération socialiste d’Asie du Sud-Est
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Une solidarité qui en dit long…
En Belgique également, les organisations humanitaires ont vu une forte croissance des dons. Au 4 janvier, un montant record de 7,2 millions d’euros avait été récolté. Beaucoup de jeunes et d’adultes prennent des initiatives pour aider la population en Asie. Cette solidarité massive réfute bien des préjugés, et notamment l’idée que le Flamand est un "égoïste raciste". Pour certains commentateurs, ce serait là la raison principale de la croissance du Vlaams Belang. Ils "oublient" la politique antisociale d’attaques notre pouvoir d’achat, les conditions de travail et les services publics et qui crée le terreau favorable à la montée de l’extrême-droite. Cette politique est imposée par le gouvernement et le patronat et pas par les immigrés qui sont utilisés comme boucs émissaires par le Vlaams Belang.
Cette solidarité est également une gifle pour le Vlaams Belang lui-même. Ce parti est opposé à toute aide qui n’est pas destinée à "notre propre peuple d’abord". Le VB a parodié la campagne 11.11.11 en la nommant Zelf.Zelf.Zelf (jeux de mot cynique : en néerlandais, 11 se dit elf tandis que zelf signifie soi-même). Une semaine après la catastrophe humanitaire en Asie qui a fait 150.000 victimes et qui domine l’actualité mondiale depuis des jours, le Vlaams Belang n’a pas encore fait le moindre commentaire sur son site web qui est pourtant mis à jour quotidiennement. Il méprise la solidarité entre les travailleurs du monde et espère juste qu’elle se dissipera rapidement.
Crise économique : l’autre tsunami
Le MAS pense que les organisations humanitaires comme Médecins Sans Frontières, 11.11.11,… peuvent apporter une aide directe à court terme mais que nous devons chercher plus loin. Comment pouvons-nous apporter une solution définitive aux conflits, aux guerres, à la misère,…. au niveau mondial ? Quel sens cela a-t-il de colmater une brèche quelque part si deux ou trois nouvelles brèches s’ouvrent quelques kilomètres plus loin à cause de la crise et de l’instabilité du capitalisme ?
Selon les chiffres des Nations-Unies, la moitié de la population mondiale vit officiellement dans la pauvreté. Une partie importante de cette population pauvre vivait dans la région touchée par le raz-de-marée. Chaque jour dans le monde, 30.000 enfants meurent de faim et de maladies guérissables. Ceci n’est possible que parce que des richesses d’une importance jamais vue auparavant sur cette planète ne sont pas utilisées pour satisfaire les besoins de tous. Le système capitaliste et les politiciens qui le servent sont responsables chaque semaine d’un tsunami silencieux à l‘égard des enfants de la planète. Avec une petite partie des fortunes accumulées par les plus riches – ou avec ce que Bush dépense en un mois pour l’occupation de l’Irak – ces enfants ne devraient plus mourir et leurs parents pourraient mener une vie décente.
C’est ce bas niveau de vie qui est responsable de l’instabilité, des conflits et des guerres. De plus, ces pays à bas salaires sont utilisés comme arguments auprès des travailleurs d’ici sous la forme de menace de "délocalisation" des entreprises. Le capitalisme exploite plus durement la classe ouvrière et les opprimés tant en Occident que dans les pays sous-développés. Les problèmes là-bas sont liés aux problèmes ici.
Il est écoeurant de voir aujourd’hui les dirigeants du monde occidental se gargariser d’un "moratoire" du remboursement de la dette de ces pays. Cela fait des années que ces pays sont contraints par des institutions capitalistes comme le FMI de casser leur production locale et d’ouvrir leur économie pour satisfaire la soif de profit des multinationales. Ce n’est qu’à ces conditions que ces pays se sont vus octroyer des prêts… qui les ont fait crouler sous le poids de montagnes de dette. La somme que l’Indonésie doit payer aux institutions financières occidentales pour les intérêts de sa dette pour cette seule année – 3 milliards de dollars – dépasse de loin toute l’aide qui a été récoltée jusqu’à présent dans le monde pour l’Asie du Sud-Est (2 milliards de dollars).
Il existe un danger qu’un report temporaire du payement de la dette conduise à une plus grande soumission au FMI et aux grandes puissances occidentales. Ce qui est nécessaire c’est une suppression totale et inconditionnelle de cette dette. Au lieu de payer des intérêts aux riches régimes occidentaux, on pourrait libérer cet argent pour les besoins de la majorité de la population. La question de la suppression des dettes doit être liée à la question du contrôle de l’utilisation de ces moyens.
Il faut mettre un terme au pillage des richesses des pays sous-développés dont sont responsables les élites capitalistes aussi bien d’ici que de là-bas. Ces richesses doivent être utilisées pour pourvoir les populations en logements corrects, en salaires décents, en soins de santé, mais également en système d’alarme face à des catastrophes naturelles comme le tsunami que l’on vient de connaître. Cela n’est cependant pas possible sous un système qui fait passer les profits de quelques-uns avant les besoins de la majorité.