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Argentine : L’avortement légalisé! Un triomphe pour le mouvement de la « Marée verte »
Maintenant, il nous faut nous organiser autour du féminisme socialiste !En un jour historique, le matin du 30 décembre et après 12 heures de débat, le Sénat argentin archaïque a approuvé la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVE) par 38 voix contre 29.
Par Marcos Ariel, partisan d’Alternative Socialiste Internationale en Argentine
Lorsque le résultat du vote a été annoncé, les milliers de militantes et militants de la « Marée verte » – le mouvement féministe de masse qui lutte pour le droit à l’avortement depuis des années – qui assistaient à une veillée devant le Congrès et sur plus de 120 places dans toutes les provinces du pays, comme s’ils n’étaient qu’une seule personne, au milieu des célébrations, des larmes et des embrassades, ont éclaté en un joyeux chœur : « C’est la loi [le droit à l’avortement] ! »
Cette lutte a franchi une étape importante en 2005, avec la création de la Campagne nationale pour un avortement légal sûr et gratuit (La Campaña), qui sert d’espace de coordination à la majorité des organisations féministes du pays. Mais la véritable explosion a eu lieu en 2018, lorsque la question a été débattue au congrès et dans l’ensemble de la société. Ce fut l’entrée en scène de toute une génération d’adolescentes : les « pibas » qui sont maintenant le moteur de cet immense mouvement. L’utilisation du foulard vert comme symbole de la lutte pour l’avortement légal et comme hommage au foulard des « Mères de la Place de Mai », qui se battent pour les 30 000 personnes qui ont « disparu » pendant la dictature militaire, est devenue populaire parmi les manifestants – qui ont été appelés « grands foulards ».
Cette victoire est le produit de la lutte collective de trois générations féministes qui ont donné vie à la Marée verte. Le mouvement va continuer à s’étendre car il reste encore à lutter pour l’application effective de la loi, contre les limitations que le texte juridique lui-même contient et contre les obstacles que les réactionnaires opposés aux droits des femmes vont tenter de mettre en place.
En outre, cet immense triomphe a non seulement un impact sur tous les coins de l’Argentine mais aussi sur le reste de l’Amérique latine, comme on l’a déjà vu au Chili où le Congrès va entamer le processus d’une loi dépénalisant l’avortement. Il sera donc important d’organiser des manifestations pour soutenir la lutte des femmes dans toute l’Amérique latine, jusqu’à ce que le mouvement féministe secoue le continent tout entier
Une défaite majeure pour l’Eglise catholique
Dans toute l’Amérique latine, la religion a un grand pouvoir, et tout particulièrement en Argentine où l’Église catholique est fortement liée à l’État. Elle reçoit des millions de subsides de l’État. Avec nos impôts, nous payons les salaires des prêtres et subventionnons leurs écoles privées. Tout cela alors qu’eux-mêmes sont exonérés d’impôts ! Cette église s’est historiquement opposée à tous les droits. Elle était contre la loi qui interdisait l’esclavage, contre la loi de la scolarité obligatoire, contre la loi sur le vote des femmes, le divorce, le mariage pour les couples de même sexe, contre l’éducation sexuelle, et maintenant tous ses secteurs, des plus réactionnaires aux progressistes « prêtres pour les pauvres », sont opposés à la légalisation de l’avortement. Avec le pape François, qui vient d’Argentine, à leur tête, ils ont fait un lobbying vigoureux contre l’avortement et ont été battus.
Mais ce sont aussi les autres églises, notamment les églises évangéliques, qui ont été vaincues. Suite notamment aux terribles actes pédophiles des prêtres catholiques, ces églises ont gagné beaucoup d’influence, surtout auprès des couches les plus pauvres de la population. Cette victoire nous renforce pour le prochain combat que nous avons devant nous : la séparation de l’église et de l’État.
Concessions aux réactionnaires
La célébration de ce triomphe ne doit pas nous faire perdre de vue que la loi approuvée n’est pas celle qui a été élaborée collectivement par « La Campaña », mais celle du président Alberto Fernandez qui contient plusieurs aspects négatifs empirés à chaque étape de l’adoption du projet de loi.
Face à la marée verte massive, avec une population de plus en plus favorable au droit à l’avortement et son adversaire à la présidence, Mauricio Macri, qui y était opposé, Alberto Fernandez a dû inclure l’avortement légal dans ses promesses de campagne. C’est une promesse qu’il a tenté de rompre jusqu’en 2020. D’abord, il a mis de côté le projet de loi élaboré par « La Campaña », et a produit le sien. Pour rassurer les réactionnaires, il a présenté, avec le droit à l’avortement, une loi pour la « protection de la maternité » par laquelle l’État subventionnera pendant mille jours toute mère qui décide d’avoir son enfant.
Avec l’avènement de la pandémie, il s’en est servi comme excuse pour éviter de discuter du projet de loi au Congrès car, selon lui, il y avait d’autres questions plus importantes. Une fois la quarantaine décrétée, il a déclaré qu’elle ne pouvait pas être traitée car cette question génère la discorde et nous, les Argentins, devrions être unis contre le virus. De plus, des milliers de personnes se mobilisaient pour briser le confinement. Au milieu de l’année et au moment où le confinement a été assoupli, sa nouvelle excuse était que le système de santé n’était pas préparé. Enfin, il a déclaré qu’en 2020, il n’y avait pas de temps pour s’occuper du projet. Mais, à l’approche du mois de décembre, et devant la nécessité de voter sur l’ajustement des pensions demandé par le FMI, il a décidé de permettre que la loi sur l’avortement soit discutée en même temps que la loi sur l’ajustement des pensions. Le centre du débat est ainsi passé de quelque chose de régressif à quelque chose de progressiste.
Une fois le projet de loi présenté, d’autres modifications négatives lui ont été apportées, la plus grave étant de faciliter l’« objection de conscience » ; en permettant aux travailleurs sociaux, aux cliniques et aux établissements de santé privés de refuser de pratiquer une interruption de grossesse si tous leurs professionnels, protégés par leurs croyances religieuses, se déclarent objecteurs. C’est très grave, surtout dans les villages de l’intérieur du pays où il y a pénurie de médecins. Cette pratique est déjà utilisée par des groupes anti-choix pour refuser de se conformer à la loi, comme cela s’est produit récemment dans la province de San Juan, où l’un des deux plus grands hôpitaux publics a déclaré qu’il ne procéderait pas à des interruptions de grossesse parce que tous ses gynécologues sont des objecteurs de conscience. Le projet initial de « La Campaña » non seulement n’incluait pas l’objection de conscience, mais l’interdisait.
D’autre part, la loi approuvée sanctionne par des peines de prison de 3 mois à un an, toute personne enceinte qui pratique un avortement après la 14e semaine de gestation. Le projet « La Campaña » ne prévoyait aucune pénalisation.
Puis, au dernier moment et lorsqu’aucune modification ne pouvait plus être apportée, le Président s’est engagé à supprimer de l’article 4(b) la « santé intégrale » de la personne enceinte comme cause d’avortement. Cela écarte, par exemple, la santé psychologique ou sociale et viole le concept de santé intégrale établi par l’OMS et ratifié par l’Argentine dans les conventions internationales sur les droits de l’homme.
Malheureusement, la direction de « La Campaña », politiquement liée au parti au pouvoir, le Frente de Todos, a laissé passer tous ces revers sans appeler à la mobilisation tout au long de l’année. La mobilisation était nécessaire pour faire pression sur le gouvernement et, avec la distanciation sociale appropriée et dans le respect des mesures sanitaires, elle a était possible, comme l’ont démontré d’autres secteurs qui sont descendus dans la rue pour faire valoir leurs droits. Ainsi, le gouvernement, ne sentant que la pression active des secteurs anti-choix, avec l’excuse que des concessions étaient nécessaires pour obtenir les votes au Congrès, a cédé de plus en plus. C’est un faux argument de toute façon, puisque le Frente de Todos dispose de la majorité au Sénat. S’ils avaient vraiment la volonté politique, ils auraient pu voter sur l’ensemble du projet de loi « La Campaña » et en bloc, comme ils l’ont fait pour la loi sur l’ajustement des pensions pour obéir au FMI!
Pour que la loi soit valable, elle doit être approuvée par le président et inscrite dans la législation. Cette étape de la réglementation est importante car ce n’est qu’alors que nous saurons exactement comment la loi sera appliquée : si le libre accès sera garanti dans le système public, comment seront gérés les patients des cliniques privées qui sont « objecteurs », comment le processus de déclaration des « objecteurs » sera effectué, etc. Nous pouvons nous attendre à ce que d’autres modifications négatives soient incorporées, elles sont déjà demandées par certains sénateurs.
Nous devons nous organiser autour du féminisme socialiste
Indépendamment des limites de la loi qui a été adoptée, ce triomphe renforce la Marée verte qui continue à se propager et gagne le soutien de plus de personnes qui étaient auparavant contre l’avortement et qui ont maintenant changé de position. En témoigne le petit nombre de personnes qui ont été mobilisées par le camp anti-avortement, même dans les provinces où l’église a le plus de poids. Ils sont de plus en plus sur la défensive.
La base du mouvement est consciente que cette victoire n’est pas un cadeau du gouvernement, mais le résultat de la mobilisation et de la lutte et que le combat pour la mise en œuvre effective du droit à un avortement légal, sûr et gratuit doit se poursuivre. Nous devons nous battre chaque fois qu’un hôpital refuse de pratiquer une intervention, ou chaque fois qu’un juge veut mettre un prisonnier en prison pour des avortements pratiqués après la 14e semaine.
Pour continuer à avancer, il est également nécessaire de s’organiser politiquement en un mouvement féministe cohérent, qui ne tombe pas dans l’opportunisme kirchneriste péroniste (la tradition politique à laquelle appartient Alberto Fernandez), ou dans un féminisme sectaire de petite bourgeoisie qui ne voit pas la nécessité d’une lutte de masse. Si ces courants féministes ont de l’influence, la grande avant-garde qui a émergé dans la lutte pour l’avortement légal regroupe également naturellement les forces du mouvement ouvrier qui défendent ce droit depuis des décennies.
Cette nouvelle génération de jeunes militantes et militants rejoint la lutte sans préjugés politiques, libérée des liens et de la discipline rigide imposés par les bureaucraties péronistes et autres. Ils et elles se tournent rapidement vers la gauche et s’inscrivent dans d’autres luttes comme celle contre le changement climatique. Issus de la classe ouvrière et de la classe moyenne de plus en plus appauvrie, ils et elles se battront également dans les rues pour que la crise économique ne soit pas payée par les travailleuses et les travailleurs.
Les limites du Front de gauche (une alliance électorale d’organisations de gauche avec une représentation au Parlement) dues au fait qu’il n’intervient pas de manière unitaire et avec une politique commune l’empêchent de profiter pleinement du nouvel espace qui s’est ouvert. Ce grand espace politique est propice à l’émergence d’une organisation féministe, socialiste et internationaliste à l’image de la campagne internationale ROSA lancée par Alternative Socialiste Internationale. C’est pourquoi nous vous invitons à vous engager avec nous dans la construction de grandes organisations féministes et socialistes en Argentine et dans le reste du monde pour la tâche colossale qui est la nôtre : mettre fin à ce système capitaliste et patriarcal et construire une société socialiste dans laquelle, comme l’a dit Rosa Luxemburg, nous serons socialement égaux, humainement différents et totalement libres.
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¡ Es ley ! L’avortement légal en Argentine remporté grâce à la lutte !

Le Sénat argentin vient d’approuver la loi pour l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines, avec 38 voix pour, 29 contre et une abstention. Quelle victoire, l’année 2020 se termine bien ! C’est la preuve encore une fois, que seule la lutte paie !Par Celia (Bruxelles)
Cette victoire sans précédent est le résultat d’un mouvement féministe de masse phénoménal et tenace qui a accumulé les manifestations, les occupations, les grèves,… Des millions de personnes sont descendues dans la rue pour réclamer de manière combative et sans compromis un avortement sûr, légal et accessible à toutes celles qui en ont besoin.
Des milliers de personnes avaient encore bravé les interdictions de rassemblement pour attendre le résultat et assurer un dernier coup de pression sur le Sénat. Ce n’est pas la première fois cette année que les masses sortent dans la rue en Argentine. Ce fut encore le cas en août dernier, contre les conséquences du confinement imposé sur la précarité, contre la crise économique et contre les réformes du système judiciaire du président Fernandez.
C’est une année importante pour tous les peuples d’Amérique latine. Ce fut une année caractérisée par la crise économique, par la crise sanitaire, par les politiques austéritaires de la classe dominante, mais aussi par les mobilisations de masse et une répression digne des dictatures latinos.
Après le referendum pour changer la Constitution gagné au Chili, après les élections remportées par le MAS en Bolivie malgré une tentative de coup d’Etat, après des manifestations de masse en Colombie et en Équateur, c’est au tour de l’Argentine de remporter une victoire importante pour toutes les femmes de la classe opprimée. En effet, en Amérique latine, l’avortement n’est réellement légal qu’à Cuba, en Uruguay, dans la ville de Mexico, dans l’Etat mexicain de Oaxaca et en Guyane… et maintenant, en Argentine !
Ce que revendiquent les féministes argentines depuis plusieurs décennies, c’est un droit fondamental mais pas seulement : « Une éducation sexuelle pour pouvoir décider, la contraception gratuite pour ne pas devoir avorter, l’avortement légal pour ne pas mourir » (1). L’avortement est un privilège de classe s’il n’est pas légal. « Selon le gouvernement, entre 370 000 et 520 000 avortements clandestins sont pratiqués chaque année dans le pays de 44 millions d’habitants, où 38 000 femmes sont hospitalisées pour complications lors de ces opérations. » (2) Nombreuses sont celles qui en meurent, qui en restent traumatisées, blessées. Mais encore plus nombreuses sont celles qui n’ont pas pu avorter.
Il y a celles qui ne voulaient pas d’enfants à ce moment-là, avec cette personne-là, mais elles n’avaient pas assez d’argent pour acheter un moyen de contraception. Il y a celles qui savaient pertinemment qu’elles n’auraient pas les moyens d’élever un enfant, qu’il grandirait dans la précarité et la misère. Il y a celles qui ont été violées mais qui n’ont pas eu le choix que de garder l’enfant.
Pouvoir élever un enfant en lui donnant ce dont il a besoin est également un privilège de classe. La volonté des féministes argentines et la nôtre, a toujours été de pouvoir réellement choisir. Choisir d’avoir un enfant ou pas, choisir quand on le veut, choisir avec qui on le veut. Quand on n’a pas l’argent pour la contraception ni pour subvenir aux besoins de l’enfant, tout devient plus compliqué, le vrai choix n’existe pas réellement.
Nous avons besoin de vraies mesures et d’investissements publics massifs : contraception gratuite ; crèches gratuites ; avortement légal et gratuit ; accès gratuit à l’enseignement ; cours sur le consentement, le genre et les relations à l’école ; augmentation des salaires et du salaire minimum ; diminution collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires,…
Nous savons déjà qu’avec la loi votée aujourd’hui « un établissement de santé pourra se déclarer “objecteur” (de conscience) mais il aura l’obligation d’orienter la patiente vers un autre établissement »(3). Il est aussi question d’un “plan des mille jours” qui « entend également “renforcer l’accès aux soins pendant la grossesse et lors des premières années de vie d’un enfant” pour les familles en situation de vulnérabilité financière »(4). Le mouvement féministe devra donc encore se battre pour que, dans la pratique, l’avortement soit accessible à toutes, réellement gratuit et en toute sécurité. Avec la pandémie qui ravage et affecte de manière disproportionnée la classe ouvrière et les pauvres, avec les discriminations contre les femmes et les violences sexistes qui s’aggravent dans ce contexte, nous avons besoin d’un féminisme qui soit résolument anticapitaliste et socialiste.
Cette lutte est exemplaire et aura un impact international. Elle montre qu’il est possible d’arracher des victoires à la droite conservatrice. Elle nous montre également comment mener la lutte pour le droit à l’avortement. C’est dans toutes les sphères de la société que s’est construit le mouvement, dans les écoles, les quartiers, dans la rue, avec des manifestations de masse depuis 30 ans, des grèves, des assemblées,… Le mouvement féministe a pris les meilleurs instruments du mouvement ouvrier pour gagner cette lutte. Après le referendum gagné en Irlande en 2018, c’est un autre pays qui nous montre qu’il s’agit d’une lutte fondamentale et internationale.
Les travailleuses étant surreprésentées en première ligne dans les soins de santé, l’éducation, le nettoyage et l’alimentation dans le monde entier, il est clair que la classe ouvrière, les jeunes, les personnes de couleur et les femmes pauvres continueront à être en première ligne de la lutte des classes et des luttes féministes dans les mois et les années à venir, comme nous l’avons vu de manière si inspirante en Argentine.
Organisons-nous dans chaque pays pour que la loi soit appliquée partout, gratuitement et jusqu’à 18 semaines. Combattons également le système capitaliste qui ne pourra jamais être féministe ! Construisons une alternative à ce système, une alternative sans discriminations, sans sexisme, sans racisme, sans profit. Une alternative socialiste !
1) Educación sexual para decidir, anticonceptivo para no aborta, aborto legal para no morir.
2) https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/argentine-le-congres-adopte-la-loi-legalisant-l-avortement_4238209.html
3) https://www.rtbf.be/info/monde/detail_l-argentine-legalise-l-avortement-apres-un-vote-historique?id=10663311
4) https://information.tv5monde.com/terriennes/argentine-une-loi-sur-la-legalisation-de-l-avortement-nouveau-devant-les-parlementaires -
L’Amérique latine à nouveau en révolte contre le néolibéralisme

Rassemblement Plaza Baquedano, Santiago, Chili. Photo : Wikipédia. L’Amérique latine est aujourd’hui redevenue l’un des épicentres de la lutte de classe internationale. La situation qui s’y développe comprend des éléments de révolution et de contre-révolution qui font immanquablement penser aux luttes magistrales du début de ce siècle. Mais à l’époque, les masses d’Amérique latine semblaient être seules à se soulever alors que nous connaissons actuellement une généralisation de la résistance de masse.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

Un collectif de personnes d’origine latino-américaine organise une manifestation de solidarité ce dimanche 15 décembre. Si le soulèvement de masse au Chili attire beaucoup d’attention, c’est toute la région qui est plongée dans un processus de révolution et de contre révolution. Plusieurs actions de solidarité ont déjà eu lieu en Belgique, mais ces diverses initiatives sont aujourd’hui regroupées en une seule marche contre le néolibéralisme. Le PSL soutient cette manifestation. Texte de l’appel // Evénement Facebook Les pays d’Amérique latine ne font pas exception à la tendance internationale. La plupart d’entre eux connaissent un ralentissement ou une stagnation économique, voire même un risque réel de crise financière aiguë. Cette situation et ses dramatiques effets sociaux jouent un rôle dans les soulèvements populaires et les défaites électorales de la droite néolibérale dans de nombreux pays. Même là où existe encore une certaine croissance économique, les conditions de vie ne font que se détériorer. Ces sociétés sont comme des cocottes-minutes prêtes à exploser à chaque instant. Il suffit de penser que le puissant mouvement de masse au Chili a explosé quelques jours à peine après que le président Sebastian Piñera ait qualifié son pays “d’oasis de stabilité” en Amérique latine !
La crise des forces de droite
Pendant plus d’une décennie et demie, plusieurs gouvernements autoproclamés progressistes et de centre-gauche se sont constitués à la suite de la marée montante de luttes au tournant du siècle. S’il est difficile de mettre dans le même sac les gouvernements de Lula et de Dilma Roussef au Brésil, de Rafael Correa en Équateur, de Chavez et de Maduro au Venezuela, de Cristina Kirchner en Argentine ou d’Evo Morales en Bolivie, il n’empêche que pendant un temps, la Colombie, le Pérou et le Chili étaient les seuls bastions du néolibéralisme dans la région.
Les autres gouvernements, tous arrivés au pouvoir à la suite d’impressionnantes mobilisations de masse, adoptaient des mesures visant à une certaine redistribution des richesses, à des degrés variables, essentiellement en profitant du boom des matières premières du début du 21e siècle. Tous les gouvernements ne se sont pas confrontés de la même manière aux grands propriétaires terriens et aux grandes entreprises, mais même dans les pays où la confrontation fut la plus vive, comme en Bolivie et au Venezuela, le système capitaliste, bien qu’ébranlé, est resté en place.
L’impact de la crise économique internationale de 2007-2008 et l’usure politique de ces gouvernements étaient restés soumis à la logique du capitalisme ont par la suite ouvert la voie à un certain retour de la droite politique, et même de l’extrême droite, dans un certain nombre de pays.
Cela s’est produit sur le plan électoral par l’élection de Macri en Argentine en 2015, mais aussi par des méthodes de coups d’État, combinées à des élections, comme dans le cas du Honduras (2009), du Paraguay (2012) et, avec un impact beaucoup plus important, du Brésil en 2016. Au Venezuela, la défaite électorale du gouvernement Maduro lors des élections à l’Assemblée nationale de 2010 a donné lieu à un virage à droite et autoritaire du gouvernement tandis que la droite réactionnaire tentait explicitement de mener à bien un coup d’État commandité par l’impérialisme.
A l’époque, certains parlaient d’un prétendu virage à droite de l’Amérique latine. Nous avons toujours défendu qu’il n’en était rien et que la désillusion suite aux faiblesses des gouvernements progressistes qu’instrumentalisaient les forces de droite ne signifiait en rien une adhésion au projet politique de ces dernières. Nous étions convaincus que les conditions matérielles de vie des masses sous le capitalisme conduiraient à de nouvelles explosions sociales.
C’est d’ailleurs la faillite des forces de droite à établir une stabilité dans différents pays d’Amérique latine qui a contribué à l’échec des différentes tentatives de putsch au Venezuela. Malgré le profond virage de Maduro vers la droite, accompagné d’un autoritarisme de plus en plus marqué, la majorité de la population réalise qu’une alternative traditionnelle de droite serait encore pire.
La principale caractéristique de la conjoncture actuelle est la crise des forces de droite revenues au pouvoir à cette époque, dans le vide laissé ouvert par les limites des gouvernements de centre-gauche ou progressistes. Cette crise se traduit par des défaites électorales de la droite, mais aussi par des mouvements de masse qui remettent en cause le système politique lui-même, comme c’est le cas de l’Équateur et du Chili.
Contrairement aux processus politiques du début du siècle, la lutte de masse contre la droite néolibérale se déroule cette fois-ci à la suite d’une riche expérience, qui a révélé les limites des différentes variantes de centre-gauche et réformiste. Cela ouvre une situation d’intense polarisation dans laquelle peuvent se développer des forces de gauche désireuses d’assister les masses dans leur confrontation avec le système capitaliste, jusqu’au renversement complet de celui-ci.
L’avertissement bolivien
Le développement de telles forces est fondamental. Sans cela, l’atmosphère de crise et de polarisation peut aussi générer des impasses et de nouvelles frustrations qui ouvriront la voie à la droite réactionnaire, comme ce fut le cas au Brésil. D’autre part, le coup d’État de ce mois de novembre en Bolivie a une fois de plus démontré que l’establishment militaire, les propriétaires terriens et la bourgeoisie réactionnaire saisiront toutes les occasions d’imposer leur domination de la manière la plus brutale qui soit avec le soutien actif de l’impérialisme américain. Ce dernier a également imposé un embargo au Venezuela qui atteint aujourd’hui le même niveau que celui adopté contre Cuba, l’Iran ou la Corée du Nord.
Le coup d’État en Bolivie est un signal d’alarme pour le Venezuela et toute l’Amérique latine. La Bolivie connaît une situation économique plus favorable que celle qui prévaut en général dans la région, mais même là, la droite et l’impérialisme américain ont profité de l’insatisfaction d’une partie de la population face à l’autoritarisme croissant du gouvernement Morales et de l’affaiblissement du gouvernement parmi sa propre base sociale – la population autochtone, les paysans et les travailleurs – pour promouvoir un coup d’État réactionnaire.
Pendant des années, le gouvernement Morales a cherché à contrôler les mouvements sociaux, à freiner l’action indépendante des masses et à éliminer toute opposition à sa gauche. Même lorsqu’il a décidé de démissionner et de quitter le pays sous la pression des militaires et de l’extrême droite, Morales a continué à insister sur la réconciliation et non pas sur la lutte contre les putschistes. Les travailleurs et les peuples autochtones sont donc entrés en résistance affaiblis et sans direction conséquente. Cette résistance héroïque a directement illustré que le coup d’État n’allait pas automatiquement signifier un arrêt de la lutte des classes, mais plutôt une étape dans un processus complexe.
En Bolivie et au Venezuela, le grand défi est de construire une alternative politique de gauche qui s’oppose clairement aux manœuvres de la droite et de l’impérialisme tout en s’opposant aux politiques pro-capitalistes de Morales et Maduro.
Le retour de la grève générale
Avec la situation économique actuelle, les gouvernements autoproclamés progressistes ne disposent plus d’une marge de manœuvre telle que celles dont ont pu bénéficier Chavez ou Morales. Ainsi, en Équateur, le gouvernement de Lenín Moreno a été récemment élu en utilisant la même rhétorique progressiste que celle utilisée par Rafael Correa. Mais face à la crise économique, Moreno s’est rapidement tourné vers la droite, a conclu un accord avec le FMI et a commencé à adopter des politiques néolibérales. Cela a fini par provoquer un soulèvement populaire de masse qui a repoussé le gouvernement.
Une des données cruciales de la vague actuelle de luttes est le retour de l’arme de la grève générale, non seulement en Équateur, mais aussi en Bolivie en réaction au coup d’État, au Brésil, en Argentine et au Chili. L’Argentine a connu pas moins de cinq grèves générales contre la politique de Macri, un contexte de lutte qui a notamment assisté le mouvement de masse des ‘‘foulards verts’’ pour le droit à l’avortement. Aujourd’hui, d’un point de vue économique et social, l’Argentine vit une situation très proche de celle qui a déclenché le soulèvement populaire connu sous le nom de ‘‘Argentinazo’’ en décembre 2001, lorsque le président Fernando de la Rúa a dû démissionner sous pression de la rue et quitter le palais présidentiel en hélicoptère pour éviter la foule en colère.
Au Chili, les grèves générales d’octobre et novembre furent une éclatante démonstration de force. Parallèlement, des assemblées locales se sont développées dans de nombreuses localités à travers le pays pour discuter de l’orientation du mouvement. Hélas, là non plus, il n’existe actuellement pas de parti révolutionnaire suffisamment implanté qui refuse la conciliation avec le régime et défende une assemblée constituante révolutionnaire des travailleurs et du peuple qui serait l’extension des assemblées et comités actuels. Un tel parti révolutionnaire défendrait la création de tels comités de base sur les lieux de travail et offrirait une réelle stratégie pour la prise du pouvoir par les travailleurs et les opprimés, le renversement du capitalisme et la mise sous propriété publique démocratique des secteurs-clés de l’économie.
La période qui s’ouvre peut permettre le développement de telles forces socialistes révolutionnaires de masse, en tirant les leçons de la vague révolutionnaire ratée du début du siècle et de la faillite des gouvernements progressistes et de centre-gauche. L’organisation internationale dont est membre le PSL fera tout son possible pour s’impliquer dans la construction de ces outils de lutte qui sont les seuls à pouvoir offrir une issue favorable aux masses.
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Élections en Argentine : Voter ‘FIT-Unidad’ pour construire une alternative socialiste pour les luttes à venir

Nicolás del Caño et Romina del Plá Déclaration du Comité provisoire du CIO sur les élections en Argentine
L’Amérique latine connaît une aggravation de sa crise économique, politique et sociale. Une nouvelle phase de résistance et de lutte contre les attaques de l’impérialisme, du grand capital et de ses sous-fifres locaux a commencé dans la région.
Le soulèvement indigène, populaire et des travailleurs en Équateur, qui a contraint le gouvernement de Lenín Moreno à revenir sur la mise en œuvre des plans imposés par le FMI, est un exemple clair de la gravité de la crise, de la volonté de lutter et de la force des opprimés et des exploités dans cette région. Des crises et des mobilisations massives ont eu lieu dans des pays comme Haïti, le Honduras et bien d’autres, en plus de l’exemple de Porto Rico. Cette situation devrait encore se durcir au cours de la prochaine période.
Dans ce scénario, les élections du 27 octobre en Argentine et les exemples de résistance populaire et des travailleurs aux attaques imposées par le gouvernement de Mauricio Macri sont d’une importance fondamentale. Tous les travailleurs conscients et la gauche socialiste internationale doivent adopter une position claire sur ces processus.
La gravité de la crise dans ce pays clé de la région pourrait avoir un fort impact sur le contexte latino-américain et international. La crise argentine fait partie de la crise internationale du capitalisme, mais elle est aussi un déclencheur potentiel de nouvelles crises au-delà de ses frontières.
L’accord que Macri a conclu l’an dernier avec le FMI pour un méga-prêt de 56 milliards de dollars américains n’a pas permis d’améliorer la situation. Les prêts déjà accordés n’ont fait que remplir les poches des spéculateurs et des créanciers de la dette au détriment des pauvres et des travailleurs. Mais les politiques néolibérales mises en œuvre par Macri et l’ingérence directe du FMI dans les décisions gouvernementales n’ont fait qu’aggraver la crise économique et sociale.
La récession et l’inflation élevée constitue un cocktail aux gigantesques coûts sociaux. Le chômage, les emplois précaires, la baisse du revenu familial, la détérioration des conditions de vie sont les caractéristiques du pays après presque quatre ans d’administration Macri. Il y a officiellement 35,4% de la population en dessous du seuil de pauvreté. Cela représente 8 % de plus qu’il y a un an. Plus de 15 millions de personnes (25,4 % des familles) n’ont pas les moyens de se procurer des aliments de base. La pauvreté touche 51% des enfants en Argentine.
Ce scénario est très similaire à celui qui, en décembre 2001, a entraîné l’explosion sociale de “l’Argentinazo”, lorsque le président Fernando De La Rua a dû démissionner et s’enfuir en hélicoptère de la Casa Rosada, entourée de manifestants.
L’Argentine est aujourd’hui le premier emprunteur mondial du FMI. Il est symptomatique que la deuxième place sur cette liste soit précisément l’Équateur, un pays qui vient de connaître un soulèvement populaire, indigène et ouvrier précisément en raison de des politiques néolibérales d’ajustement imposées par cet organisme international.
Dans le cas de l’Argentine, de nombreuses luttes importantes ont déjà eu lieu, dont cinq grèves générales sous l’administration Macri et la grande confrontation de décembre 2017 devant le Congrès dans la lutte contre la contre-réforme de la sécurité sociale. Le mouvement des femmes – de Ni Una Menos au puissant mouvement pour le droit à l’avortement – a également été une inspiration internationale. La grève des travailleurs du secteur public à Chubut, en Patagonie argentine, a eu des répercussions nationales et montre le potentiel de généralisation des luttes.
Macri se dirige vers la défaite
D’un point de vue électoral, la crise a rendu les chances de réélection de Macri extrêmement improbables. Sa défaite décisive aux élections primaires en août annonce un résultat encore pire le 27 octobre.
Macri est arrivé au pouvoir lors des élections de décembre 2015, après s’être constuit l’image d’un manager moderne, détaché des préoccupations prétendument idéologiques de ses opposants, les partisans du “kirchnerisme”, l’aile “péroniste” de la présidente de l’époque, Cristina Kirchner.
Sa victoire électorale a représenté le retour au pouvoir de la droite explicitement néolibérale après de nombreuses années de gouvernements péronistes qui avaient opté pour la conciliation de classe et ont souvent dû faire des concessions aux travailleurs.
L’arrivée de Macri au pouvoir a été un processus moins traumatisant que celui qui a eu lieu au Brésil, par exemple. Dans ce pays voisin, la droite néolibérale a repris le contrôle total du gouvernement par un coup d’État institutionnel en 2016 et a dû se tourner vers Bolsonaro, candidat d’extrême droite avec des caractéristiques proto-fascistes, lors des élections de 2018.
Le fiasco absolu de l’administration Macri et son probable fiasco électoral à venir représentent une défaite sérieuse pour la nouvelle droite qui est arrivée au pouvoir dans plusieurs pays latins, remplaçant les gouvernements de centre-gauche usés qui gouvernaient sur base de conciliation de classes sans jamais avoir rompu avec le capitalisme.
Fernandez-Fernandez n’offre pas d’alternative réelle
Il est compréhensible que des millions de travailleurs argentins considèrent aujourd’hui comme leur priorité l’objectif de vaincre Macri lors des élections. À cette fin, un vote en faveur de la liste qui réunit Alberto Fernandez et Cristina Fernandez de Kirchner semble être la voie la plus simple.
Mais la combinaison Fernandez-Fernandez ne représente pas une rupture effective avec les politiques de Macri et n’offre pas une véritable issue à la crise du point de vue des travailleurs et des pauvres. Fernandez insiste sur la politique de conciliation et les pactes sociaux impliquant les travailleurs et la bourgeoisie, et a réaffirmé qu’il continuera à maintenir l’accord avec le FMI.
De plus, dans les années à venir, l’Argentine ne connaitra pas le le scénario international qui a favorisé la croissance économique après la crise de 2001, en grande partie à cause du boom des matières premières et de la renégociation de la dette. L’idée que ces prétendues années de croissance économique et de stabilité relative reviendront n’a aucun fondement dans la réalité.
La large unité d’action et de lutte contre les attaques de Macri et toute attaque contre les travailleurs n’élimine pas la nécessité de construire un projet politique indépendant, socialiste et de gauche pour les masses.
La tâche fondamentale qui se présente avec ces élections est de regrouper les forces nécessaires aux luttes décisives qui viendront inévitablement. Un vote pour les candidats du Frente de Izquierda y de los Trabajadores – Unidad fait, à notre avis, partie de ce processus d’accumulation des forces pour les affrontements qui vont venir. Plus la liste présidentielle de Nicolás del Caño et Romina del Plá recueille de voix et plus les élus du FIT-U seront nombreux, mieux ce sera pour les luttes à venir.
Le FIT-Unidad défend l’indépendance de classe des travailleurs et ne stimule pas les illusions dans la conciliation de classe. En défendant la nécessité de rompre avec le FMI et de suspendre le paiement de la dette pour que les revendications populaires puissent être satisfaites, ils vont dans la bonne direction.
Nous considérons également comme positifs les efforts visant à étendre le FIT (auparavant composé de PTS, PO et IS) à d’autres secteurs de la gauche, tels que le MST, et à des groupes combatifs populaires et sociaux. Nous comprenons, cependant, que la tâche de construire une référence politique de masse de la gauche socialiste est encore une tâche à accomplir par la gauche et le mouvement ouvrier en Argentine.
Cette tâche devra être menée dans les luttes sociales dans le cadre de la crise qui s’aggrave. L’expérience concrète de larges secteurs de la population, le fiasco de la droite au pouvoir et les limites du kirchnerisme peuvent faire place à cette alternative de gauche. Il est nécessaire de relever ce défi et de s’y préparer. Le Comité pour une Internationale Ouvrière est au service de cette lutte dès maintenant !
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) est une organisation socialiste révolutionnaire organisée dans plus de 30 pays sur tous les continents, qui se bat pour unir les travailleurs et tous les opprimés en lutte et pour un programme en défense du socialisme mondial. Nous saluons tous les travailleurs et les jeunes en lutte en Argentine et nous les invitons à lire nos analyses et commentaires sur worldsocialist.net.
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Rassemblement pour la libération de Daniel RUIZ et contre la répression du gouvernement argentin !

Daniel Ruiz, dirigeant du syndicat des pétroliers, dirigeant politique du PSTU et membre du Réseau syndical international, a été arrêté le 12 septembre, en revenant d’une mobilisation en faveur des travailleurs du chantier naval Río Santiago. Deux jours plus tard, le juge Sergio Torres a rejeté la demande de libération demandée par ses avocats et Daniel Ruiz a été transféré à la prison de Marcos Paz.
Son arrestation est liée à sa participation à la marche massive du 18 décembre contre la réforme des retraites. Cette Cour suit une hypothèse du Bureau du Procureur, selon laquelle Daniel aurait pu être impliqué dans des événements plus graves, entravant le fonctionnement normal du Congrès.
Il s’agit d’une détention arbitraire, fondée sur des hypothèses, contraire au droit de manifester, et qui convertit le fait de manifester en crime.
Le rejet de sa demande de libération invoque des raisons avec un manque similaire de justification, telles que le fait que sa liberté pourrait entraver la recherche de Sebastián Romero, étant donné que les deux appartiennent au même parti politique. Cette conjecture confère à la détention de Daniel le caractère de persécution politique, tout comme la persécution dont est victime Sebastián, pour les mêmes événements du 18 décembre.
Nous considérons l’arrestation de Daniel Ruiz comme une grave violation des droits démocratiques fondamentaux, tels que le fait de pouvoir défendre des idées contraires à celles du gouvernement et de ne pas être persécuté pour cela, de pouvoir manifester, se réunir syndicalement et politiquement ; cette arrestation est contraire à la présomption d’innocence face à une accusation et jusqu’à preuve de culpabilité.
Nous demandons la libération immédiate de Daniel Ruiz, tout comme nous demandons celle de toutes les personnes détenues pour s’être engagées dans la lutte, et la cessation de la persécution de combattants comme Sebastián Romero.
Rassemblement devant l’ambassade d’Argentine
Mardi 30 octobre – 18h00
avenue Louise, 225 – 1050 Bruxelles
(Tram/bus: arrêt Bailli)Il y a déjà des organisations syndicales et politiques ainsi que des personnalités de 13 pays qui ont déjà pris position pour la libération du camarade. Chez nous : l’assemblée des délégué de la CGSP-ALR Bruxelles, des travailleurs de l’usine Vache Bleue à Nivelles, la délégation du SETCa du Centre d’Action Laïque (C.A.L), la délégation de MolenbeekSaint-Jean de la CGSP-ALR Bruxelles, des travailleurs du nettoyage d’ISS à l’ULB.
- CGSP-ALR Bruxelles
- Ligue Communiste des Travailleurs (LCT)
- Parti Socialiste de Lutte (PSL/LSP)
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Argentine. Le Sénat vote contre la dépénalisation de l’avortement : le combat continue
« Éducation sexuelle pour décider, contraceptifs pour ne pas avorter, avortement légal pour ne pas mourir » : voici le cri de millions de femmes qui se mobilisent depuis des mois dans les rues d’Argentine. Cette marée verte très combative exige que « survivre à un avortement ne soit pas un privilège de classe », ce que le Sénat argentin a refusé ce 9 août 2018.Par Célia (Bruxelles)
En effet, alors que la Chambre des députés l’avaient approuvé en juin dernier, seuls 31 sénateurs contre 38(1), ont voté pour la légalisation de l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG).
L’avortement n’est complètement légal que dans 3 pays d’Amérique latine, Cuba, Guyane et Uruguay, ainsi que dans la ville de Mexico City et dans le département de la Guyane française.
En Argentine, depuis 1921, l’avortement n’est permis qu’en cas de viol et de danger pour la vie de la mère ; et même dans ces deux cas, le médecin peut refuser de vous traiter. Les risques que courent les femmes qui avortent clandestinement sont nombreux, 135 femmes internent des hôpitaux publics chaque jour pour des complications suites aux avortements clandestins, elles risquent également jusqu’à 4 ans de prisons. Et, selon Amnesty International, 3000 femmes seraient mortes dans les 25 dernières années de ces avortements clandestins(2).
L’Argentine est gouvernée par Mauricio Macri depuis décembre 2015. Macri est membre du parti Propuesta Republicana(3), parti de droite conservatrice qui fait partie de la coalition Cambiemos(4). Celle-ci représente la majorité des voix contre l’avortement au Sénat. Macri rêvait, au début de son mandat, de faire de l’Argentine, le « supermarché du monde »(5), cette politique économique de recherche d’investisseurs n’a permis que l’inflation et l’augmentation du nombre de pauvres. Le président a déjà du faire face à 3 grèves générales. En septembre 2016, il y avait déjà 1,4 millions de nouveaux pauvres alors que Macri n’était au pouvoir que depuis 10 mois. La pauvreté touche à présent 13 millions d’Argentins sur une population de 44 millions, soit 32,9 % de la population. C’est le 25 juin dernier, qu’a eu lieu la plus grande grève générale des trois qu’a connu ce gouvernement et qui a paralysé tout le pays.
La situation des femmes ne s’améliore pas dans cette Argentine qui est en pleine crise économique. Et c’est dans ce contexte économique, également depuis 2015, qu’est né « Ni Una Menos »(6), ce collectif qui a mobilisé des milliers de femmes pour lutter contre le sexisme et qui s’est répandu dans de nombreux pays d’Amérique latine depuis. Les femmes argentines (ainsi que les chiliennes depuis avril dernier), étudiantes et travailleuses, se mobilisent depuis des mois pour exiger au gouvernement Macri la fin de l’éducation sexiste et le droit à l’avortement légal et gratuit pour toutes. Dans le pays du pape François 1er, l’Eglise a un impact énorme et les femmes refusent de n’être que des objets reproductifs. Elles exigent de pouvoir avoir accès à une éducation non sexiste, à une santé gratuite, à pouvoir disposer de leur corps comme elles le désirent, à pouvoir décider quand elles veulent avoir des enfants grâce à des contraceptifs gratuits et à pouvoir avorter en toute sécurité sans risquer de mourir ou d’être blessé.
Seule la lutte permettra aux femmes d’obtenir ces droits et de lutter contre le capitalisme qui engendre le sexisme qu’elles vivent au quotidien, sur leurs lieux de travail et dans leurs universités et écoles. Les Argentines ont montré une capacité à se mobiliser de manière incroyable. Ces mobilisations ont fait également écho dans le monde entier puisqu’il y a eu des actions dans une centaine de pays le mercredi 8 août. Le vote négatif du Sénat n’arrêtera pas cette lutte et cela a déjà été démontré par les manifestantes qui se sont directement mobilisées après le vote. Et ce, malgré l’extrême violence qu’elles subissent de la part des « pro-vies » qui les insultent et les frappent depuis des mois.
Dans le cadre du capitalisme, seule la lutte révolutionnaire permettra de garantir des vrais droits et afin de les gagner sur le long terme sans devoir sans cesse avoir peur de les perdre, il faudra casser avec ce système et construire une société réellement égalitaire et sans classe sociale. -
[DOSSIER] Nouveau tournant en Amérique latine – La fin de la vague de gauche?
La poignée de main historique entre Barack Obama et Raúl Castro, les troubles au Venezuela, le recul sur toute une série de réformes en Bolivie ainsi que la crise au Brésil sont autant de symboles du nouveau tournant en vigueur en Amérique latine. Les nombreux espoirs en termes de réformes radicales au Venezuela, en Bolivie et en Équateur ont laissé place à la désillusion.Résumé d’un dossier de Tony Saunois
La fin de la croissance économique
Hugo Chávez au Venezuela, Evo Morales en Bolivie,… avaient promis une transition vers le socialisme, mais ces discours n’ont pas été concrétisés par des mesures de véritable rupture anticapitalistes, raison pour laquelle leurs réformes sont à présent menacées. Dans les pays au gouvernement de centre-gauche comme le Brésil, la corruption est toujours aussi endémique, provoquant des crises politiques en sus des problèmes économiques.
Pendant plus de dix ans, le continent a connu une croissance économique rapide qui a encouragé les gouvernements de centre-gauche à mettre en place une série de réformes. Mais même après cette période de croissance, des millions de personnes restent dans la pauvreté. Pétrole, gaz, cuivre, soja et autres matières premières présentes en quantité en Amérique latine ont trouvé d’importants débouchés sur le marché chinois, raison derrière cette croissance. Mais le ralentissement de l’économie chinoise se fait à présent ressentir sur les exportations de matières premières, avec également un impact sur leurs prix.
La dépendance de l’Amérique latine vis-à-vis des exportations de matières premières a conduit à une rapide désindustrialisation. Les matières premières comptent aujourd’hui pour 60 % des exportations brésiliennes. Au Venezuela, le pétrole constitue 96 % des exportations.
Conséquences politiques
La crise a frappé alors que des gouvernements de gauche ou de centre-gauche existent dans plusieurs pays du continent. D’où une grande confusion. Certains parlent d’un virage à droite de la région et il est certain que le mécontentement a ouvert une brèche qu’instrumentalisent diverses forces de droite traditionnelle afin de se construire un plus grand soutien. Il s’agit cependant bien plus de l’expression de l’absence d’une véritable alternative socialiste.
Le Brésil a connu une vague de grèves ce début de l’année (fonctionnaires, enseignants, ouvriers de l’automobile, métallurgistes,…). Dans l’État du Paraná, la fonction publique est partie en grève à durée indéterminée, contraignant le gouvernement régional à annuler ses plans d’austérité. Les ouvriers de Volkswagen et de General Motors ont obtenu des victoires partielles contre des licenciements.
Les immenses scandales de corruption au Brésil (qui impliquent également des cadres du Parti des travailleurs de l’actuelle présidente Dilma Rousseff) ont fait exploser la méfiance envers tout le système politique. La droite joue sur ces évènements et exige la démission de Rousseff. Le PT a répondu en tentant de mobiliser sa propre base, mais beaucoup de militants ne sont plus prêts à s’impliquer. Heureusement, il y a également eu des actions revendiquant des réformes sociales, qui critiquaient tant le gouvernement que la droite. La marche du 15 avril à São Paulo a ainsi réuni 30.000 personnes à l’initiative du Parti pour le socialisme et la liberté (PSoL) et du Mouvement des travailleurs sans toit (MTST), soutenue par le syndicat de lutte CSP-Conlutas (Centrale syndicale et populaire) et même (après hésitations) par le syndicat officiel, la Centrale unique des travailleurs (CUT). Cette marche a été suivie d’autres dans le pays. La direction syndicale subit en ce moment une forte pression de la base qui exige une grève générale nationale de 24 heures.
C’est l’Argentine qui illustre le mieux le fait que la gauche véritable peut se renforcer dans le cadre de la lutte contre la politique d’un gouvernement de centre-gauche qui refuse de rompre avec la logique du capitalisme. La croissance électorale du Front de gauche des travailleurs (FIT), une alliance de différents partis trotskistes, contredit cette idée d’un virage à droite du contenu. Le succès de cette alliance dépendra à présent de sa capacité à se consolider après son succès initial et à attirer des syndicalistes pour construire un nouveau parti large des travailleurs.
Le régime du Venezuela sous pression
La catastrophe économique au Venezuela a été approfondie par la chute du prix du pétrole. L’économie vénézuélienne va reculer de 5 % cette année (la récession était de -4 % l’an dernier). Un tiers des denrées de base (viandes, médicaments, vêtements) ne sont plus disponibles nulle part. Dans la rue, des gens annoncent vouloir échanger du papier toilette contre du savon, etc. Le Venezuela connait actuellement un des plus forts taux d’inflation au monde : environ 70 %.
Cela sape le soutien au gouvernement. Ces problèmes résultent de la spéculation et des efforts des capitalistes pour déstabiliser le pays mais aussi de l’approche bureaucratique suivie par le régime chaviste. Les réformes de Chávez sont remises en question. Le système des soins de santé est en crise : sur 45.000 lits dans les hôpitaux publics, seuls 16.000 peuvent être utilisés en ce moment, faute de moyens. Le soutien au président Maduro est tombé à 30 % dans les sondages. C’est le résultat de l’impasse d’avoir voulu réformer le pays tout en restant dans les limites du capitalisme, sans véritable nationalisation de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques de la population. La voie a donc été ouverte pour la déception, ce sur quoi compte la droite.
La fin de l’embargo sur Cuba
L’impérialisme américain a complètement revu sa politique à l’égard de Cuba. Début 2015, Obama et Raúl Castro ont annoncé un accord historique. Obama a reconnu : ‘‘On ne peut pas faire la même chose encore et encore pendant 50 ans en espérant obtenir un résultat différent.’’ Les classes dirigeantes européennes et canadienne, ainsi que la majorité des capitalistes latino-américains, ont choisi une autre approche, à présent également suivie par Obama.
Depuis la révolution cubaine de 1959, l’impérialisme américain a maintenu un strict embargo contre Cuba et a fait différentes tentatives d’y mettre à bas le régime stalinien afin de restaurer le capitalisme, jusqu’à monter une intervention militaire en 1961. Malgré les graves conséquences de l’embargo américain sur l’économie cubaine, les États-Unis n’ont rien obtenu. La révolution cubaine continue en effet à jouir d’un large soutien parmi la population. Les États-Unis ont donc à présent opté pour une autre politique, avec le même objectif. Comme Léon Trotsky le disait à propos de l’ex-Union soviétique, la menace de la restauration capitaliste peut aussi revêtir le masque de ‘‘marchandises bon marché dans le train de l’impérialisme’’ en inondant le pays de marchandises et d’investissements.
La situation révolutionnaire au Venezuela, en Bolivie et en Équateur au début de ce siècle n’a malheureusement pas été utilisée pour s’orienter vers une fédération libre d’États socialistes latino-américains. Les régimes réformistes de Morales, de Chávez et de Rafael Correa ont accompli d’importantes réformes populaires, mais sont restés dans le cadre du capitalisme. Parallèlement, le régime cubain progresse dans la voie d’une restauration capitaliste, dont la tête de pont a été établie dans le secteur touristique, avec des mesures telles que la hausse de l’âge de la pension, la création de zones de libre-échange au port de la baie de Mariel,… Si l’assouplissement des restrictions aux voyages à l’étranger doit être applaudi, les autres mesures menacent les conquêtes de la révolution.
La transition vers une complète restauration du capitalisme ne va pas s’effectuer en ligne droite. Certaines factions au sein du régime ne voient pas cette restauration d’un bon œil. Ainsi, Mariela Castro, la fille du président Raúl, déclarait en janvier que : ‘‘La population cubaine ne veut pas d’un retour au capitalisme.’’ Les secteurs stratégiques de l’économie n’ont pas encore été privatisés ni vendus à des capitalistes étrangers. L’arrivée de Mastercard et de Netflix est à noter, mais cela reste essentiellement symbolique.
La crise et la résistance
Pour les socialistes et pour la classe des travailleurs, chaque pas vers restauration du capitalisme est un pas en arrière. Ce processus sera au final utilisé par la classe dirigeante, surtout en Amérique latine, pour discréditer l’idée selon laquelle le socialisme est une alternative au capitalisme, sans toutefois avoir un effet comparable à l’offensive idéologique antisocialiste qui a suivi la chute des anciens régimes staliniens en Europe de l’Est et dans l’Union soviétique vers 1989-1991.
La fin de l’embargo pourrait donner à Cuba la possibilité de commercer sur le marché mondial. Sans une véritable démocratie des travailleurs, cela risque d’accélérer le développement de la restauration capitaliste. Eviter ce danger exige d’instaurer le monopole d’État sur le commerce extérieur, sous contrôle démocratique de la classe des travailleurs. Dans le contexte d’une nouvelle crise internationale du capitalisme, il est possible que les mesures visant à la restauration capitaliste restent limitées, que Cuba reste coincé dans une situation hybride.
Les conquêtes de la révolution concernant les soins de santé ou l’enseignement seront sans doute maintenus, même si ces secteurs connaissent des pénuries en raison de l’insuffisance des investissements. Certaines couches de la population ont peur de la disparition de ces conquêtes et craignent que leur pays ne se retrouve relégué au rang de simple république bananière. Il faut lutter contre la restauration capitaliste mais aussi pour la démocratie des travailleurs et l’économie démocratiquement planifiée.
L’Amérique latine a besoin d’une alternative socialiste de masse. Il faut pour cela reconnaitre le caractère limité des réformes, même radicales, et des méthodes bureaucratiques suivies au Venezuela, en Bolivie et en Équateur. Ces pays restent prisonniers du capitalisme. Le fait que la droite parvienne à mobiliser de manière populiste et opportuniste au Brésil, au Venezuela et dans d’autres pays démontre l’urgence d’un mouvement socialiste fort. La classe des travailleurs et les socialistes révolutionnaires doivent utiliser cette nouvelle période de crises et de luttes pour construire une alternative socialiste combative.
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Grèce : Révolution et contre-révolution sur fond de crise croissante de la zone euro
C’est véritablement un séisme politique qui a pris place le 6 mai dernier en Grèce. Ces élections constituent un signe avant-coureur de bouleversements politiques et sociaux plus intenses encore. Partout à travers l’Europe, les travailleurs et leurs organisations doivent être solidaires de la population grecque et s’opposer résolument aux diktats de la troïka (Union Européenne, Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne). Cette solidarité passe aussi par la lutte contre les attaques des divers gouvernements partout en Europe.
Résumé d’un dossier de Tony Saunois (CIO) et d’Andros Payiatos, Xekinima (CIO-Grèce)
Suite à l’impossibilité de former un gouvernement, de nouvelles élections doivent se tenir le 17 juin. Cette paralysie est une expression des chocs violents dont a été victime la société grecque dans le cadre d’un processus de révolution et de contre-révolution. Le prestigieux Financial Times a ainsi mis en garde: ‘‘Il peut y avoir des émeutes et des pillages. Un coup d’État ou une guerre civile sont possibles’’ (édition du 18 mai).
Alexis Tsipras (Syriza): “Une guerre entre le peuple et le capitalisme”
Syriza (‘Coalition de la Gauche Radicale’) est sortie grand vainqueur du scrutin en passant de 4,6% à 16,78%, de quoi donner espoir à de nombreux travailleurs et militants de gauche en Grèce et ailleurs. La classe dirigeante est terrifiée face à cette large contestation de la Troïka et de l’austérité.
Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les sociaux-démocrates du PASOK se sont systématiquement agenouillés devant les diktats de la Troïka, assurant ainsi que le pays soit littéralement occupé par les grandes banques, la Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International et l’Union Européenne. Le 6 mai, le peuple grec a riposté par une claque monumentale envoyée à ces deux pantins de l’Europe du capital. Alors qu’ils obtenaient généralement 75% à 85% ensemble, ils n’ont maintenant recueilli que 32,02% (18,85 pour la ND et 13,18% pour le PASOK).
D’ici aux élections du 17 juin, Syriza peut encore renforcer son soutien électoral. La coalition de gauche radicale sera-t-elle à la hauteur des espoirs placés en elle? Selon nous, ce n’est possible qu’avec un programme socialiste révolutionnaire, un programme de rupture avec le capitalisme. Toute recherche de solutions au sein du système actuel est vaine.
Si la gauche est mise en échec, l’extrême droite pourrait se saisir du vide politique. Nous avons d’ailleurs assisté le 6 mai à l’émergence du parti néo-fasciste ‘‘Aube Dorée’’ qui a obtenu 6,97% et 21 élus. Depuis lors, ces néonazis ont chuté dans les sondages, mais l’avertissement est sérieux.
Un niveau de vie attaqué à la tronçonneuse
Le Produit Intérieur Brut grec a chuté de 20% depuis 2008, cet effondrement économique réduisant à néant la vie de millions de personnes. Dans les services publics, les salaires ont chuté de 40%. L’église estime que 250.000 personnes font quotidiennement appel aux soupes populaires. Dans les hôpitaux (où le nombre de lits a diminué de moitié), les patients doivent dorénavant payer à l’avance pour bénéficier d’un traitement. Un hôpital a même gardé un nouveau-né jusqu’à ce que sa mère puisse payer la facture de l’accouchement. Des milliers d’écoles ont aussi été fermées.
La classe moyenne est détruite. Le nombre de sans abri a explosé et ils font la file aux côté de leurs frères d’infortunes immigrés pour recevoir un peu de nourriture et pouvoir intégrer un abri dans ces sortes de camps de réfugiés qui constituent la version européenne des bidonvilles. Le chômage frappe 21% de la population active et 51% de la jeunesse tandis que les centaines de milliers d’immigrés sont agressés sans relâche par l’extrême droite. La gauche doit riposter avec un programme de mesures d’urgence.
Les travailleurs contre-attaquent
Sous la pression de la base, au moins 17 grèves générales ont été organisées en deux ans, dont trois de 48 heures, sans que les attaques antisociales ne cessent. Mais un certain désespoir se développe puisque la lutte n’a pas remporté d’avancées. Le désespoir a poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir à l’étranger. Environ 30.000 immigrés clandestins grecs sont en Australie, certains sont même partis au Nigeria ou au Kazakhstan. D’autres ont choisi une fuite plus tragique : le taux de suicide grec est aujourd’hui le plus élevé d’Europe.
Cette situation n’est pas sans rappeler la dépression américaine des années ‘30. La haine et la colère sont telles à l’encontre de l’élite grecque et de ses politiciens qu’ils ne sont plus en sécurité en rue ou au restaurant. Les riches cachent leur argent en Suisse ou dans d’autres pays européens, tandis que la majorité de la population bascule à gauche du fait des conséquences de la crise.
Syriza refuse une coalition avec le PASOK et la ND
Syriza a déclaré que le PASOK et la ND voulaient qu’elle se rende complice d’un crime en participant au gouvernement avec eux. Alexis Tsipras a proposé de constituer un bloc de gauche avec le Parti communiste grec (KKE) et la Gauche démocratique (une scission de SYRIZA) pour mener une politique de gauche.
Le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, appelle à l’abolition des mesures d’austérité et des lois qui ont mis fin aux conventions collectives de travail et ont plafonné le salaire minimum à 490 euros par mois. Il a exigé une enquête publique concernant la dette de l’Etat et, dans l’intervalle, un moratoire sur le remboursement des dettes.
Ce programme est insuffisant face à la profondeur de la crise, mais il représente un bon point de départ afin de renforcer la lutte contre l’austérité et le débat sur un véritable programme de rupture avec le capitalisme.
De son côté, la direction du KKE a refusé de rencontrer Tsipras. Le parti communiste s’enfonce dans son approche sectaire, à l’opposé du mouvement ouvrier, et il le paye dans les sondages. Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, plaide pour la création d’un front de gauche depuis longtemps. Si cet appel reçu un accueil plutôt hostile dans un premier temps, il a ensuite progressivement bénéficié de plus de soutien pour finalement être repris par Alexis Tsipras et Syriza.
Une liste unitaire serait sortie première des élections du 6 mai, et aurait de ce fait reçu le bonus de 50 sièges supplémentaires accordés au plus grand parti selon la législation électorale grecque. Même si cela n’avait pas été suffisant pour obtenir une majorité parlementaire, cela aurait offert une place encore plus centrale à la gauche pour la deuxième élection de juin et pour la campagne concernant cette perspective très réaliste d’un véritable gouvernement de gauche.
Mais le KKE a refusé et reste sur le banc de touche. Pourtant, en 1989, ce parti n’a eu aucune réticence à entrer en coalition avec… les conservateurs de la Nouvelle Démocratie ! La secrétaire générale du KKE, Aleka Papriga, se réfère maintenant à cette expérience pour justifier son refus d’un front de gauche, comme si un front unitaire basé sur la lutte contre l’austérité pouvait être mis sur le même pied qu’un gouvernement pro-capitaliste avec les conservateurs ! Malheureusement, d’autres formations de gauche ont également adopté une attitude négative sur cette question, particulièrement Antarsya (une alliance anticapitaliste).
Tant le KKE qu’Antarsya sont maintenant sous la pression de leurs bases. Une partie de la base d’Antarsya appelle publiquement à la constitution d’un front avec Syriza, mais la majorité de la direction reste obstinément sur sa position, au mépris du prix à payer. En 2010, cette alliance avait encore réalisé 2% aux élections communales, contre 1,2% en mai, et cela pourrait encore diminuer. De son côté, le KKE a à peine progressé aux élections en mai et les sondages parlent d’une chute de 8,5% à 4,4% pour le 17 juin.
Tsipras a menacé de ne pas rembourser entièrement les dettes du gouvernement, d’économiser sur les dépenses militaires et de lutter contre le gaspillage, la corruption et l’évasion fiscale des riches. Il exige un contrôle public du système bancaire, et appelle même parfois à la nationalisation. Il s’est encore prononcé pour un New Deal, à l’instar de celui que Roosevelt avait mis en avant pour les États-Unis dans les années ‘30. Syriza a donc pour programme un ensemble de réformes qui ne rompent pas avec le capitalisme, mais c’est tout de même un début. Pour nous, un programme d’urgence de travaux publics doit être lancé, lié à la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie, sur base d’une planification démocratique et socialiste de la société.
Le programme de Syriza a ses limites, mais il a le mérite d’être clairement opposé à l’austérité. Syriza refuse d’ailleurs de participer à toute coalition gouvernementale destinée à appliquer des mesures antisociales. Cette approche peut pousser la formation au-delà des 20% dans les sondages, jusqu’à 28%. Cette rapide croissance de soutien illustre le potentiel électoral pour les formations de gauche lorsque les conditions objectives sont réunies et qu’elles adoptent un profil clair.
Le refus de Syriza de collaborer à une coalition bourgeoise change radicalement de la position d’autres forces de gauche par le passé. En Italie, la position du Parti de la Refondation Communiste (PRC) a été très sérieusement affaiblie par sa participation à des coalitions locales. En Espagne, récemment, Izquierda Unida (Gauche Unie) est entré en coalition avec les sociaux-démocrates du PSOE en Andalousie, ce qui peut menacer son soutien parmi la population.
L’Union Européenne et l’euro
Les partis capitalistes et la Troïka tentent désespérément de renverser cette situation, et font campagne en disant que ces élections sont en fait un référendum sur l’adhésion à la zone euro. Tous leurs efforts visent à présenter la résistance à l’austérité comme la porte de sortie hors de l’eurozone et de l’Union européenne.
Sur ce point, la position de Syriza est trop faible, bien qu’il s’agisse de l’expression d’un sentiment largement répandu dans la population. Selon un sondage, cette dernière est à 79% opposée à quitter l’euro. Les craintes de ce qui se passerait ensuite sont compréhensibles; un isolement de l’économie grecque, relativement petite, pourrait ramener les conditions sociales au niveau des années 1950 et 1960 et l’inflation au niveau élevé des années 1970 et 1980. Syriza et la gauche doivent faire face à ces craintes et expliquer quelle est leur alternative.
Tsipras parie sur le fait que la Grèce ne sera pas éjectée de l’eurozone en raison des conséquences que cela entraînerait pour le reste de l’Europe. Cela n’est toutefois pas certain, même s’il est vrai qu’une partie des classes dirigeantes européennes a peur de ce cas de figure et des perspectives pour l’euro si l’Espagne et d’autres pays sont aussi poussés vers la sortie.
De l’autre côté, les classes dirigeantes d’Allemagne et d’autres pays craignent que de trop grandes concessions pour préserver la Grèce dans l’eurozone ne soient un précédent dont se pourraient ensuite se servir l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande,… Le ‘Centre for Economic and Business Research’ a déjà indiqué que la fin de l’euro sous sa forme actuelle est une certitude.
Syriza se trompe en pensant que le rejet de l’austérité peut être combiné à l’eurozone. La zone euro est une camisole de force économique que les grandes puissances capitalistes et les grandes entreprises utilisent afin d’imposer leur politique. Syriza se doit de formuler une réponse claire face à la probabilité qu’un gouvernement de gauche soit expulsé de la zone. D’ailleurs, on ne peut pas non plus exclure qu’un gouvernement décidé à accepter l’austérité soit tout de même confronté à ce scénario de sortie.
Si de nombreux Grecs craignent cette perspective, cela ne signifie pas qu’ils sont prêts à accepter n’importe quoi. Si une Grèce dirigée par un gouvernement de gauche est poussée hors de l’eurozone, elle devra immédiatement institué un contrôle public sur le capital et le crédit afin d’éviter toute fuite des capitaux. Les institutions financières et les autres grandes entreprises devront immédiatement être nationalisées et le remboursement de la dette publique aux banques et aux institutions financières suspendu. Le gouvernement devra rendre public les livres de compte des banques et inspecter minutieusement les accords conclus avec les institutions internationales. Le gouvernement devra aussi exproprier les riches et protéger les petits investisseurs et épargnants. De cette manière, un véritable plan de relance serait de l’ordre du possible, un plan démocratiquement élaboré dans le cadre d’une planification socialiste basée sur le contrôle public des principaux secteurs de l’économie.
Vive l’internationalisme socialiste !
Un véritable gouvernement de gauche devra simultanément tout faire pour appeler à la solidarité du mouvement syndical du reste de l’Europe, et en particulier en Espagne, en Irlande, au Portugal et en Italie. Ensemble, ces pays ont le potentiel de construire une alternative à l’Europe du capital vers une confédération socialiste basée sur une adhésion volontaire, première étape vers une Europe socialiste.
Pour y parvenir, nous devons renforcer les liens entre toutes les organisations de gauche et le mouvement syndical de ces divers pays. Sans une telle approche, la résistance contre l’austérité sera partiellement désarmée, et un flanc laissé au développement du nationalisme.
Une nouvelle phase de la lutte
Si Syriza se retrouve le plus grand parti du pays, ou s’il prend la tête d’un gouvernement de gauche, la crise ne serait toutefois pas immédiatement battue. Au contraire, cela ne marquerait que l’ouverture d’une nouvelle phase à laquelle les travailleurs et leurs familles doivent être préparés.
Syriza doit se renforcer en organisant tous ceux, et ils sont nombreux, qui veulent combattre l’austérité. L’appel de Tsipras pour constituer un front de gauche doit se concrétiser avec l’organisation de réunions locales et nationales des partis de gauche, des syndicats, d’habitants de quartiers, d’étudiants,…
Des comités locaux démocratiquement constitués sont la meilleure base pour se préparer à la prochaine période de lutte et assurer que suffisamment de pression existe pour qu’un gouvernement de gauche applique une politique réellement centrée sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles.
La classe dirigeante se sent menacé par Syriza et par la gauche. Nous devons nous saisir de cette énorme opportunité. Rester spectateur n’est pas une option.
Leçons passées et présentes d’Amérique latine
Nous sommes évidemment dans une autre époque, mais des similitudes existent entre la Grèce actuelle et le Chili des années 1970-73 ou encore avec le développement des régimes de gauche au Venezuela, en Bolivie ou en Argentine.
Au début des années ’70, le Chili a connu une forte polarisation politique mais la droite et la classe dirigeante s’étaient préparées pour sortir de l’impasse. L’organisation fasciste ‘Patria y Libertad’ (une organisation paramilitaire) occupait les rues et attaquait les militants de gauche. Finalement, l’armée a organisé le coup d’Etat du 11 septembre 1973 qui a porté Pinochet au pouvoir.
En Grèce, le potentiel du développement d’une organisation paramilitaire existe, avec ‘‘Aube Dorée’’. Cette organisation fait l’éloge de la dictature militaire grecque dite ‘‘des colonels’’ (1967-1973) et même d’Hitler. Une partie de la classe dirigeante peut tirer la conclusion qu’il n’existe pas d’alternative face à la menace de la gauche et peut être tentée de ‘rétablir l’ordre’. Cela ne sera pas le premier choix de la classe dirigeante, mais ce danger n’en est pas moins réel. La baisse du soutien d’Aube Dorée dans les sondages n’est pas synonyme de sa disparition.
Même sans soutien massif un groupe comme Aube Dorée ou Patria y Libertad peut être une menace physique pour les minorités et le mouvement ouvrier. Aube Dorée envoie ses ‘chemises noires’ attaquer les immigrés et menace ouvertement les homosexuels (leur prochaine cible). La création de comités d’auto-défense est urgente.
Si Syriza peut former un gouvernement avec un front de gauche, ce gouvernement peut rapidement être poussé plus encore à gauche. Ce fut le cas d’Allende au Chili en 1970 ou de Chavez (Venezuela), de Morales (Bolivie) et de Kirchner (Argentine). Un tel gouvernement peut prendre des mesures contre les capitalistes, y compris par des nationalisations. D’autre part, un gouvernement grec de gauche pourrait bientôt servir d’exemple pour l’Espagne et le Portugal, entre autres.
Syriza et Tsipras ne parlent pas encore de socialisme, mais cela pourrait changer. Dans une interview accordée au quotidien britannique ‘‘The Guardian’’ Tsipras parle d’une guerre entre la population et le capitalisme. Chavez lui non plus ne parlait pas de socialisme à son arrivée au pouvoir. Il a été poussé à gauche par la pression populaire.
Sous l’impact de la crise et de la lutte des classes, le soutien pour des demandes comme la nationalisation, le contrôle et la gestion ouvrière peut rapidement grandir. Des gouvernements de gauche peuvent être mis sous pression pour prendre de telles mesures, au moins partiellement. Ce fut d’ailleurs également le cas du premier gouvernement du PASOK grec en 1981. Si les partis capitalistes obtiennent une majorité pour former un gouvernement dirigé par la Nouvelle Démocratie, ce sera un gouvernement sans crédibilité, ni autorité, ni stabilité. Un tel gouvernement entrera vite en confrontation avec l’intense colère du mouvement ouvrier grec. Syriza pourra s’y renforcer. Dans une telle situation Xekinima proposera une campagne active pour la chute du gouvernement par des grèves, des occupations et des manifestations de masse.
La croissance rapide de Syriza est un élément positif. La crise sociale et politique constitue un test, tant pour Syriza que pour toutes les autres forces politiques. Avec un programme approprié, des méthodes correctes et une bonne approche, il est possible d’avancer. Sinon, la gauche peut disparaître aussi rapidement qu’elle a avancé. Xekinima joue un rôle actif dans les discussions au sein et autour de Syriza afin de parvenir aux conclusions politiques nécessaires pour développer les luttes.
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Argentine : Kirchner nationalise l’entreprise de pétrole YPF
L’annonce de la présidente péroniste de l’Argentine, Cristina Fernandez Kirchner, que 51% des parts de l’YPF seraient prises par l’Etat a rencontré un soutien massif en Argentine et a été vu comme une attaque envers la multinationale Repsol. Mais elle s’est attirée les foudres de l’impérialisme.
Tony Saunois, CIO
Le ministre de l’industrie espagnol, José Manuel Soria, a dénoncé cela comme un acte ”d’hostilité envers l’Espagne qui aura des conséquences”. Rajoy a parlé d’un acte ”arbitraire et hostile” qui casse le ”climat d’amitié” entre les deux pays. Le British Financial Times a reproduit ce ressentiment. Son éditorial, titré ”un acte lamentable de piraterie économique”, a mis en garde l’Argentine qu’elle pourrait être ”suspendue du G20” et prévenu Kirchner : ”Elle ne devrait pas oublier que tout acte ont des conséquences”. (FT 18/4/2012)
Le président néolibéral du Chili, Pinera, et Camderon, du Mexique, se sont aussi joints aux critiques contre cette acte de Krichner. Même Evo Morales le président Bolivien, dans une réaction assez lâche, a argumenté que c’était une question bilatérale entre deux Etats et que son gouvernement jouissait de bonnes relations avec Repsol ! Son propre gouvernement a pourtant subi des attaques similaires de la part du Brésil lorsqu’il a pris des mesures du même type contre Petrobras, la multinationale brésilienne ! (Depuis l’écriture de cet article, Morales a annoncé la nationalisation de l’entreprise de Transport d’électricité TDE, NDLR)
La nationalisation des parts de l’YPF est un développement significatif qui a des conséquences importantes au-delà de l’Argentine, c’est d’ailleurs ce qui se cache derrière le déversement de venin contre l’intervention d’Etat de Kirchner. La classe dominante mondiale a peur que cela puisse constituer un précédent pour d’autres gouvernements alors que la crise économique mondiale s’aggrave. ‘‘Le chant des sirènes populistes séduit à nouveau…’’ a ainsi titré Moisés Naim dans son article paru dans le Financial Times du 19 avril 2012. Ces développements en Argentine sont une anticipation de ce qui pourrait se développer dans d’autres pays alors que la crise du capitalisme s’intensifie. En ce sens ils signifient le début d’une nouvelle ère.
L’hostilité et l’opposition internationales aux mesures similaires de Hugo Chàvez au Venezuela dans le passé (quand son gouvernement avait également agi contre Total, BP et Chevron), elles n’atteignaient pas le même niveau que les réactions actuelles consécutives à l’intervention de Kirchner. C’est que la situation mondiale est maintenant beaucoup plus critique pour le capitalisme mondial. L’idée que d’autres gouvernements puissent être forcés d’intervenir et d’aller encore plus loin dans les nationalisations de secteurs de l’économie (que cela soit sous la pression de la population ou pour défendre leurs propres intérêts) terrifie à présent la classe dominante.
Une nouvelle politique de la classe dominante?
L’intervention de Kirchner, en saisissant 51% des parts de l’YPF, pourrait être annonciatrice d’une nouvelle situation où les gouvernements se verraient forcés d’intervenir, par une intervention d’Etat, afin de tenter d’atténuer les effets d’une sérieuse récession prolongée ou d’un marasme économique.
Cela remet aussi la question de la nationalisation à l’ordre du jour politique ; la classe dominante craint que la classe ouvrière se saisisse de ce mot d’ordre et exige son application. Les développements en Argentine sont en conséquences extrêmement importants internationalement.
L’intérêt géopolitique de l’Amérique Latine et des Amériques est un élément supplémentaire important. Le déclin perceptible d’Hugo Chàvez laisse un espace que Kirchner tente de remplir. L’impérialisme États-Unien a donc été plus prudent dans sa réaction, ne voulant pas pousser Kirchner davantage dans la ‘‘camp populiste’’. Le journal espagnol El Pais a cité un haut fonctionnaire États-Unien qui, à la suite du récent Sommet des Amériques en Colombie, disait que : ‘‘Nous avons des divergences occasionnelles avec l’Argentine, mais nous ne voulons pas que cela (la nationalisation de l’YPF) compromette notre large coopération économique et sur la sécurité’’ avec l’Argentine. (El Pais 16/4/12)
Cette re-nationalisation partielle de YPF est directement issue des conséquences désastreuses des privatisations massives menées en Argentine dans les années ’90 sous le règne du président péroniste Carlos Menem. Traditionnellement, le péronisme (un mouvement nationaliste populiste) a adopté une politique de lourdes interventions de l’Etat dans l’économie. Mais Menem avait change d’orientation et s’est dirigé vers des privatisations massives, résultat de l’adoption de la logique néolibérale qui prévalait intentionnellement. Il s’agissait à tel point d’un nouveau départ pour le péronisme qu’il a été surnommé le “Menemismo”.
L’YPF a été privatisé en 1992. Tout comme les autres privatisations, ce fut un désastre pour les masses, mais a qui représentait d’immenses opportunités pour les capitalistes argentins et pour les multinationales telles que Repsol qui sont retournées en Amérique Latine tels de nouveaux conquistadores, en achetant des pans entiers de l’économie d’Argentine et de l’Amérique Latine.
Ces privatisations ont véritablement été catastrophiques pour l’économie. Comme Kirchner l’a fait remarquer, le manque d’investissements et de développement dans les secteurs de l’énergie et du pétrole a eu pour conséquence que l’Argentine a dû commencer à importer du gaz et du pétrole pour la première fois depuis plus de 17 ans. Et cela malgré la découverte de champs de gaz étendus, connus sous le nom de Vaca Muerta (la ‘‘vache morte’’). ‘‘Cette politique vide, de ne pas produire, de ne pas explorer, nous a pratiquement transformés en un pays non-viable en raison de la politique du business, et non à cause d’un manque de ressources’’, était l’une des raisons invoquées par Kirchner pour prendre une part majoritaire de l’YPF. (El Pais 17/4/12)
Récemment encore, l’Aérolinéas Argentinas privatisée, les compagnies d’électricité et quelques autres ont aussi été renationalisées, en partie pour des raisons similaires. Ce changement de politique par le gouvernement Kirchner fait suite à un net ralentissement de l’économie, à une augmentation de l’inflation, à l’introduction de coupes budgétaires ainsi qu’au développement du chômage.
Ce qu’elle dit dans les faits, c’est que si le secteur privatisé n’assurera pas les services essentiels, alors l’Etat va intervenir et le faire. Cependant, malgré l’épanchement d’hostilité de la part des représentants du capitalisme et de l’impérialiste, Kirchner n’a pas effectué une nationalisation socialiste.
Trotsky et le Mexique de 1938
En mars 1938, le gouvernement populiste radical du Mexique dirigé par Làzaro Càrdenas a nationalisé les compagnies pétrolières Anglo-Américo-Néerlandaises. Trotsky argumentait que cette étape devait être soutenue et que les syndicats et la classe ouvrière devraient lutter pour un contrôle et une gestion démocratique par les travailleurs dans la nouvelle industrie d’Etat, bien que celle-ci n’ait pas été construite sur des bases socialistes. Cette approche est une leçon pour l’Argentine aujourd’hui.
De la même manière, les marxistes britanniques revendiquaient le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs lors des nationalisations des houillères, des chemins de fer et d’autres secteurs de l’économie par le gouvernement travailliste d’après-guerre. Ils proposaient concrètement que les conseils de ces entreprises soient formés d’un tiers de syndicalistes de l’industrie en question, un tiers de représentants de la Confédération Syndicale (représentant la classe ouvrière au sens large) et d’un tiers de représentants du gouvernement.
La nationalisation partielle de Kirchner a été suffisante pour provoquer la colère de la classe dirigeante. Elle ne signifie pas qu’un simple changement dans la politique du gouvernement, il s’agit d’un changement dans la politique de la dynastie Kirchner elle-même. Christina Kirchner n’a pas été partisane de la classe ouvrière et des pauvres d’Argentine. Son prédécesseur et défunt mari, Néstor Kirchner, était un partisan enthousiaste de la privatisation de l’YPF en 1992. En 1999, il a vendu 5% des parts de l’YPF à Repsol détenues en Patagonie, dans la province de Santa Cruz où il était alors Gouverneur.
Comme Repsol augmentait sa possession de YPF jusqu’à 99%, Kirchner a alors appuyé une politique d’ « Argentinisation » et a insisté pour qu’un pourcentage reste détenu par des intérêts argentins. En conséquence, le groupe Argentin Peterson, possédé par la famille Eskenazi, a reçu 25% des parts de l’YPF. Celles-ci n’ont pas été touchées par la récente nationalisation partielle.
Au gouvernement, les Kirchner ont amassé une fortune. Quand Nestor Kirchner a été élu président en 2003, la fortune du couple était estimée à 2,35 millions de dollars. Pendant son règne, la richesse des Kirchner a augmenté d’un étourdissant 900% en 7 ans. Au moment de la mort de Nestor en 2012, ils possédaient 18 millions de dollars avec 27 maisons, appartements, magasins et hôtels à leur nom. En 2003, la famille n’avait pas d’intérêts économiques dans la ville Patagonienne El Calafate. En 2010, les Kirchner dirigeaient 60 à 70 % de l’activité économique de la ville.
Les mesures prises par Cristina Kirchner, qui vont être très populaires en Argentine, sont une intervention d’Etat pour essayer de résoudre la crise de l’énergie. Elles ont été prises en partie pour essayer de résoudre le déficit énergétique et l’échec de Repsol à développer l’industrie. Elles sont aussi une tentative par Kirchner d’obtenir du soutien dans un contexte d’économie déclinante et d’attaques contre la classe ouvrière. Elle a essayé d’invoquer la mémoire de la populiste radicale et nationaliste Evita Peron (en annonçant les mesures devant une image d’une Evita souriante et en présence des Madres de la Plaza, les mères des milliers de disparus sous la dictature militaire).
Cette intervention montre comment la classe dominante peut être contrainte de changer sa politique et de soutenir l’intervention d’Etat quand elle y est forcée ou quand ses intérêts sont menacés.
En faisant cela, Kirchner a frappé un grand coup aux intérêts de l’impérialisme espagnol et de sa multinationale Repsol. Elle a agité le spectre que d’autres coups plus forts soient frappés contre les autres pays et replacé la question des nationalisations à l’ordre du jour politique. Cela a terrifié la classe dirigeante du monde entier. La revendication de nationalisations doit maintenant être reprise par les organisations des travailleurs mondialement. En Espagne, la formation de gauche Izquierda Unida s’est opposée au gouvernement Espagnol et a défendu le droit du gouvernement Argentin à nationaliser l’YPF, ce qui est positif. Cependant, l’achat de 51% des parts de l’YPF ne constitue pas une ‘‘nationalisation socialiste’’. Kirchner elle-même a été très claire lorsqu’elle a déclaré : ‘‘Le modèle n’est pas l’étatisation, c’est clair, mais la récupération de la souveraineté et du contrôle du fonctionnement de l’économie.’’ (El Pais 17/4/12)
Le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections à travers le monde (dont le PSL en Belgique) s’opposent aux protestations des politiciens impérialistes et capitalistes.
Nous soutenons toutes les mesures authentiques prises contre l’impérialisme. Nous demandons que des actions réelles soient entreprises contre la domination impérialiste de l’économie et des capitalistes nationaux qui exploitent les peuples d’Argentine. Nous soutenons donc une nationalisation socialiste démocratique du secteur de l’énergie entier.
Pour la nationalisation de Repsol, de toutes les multinationales et de tout l’YPF en ne payant une compensation que sur base de besoins prouvés ! Le secteur de l’énergie nationalisé devrait alors être dirigé démocratiquement par la classe ouvrière d’Argentine, dans le cadre d’un plan démocratique de toute l’économie basé sur la nationalisation des grandes entreprises.