Tag: Antifascisme

  • Brésil. Contre les putschistes : mobilisation générale pour nos droits et un changement radical !

    Texte du tract distribué par LSR (Liberdade, Socialismo e Revolução, ASI-Brésil) lors des manifestations anti-coup d’Etat du 9 janvier 2022

    Les violents troubles perpétrés par la horde bolsonariste dimanche à Brasilia doivent être fermement répudiés par toutes et tous. Bolsonaro doit lui-même être tenu pour responsable avant tout, et il doit payer pour sa campagne de coup d’État. Mais ce n’est pas tout.

    Les événements de Brasilia devraient également servir à ouvrir les yeux de celles et ceux qui ont sous-estimé la gravité du moment que nous traversons et la nécessité d’une mobilisation indépendante de la classe ouvrière pour contenir l’extrême droite.

    Ils devraient également convaincre les gens une fois pour toutes que c’est une erreur de compter sur le fonctionnement supposé « normal » des institutions comme moyen de contenir la menace bolsonariste d’extrême droite.

    Ces institutions n’ont pas fonctionné pour contenir des attaques comme celles de dimanche. Ou peut-être vaut-il mieux dire qu’elles ont fonctionné comme elles le font toujours : d’une main de fer contre les travailleurs pauvres, noirs et en lutte et avec inaction, négligence ou connivence lorsqu’il s’agit de la droite et des laquais des grandes entreprises et de l’agrobusiness.

    L’assaut de la place des « trois pouvoirs » (le Palais présidentiel, le Congrès et la Cour suprême) à Brasilia a bénéficié de la collaboration active de la police du district fédéral, de son secrétaire à la sécurité publique (l’ancien ministre de Bolsonaro, Anderson Torres) et même du gouverneur, Ibaneis Rocha, lui-même. Y a-t-il une surprise dans tout cela ?

    Ibaneis et la police du district fédéral avaient déjà démontré auparavant leur connivence avec les putschistes. Leur absence criminelle face aux attentats contre le siège de la police fédérale le jour de la nomination de Lula par la Cour suprême (12 décembre) et la tentative d’attentat terroriste à l’aéroport de Brasília (24 décembre) par des bolsonaristes constituent des exemples frappants.

    Mais il ne s’agit pas seulement de la complicité des autorités proches du mouvement bolsonariste. Il y a également eu de la lenteur, de l’indulgence ou de la négligence de la part des autorités du gouvernement actuel.

    Le ministre de la défense nommé par Lula, José Múcio, avait publiquement défendu le supposé « droit démocratique » de manifester de ceux qui se tenaient devant les casernes pour réclamer un coup d’État militaire, ceux-là mêmes qui ont organisé des actes terroristes et des attentats à Brasilia dimanche. Il en va évidemment de même pour les commandants des forces armées qui ont toléré et fraternisé avec les rassemblements pro-coup d’État devant les casernes. Le président Lula lui-même et son ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Flávio Dino, ont sous-estimé le risque plus que prévisible de ce type d’attaque. De même, toute la confiance placée dans la Cour suprême et son chef, Alexandre de Moraes, ne s’est pas avérée suffisante pour contenir les initiatives de coup d’État.

    Même avec l’intervention de la sécurité publique du gouvernement fédéral dans le district fédéral, la suspension temporaire d’Ibaneis Rocha et l’arrestation de centaines de participants aux attentats de Brasilia, la menace bolonariste n’est pas encore terminée.

    Les tentatives de blocage d’avenues, d’autoroutes et de raffineries de pétrole Petrobras auxquelles nous avons assisté après les attentats de Brasilia, même si elles n’ont pas eu de conséquences majeures pour l’instant, montrent que les crapules bolsonaristes resteront actives dans la période à venir. Que faire alors ?

    Nous devons nous préparer à une longue lutte contre l’extrême droite et pour nos droits, sans illusions ni faux espoirs dans les institutions et dans le régime politique actuel !

    Aujourd’hui, il est plus évident que jamais que seule la mobilisation organisée de la classe ouvrière, démontrant sa force dans les rues et sur les lieux de travail, sera en mesure de contrer les coups d’État et les initiatives terroristes de l’extrême droite bolsonariste.

    Nous saluons l’appel aux manifestations qui ont lieu aujourd’hui. Celles-ci auraient toutefois dû être convoquées depuis longtemps, au moins depuis les élections ou lors des premiers blocages de routes par les bolsonaristes pro-coup d’État. Cependant, il a été décidé au sommet du mouvement qu’il ne devait pas y avoir d’activités dans la rue afin de ne pas entraver l’élection et l’investiture de Lula. Voilà le résultat : l’extrême droite a progressé dans les rues sans aucune entrave. Il nous faut l’entrée action de la classe ouvrière en toute indépendance, préparée depuis sa base.

    Ces manifestations doivent représenter un premier jalon dans un parcours de luttes qui doit se poursuivre, toujours en défense des droits démocratiques et sociaux et contre le coup d’État bolsonariste.

    A partir d’aujourd’hui, des réunions et des assemblées doivent être organisées sur les lieux de travail, dans les écoles et les quartiers. Une mobilisation permanente à travers des comités de lutte doit être construite afin que nous ayons une capacité de réponse rapide face à de nouvelles tentatives de coup d’État et autres attaques, y compris l’autodéfense des organisations de la classe ouvrière et des mouvements sociaux.

    Bolsonaro doit être tenu directement responsable des tentatives de coup d’État. Nous devons également exiger la punition des politiciens, des hommes d’affaires et du personnel militaire co-responsables. Des commissions populaires d’enquête et de dénonciation peuvent être organisées pour dénoncer la participation de ces couches aux actions du coup d’État.

    Parallèlement à la lutte contre le coup d’État et contre toute forme d’amnistie pour les crimes de Bolsonaro et de ses complices, nous devons enterrer une fois pour toutes le projet de Bolsonaro et des capitalistes au Brésil. Cela signifie premièrement d’exiger l’abrogation des contre-réformes et des attaques réactionnaires de la dernière période, comme les contre-réformes du travail et de la sécurité sociale, le plafonnement des dépenses, les privatisations, l’indépendance de la Banque centrale, le budget secret, etc. Ces revendications ne seront satisfaites qu’avec une bonne dose de lutte de notre part et non par la bonne volonté du gouvernement.

    Pour sortir le pays de cette crise, il nous faut un programme approfondi orienté vers une rupture anticapitaliste et socialiste, incluant la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleuses et des travailleurs. Un mouvement indépendant de la classe ouvrière et de la gauche socialiste, y compris le PSOL, doit défendre ce programme socialiste.

    Seule la force organisée et mobilisée de manière indépendante de la classe ouvrière représente une garantie contre un coup d’État et contre l’extrême droite tout en assurant la concrétisation de l’espoir populaire d’un meilleur avenir. LSR (ISA au Brésil) fait partie de cette lutte ! Rejoignez-nous !

    • Il faut punir tous les responsables des tentatives de coup d’État à Brasilia et dans le reste du pays en commençant par Bolsonaro, les hommes d’affaires, les politiciens et les militaires. Il faut organiser des comités populaires pour dénoncer et enquêter sur les putschistes dans tout le pays.
    • Construisons une journée unitaire de luttes des mouvements syndical, populaire, étudiant, des femmes, des noirs, des LGBTQIA+ et des peuples indigènes contre le coup d’État de Bolsonaro, pour l’abrogation des contre-réformes et des attaques de la dernière période et pour une alternative de la classe ouvrière à la crise.
    • Organisons l’unité de la gauche socialiste, en toute indépendance du gouvernement, pour défendre une stratégie de lutte de la classe ouvrière et un programme socialiste comme alternative au capitalisme.
    https://fr.socialisme.be/93998/elections-au-bresil-bolsonaro-battu
    https://fr.socialisme.be/60795/bresil-stopper-le-coup-detat-par-la-rue-vaincre-bolsonaro-et-construire-une-alternative-socialiste
  • Manifestation contre Dewinter à Gand : un premier pas important dans la reconstruction de la lutte antifasciste

    Ce jeudi 1er décembre, 800 personnes sont descendues dans la rue afin de protester contre une conférence de Filip Dewinter tenue à l’université de Gand. Le cercle étudiant catholique d’extrême droite KVHV avait invité le chef de file du Vlaams Belang à y présenter son nouveau livre sur le « Grand remplacement », une théorie complotiste raciste. Le PSL/LSP s’est impliqué dans la mobilisation avec les Etudiant.e.s de Gauche en Action (EGA) et la Campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) auprès du personnel et des étudiant.e.s de l’université. La manifestation a réuni de grandes délégations d’étudiant.e.s, d’activistes, d’associations étudiantes et de syndicalistes (notamment de l’ACOD UGent (la délégation de la CGSP à l’université) et de l’ABVV Oost-Vlaanderen (la régionale FGTB Flande Orientale) dans la lutte contre l’extrême droite. C’est un grand pas en avant dans la reconstruction de la lutte antifasciste à Gand.

    Par Koerian (Gand)

    https://fr.socialisme.be/53098/retour-sur-le-premier-dimanche-noir-et-la-naissance-de-la-campagne-antifasciste-blokbuster
    https://fr.socialisme.be/59108/dossier-black-lives-matter-combattre-le-racisme-par-la-solidarite-tout-ce-qui-nous-divise-nous-affaiblit

    Le recteur Van de Walle accorde (encore) une tribune à la haine

    La conférence devait initialement être organisée à l’auditorium Blandijn. Une plateforme d’activistes, d’associations étudiantes et de syndicats a décidé, sur notre proposition, d’organiser un festival antifasciste au sein du Blandijn ce jour-là, garantissant ainsi que la conférence ne puisse avoir lieu. Avec cette conférence, le personnel du Blandijn craignait pour sa sécurité et celle des étudiant.e.s (en particulier celles et ceux du programme de néerlandais pour les nouveaux arrivants) et a exigé que l’université annule la conférence. Le recteur de l’université de Gand, Rik Van de Walle, a alors décidé de déplacer celle-ci au campus Aula dans l’Universiteitstraat, où la police peut plus facilement boucler la zone.

    Filip Dewinter, le Vlaams Belang ou le KVHV n’ont pas leur place à l’UGent. Le KVHV utilise systématiquement l’université comme une plateforme pour légitimer la haine. Jeff Hoeyberghs a été condamné pour incitation à la haine et à la violence en raison du sexisme qu’il a répandu alors qu’il était venu parler à l’UGent en 2019 à l’invitation de ce cercle étudiant. Le KVHV a été à peine sanctionné pour cette réunion haineuse et a été autorisé à continuer de cracher son venin. Le recteur Rik Van de Walle a ignoré les craintes du personnel du campus Aula et a offert à Dewinter la plate-forme universitaire qu’il désirait. Le Vlaams Belang a longuement remercié Rik Van de Walle pour services rendus. Pour le recteur, les faveurs aux racistes l’emportent sur la sécurité des étudiant.e.s et du personnel.

    Une manifestation contre l’extrême droite comme première étape

    Faire déplacer la conférence était en soi une victoire. Le Blandijn est un lieu historiquement progressiste, au milieu du quartier étudiant. L’extrême droite en a été repoussée et a dû se réfugier derrière un cordon policier loin du quartier étudiant. Afin de protéger la sécurité des étudiant.e.s et d’empêcher l’extrême droite de déverser sa haine sans contestation, une manifestation a été organisée dans le quartier étudiant qui s’est terminée par un événement culturel au Vooruit.

    Cette manifestation était un premier pas important dans la construction d’un nouveau mouvement antifasciste. La majorité des étudiant.e.s et du personnel rejette la haine du KVHV, la manifestation l’a clairement montré. Il s’agit maintenant d’organiser cette majorité pour qu’elle manifeste partout où le Vlaams Belang, le KVHV ou d’autres marchands de haine lèvent la tête.

    Mobilisation, mais aussi organisation

    Nous devons débattre au sein du mouvement antifasciste. Les événements médiatiques ou culturels, comme celui qui a eu lieu au Vooruit après la manifestation, sont un complément à la lutte, mais ne doivent pas s’y substituer. Si nous voulons organiser les étudiant.e.s et le personnel contre l’extrême droite, nous devons les mobiliser dans la rue avec des propositions concrètes pour réagir contre la présence de l’extrême droite ici et maintenant. C’était tout l’enjeu de la manifestation et ce fut un succès. Des étudiant.e.s et des militant.e.s se sont réuni.e.s dans les rues avec des délégations de l’ACOD UGent et de l’ABVV Oost-Vlaanderen. L’implication des syndicats est une étape très importante dans la lutte antifasciste.

    Nous comprenons que des personnes aient tenu à agir elles-mêmes à l’Universiteitsstraat ce soir-là pour tenter d’empêcher le meeting du KVHV. Mais réaliser une occupation réussie n’est possible que si celle-ci est précédée d’une campagne de mobilisation sérieuse et soutenue, une mobilisation qui rassemble les étudiant.e.s et le personnel et leur donne confiance dans le fait que l’extrême droite peut effectivement être stoppée. Essayer de perturber Filip Dewinter à quelques dizaines – en vain – n’y contribue pas.

    La manifestation était une étape importante dans la construction de la lutte. Le potentiel est présent. Comme l’a dit Angeline Van Den Rijse, présidente de la Centrale générale de la FGTB pour la Flandre Orientale : la menace d’un score élevé pour le Vlaams Belang aux élections de 2024 rend notre organisation aujourd’hui encore plus importante.

    Il n’y a pas de capitalisme sans racisme

    Tim Joosen, délégué FGTB à l’UGent et membre du PSL, a cité Malcom X dans son discours lors de la manifestation : « Il n’y a pas de capitalisme sans racisme. » Le système capitaliste a besoin de la division et de la haine pour se maintenir en place. Répondre aux problèmes sociaux qui alimentent l’extrême droite (manque de logements à loyer abordable, pauvreté, inflation…) reste crucial. EGA et la Campagne ROSA ont réuni des centaines de jeunes dans un bloc anticapitaliste combattif pour délivrer ce message de manière claire et forte.

  • Il y a 30 ans… Le «Dimanche noir» déclenchait un mouvement de masse antiraciste

    L’une des nombreuses actions de Blokbuster au début des années 1990. En l’occurrence, une manifestation à Tielt, en Flandre occidentale, le 24 novembre 1994.

    La première grande percée électorale du Vlaams Belang (qui s’appelait alors le Vlaams Blok) s’est déroulée le 24 novembre 1991, une journée baptisée depuis le « Dimanche noir ». Des milliers de jeunes avaient alors envahi les rues. C’est à ce moment que notre campagne antifasciste Blokbuster a réuni 2.000 membres organisant des dizaines d’actions sous le slogan « Du travail, pas de racisme ! »

    Du fumier sur un système pourri

    La crise économique des années 1970 et l’essor du néolibéralisme dans les années 1980 ont mis fin à l’espoir de progrès social pour la classe ouvrière. Pour garantir les profits des grandes entreprises, de lourdes coupes budgétaires ont frappé les services publics. Les cadences de travail augmentaient et le chômage prenait son envol. En Europe, le chômage est resté stable autour de 2 % entre 1960 et 1975. Mais à partir de 1975, il a quadruplé pour atteindre 8 % au milieu des années 1980 et 10 % au milieu des années 1990. En Belgique, le taux de chômage a doublé au milieu des années 1970 et à nouveau au début des années 1980.

    Il n’y avait plus d’espace pour des réformes en faveur du monde du travail. En France, François Mitterrand, élu sur base de promesses de réformes progressistes, a été mis sous pression par le capital et a dû revenir sur ses premières mesures. La chute du bloc de l’Est à la fin des années 1980 a renforcé l’offensive idéologique de ceux qui affirmaient qu’il n’y avait pas d’alternative. Cela a eu un profond impact sur les vieux partis ouvriers et la gauche en général.

    En Belgique, le gouvernement de droite de Martens et Verhofstadt était tombé en 1986, à la suite de la mobilisation syndicale contre le Plan Val Duchesse. Les sociaux-démocrates sont revenus au gouvernement en 1987, sans que les promesses de changement de politique soient concrétisées… Les coupes budgétaires ont continué avec le PS et le SP au gouvernement.

    C’est ce contexte qui permet de comprendre la percée du Vlaams Blok: d’abord aux élections communales à Anvers en 1988, puis avec plus de 10% en Flandre lors des élections législatives du 24 novembre 1991, sur base de slogans racistes tels que « Un demi-million de chômeurs, pourquoi avoir des travailleurs immigrés ? », ce qui est finalement devenu « Notre peuple d’abord », avec un gant de boxe symbolisant le rejet du monde politique traditionnel.

    Une manifestation antifasciste de masse

    Si le monde politique a été choqué par ces résultats, c’était essentiellement en raison des sièges perdus. Pour des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs, les choses se présentaient de manière toute différente : ils étaient sincèrement choqués par la montée du racisme et de l’extrême droite et sont spontanément descendus dans la rue.

    La campagne antifasciste Blokbuster a été lancée à l’été 1991 avec l’objectif de donner aux jeunes un outil pour s’organiser localement et débattre des revendications et de la tactique pour contrer l’extrême droite. Au plus fort du mouvement, il existait 50 comités d’action de ce type en Flandre et presque toutes les réunions du Vlaams Blok ont connu des rassemblements de protestation autour du slogan « Du travail, pas de racisme !».

    Ce slogan entendait balayer le terreau sur lequel se développe l’extrême droite en capitalisant le mécontentement social. L’accès au travail était une question centrale à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Au lieu de la division comme réponse aux pénuries, nous voulions y répondre en défendant l’emploi et les services publics. Blokbuster agissait contre toutes les formes de racisme et de discrimination en faisant le lien avec un programme social : semaine des 32 heures sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, investissements dans les services publics, etc.

    Outre des dizaines d’actions locales, Blokbuster a été à l’initiative de plusieurs grandes manifestations nationales, voire internationales. En 1992, une manifestation européenne contre le racisme a réuni 40.000 personnes à Bruxelles, dont d’importantes délégations d’Allemagne, où des néonazis avaient peu avant attaqué et incendié des centres d’asile à Rostock. Un an plus tard, une Marche des Jeunes pour l’Emploi et contre le Racisme a été organisée avec succès, avec le soutien des Jeunes FGTB et du Front antifasciste (AFF), et d’autres.

    Une situation différente aujourd’hui

    Après les nombreuses actions contre l’extrême droite dans la première moitié des années 1990, l’indignation est restée forte, mais les actions ont baissé d’intensité. Lorsque le Vlaams Belang a connu un déclin à partir de 2006-07, nous avons dit que ce n’était que temporaire. Un système reposant sur les carences sociales crée des tensions sociales et les éléments de division, comme le racisme. La N-VA a repris les électeurs du VB pendant un certain temps, mais a fini par rendre le racisme du VB plus « acceptable ».

    Après la récession économique de 2008-09, la « reprise » n’a pas amélioré les conditions de vie de la majorité de la population. La crédibilité de toutes les institutions a encore chuté. C’est dans ce contexte que les populistes de droite du monde entier ont progressé aux élections, et sont même arrivés au pouvoir. Avec Trump, Modi et Bolsonaro, jusqu’à récemment, trois grands pays étaient gouvernés par des populistes de droite. Mais la politique de haine et de division n’apporte aucune solution aux problèmes sociaux : ces trois pays sont précisément ceux où le nombre de décès dus au coronavirus a été le plus élevé. La crise profonde du système laisse place à l’extrême droite et à l’essor de toutes sortes de préjugés, voire de théories du complot. Cet espace est plus grand en l’absence d’action collective de la part du mouvement ouvrier pour proposer l’alternative d’une autre société et ranger au placard les soi-disant « réponses » de la droite radicale.

    Trente ans après le premier « Dimanche noir » et le mouvement antiraciste qui a suivi, il y a, à première vue, des raisons d’être pessimiste. Malgré toutes ces actions, l’extrême droite est plus forte qu’à l’époque, notamment au niveau électoral. Mais nous sommes optimistes. En 2020, le mouvement Black Lives Matter a créé le plus grand mouvement social des États-Unis depuis des décennies avec pour slogan populaire « C’est tout le système qui est coupable ! ». Parallèlement, on assiste à une résistance croissante au sexisme, à la LGBTQI+phobie et à tout ce qui nous divise.

    Un système en crise tente de trouver des boucs émissaires : c’est toujours la faute de quelqu’un d’autre et de préférence les groupes les plus faibles dans la société : les réfugiés, les migrants, les chômeurs, les jeunes,… Les travailleurs et les jeunes ne doivent pas tomber dans le panneau. Sans quoi nous risquons d’être le prochain bouc émissaire. En revanche, nous avons besoin de lutter ensemble pour défendre nos conditions de vie et, en fin de compte, pour un changement radical de société. Pour imposer le changement indispensable, nous avons besoin de l’unité des travailleurs et de toutes les personnes opprimées. L’extrême droite et le racisme sont des obstacles dans ce combat.

    Si les antiracistes d’aujourd’hui doivent retenir quelque chose du mouvement antiraciste des années 1990, c’est l’importance des comités d’action pour diriger la lutte et la nécessité d’un programme politique qui, avec des revendications sociales et des initiatives audacieuses, renforce l’unité nécessaire pour atteindre une société socialiste.

  • Le danger Éric Zemmour : Chasser la haine et la division par la lutte et la solidarité !

    Photo : Wikimedia Commons

    À moins de 6 mois des élections présidentielles françaises, le chroniqueur TV et auteur d’extrême droite Eric Zemmour cartonne dans les sondages, au point d’arriver même en 2ème position dans certains d’entre eux. Comment expliquer cette ascension d’un raciste, sexiste, homophobe et anti-ouvrier notoire ? Comment construire une campagne qui permette de lui répondre avec un message de solidarité et une réelle perspective ?

    Par Stéphane Delcros

    La France évolue depuis des années dans un climat pesant de divisions et de violences policières brutales à l’égard des mouvements syndicaux et sociaux en général ainsi qu’à l’égard de la jeunesse, tout particulièrement d’origine immigrée. Le racisme d’État et les stigmatisations permanentes se sont accrus, avec pour cibles les populations issues de l’immigration et les musulmans.

    ‘Loi sur le séparatisme’, Loi ‘sécurité globale’, Gérald Darmanin (le ministre de l’Intérieur) dépassant Marine Le Pen sur sa droite en débat télévisé, Jean-Michel Blanquer (ministre de l’Éducation) propageant l’expression ‘islamo-gauchisme’,… Macron et ses gouvernements n’ont eu de cesse d’alimenter la division. Mais lorsque l’on s’attire les foudres d’autant de couches de la société, il faut savoir manier l’arme de la division pour éviter que celles-ci ne forment plus qu’un seul poing levé à un moment donné.

    L’ascension du chroniqueur TV

    Zemmour déverse ses visions réactionnaires depuis des années déjà dans les médias dominants. Entre sa condamnation pour provocation à la discrimination raciale en 2011 et celle pour provocation à la haine envers les musulmans en 2018, son discours s’est encore radicalisé et continue sur cette voie. Sa confiance est gonflée par l’atmosphère de haine et de division encouragée par les autorités.

    Son succès est une nouvelle illustration de l’échec cuisant de la stratégie « voter Macron pour faire barrage à l’extrême droite ». C’est aussi une expression de l’échec de la gauche et du mouvement syndical à réussir à imposer son projet à l’agenda. Sans riposte sociale à la hauteur des enjeux, les politiques d’austérité et anti-travailleurs et travailleuses menées par Macron ont créé un terreau de frustration et de désespoir encore plus favorable aux préjugés et à la division. En majeure partie, la popularité de Zemmour n’exprime pas un ferme soutien à ses idées nauséabondes. Elle provient de l’atmosphère savamment entretenue par le sommet de la société et de son image « anti-système » plus « fraîche » et qui n’est pas issue d’un parti et du sérail politique traditionnel.

    La force de Zemmour, ce n’est pas Zemmour

    Zemmour ne s’est pas fait lui-même, c’est une construction consciente de la part de l’establishment. L’utilisation de l’extrême-droite au service des intérêts immédiats du pouvoir en place est une vieille habitude en France. L’essor du Front National dans les années ‘80 avait été favorisé par Mitterrand pour affaiblir la droite dont il craignait le retour après avoir trahi le programme qui l’avait porté à la présidence.

    Macron n’a jamais fait mystère de sa stratégie pour un second mandat : sécuriser un socle d’au moins 10% d’électeurs (soit 20% dans les urnes compte tenu de l’abstention qui va de record en record) et s’attirer le vote du « moindre mal » face à Marine Le Pen au second tour. Mais après un premier mandat qui a marqué un tournant majeur vers l’autoritarisme et une sérieuse accentuation du racisme d’État, la stratégie est plus dangereuse que jamais. En affaiblissant la dynamique autour du Rassemblement National de Marine Le Pen, Zemmour rend un précieux service à Macron. C’est ce qui explique en grande partie les largesses médiatiques à son égard. Mais c’est encore une fois une dangereuse fuite en avant.

    Notre camp doit arracher le micro des mains de la droite et de l’extrême droite

    Le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon a eu raison de s’inviter à un débat télévisé avec Zemmour fin septembre. Ça fait des années que la droite et l’extrême droite ont micro ouvert dans tous les médias sans aucun réel contradicteur. Nous avons été nombreux à accueillir enfin un autre type de discours avec ce débat, où Mélenchon répondait au discours de haine raciste à l’aide du terme de « créolisation », exprimant une société où la mixité des cultures et origines permet de créer une plus grande richesse collective. Pour les larges couches qui résistent toujours au discours de division dominant, ce type de réponse à grande audience face à l’extrême droite est un soulagement bienvenu, bien que limité.

    Lutter contre les racines de la division

    Pour combattre le racisme et la haine, souligner l’intérêt et la richesse de la multiculturalité ne suffira pas. La réponse à Zemmour et Cie est aussi et surtout socio-économique, pour couper court au désespoir social qui l’alimente.

    ‘L’Avenir En Commun’, le programme de la France Insoumise dont la mise à jour sortira mi-novembre, regorge d’excellentes revendications capables de rassembler autour de la solidarité : l’augmentation du salaire minimum (souhaité par 9 Français sur 10) ; le rétablissement de l’impôt sur la fortune supprimé par Macron, l’instauration d’une taxe sur les profiteurs de crise, un grand plan d’investissements dans les services publics (souhaités par 8 Français sur 10) ; le retour de la retraite à 60 ans (souhaité par 7 Français sur 10) ; etc.

    Mais ce programme ne pourra devenir réalité qu’à deux conditions : d’une part, créer un rapport de force dans les entreprises et dans la rue autour du mouvement organisé des travailleuses et des travailleurs. D’autre part, en finir avec la dictature des marchés, ce qui permettrait aussi d’obtenir le financement des mesures nécessaires. L’expropriation et la nationalisation des secteurs-clés de l’économie (dont la finance en premier lieu, notamment pour bloquer la fuite des grands capitaux) permettraient de donner naissance à une approche planifiée pour faire face aux nombreux problèmes sociaux et environnementaux. La « planification écologique » contenue dans le programme de la France insoumise est à ce titre un pas dans la bonne direction, bien qu’encore timide.

    Se battre pour l’unité dans la lutte

    Les dernières années n’ont pas manqué de mouvements de masse en France. Depuis l’énorme mobilisation syndicale et sociale contre la Loi travail sous Hollande en 2016, le pays a connu les luttes des travailleurs et travailleuses des soins et des transports en commun ; celles des Gilets Jaunes ; la lutte de masse contre la réforme des retraites (un des conflits sociaux les plus intenses depuis Mai 68) ; les mobilisations de la jeunesse contre les violences sexistes, contre le racisme et les violences policières, contre le dérèglement climatique, contre la loi ‘sécurité globale’ ; …

    Inspirons-nous de ces récentes mobilisations de masse – qui nous rassemblent au lieu de nous diviser – et organisons cette fois-ci davantage notre lutte autour de revendications sociales audacieuses qui ne se limitent pas à ce que permet le cadre étroit du capitalisme et de sa logique de profits. C’est ainsi que l’on pourra construire la confiance dans l’espoir révolutionnaire face au désespoir contre-révolutionnaire. Un autre type de société s’offrirait alors à nous comme fruit de nos luttes : une société socialiste démocratique qui mobiliserait les capacités techniques et les richesses actuelles pour l’épanouissement de toutes et tous dans le respect de l’environnement

  • Liège. “Chez Nous” reste chez lui grâce à la mobilisation antifasciste

    Environ 200 personnes (FGTB, CSC, PTB, PSL,…) se sont réunies mercredi soir à la suite de l’annonce de l’annulation du meeting d’extrême droite.

    Depuis des années, certains tentent d’établir une formation d’extrême-droite stable du côté francophone. Le potentiel ne manque pas comme le démontrent les sondages sur la popularité de Marine Le Pen. Pourtant, l’extrême droite francophone continue d’être marquée par les groupes instables et les partis qui se déchirent. Comment l’expliquer ?

    Réaction de Blokbuster

    Une partie de la réponse nous a été livrée mercredi dernier. Plusieurs personnalités d’extrême droite avaient annoncé la création d’un nouveau parti, « Chez Nous », ce qui a immédiatement suscité protestations et mobilisations antifascistes. En conséquence, la réunion prévue à Herstal n’a pas pu avoir lieu, et une médiocre conférence en ligne a été organisée, qui, selon nos amis du Front antifasciste 2.0 (à la base de l’appel à manifester), s’est caractérisée par une courte durée et une mauvaise qualité sonore. Heureusement qu’ils ont pris la peine de suivre cette conférence : même si le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken n’a balbutié que six minutes dans un français minable (à traduire ensuite), c’est toujours six de trop pour notre tranquillité d’esprit.

    « Chez Nous » a réussi à faire participer deux dirigeants de partis d’extrême droite à un congrès fondateur : Tom Van Grieken du Vlaams Belang et Jordan Bardella du Rassemblement national (le nouveau nom du Front national de Marine Le Pen). Le parti lui-même est dirigé par des personnalités issues de diverses petites formations, du Parti Populaire à la “Liste Destexhe” (autour de l’ancien élu libéral Alain Destexhe). Le résultat est un programme de parti qui combine racisme et approche économique libérale dure. Alors que l’extrême droite en Flandre ou en France tente de se présenter comme « sociale », en paroles tout du moins, ce n’est pas le cas de « Chez Nous ». Le soutien du VB et du RN à cette formation illustre d’ailleurs pleinement à quel point il ne s’agit que d’une question de rhétorique. Le racisme l’emporte toujours sur les tentatives de rendre l’emballage de ces partis plus « social ».

    Le congrès de “Chez Nous” n’a pas pu avoir lieu physiquement à cause des protestations antifascistes. Cette pression a amené les autorités communales du lieu secrètement choisi pour le congrès à interdire la réunion. Il s’agissait de la commune ouvrière de Herstal, dirigée par le PS mais avec une forte présence du PTB dans le conseil communal. Le fait que l’extrême droite ne puisse pas se réunir physiquement pour organiser sa haine contre les migrants, les dissidents, les syndicalistes, les personnes LGBTQI+ et autres est une excellente chose. Cela complique l’entrée en activité dans ses rangs et rend plus difficile l’organisation efficace de la propagation de sa haine dans les rues.

    L’appel à protester contre l’extrême droite a été activement soutenu par la FGTB et son président national Thierry Bodson, qui avait déjà participé à plusieurs actions antifascistes à Bruxelles et ailleurs. Le mouvement ouvrier peut apporter une contribution antifasciste cruciale pour stopper l’extrême droite. C’est bien entendu plus facile là où l’extrême droite est très faible, mais en même temps, cela crée des précédents qui peuvent également être suivis au nord du pays. Les syndicats sont non seulement capables d’apporter un grand poids social à la lutte antifasciste, mais ils sont également bien placés pour défendre des revendications sociales de manière offensive. C’est la meilleure alternative au désespoir qui pousse certaines personnes à se tourner vers les fausses solutions de l’extrême droite.

    Une équipe de militant.e.s des Etudiants de Gauche Actifs et de la Campagne ROSA était présente au “rassemblement de la victoire” qui a succédé à l’annonce de l’annulation du meeting d’extrême droite.

  • [PHOTOS] Rassemblement antifasciste et solidarité internationale à Bruxelles

    Voici quelques photos de l’action de solidarité antifasciste organisée à l’appel de syndicats et d’organisations de gauche ce samedi 16 octobre à Bruxelles. Au même moment, des dizaines de milliers de personnes (200.000 selon les organisateurs qui ont mobilisé au moins 10 trains et 800 cars) manifestaient à Rome en réponse à l’attaque du siège du syndicat CGIL (principale confédération syndicale du pays) après une manifestation contre l’obligation du pass sanitaire. Des dirigeants du groupe néofasciste Forza Nuova (FN) figuraient parmi les personnes arrêtées après l’attaque du syndicat. NO PASARAN ‼

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  • Manifestation antifasciste suite à l’attaque contre le syndicat italien CGIL

    La campagne antifasciste Blokbuster soutient l’appel syndical à manifester à Bruxelles contre la violence fasciste dont a été victime le syndicat italien CGIL. Celui qui touche à l’un d’entre nous s’en prend à nous tous. La meilleure riposte contre la violence fasciste est de se mobiliser et d’organiser notre solidarité.

     

    Le week-end dernier, l’extrême droite a organisé une marche à Rome contre le pass Covid qui sera obligatoire en Italie à partir du 15 octobre. Des militants du groupe fasciste Forza Nuova en ont profité pour faire une descente contre les bureaux du syndicat CGIL. Plus tard dans la soirée, des violences ont également été commises à l’encontre du personnel soignant de l’hôpital Umberto I à Rome. L’extrême droite montre ainsi une fois de plus qu’elle est l’ennemi absolu des syndicats et de toutes les organisations qui défendent les intérêts de la classe ouvrière.

     

    Par la suite, 12 personnes ont été arrêtées. Parmi elles figurent des dirigeants nationaux de Forza Nuova tels que Roberto Fiore, qui s’est rendu en Grande-Bretagne pour échapper aux poursuites après un attentat à la bombe meurtrier à la gare de Bologne en 1980. Pour mettre fin à la violence, nous ne pouvons pas compter sur les dirigeants politiques qui, en Italie, n’hésitent pas à gouverner avec la Lega, le parti d’extrême droite de Salvini. Salvini a condamné la violence, mais il va sans dire que la participation de l’extrême droite au gouvernement renforce la confiance de groupes comme Forza Nuova.

     

    Une mobilisation de masse est nécessaire pour pousser les fascistes sur la défensive. L’appel des syndicats italiens à une grande manifestation le 16 octobre est particulièrement important. Il est préférable d’y associer des revendications qui défendent les intérêts des travailleurs et de leurs familles contre la hausse continue des prix, pour une meilleure sécurité sociale et de meilleurs services publics, mais aussi en défense de l’environnement.

     

    Le mécontentement entourant le pass Covid est renforcé par l’approche inadéquate de la crise sanitaire. La réponse est de lutter pour un investissement public massif dans les soins de santé et pour la nationalisation du secteur pharmaceutique afin que les mesures de protection et la vaccination se fassent sous la gestion et le contrôle démocratique du personnel et de la communauté. Ce n’est qu’alors qu’une approche planifiée sera possible pour une protection globale contre le Covid-19. Les vraies réponses à la crise ne peuvent venir que du mouvement ouvrier. Si nous ne le défendons pas de manière suffisamment offensive, il y a plus de place pour le désespoir de l’extrême droite et toutes sortes de divisions (racisme, sexisme, LGBTQI+phobie).

     

    La violence fasciste à Rome est un avertissement que nous ne pouvons ignorer. Un antifascisme actif et combatif est nécessaire. Samedi, une action de solidarité de la FGTB aura lieu à 11 heures sur la place du Luxembourg à Bruxelles. Blokbuster appelle à y participer.

  • Du 6 février 1934 au 6 janvier 2021. Les ouvriers des années ’30 nous crient : «Ne reproduisez pas les mêmes erreurs!»

    Se plonger dans l’étude des années 1930 est extrêmement précieux pour affronter la période actuelle de crises économique, sociale, sanitaire et écologique. L’assaut du Capitole à Washington par les partisans de Trump fait par exemple immanquablement penser au soulèvement antiparlementaire des ligues fascistes du 6 février 1934 à Paris. Ces dernières entendaient pénétrer de force dans la chambre des députés afin de renverser « la gueuse », selon le surnom que l’extrême droite de l’époque donnait à la République.

    Par Nicolas Croes

    Crise économique et discrédit des forces politiques traditionnelles

    Ce n’est qu’en 1931 que la France a commencé à être touchée par la Grande Dépression qui avait débuté aux États-Unis en 1929.Aujourd’hui, il saute aux yeux que la crise profonde déclenchée par le coronavirus a frappé l’ensemble du globe bien plus subitement, en comprimant en quelques semaines des répercussions économiques qui avaient alors pris des années. Le chômage avait explosé et était passé de 273.000 personnes en 1932 à 340.000 en 1934. Un pic à plus de 1 million de chômeurs sera atteint en 1936.

    Le discrédit des autorités explosait lui aussi à mesure que s’étalait au grand jour leur incapacité à trouver des solutions en même temps qu’éclatait une succession de scandales politico-financiers. Il y eut six gouvernements de mai 1932 à février 1934. C’est justement un de ces scandales (le « suicide » douteux de Stavisky, escroc lié à plusieurs parlementaires) qui précipita la chute du gouvernement Chautemps le 28 janvier 1934. Le nouveau gouvernement dirigé par Daladier devait être présenté à l’Assemblée nationale le 6 février.

    Mais Daladier avait limogé le préfet de police de Paris Jean Chiappe, réputé proche des ligues d’extrême-droite. Celles-ci, dont la confiance avait été dopée par l’accession d’Hitler au pouvoir un an auparavant, ont redoublé de fureur. Leur manifestation le 6 février a rapidement tourné à l’émeute et la police s’est retrouvée complètement dépassée par les événements.

    L’attitude de la gauche

    Confrontée à cet avertissement de la menace fasciste, les communistes ont d’abord manifesté seuls le 9 février. Le 12 février, une journée de grève générale est organisée par les syndicats CGT (proche des sociaux-démocrates) et CGTU (proche des communistes) tandis que la SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière, l’ancêtre du PS) et le Parti communiste appellent à manifester. Leurs cortèges n’étaient pas destinés à se réunir. Mais – surprise de taille – la pression de la base fut telle que les deux foules se rejoignirent aux cris de « Unité ! » Jusque-là, l’attitude officielle de l’appareil du Parti communiste stalinisé était de mettre dos-à-dos fascistes et sociaux-démocrates (qualifiés de rien de moins que « sociaux-fascistes »). L’attitude des dirigeants sociaux-démocrates n’était qu’à peine moins sectaire. Finalement les événements du 6 février 1934 ont forcé les deux partis à faire volte-face et à s’opposer à leurs propres mots d’ordre et slogans aveugles de la veille.

    Le test de la pratique n’est pas moins fondamental aujourd’hui. Et il semble hélas également que les figures les plus proéminentes de la gauche aux États-Unis ne sont pas à la hauteur des enjeux de l’époque. Au lieu d’appeler à la mobilisation de la classe ouvrière dans la rue, Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et d’autres se sont limités à des initiatives parlementaires « respectables » pour l’establishment. De telles initiatives ne revêtent d’utilité qu’en accompagnement d’une mobilisation active et d’une lutte déterminée reposant sur ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins des travailleurs et des opprimés, pas sur ce qui est acceptable par les défenseurs du système d’exploitation capitaliste. Dans le contexte des États-Unis d’aujourd’hui, cela implique de sortir du Parti démocrate et de l’affronter pour ce qu’il est : un des deux partis de Wall Street.

    Qui sont nos alliés ?

    En 1934, par contre, il y eut bien une mobilisation de masse sous l’impulsion de la base des militants politiques et syndicaux. Mais les directions des principales forces ouvrières ont tout fait pour dévier la lutte vers des canaux qui semblaient moins incertains à première vue. La volonté d’unité dans la lutte a été pervertie pour élargir l’unité jusqu’à inclure le Parti radical, une des forces politiques centrales du capitalisme français de l’entre-deux-guerres, dans un « Front populaire ». Comme l’expliquait Trotsky, le Front populaire représentait un noeud coulant passé autour du cou de la classe des travailleurs dans la mesure où les organisations ouvrières se sont politiquement subordonnées au parti de la bourgeoisie. Il y opposait la tactique du Front unique ouvrier et une action en toute indépendance des forces capitalistes.

    Dans un premier temps, la réponse de la bourgeoisie aux provocations fascistes de 1934 a consisté en une tentative de former un gouvernement qui ferait figure d’arbitre et de sauveur au-dessus de la mêlée. Son principal objectif était de bloquer l’élan de la classe ouvrière qui s’était mis en branle contre l’extrême droite.

    Aux États-Unis, l’administration Biden essayera de se présenter de la même manière. S’il n’y a pas directement eu de vague de mobilisation à la suite de l’assaut du Capitole par les partisans de Trump, souvenons-nous que le pays sort à peine du plus grand mouvement social de son histoire, à la suite du meurtre policier raciste de George Floyd. Cette mobilisation magistrale a pris son envol en dépit d’une crise sanitaire qui a causé plus de dix fois plus de décès dans la population américaine que la guerre du Vietnam ! Avant qu’elle n’éclate, le pays faisait également face au plus grand mouvement d’affiliation syndicale depuis les années ‘80. Ce volcan social, la classe capitaliste le craint plus que tout.

    Les grèves de mai-juin 1936 en France

    Finalement, le Front Populaire a remporté les élections d’avril/mai 1936. Mais alors que le gouvernement(1) n’était même pas encore constitué, la nouvelle de la victoire a enhardi les masses ouvrières. Spontanément, l’enthousiasme est devenu action jusqu’à déclencher un mouvement de grève générale reconductible qui a failli renverser le capitalisme en France ! Le 31 mai, le quotidien Le Temps (l’ancêtre du Monde) dénonçait avec horreur « l’ordre qui règne dans les usines » : les travailleurs s’y comportaient « comme si les usines leur appartenaient déjà » ! Le 4 juin – à la veille de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement – les grèves s’étendaient à pratiquement toutes les industries. L’économie nationale commençait à être frappée de paralysie. Le 6 juin, le nombre de grévistes s’élevait à plus de 500.000. C’était près du double le lendemain !

    C’est un processus similaire que redoutait la direction du Parti démocrate, c’est la raison pour laquelle elle a si désespérément cherché à empêcher la victoire de Bernie Sanders aux primaires démocrates pour désigner leur candidat à la présidentielle. Quel effet n’aurait pas manqué d’avoir sa victoire à la primaire démocrate et sa probable victoire contre Trump(2) ? Très certainement dans un contexte où le terme de « socialisme » est aujourd’hui déjà beaucoup plus populaire que celui de « capitalisme ». La direction démocrate préférait – largement ! – 4 nouvelles années avec Trump.

    Comment Sanders aurait-il alors réagi ? En 1936, les dirigeants des organisations ouvrières ont éprouvé une peur panique du mouvement que leur victoire avait déclenché. Le 11 juin, le dirigeant communiste Maurice Thorez s’est exclamé : « Il faut savoir consentir aux transactions, il faut savoir terminer une grève », car « l’heure de la révolution n’est pas venue. » Finalement, le mouvement de grève s’est essoufflé du fait du comportement traître des dirigeants des organisations syndicales et politiques ouvrières. D’importantes victoires ont toutefois été obtenues, sur lesquels les gouvernements suivant n’ont cessé de revenir. Une opportunité historique de renverser le capitalisme français, de porter un coup dévastateur au fascisme en Allemagne, en Italie et en Espagne et de donner une impulsion à une révolution politique en URSS a été gaspillée.

    Ce potentiel n’a pas été exploité en raison de l’attitude de dirigeants qui manquaient de confiance en la capacité des travailleurs de transformer la société de fond en comble par le renversement du capitalisme. C’est finalement la même conclusion défaitiste qui a animé Sanders lorsqu’il a accepté de se soumettre à Joe Biden au lieu de sortir de la camisole de force du Parti démocrate pour jeter les bases d’une organisation de masse des travailleurs. Imaginons combien exponentielle aurait été sa croissance si elle avait accompagné le mouvement Black Lives Matter de mots d’ordre audacieux au lieu de lui imposer l’élection de Biden pour seul horizon !

    La combativité ne manque pas à la base de la société et l’avenir catastrophique que nous réserve le capitalisme va continuer à l’alimenter. Il n’est toutefois pas facile de se défaire d’une approche de lutte inadéquate sans disposer d’une alternative. C’est la raison pour laquelle il est tout aussi crucial aujourd’hui que dans les années ’30 de s’organiser autour d’un programme socialiste révolutionnaire et de se battre pour lui donner l’écho suffisant qui lui permettra d’être une force en saisissant l’imagination des masses.

    NOTES
    1) Le gouvernement de Front populaire fut composé de la SFIO et du Parti radical avec soutien extérieur du Parti communiste). Il dura de mai 1936 à avril 1938.
    2) Tous les sondages soulignaient la confortable avance qu’aurait obtenu Sanders contre Trump, alors que la bataille était bien plus incertaine avec Biden.

  • USA : Nous avons besoin de manifestations de masse contre l’extrême droite

    La menace de l’extrême droite ne disparaît pas après la tentative de coup d’État du 6 janvier. Une nouvelle série de rassemblements armés est prévue et peut-être même d’autres tentatives d’occupation de bâtiments législatifs à partir de ce samedi 16 janvier, pour aboutir à une éventuelle confrontation le jour de l’investiture, le mercredi 20 janvier.

    Déclaration de Socialist Alternative (ASI-USA)

    Comme nous l’avons vu avec l’émeute du Capitole et avec la succession de meurtres racistes de la part de la police, nous ne pouvons pas dépendre des flics pour nous défendre contre l’extrême droite. Au lieu de cela, le mouvement ouvrier et les leaders de gauche comme Bernie Sanders, AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) et The Squad (nom informel d’un groupe de quatre femmes élues aux élections de 2018 à la Chambre des représentants) devraient appeler à l’organisation de manifestations de masse pour chasser les fascistes, les racistes et l’extrême droite en général de nos rues du 16 au 20 janvier. Nous avons pu constater l’efficacité des rassemblements de masse en 2017 après le rassemblement de l’extrême droite à Charlottesville, lorsque 40.000 personnes se sont réunies à Boston pour chasser les fascistes des rues, non seulement à Boston mais aussi au niveau national.

    Les paroles vides de sens des dirigeants syndicaux ou les actions théâtrales des politiciens ne suffiront pas à vaincre la menace permanente de l’extrême droite. Bien que nous soutenions la procédure de destitution ou d’autres mesures constitutionnelles visant à démettre Trump de ses fonctions, nous ne pensons pas que la gauche devrait concentrer son énergie sur cela. Dans les heures et les jours critiques qui ont suivi le siège du Capitole, les déclaration de The Squad étaient presque indiscernables des articles de l’establishment capitaliste en expliquant que cette stratégie était un moyen d’empêcher Trump de se représenter en 2024, mais cette disqualification n’est pas automatique et seul le Sénat – et seulement avec un vote des deux tiers – peut exclure Trump d’une fonction élue. Au-delà de toutes les difficultés rencontrées avec cette approche, ce n’est pas non plus un moyen efficace de neutraliser l’extrême droite. Même si Trump ne pouvait pas se représenter, un autre dirigeant d’extrême droite se présenterait à sa place.

    Alors que la principale tâche immédiate est de porter un coup à l’extrême droite et aux fascistes, la lutte contre l’extrême droite et le populisme de droite en général, qui dispose d’une audience de millions de personnes, ne sera pas gagnée dans les deux prochaines semaines. La classe dirigeante s’est maintenant tournée contre Trump qui a franchi une ligne rouge en s’attaquant directement à ses principales institutions politiques. Les grandes entreprises retirent leur soutien à Trump et à d’autres républicains clés tels que Ted Cruz et Josh Hawley. Twitter a banni Trump à vie. Mais la droite ne sera pas vaincue par les patrons des entreprises technologiques qui l’ont acceptée pendant des années. Nous savons que demain, de telles mesures seront utilisées contre la gauche dans le cadre d’une campagne contre “l’extrémisme”. Mais en tant que socialistes, tout en ne faisant pas confiance à l’establishment, aux entreprises américaines ou à l’État, nous sommes pour que des mesures soient prises contre l’extrême droite, comme la purge des forces de l’État, y compris la police, des racistes connus et de toute personne ayant des liens avec la droite dure et les groupes fascistes.

    L’extrême droite disposera d’un potentiel pour croître avec une administration Biden qui n’a aucune solution pour les problèmes profonds du capitalisme. Le Tea Party s’est d’ailleurs développé sous Obama après le sauvetage des banques. Nous ne pouvons pas miner efficacement l’extrême droite en nous unissant à un establishment démocrate contrôlé par les entreprises qui alimentera l’ouverture pour ces idées en attaquant encore et encore les intérêts des travailleurs. Nous devons plutôt construire un front uni de la classe ouvrière qui lutte contre les menaces racistes et propose un programme pour faire face aux crises économiques, sanitaires et sociales de la société.

    Le mouvement antifasciste doit défendre un programme capable d’unir les travailleurs : un système de soin de santé accessible à tous, une allocation de soutien COVID pour les travailleurs et la fin des pratiques policières racistes. Cela doit être combiné à une action de masse visant à empêcher l’extrême droite de colporter ses mensonges dans nos rues. Les petites confrontations aventureuses avec des éléments violents d’extrême droite ne sont pas notre objectif. Nous avons plus que jamais besoin d’un mouvement de masse de millions de personnes.

    Socialist Alternative appelle à des réunions d’urgence des militants syndicaux, des socialistes et des organisations communautaires pour planifier des actions de masse du 16 au 20 janvier afin de vaincre les menaces de la droite. Des actions réussies contre l’extrême droite pourraient contribuer à lancer un front uni pour lutter contre le racisme et la classe des milliardaires. Ces problèmes n’ont pas disparu. La menace est immédiate, et nous devons agir de toute urgence. Même si les racistes violents sont repoussés dans la semaine à venir, l’extrême droite pourrait encore se développer, et il est essentiel que la gauche et le mouvement ouvrier prennent au sérieux cette lutte en cours.

  • Chaos au Capitole : Il faut construire un mouvement pour vaincre l’extrême droite

     

    Nous avons d’abord reçu la notification : “La foule pro-Trump s’introduit dans le bâtiment du Capitole.” Ensuite, “Les membres du Congrès sont priés de se cacher sous leurs chaises”, puis “Ils ont tiré dans les salles”.

    Par Keely Mullen, Socialist Alternative

    La prise d’assaut du Capitole a choqué des centaines de millions de personnes aux États-Unis et dans le monde entier. Le chaos qui a eu lieu à l’intérieur de l’un des piliers de la puissance américaine est à bien des égards une incarnation des crises à multiples facettes qui ont englouti le pays. Pendant des heures, le Capitole a été occupé par une foule, dirigée par des éléments d’extrême droite et fascistes, déterminés à renverser les résultats des élections de novembre.

    Peu après la percée du Capitole, les membres du Congrès ont été déplacés dans un “lieu sûr” alors que l’extrême droite prenait d’assaut les salles de la Chambre et du Sénat. Ils ont erré dans les couloirs du Congrès, volant le courrier de Nancy Pelosi, démolissant des tableaux. Un homme est même sorti par la porte d’entrée en tenant un podium entier.

    L’impréparation totale de la police du Capitole face à l’attaque du Capitole contrastait fortement avec la façon dont la police a répondu aux manifestations de Black Lives Matter l’été dernier. Des milliers de gardes nationaux ont été mobilisés pour “protéger le Capitole” lors des manifestations du 1er juin, tandis que des tactiques brutales étaient utilisées dans les villes. Il a été révélé que l’extrême droite planifiait ouvertement cette opération sur les médias sociaux depuis des semaines, et même cela n’a pas déclenché une réponse des forces de l’ordre.

    Dans les semaines et les mois qui ont précédé “l’insurrection”, M. Trump n’a pas tenté de cacher ses ambitions de coup d’État. Jusqu’à hier soir, il a déclaré à plusieurs reprises qu’il ne concéderait ni ne respecterait les résultats de l’élection. Il a préparé le terrain pour les événements de ce 6 janvier tout au long de sa campagne électorale. Il a mis en garde contre la fraude électorale généralisée et l’escroquerie aux bulletins de vote par correspondance. Trump a clairement indiqué que tout ce qui aurait été moins qu’une victoire éclatante ne serait qu’une élection volée.

    Après l’élection, Trump, en plus d’avoir intenté 60 procès, a cherché à contraindre les responsables républicains des principaux États à annuler les résultats. Plus récemment, il a cherché à intimider le secrétaire d’État géorgien, Brad Raffensperger, pour “trouver” 11.000 votes lors d’un appel téléphonique qui a fait l’objet d’une fuite. Il a engagé des discussions avec des théoriciens du complot sur la déclaration de la loi martiale. Enfin, il a tenté d’obtenir du vice-président, Mike Pence, qu’il accepte d’annuler unilatéralement les résultats des élections lors de la certification par le Congrès.

    “Détruisez le GOP !”

    Avant de se rendre au Capitole hier, Trump a tenu un rassemblement “Sauvez l’Amérique” où il a dénoncé les républicains déloyaux comme Mike Pence et Mitch McConnell, qui allaient de l’avant en certifiant la victoire de Joe Biden. Trump a appelé ses partisans à se rendre au Capitole et à cibler les “républicains faibles”.

    Lors d’un rassemblement pro-Trump en décembre à Washington pour “stopper le vol”, Nick Fuentes, figure de proue d’extrême droite et avoué suprémaciste blanc, a crié : “Nous avons promis que si le GOP (Grand Old Party, le Parti républicain, NdT) ne faisait pas tout ce qui est en son pouvoir pour garder Trump au pouvoir, alors nous détruirions le GOP.” Cette déclaration a été suivie d’un chant enthousiaste de la foule : “Détruisez le GOP !” Trump lui-même a demandé l’emprisonnement du gouverneur républicain de Géorgie et a dénoncé les républicains qui s’opposaient à lui comme des “RINO” (Repubican in Name Only).

    Comme nous l’avons constamment averti, malgré la défaite électorale de Trump et la probabilité que ses tentatives de renverser l’élection échouent en raison de l’opposition de l’élite pro-entreprises et des éléments clés de l’appareil d’État, l’extrême droite progresse. Avec l’administration Biden et dans le cadre de la crise capitaliste actuelle, elle est prête à se développer encore davantage.

    Si les groupes fascistes et quasi-fascistes actuels restent relativement petits, il est fort possible que nous assistions aujourd’hui aux premiers stades d’une scission du Parti républicain et au développement d’un nouveau parti populiste de droite composé du noyau dur autour de Trump.

    Les lignes de division au sein du Parti républicain ont été illustrées de façon frappante lors des débats au Congrès avant-hier. Lorsque le Sénat s’est réuni à nouveau après que les forces d’extrême droite aient finalement été éliminées, la plupart des Républicains qui allaient soutenir les “objections” aux résultats ont fait marche arrière.

    Le débat a montré à quel point les événements d’avant-hier ont ébranlé l’establishment et la classe dirigeante – ce que le Sénat reflète plus fidèlement. L’accent a été mis en particulier sur les dommages que cela causerait à la “position des États-Unis dans le monde” (c’est-à-dire à la capacité de l’impérialisme à utiliser ses références “démocratiques” pour protéger ses intérêts). Les objections à la ratification des élections par le Sénat ont été balayées de 96 voix contre 3 et de 93 contre 6. À la Chambre, en revanche, la majorité des républicains (plus de 120) ont refusé de reculer, même face à des attaques cinglantes, y compris de la part d’une minorité de membres républicains du Congrès.

    Dans l’ensemble, les événements de ce 6 janvier ont été une défaite pour Trump. Il a formellement dû céder face à l’énorme pression de la classe dirigeante. Il n’avait pas l’intention de le faire au début de la journée. Il est bien sûr possible qu’il change à nouveau de cap dans les jours à venir, mais l’ensemble de l’establishment politique, y compris des éléments clés de la direction républicaine, se prépare à l’expulser de la Maison Blanche s’il tente de rester après le 20 janvier.

    Les divisions républicaines sont également une des raisons principales pour lesquelles les Républicains en place ont perdu leurs sièges au Sénat pour la Géorgie. Une partie de la base de Trump a refusé de voter pour Loeffler et Purdue, en partie à cause du sentiment général parmi les partisans de Trump que l’élection serait truquée. L’ancien avocat de Trump, Lin Wood, a pris la parole lors de plusieurs rassemblements pour décourager les partisans de Trump en Géorgie de voter pour Loeffler ou Perdue parce qu’ils n’ont pas été suffisamment fidèles à Trump. Il a déclaré “Ils n’ont pas mérité votre vote. Ne le leur donnez pas”.

    Après la tempête

    Alors que la poussière commence à se dissiper, des millions de personnes se demandent : que diable va-t-il se passer ensuite ?

    L’establishment politique des deux partis de Wall Street – Républicains et Démocrates – fait entendre sa voix au sujet de la nécessité de reconquérir l’âme du peuple américain. Il veut un retour à la normale. Biden a d’ailleurs derrière lui une longue histoire de collaboration avec les républicains réactionnaires. Il pourrait considérer dans le fait que des figures de premier plan du Parti républicain comme McConnell s’éloignent de Trump comme un signal pour aller encore plus loin dans cette voie.

    Face à la crainte de la croissance des forces d’extrême droite, la gauche et le mouvement ouvrier sont confrontés à une tâche urgente. L’histoire nous enseigne que la seule véritable riposte contre l’extrême droite – qui est un produit de la décadence du capitalisme – est un mouvement de masse de la classe ouvrière, au-delà de la couleur de peau. C’est encore ce que nous avons constaté il y a quelques années à Boston, quand 40.000 personnes avaient manifesté contre l’extrême droite dans le sillage des événements de Charlottesville (où une antifasciste avait été tuée). Celle-ci s’était retrouvée sur la défensive pendant toute une période.

    Mais au lieu de saisir les événements du 6 janvier comme une occasion d’appeler à une action de masse contre la tentative de coup d’État, les dirigeants de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez ont été dans la mauvaise direction. Plutôt que de lancer un appel à des manifestations de masse, ou même d’exhorter vaguement la gauche et le mouvement ouvrier à s’organiser, elle a tweeté : “Impeach” (en référence à une procédure de destitution). Les membres The Squad (La Brigade, un groupe d’élues progressistes) ont ensuite travaillé dans la précipitation pour rédiger de nouveaux articles de mise en accusation. Dans la même veine, Cori Bush, membre nouvellement élue de cette équipe, a présenté une résolution visant à expulser les membres du Congrès qui ont “incité à cette attaque terroriste intérieure”.

    Ces tactiques légales seraient très positives si elles accompagnaient une stratégie de mobilisation plus large des travailleurs, mais ce n’est pas ce que font ces dirigeants de gauche. Ils ne vont pas plus loin que les Démocrates établis comme Chuck Schumer qui demande d’invoquer le 25ème amendement et de démettre Trump de ses fonctions.

    AOC et The Squad devraient appeler à des manifestations de masse et à une organisation soutenue contre l’extrême droite. Elles devraient souligner que c’est précisément le programme néolibéral des deux partis de Wall Street qui a fertilisé le sol pour l’extrême droite. Les élus de gauche doivent défendre l’ensemble des réformes nécessaires pour réduire cette polarisation vers la droite, y compris des chèques de relance de 2 000 dollars pour la population, l’assurance maladie pour tous, un Green New Deal et un impôt important sur les riches.

    Le développement de la droite est très dangereux pour les travailleurs, les opprimés et toute la gauche. Nous avons besoin d’une direction de gauche décisive et audacieuse pour y faire face.

    Et maintenant ?

    Les Démocrates contrôlent maintenant les deux chambres du Congrès et la Maison Blanche. De nombreux Américains, dont le loyer est dû et les factures s’accumulent, seront heureux de voir partir Mitch McConnel qui a bloqué les chèques de relance de 2.000 dollars par ménage que même Trump soutenait.

    Ce sera un grand soulagement de voir que Trump et Mitch McConnel ont tous deux été éliminés comme obstacles immédiats à la résolution de cette crise. Les Démocrates seront probablement obligés d’envoyer des chèques de relance de 2.000 dollars et de fournir une aide substantielle aux États. Biden pourrait être prêt à prendre des mesures décisives pour renforcer les infrastructures de vaccination, par exemple en utilisant la loi sur la production de défense pour stimuler la production d’équipements de vaccination.

    Cela pourrait bien offrir à Biden et aux Démocrates une certaine lune de miel temporaire, mais leur victoire en Géorgie (qui leur offre la majorité au Sénat) est par ailleurs une mauvaise nouvelle pour l’establishment capitaliste. Cela signifie qu’ils n’ont aucune excuse et aucun croque-mitaine républicain à blâmer pour délivrer une assurance maladie pour tous, un Green New Deal, une taxe sur les riches et les grandes entreprises.

    Les deux prochaines années vont probablement permettre de clarifier pour des millions de personnes que les démocrates ne sont généralement pas dignes de confiance lorsqu’il s’agit de se battre pour les travailleurs. Cela mettra clairement sur la table la nécessité de l’indépendance politique de la classe ouvrière vis-à-vis des démocrates.

    L’establishment s’opposera résolument à des mesures progressistes largement populaires comme l’assurance maladie pour tous, qui sont un anathème pour les responsables des finances de leurs entreprises. Sans un républicain à blâmer, ils seront obligés d’expliquer leur hostilité à la politique progressiste. La façon dont l’équipe et Bernie Sanders s’y prendront dans les deux prochaines années aura des conséquences dramatiques pour la gauche.

    Battre la droite, construire la gauche

    C’est comme si un siècle entier était condensé dans le cycle des actualités d’avant hier. Il est tout à fait possible que dans les deux prochaines semaines, d’autres manifestations d’extrême droite tentent d’empêcher un transfert de pouvoir, des manifestations ayant déjà été organisées dans un certain nombre d’États. L’extrême-droite a peut-être été un peu calmée par les concessions de Trump, bien que des manifestations aient déjà été organisées dans plusieurs villes et semblent se poursuivre.

    Nous ne croyons pas que l’establishment démocrate ou l’État lui-même puisse ou veuille neutraliser cette menace, et il est crucial que la gauche et le mouvement ouvrier prennent l’initiative d’organiser des manifestations de masse pour faire taire l’extrême droite et unir la classe ouvrière au-delà de la couleur de peau autour d’un programme de changement réel. Partout où ils tentent de se tailler une place, nous devons nous y opposer en faisant preuve d’une grande unité de la classe ouvrière. Les dirigeants de la gauche et des syndicats ont un rôle énorme à jouer dans la popularisation de ce message, mais nous devons également poser rapidement les bases d’un parti indépendant qui représente les intérêts des travailleurs et des opprimés.

    Nous devons rompre avec la politique de l’establishment capitaliste et nous organiser maintenant pour vaincre la droite et gagner les réformes cruciales nécessaires pour les travailleurs, sur la voie de la fin du système capitaliste qui engendre l’inégalité, le racisme, le sexisme et le fascisme.

    Manifestation antifasciste à New York ce 7 janvier

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