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  • 28 septembre – Journée mondiale pour l’avortement sans risque

    Des avocats sont contactés avant que le personnel médical ne traite des grossesses extra-utérines. Des patientes atteintes d’un cancer se voient reporter un traitement qui leur sauverait la vie parce qu’elles sont enceintes. Des victimes d’agression sexuelle se voient refuser la pilule du lendemain aux urgences. Quelques semaines après l’annulation de l’arrêt Roe v Wade aux États-Unis, la réalité dystopique d’une interdiction d’avorter apparaît au grand jour. L’impact mondial a été brutal : d’un côté, les gens regardent avec horreur, de l’autre, l’extrême droite salive à l’idée d’imposer des interdictions similaires au droit d’avorter dans des pays d’Europe, d’Amérique latine et d’ailleurs.

    Déclaration de ROSA-Réseau international féministe socialiste

    La lutte pour le contrôle du corps des femmes s’intensifie à travers le monde, le droit à l’avortement est attaqué dans des pays comme la Chine, l’Italie, la Hongrie et les États-Unis, non seulement sur le plan juridique mais aussi dans les faits. Même dans les pays où l’avortement est légal, l’accès y est souvent limité par le recours à “l’objection de conscience”, le manque de financement et d’autres pressions exercées par l’establishment conservateur.

    Parallèlement, les mobilisations de masse dans la rue ont permis d’obtenir des gains réels en termes d’accès à l’avortement – il suffit de regarder les victoires en Irlande, en Corée du Sud, en Argentine, au Mexique, en Colombie, entre autres. Alors que le mouvement féministe qui a balayé le monde au cours des dix dernières années se bat pour l’autonomie corporelle, une partie des élites de droite a fait du recul de l’accès à l’avortement un élément clé de son programme. Pourtant, les sondages réalisés dans de nombreux pays indiquent que la majorité des gens ne voient aucun inconvénient à ce que l’avortement soit accessible. Alors pourquoi ces réactionnaires sont-ils si déterminés à polariser cette question ?

    Tout d’abord, il convient de dénoncer leur hypocrisie à couper le souffle. La droite dure n’est pas “pro-vie”. Ce sont les mêmes personnes qui ont laissé des enfants fuyant la guerre et la misère se noyer en Méditerranée, qui ont procédé à la stérilisation forcée de femmes ouïghoures, qui ont tenu des propos horribles visant à mettre en danger la vie des personnes LGBTQIA+ et qui ont favorisé et encouragé la crise alimentaire qui a frappé les États-Unis tout l’été. Par ses actions, l’establishment de droite a prouvé à maintes reprises qu’il se moque de la mort des gens. Les récentes attaques contre l’avortement le confirment une fois de plus – nous savons tous que rendre l’avortement plus difficile d’accès n’empêche pas les avortements de se produire, cela ne fait que mettre les personnes enceintes plus en danger (1).

    Quelle est donc la véritable raison de ces attaques ? Et comment pouvons-nous les combattre avec succès ? Pourquoi une partie de la classe dirigeante est-elle si déterminée à faire reculer notre droit à l’autonomie corporelle ? Ces attaques doivent être considérées dans le contexte plus large des multiples crises du capitalisme dans le monde qui ont toutes un impact sur la capacité des gens à avoir une réelle liberté dans leur décision d’avoir ou non des enfants. Une nouvelle crise économique mondiale menace les profits de l’élite ; et une partie de celle-ci s’inquiète de ne pas trouver suffisamment de main-d’œuvre bon marché. La crise du coût de la vie, qui frappe la classe travailleuse sur tous les continents, rend le choix d’avoir des enfants encore plus inaccessible pour une nouvelle génération. La crise climatique chasse des millions de personnes de leurs foyers, créant une nouvelle crise des réfugiés. La guerre et les conflits forcent les femmes et les enfants à se retrouver dans des situations terribles et vulnérables, loin de chez elles et de chez eux. La crise de l’aide sociale a atteint un point de basculement ; les systèmes éducatifs de nombreux pays sont sur le point de s’effondrer et la crise Covid a déjà montré que les systèmes de santé sont au point de rupture. Ajoutez à cela les crises des violences de genre, du racisme systémique, des attaques contre les droits des trans et des LGBTQIA+ – la liste est sans fin.

    La classe dirigeante n’est pas intéressée ou capable de s’attaquer à ces échecs systémiques. Certains d’entre eux peuvent se dire féministes ou “woke”, mais en réalité, on ne peut pas compter sur eux pour lutter pour une réelle autonomie corporelle ou un réel changement. Ils peuvent être d’accord concernant la légalisation formelle, mais ne se battront jamais avec nous pour un accès réel – un avortement sur demande, sûr, gratuit, accessible et légal.

    Au fond, il est dans l’intérêt de l’establishment de maintenir le statu quo, ou plus précisément de protéger ses profits et sa richesse. Le fait de saper l’autonomie corporelle des femmes présente des avantages pour eux. Sur le plan économique, comme dans des pays tels que la Chine, la classe dirigeante s’inquiète de la chute du taux de natalité et de l’approvisionnement continu en main-d’œuvre bon marché. Sur le plan idéologique, la rhétorique des “valeurs familiales traditionnelles” tente de forcer les femmes à reprendre le rôle de soignantes non rémunérées, ce qui permet de réduire encore davantage les investissements dans les services essentiels tels que la santé et l’éducation, et d’éroder les conditions de travail et les salaires dans ces secteurs.

    C’est clair qui profite de tout ça en premier lieu : les inégalités n’ont jamais été aussi grandes dans toute l’histoire ! Les dix hommes les plus riches du monde ont plus que doublé leur fortune, passant de 700 milliards de dollars à 1 500 milliards de dollars – soit 15 000 dollars à la seconde ou 1,3 milliard de dollars par jour – au cours des deux premières années de la pandémie, alors que les revenus des 99 % de l’humanité ont chuté et plus de 160 millions de personnes supplémentaires ont plongé dans la pauvreté (2). Dans le monde entier, le travail non rémunéré à la maison représente aujourd’hui plus de 10 000 milliards de dollars par an et ne cesse d’augmenter.

    Mais l’impact idéologique d’un retour aux “valeurs familiales traditionnelles” va bien au-delà, avec ses mœurs sexuelles hypocrites. Il remet en question et sape la sexualité des femmes et des personnes LGBTQIA+ et encourage davantage les attitudes sexistes et homophobes. La lutte pour le droit à l’avortement s’inscrit dans un combat beaucoup plus large pour l’autonomie corporelle et l’égalité de toutes les personnes, indépendamment de leur sexualité ou de leur genre. Nous sommes les premières à payer le prix des politiques et des idéologies qui tentent de nous forcer à vivre nos vies sous le contrôle de normes sexuelles et de genre rigides et dépassées, qui ne correspondent pas à nos aspirations à la liberté sur nos propres corps, mais qui sont utilisées pour saper et même réduire au silence les luttes plus larges des trans, des personnes LGBTQIA+ et des femmes.

    Interdire l’avortement n’empêche pas les avortements

    Une telle interdiction augmente fortement le stress et le fardeau financier des personnes qui vivent des grossesses difficiles. Le manque d’accès à un accompagnement médical et légal d’un avortement conduit beaucoup de personnes à se rabattre sur des options dangereuses, voire mortelles (3) . Les personnes qui peuvent se le permettre se rendront simplement là où l’avortement est légalement accessible. Celles qui ne peuvent pas se le permettre sont obligées de chercher de l’aide par d’autres moyens. Les pilules abortives sont aujourd’hui utilisées en toute sécurité dans le monde entier par des millions de femmes à domicile de manière légale ou non. (4) ; ces pilules ont d’abord été “découvertes” par des femmes dans les favelas d’Amérique latine, par celles qui ne pouvaient pas se permettre d’autres moyens de se procurer un avortement.

    L’interdiction de l’avortement a comme effet collatéral majeur d’amoindrir les soins de suivit de grossesse et les soins reproductifs en général ; ça met donc en danger toutes les personnes enceintes. Les conséquences tragiques et mortelles de cette situation peuvent être observées dans tous les pays où l’avortement est interdit. En Irlande, l’horrible traitement réservé à Savita Halappanavar avait déclenché un mouvement de masse dans les rues pour faire annuler l’interdiction de l’avortement. Elle était enceinte de 17 semaines lorsqu’elle a fait une fausse couche. Elle est morte d’une septicémie parce que le corps médical était réticent à intervenir ; le cœur du fœtus mourant battait toujours et la loi interdisait l’avortement. Son histoire a eu un grand retentissement parce qu’elle reflète la crainte de toutes les personnes enceintes de ne pas être entendues et respectées par un corps médical trop occupé à craindre la loi pour vraiment les écouter et pour accorder plus d’importance à leur vie qu’aux questions juridiques.

    L’interdiction d’avorter est dangereuse pour toutes les personnes susceptibles de tomber enceintes. Cela a un impact disproportionné sur les personnes les plus exploitées et opprimées. Alors, comment lutter contre ces interdictions et construire un mouvement qui permette un avortement libre, sûr et légal, accessible à toutes les personnes qui en ont besoin ?

    Les mobilisations de masse dans les rues auxquelles nous avons assisté dans des pays comme l’Irlande, la Corée du Sud, l’Argentine et le Mexique nous donnent un point de départ. Dans tous ces pays, des victoires ont été remportées en ce qui concerne l’accès à l’avortement. Elles ont été remportées avant tout par des mouvements organisés depuis la base ; ils ont poussé la question à l’agenda politique par des mobilisations dans la rue. Ils ont exercé une pression implacable sur l’establishment politique pour le forcer à agir. Chacun de ces mouvements s’est inspiré et a tiré les leçons de ce qui se passait dans d’autres pays ; plus que jamais, la lutte pour l’autonomie corporelle est internationale.

    En Irlande, ROSA et Alternative Socialiste Internationale ont joué un rôle très actif dans le mouvement pour l’abrogation de l’interdiction constitutionnelle de l’avortement et ont prit des initiatives qui ont été déterminantes pour obtenir le droit à l’avortement sur demande jusqu’à 12 semaines, prit en charge par le système de santé publique. Cette victoire s’explique par le fait que nous nous sommes appuyés sur le sentiment croissant en faveur du choix au sein de la classe travailleuse au sens large, plutôt que sur les faibles déclarations “pro-abrogation” de figures de l’establishment libéral qui nous promettaient l’abrogation “dans les 20 prochaines années”… !

    Nous avons participé à construire un mouvement qui a activé le large soutien pour le droit au choix présent dans la population lors de manifestations de masse, de journées d’action, de pétitions, de campagne dans les rues. Nous avons systématiquement utilisé chaque opportunité pour augmenter la pression politique. Fort de cet important soutien, ROSA a défié publiquement l’interdiction constitutionnelle en organisant des bus d’avortement très médiatisés et a contribué à rendre la pilule abortive disponible en toute sécurité. En faisant reconnaître publiquement que la pilule abortive est utilisée chaque année par des milliers de personnes, nous avons forcé la main de l’establishment : toute législation devrait prendre en compte cette réalité et permettre un avortement gratuit, sûr et légal sur demande jusqu’à au moins 12 semaines.

    Cependant, les récentes attaques contre l’accès à l’avortement ont également un impact au niveau international.La défaite de Roe v Wade aux États-Unis a été vue dans le monde entier et a déjà enhardi l’extrême droite dans des pays comme l’Italie et la Hongrie.

    La défaite de Roe v Wade était une attaque délibérée, préparée de longue date et menée avec un fort soutient d’une partie importante du Parti républicain. L’affaiblissement de l’accès à l’avortement et des droits légaux durant des années a jeté les bases de cette défaite. Mais l’absence totale de réaction de la part du reste de l’establishment est tout aussi significative : cela fait 40 ans que les démocrates promettent de légiférer sur Roe v Wade, mais ils n’ont jamais rien fait ! Les ONG et les organisations de planning familial liées au Parti démocrate n’ont pas tiré les leçons des autres pays, à savoir que le droit à l’avortement ne peut être défendu et/ou gagné que par une organisation active de la base. Ces organisations continuent, au contraire, à remettre leur sort entre les mains du même parti qui s’est avéré ne pas vouloir se battre sur cette question pendant 40 ans. Résultat : lorsque Roe v Wade a été attaqué, la faillite d’un “leadership” redevable aux démocrates, sans programme ou stratégie claire et paralysé par le manque d’action est devenue douloureusement claire. Le jour où Roe v Wade a été annulé, dans de nombreuses villes, Socialist Alternative (qui fait partie du réseau Féministe Socialiste international ROSA) était l’organisation qui a mobilisé pour des manifestations pour faire descendre dans la rue la colère palpable de tant de personnes.

    Malgré ce manque de leadership, l’accès à l’avortement reste un enjeu politique majeur aux États-Unis, au point de transformer les prochaines élections de mi-mandat. Les sondages indiquent que le soutien à l’accès à l’avortement a augmenté aux États-Unis depuis l’arrêt de la Cour Suprème. Les femmes s’inscrivent sur les listes électorales à un rythme incroyable. Dans des États comme l’Arizona et la Pennsylvanie, les candidats républicains ont déjà dû revenir sur leur position antiavortement grâce à la pression de l’électorat. Les élections sont considérées comme un premier champ de bataille pour faire reculer les mesures anti-choix.

    Mais cela ne suffira pas pour remporter une véritable victoire. Afin de repousser de manière décisive l’agenda de la droite, nous devons nous organiser et rassembler les communautés qui composent la classe travailleuse et galvaniser la colère en un mouvement doté d’une stratégie et d’un programme clair.

    La victoire remportée à Seattle par Socialist Alternative et la conseillère municipale Kshama Sawant est un excellent exemple du type de stratégie dont nous avons besoin. Cette campagne a fait de Seattle la première ville sanctuaire du pays en matière d’avortement. C’est une victoire importante en soi, mais aussi par son timing qui prouve que la défaite de Roe v Wade ne signifie pas la fin ; il pourrait être le début d’une riposte qui se développe en un mouvement significatif à l’échelle des États-Unis, avec le soutien majoritaire des gens ordinaires.

    Socialist Alternative a remporté cette victoire en construisant une pression depuis la base, en mobilisant la classe travailleuse de Seattle et en utilisant notre position publique pour représenter cette pression de la manière la plus efficace possible. Pétition des électeurs, organisation de prises de parole lors des réunions du conseil municipal et proposition claire sur ce qui est nécessaire pour être une ville sanctuaire efficace en matière d’avortement (y compris défier les mandats d’arrêt) : tout cela a conduit à un vote favorable, où les démocrates locaux ont estimé qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de soutenir l’initiative.

    C’est un exemple du type de stratégie dont nous avons besoin. Une stratégie qui repose sur le pouvoir réel de la construction d’un mouvement de masse actif dans les rues et les communautés, prêt à défier les interdictions d’avortement parce que le soutien actif pour une telle défiance a été organisé. Un mouvement qui exige – et non demande – que les politiciens placent la santé des personnes enceintes avant les divagations idéologiques de l’extrême droite. Un mouvement qui s’enracine dans l’action et la représentation indépendantes de la classe ouvrière.

    Un tel mouvement base son programme sur ce qui est nécessaire pour améliorer réellement les choix reproductifs de la population. L’avortement libre, sûr et légal, oui, mais aussi les soins de santé gratuits, y compris des soins accessibles d’affirmation du genre, les crèches gratuites et une sécurité économique et de logement. Si l’on considère ce contexte plus large, le type de mesures nécessaires pour atteindre une véritable autonomie corporelle, il devient clair que l’on ne peut pas faire confiance aux politiciens de l’establishment pour se battre pour nous.

    Ce programme ne peut être réalisé qu’en remettant en question le statu quo, en luttant pour une politique économique qui place les besoins des gens avant les profits d’une minorité. Cela signifie qu’il faut se battre pour savoir qui contrôle et possède ces ressources. Nous voulons des soins de santé sans but lucratif, mais qui soient démocratiquement détenus et contrôlés par les communautés qui les utilisent. Stop aux bulles immobilières spéculatives qui remplissent les poches des grands promoteurs, il faut de logements sociaux publics avec un contrôle des loyers et une sécurité d’occupation.

    Cela signifie construire un mouvement qui rassemble TOUTES les personnes qui bénéficieraient de ces mesures, c’est-à-dire l’immense majorité d’entre nous, la classe travailleuse dans toute sa diversité, afin que nous soyons assez forts pour défier un système capitaliste qui va de crise en crise, en essayant toujours de nous en faire payer le prix. Le capitalisme en tant que système a échoué à nous procurer une sécurité de base, à subvenir à nos besoins et aspirations de base, et même à nous donner le contrôle de nos propres corps. Notre combat pour l’autonomie corporelle doit également mettre clairement en évidence la culpabilité du système : notre combat est un combat anticapitaliste. Les énormes ressources mondiales qui sont actuellement accaparées par une minuscule cabale de profiteurs pourraient être utilisées pour commencer à résoudre les nombreux problèmes que ce système nous a laissés, mais seulement si nous les prenons en charge par la collectivité, de manière démocratique et publique. Une société socialiste est basée sur la compréhension “de chacun.e selon ses capacités, à chacun.e selon ses besoins” ; la solidarité, l’humanité de base et le respect pour chacun.e d’entre nous. C’est la base d’une société dans laquelle l’autonomie corporelle peut réellement être atteinte. Si vous voulez nous aider à construire cette alternative, rejoignez-nous !

    La Journée internationale pour l’avortement sans risque a lieu aujourd’hui, le 28 septembre. Il est très clair que nous devons faire de cette journée une journée de protestations internationales, pour exiger que notre droit à l’autonomie corporelle soit respecté partout dans le monde. Rejoignez-nous !

    1. Chaque année, environ 73 millions d’avortements ont lieu dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Cela se traduit par environ trente-neuf avortements pour mille femmes dans le monde, un taux qui est resté à peu près le même depuis 1990. Notamment, les taux ont divergé entre les pays qui ont moins de restrictions et ceux qui en ont plus : Entre 1990-94 et 2015-19, le taux moyen d’avortement dans les pays où l’avortement est généralement légal (à l’exception de la Chine et de l’Inde) a diminué de 43 %. En revanche, dans les pays où l’avortement est fortement restreint, le taux moyen d’avortement a augmenté d’environ 12 %. https://www.cfr.org/article/abortion-law-global-comparisons
    2. Briefing d’Oxfam “L’inégalité tue”, 17 janvier 2022.
    3. Près de 90 % des avortements dans les pays où la législation sur l’avortement est libérale sont considérés comme sûrs, contre seulement 25 % des avortements dans les pays où l’avortement est interdit. Selon l’OMS, environ 5 à 13 % des décès maternels dans le monde sont dus à des complications liées à des avortements non sécurisés, dont la grande majorité se produit dans les pays néo-coloniaux.
    4. Pour un accès sécurisé, contactez https://aidaccess.org/en/ ou https://www.womenonweb.org/en/.
  • Crise historique pour le capitalisme mondial – Aidez à construire l’alternative socialiste !


    Appel financier d’Alternative Socialiste Internationale

    Découvrez ce qu’ASI représente dans les faits avec cette petite vidéo de 4 minutes « Rejoignez ASI et la lutte pour un monde socialiste »

    Jusqu’à présent, l’année a été marquée par de nouveaux sommets de crise pour le système capitaliste désastreux et chaotique. Alors qu’il n’y a pas de véritable fin en vue pour la pandémie, les travailleuses et travailleurs ont été confrontés à une nouvelle guerre brutale en Ukraine, à de nouveaux niveaux de tensions entre les États-Unis et la Chine, à l’inflation la plus élevée depuis des décennies, à une offensive de la droite contre les femmes et les personnes LGBTQ+, et à une aggravation de la crise économique actuelle dont les travailleuses et travailleurs ainsi que les pauvres du monde entier font les frais.

    Les plus grandes entreprises du monde ont réalisé 5.000 milliards de dollars de bénéfices et les plus riches jouent à la course à l’espace. Au même moment, certains endroits du monde connaissent des niveaux de chaleur jamais vus depuis plus d’un siècle et les catastrophes environnementales atteignent des nouveaux records.

    Les horreurs de la guerre en Ukraine sont déjà en train de changer la façon dont le capitalisme mondial considère son avenir. Les gouvernements capitalistes investissent des sommes historiques dans la militarisation, comme on peut le voir avec les gouvernements suédois et allemand dirigés par des sociaux-démocrates qui ont augmenté les dépenses militaires pour atteindre les 2% de leur PIB. Au lieu de ces mesures destructrices, il faut des investissements massifs dans la protection environnementale, les soins de santé, les services sociaux et l’enseignement.

    Les craintes d’une guerre nucléaire sont de retour, la technologie des armes et leur puissance destructrice dépassant de loin ce qu’elles étaient au plus fort de la dernière guerre froide. Les pays qui dépendent fortement des céréales et d’autres produits de base provenant des zones de guerre font face à une crise alimentaire catastrophique, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Les pénuries croissantes résultant des crises de la chaîne d’approvisionnement et la tendance croissante à délaisser le libre-échange néolibéral au profit du protectionnisme, du nationalisme et du découplage de la production ne font qu’exacerber la misère et le désastre que le capitalisme offre à la classe ouvrière et aux pauvres du monde entier.

    Les États-Unis, le pays le plus riche au monde, ont connu plus d’une fusillade de masse par jour et la malnutrition infantile – causée par la pénurie de lait maternisé – oblige les mères à partager leur lait maternel. Des millions de femmes sont menacées de perdre leur droit à l’avortement et la droite s’en prend aux jeunes LGBTQ+ et à leurs parents.

    L’État chinois restreint également l’accès aux soins de santé génésique et poursuit sa politique répressive du “zéro covid” avec des confinements drastiques qui ont entraîné des pertes d’emploi sans le moindre filet de sécurité sociale, ce qui frappe tout particulièrement les communautés de migrants. Parallèlement, d’autres travailleurs sont enfermés dans leurs usines et contraints d’y travailler. Aux confinements s’ajoutent les pénuries de nourriture, de médicaments et d’autres produits de première nécessité.

    La polarisation s’accroît à l’échelle mondiale, comme en témoignent les dangers de l’extrême droite et des populistes de droite qui se développent dans de nombreuses régions du monde. La droite utilise la colère légitime de la classe ouvrière et des pauvres pour promouvoir ses fausses solutions de division reposant sur le racisme, le sexisme, l’homophobie et la xénophobie.

    Cependant, il existe également un sentiment d’aspiration à un changement radical parmi les travailleurs de même qu’une désillusion conséquente à l’égard des politiciens capitalistes, comme en témoignent par exemple une série de victoires de la gauche aux élections en Amérique latine ou le large soutien à l’alliance de gauche menée par Mélenchon en France. Alors que les grandes entreprises et les gouvernements capitalistes cherchent à décharger leurs crises sur les gens ordinaires du monde entier, la classe ouvrière et les pauvres se défendent.

    Les travailleuses et travailleurs du Sri Lanka ont organisé leur première grève générale en 42 ans contre le régime corrompu et oppressif de Rajapaksa, dans le cadre d’un mouvement de masse combattif et courageux qui a fait tomber des pans du gouvernement. La hausse extrême des prix, la brutalité des partisans du régime et l’effondrement de l’économie ont fait descendre des millions de personnes dans la rue pour exiger un changement fondamental.

    Les travailleurs des hôpitaux de Shanghai ont manifesté et se sont mis en grève pour protester contre les traitements brutaux infligés par la dictature chinoise, tandis que les travailleurs enfermés dans les usines ont déclenché des émeutes et des affrontements avec la police.

    En Turquie, les travailleurs protestent et font grève contre la forte augmentation du coût de la vie, et en Iran, les travailleurs luttent contre l’austérité économique et la négligence du gouvernement qui a notamment provoqué l’effondrement de l’immeuble Metropol, tuant des dizaines de personnes.

    Le travail d’ASI sur le terrain

    Face à l’aggravation de la crise environnementale et l’échec total de ce système pour mener à bien des tâches même modestes pour la combattre, nous exigeons des investissements publics massifs dans un new deal vert socialiste visant à créer des dizaines de millions d’emplois de qualité bien payés dans le monde entier, en saisissant la richesse des milliardaires pour financer une véritable riposte au changement climatique. En novembre 2021, Alternative socialiste internationale a mobilisé des centaines de ses membres de tous les continents à Glasgow pour protester contre l’inaction lors de la conférence de l’ONU sur le climat – la COP26. L’une de nos principales revendications est de faire entrer les multinationales polluantes et les secteurs clés de l’économie (énergie, transport & mobilité, finance, agriculture, santé) dans le giron de la propriété publique démocratique afin de mettre en œuvre une planification économique écologique et socialiste qui réorganise l’économie afin de servir d’abord les gens et la planète. Lisez ici un rapport de notre intervention à Glasgow.

    Notre travail dans le mouvement pour le climat nous a également conduits à organiser un autre contingent international pour rejoindre la section suédoise d’ASI dans les manifestations autour de la conférence Stockholm+50 en juin dernier. Le sommet de l’ONU sur le climat Stockholm+50 était censé « célébrer 50 ans d’action environnementale mondiale », ce qui contraste fortement avec la réalité, où les catastrophes environnementales sont plus fréquentes, le réchauffement de la planète s’accentue et le “greenwashing” capitaliste s’intensifie. Le pays hôte, la Suède, n’a pas atteint 75 % de ses objectifs climatiques au cours de cette période. ASI a aidé à organiser les manifestations à Stockholm pour atteindre les meilleures couches d’activistes pour le climat et les couches parmi les jeunes qui sont en colère sur cette question, en les convainquant de la nécessité d’un changement socialiste pour combattre le changement climatique.

    De plus, nous avons organisé et participé à des protestations, des rassemblements, des piquets et d’autres actions de solidarité contre la guerre en Ukraine, où les besoins fondamentaux de millions de personnes sont sacrifiés par les puissances impérialistes mondiales au nom du pétrole et des profits.

    Les socialistes en Russie, qui s’opposent depuis longtemps au gouvernement réactionnaire de Poutine, ont réagi immédiatement en intervenant dans les manifestations anti-guerre spontanées en Russie. 15.000 personnes – les socialistes aussi – ont risqué l’arrestation, plusieurs ont maintenant passé de courtes périodes en prison. L’un d’entre eux en particulier, Dzhavid Mamedov, après avoir purgé deux peines d’un mois pour avoir simplement dénoncé la guerre, a été inculpé et risque d’être condamné à une longue peine de prison. Une campagne de solidarité internationale très efficace a permis de faire en sorte que Dzhavid soit désormais en sécurité. Les mesures prises ont permis aux socialistes de Russie de poursuivre leurs activités et de préparer l’avenir.

    Nous avons également continué à développer la campagne de solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong et à nous organiser contre la dictature brutale du PCC en Chine, qui est en opposition directe avec les intérêts de tous les travailleurs et les pauvres de la région et du monde entier.

    Nos membres en Afrique du Sud ont aidé à construire la lutte et la grève des travailleurs de Clover contre les fermetures d’usines et les licenciements, exigeant à la place une augmentation de salaire, la mise à la porte des propriétaires cupides de MILCO/CBC, et la propriété publique démocratique de Clover.

    Au Brésil, nos membres sont dans la rue pour combattre le régime autoritaire et réactionnaire de Bolsonaro.
    Il ne peut y avoir aucun compromis avec les institutions qui l’ont porté au pouvoir en premier lieu, de telles “stratégies modérées” sont vouées à l’échec. Au contraire, nous appelons à un mouvement uni et indépendant de la classe ouvrière pour combattre Bolsonaro et tout ce qu’il représente dans les rues, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités.

    Aux États-Unis, nos membres ont joué un rôle clé dans la récente vague de syndicalisation, notamment chez Starbucks et Amazon, dans l’organisation de manifestations pour défendre les droits des femmes contre l’attaque de la Cour suprême sur l’avortement, et dans la défense des droits LGBTQ+ contre les politiciens de droite et leurs violents partisans d’extrême droite.

    En décembre dernier, nous avons vaincu, une fois de plus, une tentative antidémocratique des grandes entreprises et de la droite de destituer la conseillère de la ville de Seattle Kshama Sawant, la seule élue marxiste des États-Unis. Notre campagne de solidarité avec Kshama a montré une fois de plus que lorsque nous nous battons, nous pouvons gagner !

    Plus de 1.500 bénévoles de Seattle se sont mobilisés pour aider Socialist Alternative à organiser sa campagne, une campagne sans précédent d’un million de dollars a permis de recueillir les dons de 11.000 personnes issues de la classe ouvrière. Cela a été primordial pour gagner la bataille politique contre les milliardaires et la droite. Un mouvement de lutte ne se construit pas uniquement sur des idées marxistes, il a besoin de ressources pour alimenter l’action.

    Nous avons besoin de votre soutien pour aider à développer les luttes – Faites un don à ASI !

    Nous avons reçu un soutien massif de la part de la classe ouvrière ordinaire qui vit dans des conditions de plus en plus difficiles. Il est clair qu’il n’y a pas d’issue dans ce système. Nous devons favoriser les forces qui proposent une alternative et qui se battent chaque jour pour le socialisme.

    Afin de nous permettre de poursuivre notre travail et d’avoir un impact plus important sur les événements, nous lançons un appel financier avec un objectif de 75.000 €, dans le cadre du premier événement international en physique d’ASI depuis avant l’irruption de la pandémie en 2020.

    Le capitalisme est un système mondial et nous avons donc besoin d’une riposte mondiale. C’est pourquoi il est prioritaire pour nous de construire une organisation internationale forte avec des ressources centrales pour pouvoir construire et aider à coordonner notre travail dans le monde entier. Cet appel financier servira à construire des campagnes, à mobiliser nos forces et à jouer un rôle dans les luttes clés de la classe ouvrière dans de nombreux pays.

    Le vrai pouvoir est aux mains des grandes entreprises. Qu’il s’agisse des décisions prises lors des réunions des conseils d’administration et des conférences d’entreprises, du lobbying des entreprises et des dons aux partis capitalistes, ou encore des médias dominants, y compris les réseaux sociaux, le pouvoir politique et financier échappe aux mains des travailleurs. La classe ouvrière doit construire son propre pouvoir.

    C’est pourquoi ASI dépend entièrement des contributions de ses membres et sympathisants.

    Pouvez-vous prendre une minute dès maintenant pour faire un don et nous aider à atteindre notre objectif et à améliorer notre travail dans le monde entier au cours de la période à venir ? Pouvez-vous faire un don de 5, 10, 50, 200, 1 000 € ou plus ?

    Vous pouvez faire un don ici.

  • Solidarité internationale avec les militants anti-guerre russes !


    Liberté pour Dzhavid Mamedov et tous les militants anti-guerre ! La solidarité internationale de la classe ouvrière peut arrêter la guerre !

    Le tribunal de Tverskoi, à Moscou, a condamné à 30 jours de prison supplémentaires Dzhavid Mamedov, militant socialiste et anti-guerre, défenseur des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, syndicaliste étudiant et participant à la résistance contre le régime de Lukashenko au Belarus et contre le régime de Poutine en Russie. Il venait à peine d’être libéré après avoir passé le mois précédent en détention.

    Le régime russe montre de plus en plus de signes de désespoir face au manque de succès de l’”opération militaire spéciale” visant à “dénazifier” l’Ukraine.

    Dès le début, des dizaines de milliers de Russes ont résisté et se sont courageusement exprimés contre la guerre et le régime, au risque de subir des persécutions politiques et des arrestations. Plus de 15.000 personnes ont été arrêtées au cours de cette période, et nombre d’entre elles ont été victimes de brutalités policières, de torture et d’emprisonnement de longue durée. Pour l’instant, la répression a réussi à empêcher l’organisation de l’opposition à la guerre, mais cela ne signifie pas que celle-ci n’existe pas.

    Le mécontentement au sein de l’élite dirigeante s’exprime par des actes individualistes, comme la fuite à l’étranger de personnalités du monde du spectacle, ou un certain nombre de suicides au plus haut niveau et de démissions de conseils d’administration d’entreprises. Ces personnes ne pensent qu’à elles-mêmes, à sauver leurs carrières et leurs richesses. Ces actes sont accompagnées de rapports faisant état de l’arrestation d’officiers militaires de premier plan et de membres des services de renseignement.

    Parallèlement, les travailleurs ordinaires, qui sont directement touchés par la guerre, font désespérément ce qu’ils peuvent en l’absence de résistance organisée. Les parents des jeunes marins qui ont apparemment péri lors du naufrage du croiseur “Moskva” sont rejoints par ceux dont les fils ont “disparu” en Ukraine et qui cherchent frénétiquement des nouvelles. De nombreux rapports font état de soldats qui ne suivent pas les ordres en Ukraine, ou qui refusent tout simplement d’y être envoyés.

    Parfois, des mesures encore plus désespérées sont prises. Un certain nombre de bureaux de recrutement de l’armée ont été attaqués avec des cocktails Molotov. Une vague d’incendies a détruit des dépôts de pétrole et d’armes en Russie, et pas seulement à la frontière avec l’Ukraine. La semaine dernière, une usine d’explosifs a brûlé dans l’Oural, tandis qu’un énorme entrepôt de manuels scolaires à Tver, une ville située à 100 km au nord de Moscou, a été détruit juste après que l’éditeur ait annoncé qu’il supprimerait toute mention de l’Ukraine dans les livres d’histoire.

    Mais ce sont des actes individuels qui, à eux seuls, ne peuvent pas arrêter la guerre. Ils sont ignorés dans les médias, et le simple fait de les mentionner expose les gens à la persécution. C’est pourquoi le régime est si déterminé à prendre des mesures pour empêcher la résurgence des manifestations héroïques contre la guerre qui ont embrasé la Russie au début de la guerre. Les sondages d’opinion et diverses anecdotes démontrent que le sentiment anti-guerre se renforce parmi les jeunes et la classe ouvrière.

    Pour le régime, le danger est que les protestations des jeunes rencontrent de manière organisée une mobilisation plus large de la classe ouvrière, qui subit des licenciements, des fermetures d’usines et une inflation galopante. Des grèves ont éclaté en nombre restreint, mais significatif.

    L’utilité d’une action collective et organisée est apparue clairement à Saint-Pétersbourg, où le recteur de l’université de Saint-Pétersbourg a annoncé que 40 étudiants, dont des partisans de Sotsialisticheskaya Alternativa, seraient expulsés de l’école. Lorsque les étudiants se sont organisés et qu’une journée d’action de solidarité a été organisée, le recteur a été contraint de retirer sa menace.

    C’est pour cette raison que le régime est prêt à aller jusqu’à l’extrême pour empêcher toute opposition organisée.

    Dzhavid Mamedov est victime d’une procédure arbitraire. Début avril, il a été envoyé en prison pour 30 jours parce qu’il avait publié un appel sur les médias sociaux pour s’opposer à la guerre. Une semaine avant la fin de sa peine, des choses étranges ont commencé à se produire. Il a eu un nouveau compagnon de cellule. Il s’est avéré que cette personne avait été arrêtée le 25 mars à grand renfort de médias l’accusant d’être un espion ukrainien. Ils l’ont qualifié de dangereux criminel qui, selon les médias, a avoué avoir espionné l’Ukraine et la Pologne. Le fait qu’il se soit soudainement retrouvé dans la cellule de Dzhavid dans une prison pour délinquants non criminels indiquait qu’il coopérait désormais avec les services de sécurité. Il a ouvertement menacé Dzhavid de le poursuivre pour “activités extrémistes” s’il ne quittait pas le pays avant le 2 mai. N’ayant pas réussi à le convaincre, il a ensuite suggéré à Dzhavid de faire entrer de l’alcool en prison, espérant sans doute l’amener à coopérer sous l’emprise de l’alcool.

    En consultation avec d’autres militants, Dzhavid avait décidé de quitter le pays. Lorsqu’il a quitté la prison samedi, des précautions ont été prises pour s’assurer qu’il serait en sécurité jusqu’à son départ. Toutefois, grâce à une caméra de reconnaissance faciale ou à un message de chat dit sécurisé, la police a réussi à le retrouver. Pour ne rien arranger, il est à nouveau accusé du même crime que celui pour lequel il a purgé sa première peine, à la seule différence que la police prétend désormais qu’il est un organisateur. Une accusation qui ne tient pas la route, puisqu’il ne faisait que poster un appel. Outre sa deuxième condamnation à un mois de prison, il a également été condamné à une amende de 50000 roubles (environ 700 euros)- pour avoir “discrédité l’armée russe”.

    Alternative Socialiste Internationale (ASI) demande donc ce qui suit :

    • La libération immédiate de Dzhavid Mamedov et de tous les manifestants anti-guerre ;
    • La fin immédiate de la guerre en Ukraine, avec le retrait des troupes russes, l’arrêt de l’expansion de l’OTAN et des sanctions ;
    • La réduction drastique des dépenses en armement et l’utilisation de ces fonds pour les soins de santé, l’éducation et la reconstruction du pays ;
    • Pour la solidarité des travailleurs en Russie, en Ukraine et dans toute l’Europe contre les fauteurs de guerre, les oligarques et les politiciens de droite ! Pour un monde socialiste où le droit des nations à l’autodétermination avec des droits pour les minorités est garanti, et où les ressources naturelles et industrielles sont aux mains de l’État et leur utilisation est planifiée démocratiquement pour le bénéfice de tous !

    ASI appelle à la solidarité internationale avec Dzhavid et tous les militants anti-guerre russes.

    Parlez-en à vos collègues de travail, à vos camarades de classe, à vos amis et à tous ceux qui sont contre la guerre :

    • Distribuez des tracts et des affiches dans votre quartier, sur votre lieu de travail et à l’école ;
    • Faite signer des résolutions ou des lettres de protestation à votre syndicat, votre organisation ou votre collectif ;
    • Piquets Organisez des piquets de protestation et de solidarité à l’ambassade de Russie de votre pays.

    Vous trouverez ici des affiches en différentes langues, un modèle de tract et une résolution seront également disponibles sous peu.

    Envoyez les protestations directement à votre ambassade, avec des copies et des rapports à intsocaltrussia@gmail.com.

    Les militants socialistes anti-guerre en Russie ont également besoin d’un soutien financier. Ces fonds peuvent être transférés via les sections nationales d’ASI ou les dons peuvent être envoyés directement via patreon ici.

  • La guerre en Ukraine, la nouvelle ère et la crise du capitalisme

    Manifestation anti-guerre du 27 mars à Bruxelles.

    La déclaration ci-dessous concernant la guerre en Ukraine et ses implications pour les multiples crises du capitalisme mondial a été discutée, débattue, amendée et approuvée à l’unanimité lors d’une réunion du Comité international d’Alternative Socialiste Internationale (ASI) – notre direction internationale élue lors de notre Congrès mondial – qui a eu lieu entre le 28 mars et le 1er avril à Vienne, en Autriche.

    La guerre en Ukraine démontre de manière concluante que nous sommes entrés dans une nouvelle ère concernant les relations mondiales, un changement à l’œuvre depuis 2007-09 qu’a approfondi la pandémie du COVID. Quelles sont les caractéristiques de cette ère post-néolibérale ? L’une de ses principales caractéristiques est de toute évidence l’essor du militarisme impérialiste, accompagné d’une montée en puissance du nationalisme et d’un éclatement rapide du monde en deux camps impérialistes dans une nouvelle guerre froide qui n’en est dorénavant plus une. Ces dernières années, nous avons assisté au découplage partiel des économies américaine et chinoise, les deux plus grandes économies du monde, qui sont passées du statut de moteurs de la mondialisation à celui de moteurs de la démondialisation. Nous assistons maintenant au découplage rapide et radical de la Russie vis-à-vis des économies occidentales, ainsi que du Japon et de l’Australie.

    C’est une ère de profond déclin capitaliste. La guerre et la possibilité qu’elle dégénère en un conflit de plus grande ampleur est en soi un aveu de contradictions irrésolues. Les pays impérialistes, de la Chine à l’Allemagne en passant par les États-Unis, augmentent la production de leurs arsenaux de la mort alors que l’humanité est confrontée à une crise climatique existentielle qui empire de jour en jour. La guerre est une catastrophe écologique supplémentaire.

    Cette guerre intervient également durant une pandémie dévastatrice qui a tué plus de 20 millions de personnes dans le monde et qui fait toujours rage. La politique chinoise du zéro covid s’effondre face au variant Omicron. En Occident, la classe dirigeante a pratiquement abandonné la lutte après avoir complètement échoué à contenir l’épidémie ou à développer une stratégie sérieuse de vaccination mondiale.

    En outre, la crise sous-jacente de l’économie capitaliste, antérieure à la pandémie mais exacerbée par celle-ci, est sur le point d’entrer dans une nouvelle phase, déclenchée par un choc énergétique et une inflation galopante. Outre l’effondrement de l’économie russe déclenché par les sanctions vicieuses de l’Occident, la guerre pourrait faire basculer l’Europe et les États-Unis dans la récession. Mais l’impact sur le monde néocolonial sera bien plus dévastateur à mesure que les prix des denrées alimentaires augmentent et que la crise de la dette s’aggrave. Globalement, les deux dernières années de pandémie et de crise économique ont massivement accru les inégalités à l’échelle mondiale ainsi que le niveau de pauvreté absolue.

    Les marxistes et l’impérialisme

    Les marxistes d’aujourd’hui s’opposent à tout impérialisme, tout comme l’ont fait Lénine, Trotsky et d’autres internationalistes il y a un siècle. Ceux-ci expliquaient alors que l’émergence de l’impérialisme et la domination du capital financier constitue une phase du développement capitaliste, indiquant en réalité que les forces de production s’étaient développées au-delà du mode de production capitaliste. Aujourd’hui, il ne pourrait être plus évident que l’État-nation capitaliste constitue une barrière absolue au développement de l’économie humaine.

    Nous nous opposons totalement à l’invasion de l’Ukraine par l’impérialisme russe, invasion précédée par un discours de Poutine où il a accusé les bolcheviks d’être responsables de l’existence de l’Ukraine et a essentiellement nié la réalité historique de la nation ukrainienne. L’invasion totalement réactionnaire de Poutine a déjà créé une catastrophe humanitaire avec plus de trois millions de réfugiés fuyant le pays et plus de six millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

    Poutine prétend que ses objectifs sont de “démilitariser” et de “dénazifier” l’Ukraine. Nous soutenons la lutte du peuple ukrainien contre l’occupation militaire, mais nous nous opposons totalement au régime de Zelensky qui, s’il n’est clairement pas fasciste, est également réactionnaire au plus haut point. Poutine et Zelensky travaillent tous deux avec l’extrême droite dans leur propre pays et au niveau international. Poutine a soutenu et même financé des partis d’extrême droite et fascistes en Europe, notamment Aube dorée en Grèce et le Front national en France (rebaptisé Rassemblement national), tandis que Zelensky s’appuie sur le bataillon néonazi Azov et que son régime a réhabilité des collaborateurs nazis de la Seconde Guerre mondiale.

    Le rôle de premier plan joué par Zelensky dans la résistance à l’invasion russe a fait de lui un héros aux yeux de millions d’Ukrainiens ainsi qu’au niveau international, aidé en grande partie par la propagande des médias occidentaux. Cependant, Zelensky est lié jusqu’au cou à certains des oligarques les plus puissants du pays et a pris l’initiative de mesures visant à appauvrir davantage la majorité des Ukrainiens. Il est lui-même propriétaire de sociétés offshore. Ayant déjà restreint les droits syndicaux des travailleurs pendant son mandat d’avant-guerre, l’une de ses premières mesures, une fois la guerre déclenchée, a été d’imposer la loi martiale, qui inclut l’interdiction du droit de grève. Sans ignorer les illusions existantes, nous devons expliquer patiemment que Zelensky et son régime ne sont pas les amis des Ukrainiens ordinaires issus de la classe ouvrière.

    Nous nous opposons aussi clairement au programme de l’impérialisme américain et occidental qui, par le biais de l’OTAN, a entrepris d’encercler la Russie et a contribué à créer les conditions de cette guerre. Aujourd’hui, ils déversent du matériel de guerre dans le pays et imposent des sanctions sans précédent contre la Russie, qui constituent une forme de punition collective pour le peuple russe et un acte de guerre, ainsi qu’un avertissement pour la Chine.

    Nous considérons la solidarité de la classe ouvrière comme la seule force capable d’empêcher le glissement vers un conflit beaucoup plus large qui menace la civilisation humaine. Si la propagande de guerre a eu un effet significatif en Occident et en Russie même, cet effet va s’estomper. La masse de la classe ouvrière n’est pas encore prête à défier la guerre, mais la jeunesse commencera à se défendre lorsque les prétentions “démocratiques” de l’Occident commenceront à être réellement exposées et surtout lorsque les conséquences économiques désastreuses de la guerre commenceront à être révélées. En Russie, nous voyons déjà des aperçus de résistance héroïque. Le capitalisme engendre la guerre mais, historiquement, la guerre est aussi la mère de la révolution.

    Perspectives pour la guerre

    Nous devons être très conditionnels quant à la façon dont la guerre va se dérouler à partir de maintenant en raison du nombre de variables impliquées. Par exemple, il est difficile d’obtenir une image claire de la situation sur le terrain au milieu de la propagande de guerre incessante de tous les côtés. Il est toutefois très clair que Poutine et ses généraux ont fait une erreur de calcul en prévoyant l’invasion. Ils s’attendaient à être accueillis comme des libérateurs par les populations russophones de l’Est de l’Ukraine, mais ils ont rencontré une résistance féroce tant dans les villes russophones comme Kharkiv que dans leur tentative d’encercler Kiev.

    La possibilité d’une guerre entre l’OTAN et la Russie est aujourd’hui plus grande qu’à n’importe quel moment de la guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique. Il existe déjà un état de guerre partiel entre l’OTAN et la Russie, alors que les pays de l’OTAN délivrent une quantité stupéfiante d’armements. Cette situation pourrait dégénérer en une guerre totale en raison d’une erreur de calcul, si la Russie attaquait massivement les lignes d’approvisionnement de l’OTAN, notamment en Pologne, ou si l’OTAN était assez téméraire pour tenter d’imposer une “zone d’exclusion aérienne” sur une partie ou la totalité de l’Ukraine. Les forces russes ont déjà attaqué une base dans l’ouest de l’Ukraine, qui était clairement une étape de l’OTAN, et ont attaqué une autre cible dans l’ouest de l’Ukraine avec un missile hypersonique.

    Une guerre plus large entre les États-Unis/OTAN et la Russie pourrait rester “conventionnelle”, mais le danger d’un échange nucléaire augmenterait considérablement, même s’il reste improbable compte tenu des conséquences potentiellement dévastatrices pour toutes les parties. Au cours de l’existence de l’Union soviétique, il y a eu des moments très dangereux comme la crise des missiles de Cuba, mais un énorme facteur limitant était que, malgré son horrible régime stalinien, l’Union soviétique n’était pas un pays impérialiste. Ses dirigeants donnaient la priorité à leur propre règne et craignaient les révolutions. C’est pourquoi ils cherchaient sincèrement à s’accommoder et à instaurer une “coexistence pacifique” avec l’impérialisme occidental. En réalité, la situation dans laquelle nous sommes entrés est déjà plus dangereuse que celle de la première guerre froide. Avoir d’énormes arsenaux nucléaires aux mains de régimes réactionnaires rapaces comme ceux de Poutine et de Xi Jinping, ainsi que de l’impérialisme américain sénile, est une expression concentrée de la menace du capitalisme pour notre existence.

    Les plans de guerre de Poutine reposaient sur l’expérience de la prise de la Crimée et du Donetsk/Luhansk en 2014, sur le succès militaire de la Russie en Syrie et sur le calcul que l’impérialisme occidental n’interviendrait pas directement en Ukraine. Trois semaines et demie après le début de la guerre, la position de l’OTAN et de l’impérialisme américain n’a pas fondamentalement changé. Joe Biden s’est jusqu’à présent fermement opposé à des mesures telles qu’une zone d’exclusion aérienne. Pourtant, force est de constater que les parlements de l’Estonie, de la Lituanie et de la Slovénie, membres de l’OTAN, ont tous récemment approuvé des résolutions appelant publiquement à une zone d’exclusion aérienne. Bien que le poids de ces États au sein de l’OTAN reste marginal, cela illustre qu’il existe une forte minorité et que l’”unité” de l’OTAN pourrait être davantage mise à l’épreuve à mesure que la guerre se poursuit. Il est également vrai qu’alors que la majeure partie de l’OTAN tente de freiner une intervention militaire directe, elle fait tout militairement pour aller dans cette direction, ce qui rend ce pont plus facile à franchir.

    La Russie pourrait-elle perdre militairement et quelles en seraient les conséquences ? Il est évident que les graves erreurs de calcul commises par Poutine lors de l’invasion sont maintenant aggravées par une résistance ukrainienne féroce qui entraîne des milliers de pertes russes et des problèmes de moral dans l’armée russe. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’armée russe n’a réussi à prendre le contrôle que d’une seule des vingt plus grandes villes d’Ukraine. Néanmoins, la Russie conserve une supériorité écrasante en termes de puissance de frappe. La guerre est entrée dans une phase beaucoup plus brutale, suivant les lignes de l’intervention de la Russie en Syrie et en Tchétchénie et de la guerre de siège moderne. Les Russes se préparent également à s’appuyer davantage sur des mercenaires (16.000 en provenance de Syrie jusqu’à présent), des voyous brutaux comme le chef de guerre tchétchène Ramzan Kadyrov et d’autres forces “irrégulières”.

    Mais même si les militaires russes parviennent à s’emparer des villes clés après les avoir réduites en ruines, ils devront ensuite relever le défi d’occuper le pays. Si l’on en croit ce qui s’est passé jusqu’à présent, une insurrection ukrainienne pourrait infliger des pertes permanentes très importantes et conduire finalement à l’effondrement de l’armée russe en tant que force militaire, même si les Ukrainiens ne parvenaient pas à la vaincre totalement, comme cela est arrivé aux États-Unis au Vietnam. Ceci, combiné à l’effondrement économique, pourrait provoquer un bouleversement massif en Russie. Ce “scénario Vietnam” présente la différence essentielle que le régime réactionnaire ukrainien est un mandataire de l’impérialisme occidental alors que le Front National de Libération au Vietnam reposait sur une révolution sociale.

    Cependant, l’impact des sanctions – notamment l’exclusion de la Russie du système financier occidental, la suppression des privilèges commerciaux et le retrait des entreprises occidentales du pays – peut être contradictoire. Elles affectent clairement une partie de la classe moyenne urbaine qui est liée à l’économie mondiale et est plus pro-occidentale, mais la dévaluation de la monnaie, l’inflation et la menace d’un chômage de masse affecteront principalement la classe ouvrière au sens large. Toutefois, à court terme, les sanctions peuvent également renforcer le soutien d’une partie de la population au régime, car elles confirment l’idée que l’Occident cherche à détruire la Russie.

    À l’heure actuelle, Poutine semble davantage préoccupé par la position des oligarques et le risque d’une révolution de palais que par une révolte générale. Les États-Unis visent clairement à menacer au moins Poutine d’un “changement de régime” dans le cadre de la lutte contre l’impérialisme russe. C’est un jeu dangereux, car de nouveaux revers pourraient rendre Poutine plus désespéré et plus susceptible de recourir à une nouvelle escalade militaire.

    La pression en faveur d’une solution diplomatique va s’accroître en raison de l’énorme danger que représente un éventuel élargissement de la guerre. Le régime chinois, allié clé de Poutine, n’est pas intéressé par une guerre totale, par exemple. Mais il est très peu probable que Poutine accepte un accord à l’heure actuelle en raison de la faiblesse de la position militaire russe sur le terrain. Il est possible que les négociations soient utilisées par Poutine afin de poursuivre les bombardements en attendant des renforts. Un accord éventuel pourrait reposer sur l’acceptation par l’Ukraine d’un statut “neutre” et sur la partition de facto du pays, une grande partie de l’Ukraine orientale étant effectivement annexée à la Russie. Poutine devrait accepter que le régime de Zelensky soit à la tête d’un État croupion. En contrepartie, les sanctions occidentales seraient au moins partiellement levées.

    L’impact plus large

    La guerre en Ukraine ne peut être séparée, ni comprise correctement, sans la placer dans le contexte plus large du conflit mondial entre l’impérialisme américain et chinois. Il ne fait aucun doute qu’une partie du message que Biden cherche à envoyer au régime du PCC par le biais de l’”unité” des puissances occidentales, des sanctions dévastatrices contre la Russie et du flot d’armements qui se déverse sur l’Ukraine est un avertissement de ce qui l’attend s’il envahit Taïwan. Une différence essentielle est que Taïwan revêt une importance stratégique bien plus grande pour l’impérialisme américain que l’Ukraine. Si une tentative chinoise d’envahir Taïwan devait réussir, ou dans le cas improbable où les processus à l’intérieur de Taïwan évolueraient dans une direction résolument pro-chinoise, cela représenterait un défi décisif pour la domination stratégique de l’impérialisme américain dans la région indo-pacifique, avec des répercussions massives également pour l’impérialisme japonais, l’Inde et d’autres puissances régionales clés. Une telle défaite pour les États-Unis signifierait la fin de l’ère américaine et la victoire de l’impérialisme chinois dans cette sphère géopolitique décisive. La guerre en Ukraine a considérablement renforcé les illusions pro-américaines parmi les masses à Taiwan, avec une augmentation correspondante du soutien au gouvernement taïwanais pro-américain du DPP.

    Bien entendu, essayer d’imposer des sanctions similaires à l’économie chinoise serait une autre paire de manches, étant donné le rôle de la Chine dans l’économie mondiale, bien plus important que celui de la Russie par un ordre de plusieurs magnitudes. En réalité, cela signifierait un effondrement complet de l’économie mondiale.

    L’impérialisme américain et occidental a été temporairement renforcé au début de cette guerre. La propagande “démocratique” occidentale est pour l’instant largement acceptée par la population en Europe et aux États-Unis. Des personnalités comme Macron, Boris Johnson et Joe Biden ont été renforcées.

    Cette situation ne durera pas. Le front uni de l’Occident va commencer à montrer des fissures en raison des intérêts impérialistes divergents. C’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de la Chine que de la Russie, car l’économie allemande, par exemple, dépend dans une large mesure des exportations industrielles vers la Chine. Les Etats-Unis ont déjà eu du mal à rallier des “alliés” importants au Moyen-Orient ainsi qu’en Inde, qui ont des liens militaires et commerciaux forts avec les deux parties. Néanmoins, la guerre a énormément renforcé le processus vers un front impérialiste occidental plus solidifié contre la Chine, et un découplage économique plus rapide de l’économie chinoise. C’est cette tendance, plutôt que les divisions internes, qui est dominante. La phase d’”unité nationale” aura tendance à se briser à mesure que les coûts économiques réels de la guerre et la classe censée payer la facture deviendront plus clairs pour les gens ordinaires.

    Nous avons répété à plusieurs reprises que le conflit entre les impérialismes américain et chinois aura tendance à les affaiblir tous les deux, mais il est évident qu’à tout moment, l’un ou l’autre peut prendre un avantage temporaire. L’impérialisme américain a un certain avantage en ce moment, mais le régime chinois considère également que les États-Unis sont surdimensionnés et incapables de se sortir des défis dans d’autres parties du monde après avoir abandonné l’Afghanistan pour se concentrer pleinement sur le défi posé par la Chine. Et n’oublions pas qu’en 2020, la Chine semblait avoir un avantage significatif, car son économie continuait de croître tandis que la classe dirigeante américaine ne parvenait pas à contenir le COVID et devait ensuite faire face à des bouleversements sociaux massifs.

    Parallèlement, il ne faut pas sous-estimer les défis très sérieux auxquels le régime de Xi Jinping est confronté à court terme. L’alliance de la Chine avec la Russie pose déjà de gros problèmes au régime de Xi en raison de la guerre. Le régime est également secoué par une récession économique qui pourrait s’aggraver considérablement en raison de la crise du secteur immobilier critique, mais aussi de la catastrophe qui l’attend s’il est contraint d’abandonner les politiques de “zéro covid” en raison du variant Omicron hautement transmissible. Étant donné que le COVID est pratiquement exclu de la Chine continentale depuis deux ans et que les vaccins chinois ne sont pas aussi efficaces contre Omicron, cela signifie que la population de 1,4 milliard d’habitants est confrontée à cette menace sans immunité significative.

    Même s’il y avait une issue négociée à la guerre en Ukraine dans le cadre d’une “réinitialisation” plus large des relations entre les États-Unis et la Chine, ce qui n’est pas à exclure, ce ne serait qu’un répit temporaire. Il n’y a pas de retour possible à l’ordre néolibéral hyper-mondialisé.

    Impact sur l’économie mondiale

    L’économie mondiale a connu en 2020 sa plus forte contraction depuis les années 1930, puis un fort rebond, en partie grâce aux mesures de relance néo-keynésiennes, notamment les milliers de milliards injectés sur les marchés financiers et des sommes moindres dans les poches des gens ordinaires, surtout dans les pays capitalistes avancés. Les banquiers centraux et de nombreux économistes bourgeois nous ont dit que tout cela était viable en raison d’une inflation et de taux d’intérêt proches de zéro, mais ASI a souligné que de telles conditions ne seraient pas maintenues. Au début de cette année, ce tableau rose a été remplacé par l’inflation la plus élevée depuis 40 ans aux États-Unis et la plus élevée depuis 30 ans en Europe, ainsi que par une explosion des prix de l’énergie et des denrées alimentaires à l’échelle mondiale, due en grande partie aux problèmes de la chaîne d’approvisionnement mondiale, mais de plus en plus ancrée dans l’économie. L’idée que l’inflation est un phénomène “temporaire” a été balayée d’un revers de main.

    Avant même le début de la guerre, nous avons souligné la fragilité de l’économie mondiale et la probabilité d’une crise financière majeure déclenchée par plusieurs scénarios possibles, notamment l’effondrement des bulles d’actifs, en particulier celle, massive, du secteur immobilier chinois. Nous avons également souligné le danger d’une récession déclenchée par la nécessité pour les banques centrales de relever rapidement les taux d’intérêt.

    La seule lueur d’espoir était que la pression sur les chaînes d’approvisionnement commençait à se relâcher. Avec la guerre, cette lueur d’espoir a disparu. Les lignes d’approvisionnement de la Russie et de l’Ukraine vers une grande partie du monde ont bien sûr été coupées. Le coût du transport par conteneur pourrait doubler ou tripler. Les problèmes de la chaîne d’approvisionnement seront aggravés par les nouveaux confinements en Chine dans ses centres de fabrication cruciaux comme Shenzhen et Dongguan en raison des épidémies de COVID.

    Mais le plus grand effet de la guerre sur l’économie mondiale sera probablement son impact sur le prix de l’énergie et de la nourriture. Étant donné que de nombreux pays occidentaux ont décidé d’interrompre leurs achats de pétrole et de gaz naturel russes et qu’il est difficile de remplacer la production russe, le prix de l’énergie s’envole. Il s’agit potentiellement du plus grand choc des prix de l’énergie depuis le milieu des années 1970, qui a contribué à déclencher une forte récession économique mondiale et a ouvert une période de “stagflation” dans les économies occidentales, où la croissance économique était lente alors que l’inflation était élevée. La stagflation est un problème très difficile à résoudre par des mesures de politique monétaire/fiscale bourgeoises standard.

    Même si l’OCDE prévoit toujours une croissance de l’économie mondiale pour 2022, elle a abaissé sa projection de 4,5 % à 3,5 %, tandis que pour la zone euro, elle a abaissé sa projection à un peu moins de 3 %. La plus grande économie de l’UE, l’Allemagne, est très probablement déjà en récession. De nombreux économistes bourgeois soulignent maintenant la possibilité très réelle d’une récession dans un certain nombre d’économies clés, déclenchée par des événements géopolitiques et la nécessité de relever rapidement les taux d’intérêt pour freiner l’inflation, comme la Fed a commencé à le faire.

    La hausse de l’inflation mondiale contribuera aussi directement à la crise de la dette souveraine à laquelle sont confrontés de nombreux pays pauvres et que nous avons décrite dans le principal projet de perspectives mondiales. Mais c’est la forte hausse des prix alimentaires qui pourrait avoir l’impact le plus dévastateur sur les masses dans de grandes parties du monde néocolonial. Au moins 12 % de toutes les calories consommées dans le monde proviennent de Russie et d’Ukraine ; nous pouvons nous attendre à une “inflation galopante” pour le blé, le maïs et d’autres produits agricoles de base. Les prix étaient déjà en hausse avant le début de la guerre en raison des sécheresses et de la forte demande à mesure que les économies émergeaient de la pandémie. Cette situation pourrait provoquer la plus grande crise alimentaire depuis au moins 2008, qui a été un facteur clé dans les soulèvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en 2011, et a provoqué des protestations et des émeutes dans d’autres régions.

    L’Ukraine est un important fournisseur de blé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En l’état actuel des choses, il reste au Liban, tout au plus, un mois de réserves de blé. Le gouvernement syrien a commencé à rationner le blé, le prix du pain a doublé en Égypte, le gouvernement tunisien a interdit aux fonctionnaires de commenter les importations de blé et le Programme alimentaire mondial a qualifié la guerre en Ukraine de “compte à rebours vers la catastrophe” pour le Yémen, qui dépend fortement des importations de céréales. D’importantes manifestations ont déjà été déclenchées par la flambée des prix du pain et de la farine au Soudan et en Irak. Ce ne sont là que les premiers signes de la crise sociale et des bouleversements majeurs qui se préparent dans cette région, et qui se reproduiront ailleurs.

    Un autre choc pour l’économie mondiale pourrait survenir si la Russie faisait défaut sur sa dette souveraine, bien que la dette des entreprises russes soit en réalité beaucoup plus importante. En dépit du fait que le régime de Poutine ait tenté d’amortir les effets de son exclusion du système financier mondial et d’autres sanctions en imposant un contrôle strict des banques nationales et des avoirs en devises des entreprises russes, ainsi qu’en se préparant à nationaliser les actifs des sociétés étrangères qui ont cessé leurs activités dans le pays, on prévoit une baisse du PIB comprise entre 6 et 20 % cette année. Bien sûr, l’autre facteur est la volonté de la Chine d’agir comme un filet de sécurité économique partiel pour la Russie. Cela laisse présager l’émergence de deux systèmes financiers au niveau international, ainsi que l’éclatement des chaînes d’approvisionnement mondiales et la “délocalisation” et la “quasi-délocalisation” de la production dont nous avons déjà parlé, tendances qui s’accéléreront à la suite de la guerre. Ces caractéristiques rappellent beaucoup les années 1930, caractérisées par l’ultranationalisme, les embargos commerciaux et la croissance des économies fermées (autarcie).

    L’évolution des consciences

    Le déclenchement de cette guerre, et la nouvelle ère qu’elle annonce pour le capitalisme mondial, ne peut manquer de produire des changements profonds et dramatiques dans la conscience de la classe ouvrière et des jeunes du monde entier. Toutes les couches de la société, y compris la bourgeoisie elle-même, sont actuellement en train d’essayer de comprendre la signification de ce qui s’est passé et de reconfigurer les perspectives d’avenir.

    Nous ne pouvons appliquer aucun schéma rigide à la manière dont la conscience ouvrière va se développer. Comme pour nos perspectives concernant la guerre ou l’économie, nous ne faisons pas de prédictions absolues. Au début de ce siècle, notre organisation est intervenue et, en différents endroits, a joué un rôle important dans les mouvements de masse qui ont balayé le monde contre les guerres en Irak et, dans une moindre mesure, en Afghanistan. Ces guerres étaient d’une autre époque. Il ne s’agissait pas d’un affrontement entre deux blocs de pouvoir impérialistes relativement bien assortis. Au lieu de cela, elles représentaient la confiance (finalement mal placée) de l’impérialisme américain dans le fait qu’il était le maître incontesté du monde – qu’il pouvait insérer de nouveaux régimes dociles dans des pays clés à volonté, si nécessaire sous la menace d’une arme à feu. Aux yeux des masses, tant en Occident que dans le monde néocolonial, le rôle agressif joué par l’impérialisme occidental était relativement clair. L’opposition à la guerre et l’opposition à Bush, Blair et Cie étaient très clairement liées.

    Cette guerre s’inscrit dans un contexte totalement différent – celui d’une division accélérée du monde en deux sphères. Elle s’apparente donc davantage, à certains égards, aux guerres du début du 20e siècle – un conflit inter-impérialiste opposant deux blocs capitalistes concurrents. En fin de compte, la Russie est soutenue par la Chine, même si, à première vue, elle est quelque peu hésitante. À l’inverse, le gouvernement Zelensky est soutenu par l’impérialisme occidental.

    Surtout dans la première phase, le caractère inter-impérialiste de la guerre crée un niveau de confusion et de complexité dans les consciences plus important que lors de nombreux conflits récents. C’est aussi parce que cette confrontation entre deux blocs impérialistes sur le sol ukrainien est enchevêtrée et quelque peu brouillée par des sentiments légitimes de sympathie pour les masses ukrainiennes qui font face à une invasion et une occupation impérialistes brutales par la Russie. Dans le monde entier, on craint les conséquences de la guerre et la menace d’une escalade. Il existe un large sentiment de solidarité avec la population ukrainienne, et en particulier avec les millions de réfugiés que l’invasion a créés jusqu’à présent. Pourtant, si de nombreuses manifestations d’ampleur variable ont eu lieu dans différents pays, il serait inexact de décrire un mouvement international anti-guerre comme existant déjà.

    Les manifestations qui ont sans doute eu le caractère le plus clairement anti-guerre ont eu lieu en Russie même. Elles ont été significatives sans être massives, et ont jusqu’à présent culminé dans les premiers jours suivant l’invasion. Le régime de Poutine y a répondu avec une brutalité absolue. Le nombre de personnes arrêtées pour s’être publiquement opposées à la guerre est estimé à plus de 15.000 à l’heure où nous écrivons ces lignes – ce chiffre en lui-même témoigne de l’état d’esprit de colère qui existe clairement parmi une partie des travailleurs et des jeunes russes.

    La guerre de propagande du Kremlin a bien sûr influencé les opinions de la masse de la population. De même, l’intensification de la répression par le régime, avec des peines de 15 ans de prison pour ceux qui sont considérés comme diffusant des “fake news”, a fait en sorte que l’accès à des perspectives alternatives est désormais sévèrement limité. Les organes d’information indépendants basés en Russie ont été contraints de fermer et les médias étrangers ont quitté le pays. Dans le même temps, la combinaison de la répression de Poutine et des sanctions occidentales a rendu l’accès aux sites de réseaux sociaux, notamment Twitter et TikTok, extrêmement difficile. Entre-temps, Poutine cherche à adopter le mode d’emploi du régime iranien – en utilisant l’effet écrasant des sanctions occidentales sur l’économie, dont le prix est toujours payé par la classe ouvrière, afin de renforcer le nationalisme et le soutien à son régime.

    Tout ceci indique qu’il s’agit, au moins à court terme, d’une période extrêmement difficile pour toutes les forces d’opposition qui cherchent à se construire en Russie – en particulier celles qui visent à se baser sur la lutte des travailleurs et les idées socialistes. Mais rien de tout cela ne diminue le fait que la guerre, surtout si elle continue à être prolongée et difficile pour le régime russe, va fomenter une colère et une opposition de masse qui peuvent exploser depuis la base. Les estimations sur les chiffres exacts sont bien sûr très contestées, mais des milliers de soldats russes, dont beaucoup de conscrits, ont déjà été tués dans cette guerre.

    En Occident, la guerre a été utilisée comme une doctrine de choc afin de mettre en œuvre une augmentation drastique des dépenses militaires et d’accroître l’autorité de l’État et des gouvernements. Comme au début de nombreuses guerres, l’État et les médias exercent une forte pression en faveur de l’”unité nationale” – tandis que des éléments de “russophobie” ont été attisés par les établissements occidentaux, contribuant à un pic relatif d’attaques et de sentiments anti-russes dirigés contre les Russes ordinaires vivant à l’étranger, en particulier en Europe centrale et orientale. Les partis de gauche et les Verts, auparavant opposés aux exportations d’armes et aux actions militaires de l’OTAN – comme la plupart des élus de gauche de “The Squad” aux États-Unis, les partis de gauche dans les pays nordiques, certaines parties de la gauche travailliste en Grande-Bretagne, Podemos en Espagne – ont maintenant capitulé sur des questions comme le soutien aux sanctions et l’aide militaire de l’OTAN à l’Ukraine. C’est une mesure de leur faiblesse politique et de leur manque de confiance dans les capacités de la classe ouvrière.

    Les terribles souffrances causées par les bombes et les balles russes contribuent à ce que la classe ouvrière éprouve un fort sentiment d’horreur face à ce qui se passe, ainsi qu’un haut niveau de solidarité envers les victimes de la guerre. En Europe de l’Est, en particulier, ce sentiment de solidarité se conjugue à la crainte très réelle que, si Poutine n’est pas contraint de reculer, de telles scènes pourraient engloutir leurs propres pays. Il est compréhensible que, dans ce contexte, l’OTAN et, dans une moindre mesure, l’UE, soient considérées comme offrant une protection importante contre une telle attaque.

    Comme c’est souvent le cas en temps de guerre, les premières phases de ce conflit ont apporté avec elles un certain climat d’”unité nationale” et un renforcement temporaire des gouvernements et des politiciens en place – y compris certains qui étaient jusqu’à récemment sur la corde raide. Il s’agit notamment de Biden, qui doit affronter des élections de mi-mandat difficiles, et surtout de Boris Johnson, qui semble avoir obtenu un sursis face à ce qui semblait être des plans élaborés par son propre parti pour l’évincer. À ce stade, les sondages suggèrent un niveau élevé de soutien aux sanctions. Même lorsqu’on a souligné la possibilité qu’elles entraînent une hausse des prix de l’énergie, 79 % des Américains se sont déclarés favorables à une interdiction des importations de pétrole russe dans un récent sondage. Parallèlement, on tente d’utiliser la guerre pour recadrer l’inflation et la crise du coût de la vie en les attribuant aux “hausses de prix de Poutine”, comme l’a récemment déclaré Biden.

    En outre, de nombreux pays occidentaux sont relativement favorables à un soutien militaire plus développé au régime ukrainien, pouvant aller jusqu’à une “zone d’exclusion aérienne”. En Allemagne, le bouleversement spectaculaire de la politique de défense d’après-guerre du pays, avec Olaf Schulz qui prévoit des dépenses qui pourraient permettre au pays de développer le troisième budget militaire le plus élevé au monde d’ici cinq ans, a été soutenu par jusqu’à 75 % de la population dans les sondages. Cet état d’esprit s’est également reflété dans certaines des très grandes manifestations qui ont eu lieu dans le pays contre le déclenchement de la guerre. Ailleurs, les manifestations relativement modestes qui ont eu lieu aux États-Unis ont souvent vu la population reprendre le slogan “Fermez le ciel” – une référence à la demande de plus en plus militante d’une faction “pro-guerre mondiale 3” du parti républicain (également présente dans de nombreux partis de droite en Europe) pour l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne.

    Cet état d’esprit reflète le sentiment que “quelque chose doit être fait” pour arrêter le bombardement de l’Ukraine, mais il est associé à un manque de compréhension des véritables implications d’une telle intervention. Ses ramifications incluraient la transformation de cette guerre en une confrontation directe entre l’OTAN et la Russie, avec tous les dangers d’une nouvelle escalade (y compris la menace nucléaire).

    En effet, on assiste, pour la première fois, à une pénétration marquée du récit de la nouvelle guerre froide des capitalistes dans la conscience d’une couche importante de la classe ouvrière et moyenne. L’idée (grossièrement hypocrite) d’une division mondiale entre “liberté et état de droit” d’une part et “autoritarisme et tyrannie” d’autre part, exerce une attraction. Ce sera une arme que la classe dirigeante cherchera à déployer pour tenter d’imposer la paix sociale au niveau national. Mais d’importantes luttes ouvrières ont continué à être menées depuis le début de cette guerre. Même à ce stade précoce, il y a de sérieuses limites à l’ambiance d’”unité nationale” que la classe dirigeante tente de créer.

    Parmi les jeunes, il existe toujours une opposition généralisée au militarisme. La colère est immense face à l’incapacité des gouvernements occidentaux à accepter et à prendre en charge les réfugiés ukrainiens. Nombreux sont ceux qui rejettent consciemment les deux poids, deux mesures racistes dans la façon dont sont traités ceux qui fuient la guerre et les persécutions. La peur et l’opposition à l’escalade de cette guerre existent, en particulier dans le contexte de la menace nucléaire imminente. Ce sentiment a le potentiel de devenir beaucoup plus important, voire dominant, selon l’évolution des événements.

    Pendant ce temps, l’atmosphère dans une grande partie du monde néocolonial est tout aussi confuse, bien que d’une manière différente. L’héritage meurtrier de l’impérialisme américain (ainsi que celui de la Grande-Bretagne et d’autres puissances coloniales), que ces puissances tentent de blanchir en dénonçant le rôle de la Russie en Ukraine, continue d’occuper une place importante dans la conscience des travailleurs de nombreux pays, ce qui entraîne une méfiance beaucoup plus profonde à l’égard de l’OTAN, parfois associée à certaines sympathies pro-russes. L’héritage de la précédente guerre froide et les éléments nostalgiques à l’égard de l’ex-URSS jouent également un rôle – comme la position anti-apartheid passée de l’URSS en Afrique du Sud et, plus généralement, son soutien calculé aux mouvements de libération nationale anticoloniaux dans certaines parties du continent. Le traitement raciste des réfugiés noirs et asiatiques par les États ukrainiens et occidentaux, et la différence flagrante de traitement des victimes de guerre par les médias occidentaux par rapport à celles du monde néocolonial, ont aggravé ces sentiments.

    Les forces populistes de gauche, telles que l’EFF en Afrique du Sud, ont adopté une grande partie de la ligne du Kremlin sur le conflit. D’autre part, dans une grande partie de l’Amérique latine, une section importante et influente de la direction du mouvement ouvrier sympathise avec le régime chinois. Tous ces facteurs ont joué un rôle en empêchant le développement d’un mouvement de protestation significatif contre la guerre dans le “sud global”. Lorsque c’est le cas, cela exige que nous expliquions le rôle du régime de Poutine, y compris son caractère pro-capitaliste et anti-communiste, et que nous soulignions le rôle indépendant que peut jouer la classe ouvrière au niveau international.

    L’Afrique est un champ de bataille crucial dans la guerre froide et le conflit impérialiste. Les travailleurs et les pauvres ne doivent pas entretenir d’illusions sur le fait que le régime de Poutine constitue une alternative viable à l’impérialisme occidental en Afrique. La Russie et la Chine sont également des États impérialistes, hostiles à la classe ouvrière, qui alimentent l’instabilité et la guerre dans les pays néocoloniaux. Les effets de la guerre risquent maintenant d’exacerber les pressions existantes, notamment les phénomènes climatiques extrêmes, les économies décimées et les conflits armés qui entretiennent la pauvreté, la polarisation et les migrations de masse.

    Il est important de noter que la guerre menace davantage la sécurité alimentaire en Afrique, car les importantes exportations russes et ukrainiennes de blé, de soja, de maïs et d’autres céréales sont interrompues. L’Égypte, le Nigeria et le Zimbabwe, par exemple, importent entre 50 % et 80 % de leur blé de Russie. La flambée des prix du pétrole et des produits de base offre un terrain fertile aux gouvernements locaux, en alliance avec les puissances impérialistes, pour poursuivre l’accélération de l’extraction des combustibles fossiles et des produits de base, avec désormais une couverture “stratégique” et prétendument “verte” supplémentaire.

    Les conflits armés se poursuivent parallèlement à la destruction des moyens de subsistance pour s’assurer des parts de marché et des profits dans le cadre de la nouvelle “ruée vers l’Afrique” intensifiée par la guerre froide. Cela augmentera encore les migrations à travers le continent, alimentera les crises de réfugiés, le trafic d’êtres humains et pourra intensifier les conflits et les divisions. En Afrique du Sud, les émeutes de la faim de juillet 2021 ont donné un aperçu de la colère bouillonnante des masses, et la nouvelle escalade de la violence xénophobe est un avertissement de la façon dont elle peut être exploitée par la réaction si une alternative politique basée sur un programme socialiste international n’est pas construite de toute urgence.

    Le potentiel d’un mouvement anti-guerre international

    De plus en plus, surtout chez les jeunes, on comprend que sous le capitalisme, nous sommes confrontés à un avenir où le monde sera plus dangereux, où la majorité des gens seront plus appauvris, et dans lequel – de plus en plus – la survie même d’une grande partie de la population mondiale sera mise en danger. Cette compréhension est en partie liée à la réalité économique – elle reflète un profond manque de confiance dans la capacité du système à fournir, même aux habitants des pays capitalistes les plus avancés, des emplois et des logements stables, sans parler de l’augmentation du niveau de vie. À cela s’ajoute désormais, outre la menace d’un effondrement climatique, le danger d’un conflit militaire mondial de plus en plus généralisé et potentiellement nucléaire. Cette peur constituera désormais une part importante de la psyché collective des travailleurs.

    Une telle conscience n’est pas automatiquement révolutionnaire, elle peut engendre le désespoir et le catastrophisme. Mais elle indique que le système capitaliste est profondément miné aux yeux de la classe ouvrière.

    Un mouvement international anti-guerre, reposant sur une opposition plus claire au bellicisme impérialiste de tous bords, est donc toujours implicite dans la situation. Notre rôle est de lutter pour le développement d’un tel mouvement et pour assurer son caractère ouvrier. Cela signifie qu’il faut souligner le rôle potentiel du mouvement syndical dans la mobilisation de rue, ainsi que dans la lutte directe contre l’”effort de guerre”. Un aperçu de ce potentiel a déjà été observé en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Suède – avec des travailleurs refusant de décharger le pétrole russe sur les quais – et en Italie sous la forme d’actions de grève pour protester contre l’invasion du régime russe.

    En même temps, nous reconnaissons que les jeunes sont susceptibles d’être plus facilement mobilisés dans les rues, et d’être la couche la plus ouverte, du moins au début, aux idées socialistes. L’activisme anti-guerre, qui peut également être lié à des questions telles que le changement climatique (autour duquel la colère va croître après l’abandon effectif des précédents engagements de réduction à zéro) et/ou le traitement des réfugiés, peut être un aspect crucial de notre travail au cours de la prochaine période.

    Il en sera de même pour notre travail féministe socialiste, comme en témoignent les nombreuses manifestations du 8 mars, au cours desquelles les slogans anti-guerre et les expressions de solidarité avec les victimes de la guerre en Ukraine ont occupé une place importante. Les femmes seront parmi les plus durement touchées par l’augmentation du coût de la vie, la crise des réfugiés, l’explosion attendue de la traite des êtres humains et de la violence sexiste résultant de la guerre ainsi que par les réductions des dépenses sociales qui accompagneront les augmentations massives des budgets militaires. Cette guerre a également exacerbé les inégalités existantes, notamment l’oppression sexiste en Ukraine et ailleurs. La violence sexiste, qui a déjà augmenté dans le monde entier en raison de la pandémie, est un autre aspect horrifiant de nombreux conflits violents, y compris ceux qui ont eu lieu en Ukraine. Des rapports font état de violences sexuelles en Ukraine actuellement. En outre, les personnes qui fuient l’Ukraine (principalement des femmes et des enfants, les hommes étant empêchés de quitter le pays) sont extrêmement vulnérables aux abus des trafiquants sexuels et des personnes qui cherchent à exploiter les réfugiés pour obtenir du travail gratuit ou des rapports sexuels en échange d’un hébergement. Des rapports indiquent que dès le lendemain du lancement de l’invasion, on a constaté une augmentation notable du nombre de personnes utilisant des termes de recherche tels que “Ukrainian Girls” ou “war porn” sur les principaux sites pornographiques. Les femmes réfugiées sont également très vulnérables à l’exploitation de la main-d’œuvre gratuite ou bon marché dans les foyers, notamment pour les travaux ménagers et les soins. Cette situation a été aggravée par les différents gouvernements qui ont fait de la crise des réfugiés une question individuelle plutôt qu’une responsabilité collective et sociale. En outre, l’augmentation rapide et significative des budgets militaires se fera probablement au détriment d’autres budgets, notamment ceux de la santé et de l’éducation. Une fois encore, ce sont les femmes de la classe ouvrière qui seront touchées de manière disproportionnée, car elles assument déjà la plus grande part de ce travail à la maison.

    A long terme, nous devrions nous attendre à ce que cette guerre, et le conflit inter-impérialiste plus large dont elle fait partie, exacerbe encore plus les contradictions de classe, expose le gangstérisme des capitalistes, et pousse les masses à la lutte car elles sont forcées d’en supporter les coûts. En effet, nous devrions nous attendre à ce que le “renforcement du centre” temporaire qui a été évident dans les premières semaines de la guerre dans les pays occidentaux, cède la place à un courant sous-jacent de polarisation beaucoup plus fort qui sera finalement intensifié par cette crise. Le nouvel âge du désordre présentera des caractéristiques de révolution et de contre-révolution encore plus marquées que la période qui a suivi la grande récession de 2008-9. Il créera des opportunités pour la gauche, y compris pour les marxistes. Dans le même temps, il générera également un espace supplémentaire pour la réaction. De nombreux populistes d'(extrême)-droite, y compris des gens comme Orban et Le Pen, doivent essayer de prendre leurs distances avec leur ancien ami, Vladimir Poutine. Orban a même été contraint d’accepter plus de 180.000 réfugiés ukrainiens, par exemple. Néanmoins, il s’agit en fin de compte d’une situation dont les forces du nationalisme, de l’autoritarisme et du populisme de droite chercheront à tirer profit, de même que l’extrême droite – notamment en Ukraine même.

    À l’Ouest, les politiciens bourgeois de tous bords chercheront à se “surpasser” les uns les autres par rapport à la Russie et, de plus en plus, à la Chine. En Europe de l’Est en particulier, où la montée du nationalisme et, parfois, les conflits nationaux et ethniques, ont été une caractéristique importante du “carnaval de la réaction” qui a suivi l’effondrement du stalinisme, cette guerre donnera une nouvelle impulsion qualitative au nationalisme et à la division. En général, dans toutes les régions du monde, les positions des politiciens et des partis par rapport à la guerre froide revêtiront une plus grande importance politique, y compris au moment des élections.

    Notre programme

    Dans cette situation, notre programme doit donc faire l’objet de discussions et de débats permanents, et être mis à jour régulièrement pour faire face aux événements au fur et à mesure de leur déroulement. Il est essentiel que nous continuions à avoir un programme unifié, dont le cœur est le même quel que soit l’endroit du monde où nous intervenons. Cependant, la présentation exacte de ce programme, et les points sur lesquels nous mettons le plus l’accent, devront inévitablement être ajustés pour s’adapter à la conscience variée qui existe dans différentes parties du monde et parmi différentes couches de la classe ouvrière.

    En particulier, il est vital que dans chaque pays où nous sommes présents, nous incluions de manière proéminente dans tout notre matériel des points qui exposent le rôle de la bourgeoisie nationale du pays dans lequel nous nous mobilisons et son “camp” dans la guerre froide. Dans les pays capitalistes occidentaux, par exemple, l’opposition au militarisme et à l’expansionnisme de l’OTAN doit toujours être un élément central de notre propagande, même si ce n’est pas l’état d’esprit actuel de la masse des travailleurs. Nous nous opposons à toute intervention militaire de la part de l’impérialisme américain et occidental – ce qui inclut l’opposition à la fourniture d’armes par les puissances de l’OTAN à l’armée ukrainienne. En soi, cela augmente la menace d’une escalade plus large du conflit.

    Dans les pays de “l’autre côté” de la guerre froide, et plus généralement dans le monde néocolonial, le rôle sanglant de Poutine, ainsi que du régime chinois, doit inévitablement être au centre de nos préoccupations. Nous devons chercher à éduquer les travailleurs et les jeunes sur la véritable nature des régimes réactionnaires, ultra-nationalistes, racistes, xénophobes et virulemment anticommunistes de Poutine et de Xi, notamment en soulignant leur soutien à la contre-révolution ces dernières années face aux soulèvements de masse au Myanmar, au Kazakhstan et au Belarus. Nous nous opposons au dangereux et rapide renforcement militaire qui a lieu – encore une fois des deux côtés – et ne donnons aucune justification aux actions de l’OTAN, ou à la propre propagande anti-OTAN du régime. Nous exigeons le retrait immédiat des troupes russes d’Ukraine, des troupes impérialistes occidentales d’Europe de l’Est et la dissolution de tous les blocs militaires tels que l’OTAN.

    La célèbre phrase de Karl Liebknecht, selon laquelle “l’ennemi principal est à la maison”, ne signifie pas que nous ne devons pas faire preuve de sensibilité à l’égard de la conscience de la classe ouvrière. Cela ne signifie pas non plus que nous devons ignorer les faits des crimes de guerre très réels du régime de Poutine. Mais cela signifie que, à tout moment et de manière claire, nous devons chercher à mobiliser les travailleurs pour lutter de manière unie, au-delà des frontières, contre leur véritable ennemi. Cela signifie que le rôle de chaque bloc impérialiste doit être impitoyablement exposé – d’abord et avant tout devant ceux qui le subissent le plus directement.

    C’est pourquoi il est important que, de manière habile, nous mettions en évidence le rôle réel des sanctions actuelles qui, loin d’être un moyen d’exercer une pression “pacifique” mais efficace sur Poutine, sont en fait un acte de guerre économique extrêmement brutal qui impactera massivement la classe ouvrière – en Russie mais aussi ailleurs – c’est-à-dire la force sociale même capable de mettre un terme au bain de sang impérialiste en cours. La question de savoir qui fait quoi et pourquoi est toujours pertinente. Nous soutenons toutes les actions des travailleurs contre la guerre et appelons à des grèves et à des blocus pour contribuer à empêcher la livraison d’armes ou d’autres équipements qui seront utilisés pour tuer et mutiler. Nous soulignons également le rôle potentiel de la classe ouvrière russe, en tant que force ayant le pouvoir de mettre fin au règne de Poutine ainsi qu’à son aventurisme militaire.

    En Ukraine, nous soulignons le droit des travailleurs à s’armer par le biais de leur propre organisation. Nous soutenons qu’en fin de compte, ces forces de la classe ouvrière devraient être mobilisées non seulement pour repousser l’armée d’invasion – dont les rangs pourraient être atteints sur la base d’un appel de classe – mais aussi contre le régime réactionnaire de Zelensky ainsi que les groupes d’extrême droite et les milices qui opèrent actuellement sous ce régime. Nous défendons le droit à l’autodétermination pour toutes les nations, ainsi que les droits garantis des minorités. De plus, nous soulignons que toute organisation d’autodéfense de la classe ouvrière devrait nécessairement adopter cette position, à la fois pour rester unie et pour ne pas être vulnérable à la cooptation ou à l’utilisation par des forces hostiles aux intérêts de la classe ouvrière.

    Dans tous les contextes dans lesquels nous travaillons, nous devons de plus en plus lier notre revendication de fin du militarisme aux luttes économiques, sociales et environnementales auxquelles les travailleurs seront confrontés, et à la question du changement socialiste plus largement. Une nouvelle crise et la récession pourraient avoir pour effet de miner temporairement la confiance des travailleurs dans la lutte. Mais néanmoins, la combinaison actuelle d’une inflation élevée, d’une faible croissance et, surtout, d’une classe ouvrière dont l’expérience de la pandémie a mis en évidence l’énorme pouvoir potentiel, ouvrira la voie à de nouvelles et féroces batailles de classe.

    Lorsque les gouvernements saisissent les actifs des oligarques russes, cela peut être utilisé pour souligner le potentiel de nationalisation qui pourrait sauver des emplois ou protéger les travailleurs. Lorsque les dépenses militaires sont augmentées, nous soulignons la façon dont ces ressources pourraient être utilisées pour loger les réfugiés ou augmenter les dépenses pour les services publics. Lorsque des fonds considérables sont injectés dans de nouveaux forages pour les combustibles fossiles, nous soulignons le potentiel qui existerait pour une transition rapide vers les énergies renouvelables sur la base de la propriété publique et de la planification démocratique.

    Enfin, nous soulevons à chaque occasion la réalité que ce n’est que par la prise de pouvoir des travailleurs au niveau international qu’un avenir de guerre, de conflit et de destruction environnementale peut être évité. Nous soulignons donc l’urgente nécessité de forger un véritable parti mondial de la révolution, capable de mener la lutte pour changer le monde.

  • Bilan de l’année 2021 : L’ère du désordre, année 2


    Du début à la fin, 2021 a été une année de tempêtes pour le capitalisme mondial. Ce système pourri et décadent a rarement, voire jamais, été confronté à des crises simultanées aussi profondes sur autant de fronts. Il n’a jamais été aussi mûr pour être remplacé, et les années 2020 ne font que commencer…

    Par Danny Byrne, Exécutif international d’Alternative Socialiste Internationale (ASI)

    Commencer et finir en beauté

    L’année s’est ouverte avec le chaos au capitole des États-Unis, où des émeutiers armés ont surgi le 6 janvier afin de soutenir la tentative de coup d’État de Trump. Au même moment, les masses paysannes d’Inde maintenaient un mouvement de résistance organisée de masse contre les politiques antisociales brutales du gouvernement Modi, une lutte qui s’est terminée par une victoire il y a seulement quelques semaines.

    Une nouvelle vague de confinements se répandait alors en Europe, alors que la désastreuse “3e vague” de Covid-19 atteignait de nouveaux sommets, le variant “Alpha” commençant à émaner du Royaume-Uni. Et depuis l’Amérique latine, qui apparaissait alors comme l’épicentre de la mort et de la destruction de la pandémie, la nouvelle se répandait dans le monde entier de la victoire historique remportée par un mouvement de masse de plusieurs années pour obtenir le droit à l’avortement en Argentine.

    Tout cela, et bien d’autres choses encore, au cours de la première semaine de 2021 ! Et ce sont les mêmes thèmes de profondes crises sociale, économique et politique d’une part, et de mouvements de masse des travailleurs et des opprimés qui gagnent en force d’autre part, qui allaient dominer l’année.

    Jetez un coup d’œil sur le monde en cette fin d’année 2021. Une panique justifiée concernant le nouveau variant Omicron se répand, et de nouveaux confinements sont déjà annoncés, malgré une vaccination généralisée dans les pays les plus riches du monde. Le pessimisme abonde parmi les économistes, les prévisions de croissance optimistes se refroidissant rapidement, et le secteur financier chinois vacille au bord du gouffre avec le défaut partiel d’Evergrande et la menace de contagion que cela représente.

    La classe ouvrière continue de se battre à travers le monde, faisant entendre sa voix dans de nombreux pays. Parmi les exemples récents, citons l’impressionnante grève des métallurgistes dans l’État espagnol et une grève générale partielle en Italie le 8 décembre.

    Et à tout cela, il faut ajouter la catastrophe climatique causée par le capitalisme, qui n’a jamais été aussi constante et présente dans la politique mondiale que cette année. Les événements météorologiques extrêmes causés par la crise climatique font désormais partie de la vie, des pensées et des projets des gens ordinaires dans toutes les régions de la planète. Le sommet de la COP26 a mis en évidence et approfondi la prise de conscience de millions de personnes que le système ne peut pas apporter de solution.

    Après l’année 2020, 2021 nous a donné un avant-goût de ce que sera le caractère de l’époque historique mondiale à venir. Aucune des crises qui ont dominé l’année ne trouvera de solution durable, notamment en 2022. L’année dernière, empruntant une expression inventée par la Deutschebank, ASI a utilisé le terme “d’âge du désordre” pour tenter de caractériser la nature de cette nouvelle période. C’est une période où les multiples crises du capitalisme, entraînant un processus de polarisation sociale et politique de plus en plus profond, vont faire naître le besoin d’un changement de système dans l’esprit de millions de personnes à travers le monde. Beaucoup seront à la recherche d’idées révolutionnaires.

    L’année la plus meurtrière du Covid

    En juin, le Covid-19 avait déjà tué plus de personnes en 2021 que pendant toute l’année 2020. Et ce, malgré l’existence de plusieurs vaccins Covid efficaces depuis le début de l’année. Quelle statistique plus accablante pour les criminels qui dirigent les gouvernements du monde entier ?

    Comme nous l’avons expliqué en détail, dès le début de la pandémie, ce sont les contradictions inhérentes au système capitaliste qui ont fait obstacle à toute réponse efficace face à la pandémie au niveau national et international. Au début de la pandémie, alors que les gouvernements laissaient le virus s’incruster dans les populations en raison de dissimulations criminelles et de leur inaction par crainte de perturber la machine économique et les profits de grandes entreprises, c’est la contradiction entre la propriété privée des moyens de production et les besoins de la société qui a été déterminante. Alors que les moyens publics finançaient la recherche de vaccins, la production et la distribution étaient laissées aux mains de multinationales qui réalisaient des superprofits.

    Rappelons que dans de nombreux pays – dont l’Italie et l’État espagnol – il a souvent fallu une action organisée de la classe ouvrière pour arrêter la production et l’économie afin de protéger des vies, ce qui a forcé la main des patrons et des gouvernements. Et ce n’est pas seulement le cas pour la première vague de la pandémie. En janvier 2021, une épreuve de force entre le gouvernement britannique et les syndicats d’enseignants – sous l’impulsion des militants de base sur leurs lieux de travail – a entraîné la fermeture d’écoles au plus fort de la troisième vague.

    Le nationalisme vaccinal et les nouveaux variants

    Cependant, en 2021, c’est l’autre contradiction fondamentale du système capitaliste qui a pris encore plus d’importance dans sa mauvaise gestion de la pandémie : la contradiction entre une économie de plus en plus mondiale et les antagonismes nationaux inhérents au capitalisme. Cette contradiction a été résumée dans ce qui a certainement été l’une des phrases clés de l’année : le nationalisme vaccinal.

    Ce qui s’est d’abord produit autour des équipements de protection individuels, des tests et des respirateurs artificiels – des bagarres féroces entre gouvernements nationaux pour s’accaparer des stocks existants – a été amplifié lorsqu’il s’est agi des vaccins. En janvier déjà, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, déclarait que le monde était “au bord d’un échec moral catastrophique” en raison de la distribution internationale inégale des vaccins contre le covid-19. “En fin de compte, a-t-il prévenu, ces actions ne feront que prolonger la pandémie, les restrictions nécessaires pour la contenir et les souffrances humaines et économiques.” (Economist, 28 janvier 2021).

    Douze mois plus tard, à peine 7% de la population des pays les plus pauvres du monde ont reçu une dose de vaccin. Pendant ce temps, dans les pays occidentaux, après des programmes de vaccination qui ont couvert une grande majorité (bien que variable) des populations adultes plus tôt dans l’année, les enfants sont vaccinés tandis que des dizaines de millions de personnes font la queue pour recevoir une troisième dose.

    Alors que les travailleurs et les jeunes des pays riches veulent et ont besoin de vaccins, c’est l’élite dirigeante qui est à l’origine du processus de thésaurisation des vaccins, les gouvernements insistant pour maintenir des brevets criminels sur la technologie des vaccins, ce qui empêche d’augmenter massivement la production de vaccins pour répondre aux besoins de tous.

    Le terme “nouveau variant” s’est gravé dans l’esprit des masses en 2021. C’est le variant “Alpha” (précédemment connue sous le nom de variant “Kent” ou “UK”) qui a popularisé ce terme, car une nouvelle souche de Covid, beaucoup plus transmissible que la souche dominante à l’origine, a provoqué une nouvelle vague terrifiante de la pandémie au début de 2021. Le “Bêta” (ou “sud-africain”) et le “Gamma” (ou “brésilien”) ont suivi, avant d’être dépassés par le “Delta” plus tard dans l’année. Aujourd’hui, le monde tremble à l’approche de l’Omicron, dont on sait peu de choses pour l’instant, même si l’on sait qu’il est beaucoup plus transmissible que le Delta.

    À l’exception du variant Alpha, apparu en Grande-Bretagne, toutes les autres ont un point commun : ils sont apparus dans des pays où le Covid a été “lâché” alors que les vaccins étaient abondants, mais thésaurisés par les gouvernements impérialistes.

    Si l’Omicron est aussi mauvais qu’il en a l’air (ce que les événements au Danemark, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis laissent penser), alors toutes les mesures adoptées par les gouvernements pour contrôler la propagation seront non seulement bâclées par les contradictions du capitalisme, mais se heurteront également à une population de plus en plus résistante et divisée.

    Alors que la majorité des travailleurs ont toujours compris la nécessité de donner la priorité à la santé publique, la croissance dangereuse du scepticisme face au Covid et du sentiment anti-vaccin, alimenté par l’aliénation et la méfiance envers l’establishment, a ajouté une nouvelle corde sinistre à l’arc du populisme et de l’extrême droite à l’échelle mondiale, ce qui constitue une menace significative pour les travailleurs et les mouvements sociaux à l’horizon 2020.

    Quel que soit le cours de la pandémie en 2022, l’expérience de la pandémie a montré à des millions de personnes à quel point la classe capitaliste dominante est incapable de résoudre les crises mondiales. Les marxistes soulignent le rôle de la classe ouvrière mondiale – une force sociale véritablement internationale qui n’a aucun intérêt dans l’antagonisme national et dont les intérêts économiques ne s’opposent en aucune façon à la nécessité de protéger la santé publique et le bien-être – comme la clé de la résolution des crises mondiales.

    Renforcer l’organisation et la combativité de la classe ouvrière, et armer ses mouvements d’un programme politique socialiste pour arracher le pouvoir des mains des escrocs capitalistes, est une tâche stratégique clé à laquelle les socialistes devront faire face en 2022 et au-delà. L’expérience de 2021 a démontré que cette tâche ne sera couronnée de succès que si elle est associée à un travail énergique pour renforcer et étendre la portée d’une organisation socialiste révolutionnaire.

    L’économie mondiale – de l’optimisme au pessimisme

    2021 a été une montagne russe émotionnelle pour les économistes bourgeois. En mars, ils se sont mis à annoncer des scénarios de croissance de plus en plus optimistes pour l’économie mondiale, dans un contexte de “rebondissement” dynamique après les blocages et les récessions record de 2020. Cette croissance impressionnante a été stimulée par une demande refoulée après une année de dépenses déprimées, et par les niveaux historiques des mesures de relance publique encore injectées dans l’économie, en particulier dans les pays riches. En effet, une seule loi de relance adoptée par l’administration Biden en mars a ajouté 1 % aux prévisions de croissance du PIB mondial !

    C’est l’expression de la manière généralement très différente dont les gouvernements capitalistes ont abordé la récession mondiale accompagnant le Covid par rapport à la manière dont ils ont abordé la Grande Récession de 2008-9. En réponse à la chute libre de l’activité économique de 2020, le livre de jeu néolibéral a été largement jeté par la fenêtre, l’État capitaliste étant intervenu pour soutenir l’économie à des degrés divers, en fonction de la force fiscale des pays du monde entier.

    Ce revirement par rapport au néolibéralisme, et ce nouveau cocktail de politiques économiques mettant davantage l’accent sur l’intervention de l’État et une tendance à la démondialisation, était extrêmement important et a en effet provoqué des discussions et des débats éclairants et, à certains moments, controversés, parmi les marxistes eux-mêmes.

    Toutefois, si l’utilisation du pouvoir des trésors publics a été un outil efficace pour atténuer les pires effets de la crise à court terme, ASI a souligné que ce nouveau cocktail de politiques mondiales était loin de poser les bases d’une nouvelle période de croissance et de stabilité.

    Réagissant à la vague d’optimisme économique qui s’est répandue parmi les économistes en avril, nous écrivions : “Le rebondissement probable de l’économie mondiale est-il le début d’une reprise plus générale ? Certains dans les médias bourgeois ont comparé la situation aux lendemains de la Première Guerre mondiale et à l’épidémie de grippe dévastatrice de 1918-20 qui a été suivie par les “années folles” aux États-Unis et en Europe. De telles attentes sont déplacées”.

    Plusieurs mois plus tard, les “optimistes” sont en train de ravaler leurs paroles. L’économie mondiale entre dans l’année 2022 traquée par de nombreux spectres qui menacent de nouvelles crises, potentiellement profondes. La poursuite de la pandémie n’est pas le moindre de ces spectres !

    En outre, la menace que représente pour le système financier mondial la crise du secteur de la construction en Chine risque de réveiller un monstre de crise financière mondiale, un danger inhérent à la situation d’une économie mondiale marquée par un endettement toujours plus important des entreprises et des pouvoirs publics.

    L’inflation est également une préoccupation majeure, et les banques centrales du monde entier vont entrer en 2022 sous une forte pression pour augmenter les taux d’intérêt afin d’atténuer la pression inflationniste, un geste qui en soi pourrait déclencher une nouvelle récession. La Fed américaine et la Banque d’Angleterre ont déjà annoncé des hausses imminentes de leurs taux d’intérêt.

    Le spectacle d’un seul navire bloqué causant des ravages économiques massifs, lors de la crise du blocage du canal de Suez en mars dernier, a symbolisé la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Du pétrole au gaz, en passant par les puces électroniques et d’autres produits de base, le chaos des chaînes d’approvisionnement a également été le fil conducteur de l’année 2021, causé par les crises géopolitiques, les goulots d’étranglement liés à la hausse de la demande suite à des blocages, la “pénurie de main-d’œuvre” et les événements liés au changement climatique.

    Pendant ce temps, derrière la façade des chiffres de croissance record et des bénéfices en plein essor, la croissance de la pauvreté et des inégalités a été encore plus record. Le “Rapport sur les inégalités dans le monde” récemment publié a révélé que si 100 millions de personnes ont sombré à nouveau dans une pauvreté désespérée au cours de la première année de la pandémie, la richesse des milliardaires a augmenté plus que jamais.

    La nouvelle guerre froide est là pour rester

    L’année 2021 a également vu l’impérialisme américain et chinois redoubler d’efforts dans le cadre de la nouvelle guerre froide. Biden a poursuivi à toute vapeur l’agenda de l’impérialisme américain. Le “Sommet de la démocratie” de décembre, qui vise à consolider et à approfondir la sphère d’influence de la guerre froide américaine, en est un bon exemple. Comme l’a souligné ASI, contrer la croissance de l’impérialisme chinois est également un élément central de l’agenda économique de Biden, et un objectif explicitement déclaré de son récent projet de loi édulcoré de relance des infrastructures.

    Entre-temps, la Chine a excellé dans ce qu’on appelle la “diplomatie du vaccin”, utilisant les fournitures de vaccins comme un outil pour accroître la dépendance à son égard en Afrique, en Asie et en Amérique latine, et ayant même un certain impact en Europe. Motivé par cette rivalité entre grandes puissances, et simultanément par la crainte des nombreuses menaces qui pèsent sur la stabilité interne – notamment la lutte et la révolution de la classe ouvrière – le régime de Xi a renforcé ses politiques réactionnaires et autoritaires. Cependant, la répression brutale à Hong Kong, pour y instaurer les conditions de la dictature de Chine continentale, qui s’est accélérée tout au long de l’année, la “guerre contre le terrorisme” raciste contre les musulmans ouïgours au Xinjiang, et l’offensive anti-féministe et anti-LGBTQ+, parmi beaucoup d’autres politiques, sont finalement autant de signes de faiblesse, à l’aube d’une année où les nuages de tempête s’amoncellent sur l’économie chinoise.

    Tous les regards seront tournés vers Taïwan en 2022, qui, parmi de nombreux autres points de tension potentiels, prendra de plus en plus d’importance, occupant une place vraiment dangereuse en tant que ballon de football géopolitique dans un combat de chiens mortel entre deux puissances impérialistes en crise.

    Pour prouver que les guerres froides peuvent devenir “chaudes”, il suffit de regarder le Moyen-Orient, où une guerre sanglante et unilatérale contre Gaza menée par les forces armées israéliennes a entraîné la mort de centaines d’innocents des deux côtés de la ligne, dont 12 ont été tués par des tirs de roquettes en provenance de Gaza. L’Éthiopie est toujours en proie à une guerre civile sanglante, qui fait également partie intégrante de la lutte géopolitique de la nouvelle guerre froide.

    Outre ces conflits, qui restent tous des poudrières potentiellement catastrophiques, il existe une menace permanente de guerre à la frontière orientale de l’Europe, avec le renforcement militaire et les tensions entre la Russie et l’Ukraine, qui font partie d’une rivalité plus large entre la Russie et l’OTAN, et les tensions croissantes entre les États-Unis et l’Iran. Les forces navales de nombreux pays se sont également affrontées en Méditerranée orientale au début de cette année, dans le cadre d’un différend sur les réserves de gaz.

    Ne vous y trompez pas : si l’existence d’arsenaux nucléaires massifs reste un facteur de dissuasion important contre les guerres “totales” entre grandes puissances, le capitalisme et l’impérialisme entraînent la planète dans une ère de guerres et d’effusions de sang pour le profit impérialiste. La réponse mondiale à la guerre contre Gaza en mai montre la voie à suivre – résistance internationale de masse et solidarité contre la guerre, par les travailleurs et les jeunes, et non par les gouvernements ou la “communauté internationale” de l’establishment.

    En ce qui concerne la guerre froide, la position unique et de principe de ASI, qui consiste à ne se faire aucune illusion et à ne soutenir aucun camp dans la nouvelle rivalité entre grandes puissances, et à souligner la nature profondément réactionnaire des deux empires, est d’une importance fondamentale pour le mouvement ouvrier mondial. Dans cet esprit, notre campagne internationale « Solidarité contre la répression en Chine et à Hong Kong » occupera une place importante dans notre travail en 2022, comme cela a été le cas en 2021.

    La révolte mondiale continue

    La classe ouvrière a marqué de son empreinte les événements de 2021 de nombreuses manières, et plus particulièrement dans la lutte dans les rues et sur les lieux de travail. Aucun continent n’a été épargné par les grandes batailles de classe. En plus d’une large répartition géographique, les mouvements de 2021 reflètent l’ampleur des multiples crises du capitalisme et la multitude d’expressions de la misère, de l’exploitation et de l’oppression qui provoquent la résistance de la classe ouvrière.

    De puissants mouvements de masse en Inde, en Colombie, en Corée du Sud et ailleurs ont été déclenchés par des contre-réformes économiques hostiles à la classe ouvrière, alors que les gouvernements de ces pays tentaient de se décharger du coût d’une nouvelle crise sur les secteurs les plus pauvres de la population. Au Myanmar, en Russie, au Soudan, etc., c’est la réponse dans les rues et sur les lieux de travail aux attaques contre les droits démocratiques par des élites dirigeantes décrépites et parasitaires qui a ouvert les portes à des épisodes significatifs de lutte de masse.

    En 2021, la pandémie de violence sexiste a de nouveau suscité une lutte de masse. En Grande-Bretagne, en Israël/Palestine, en Australie, en Pologne et dans de nombreux autres pays, on a assisté à de nouvelles vagues significatives de protestations militantes, vers lesquelles le fort profil de campagne féministe socialiste d’ASI a permis à nos sections de se tourner énergiquement. Le mot “féminicide” est entré dans le vocabulaire d’une grande partie de la population, car l’année dernière, les confinements s’ajoutant à la misère de la crise économique, a laissé un bilan effrayant de femmes et de personnes transgenres assassinées. Ce fut l’année la plus meurtrière jamais enregistrée.

    En ce qui concerne les droits reproductifs, le dernier semestre de l’année a été marqué par des récits contradictoires de victoire et de défaite de part et d’autre de la frontière sud des États-Unis. En effet, l’héroïque mouvement féministe mexicain a obtenu la légalisation de l’avortement dans l’État de Coahuila en septembre, tandis que le corps législatif du Texas a approuvé une attaque historique contre le droit à l’avortement. L’année 2022 sera marquée par un tournant potentiel aux États-Unis, la Cour suprême étant susceptible de révoquer, au moins partiellement, le jugement Roe v Wade, ce qui, malgré le manque de leadership des organisations féminines traditionnelles, déclenchera une vague de lutte bien plus importante que l’interdiction du Texas cette année.

    Les leçons du Myanmar et de la Colombie

    Ces mouvements, et d’innombrables autres, sont riches d’enseignements pour 2022 et au-delà. Il est cependant juste de dire qu’en 2021, ce sont les exemples du Myanmar, où un mouvement révolutionnaire s’est déclenché contre un coup d’État militaire en février, et de la Colombie, où une grève nationale en avril a ouvert les portes à un soulèvement populaire qui a paralysé le pays, qui se sont le plus distingués.

    Tous deux portaient les marques essentielles de la vague de révolte mondiale qui déferle sur le monde depuis 2019 : ils étaient menés par une jeune génération radicalisée. Il s’agissait de mouvements de nature durable – qui ont tous deux duré plusieurs mois. De plus, face à la répression étatique la plus brutale, et sanglante, ces deux mouvements n’ont pas battu en retraite, mais ont riposté, s’intensifiant en réponse au “fouet de la contre-révolution”. Ces deux mouvements sont également passés de la défensive à l’offensive, renforçant et enhardissant leurs revendications à mesure que les masses réalisaient leur force dans la lutte.

    Quelles leçons nouvelles ont-ils apportées ? Une caractéristique commune à ces deux mouvements est le rôle plus important et plus prépondérant joué, au milieu d’une vaste rébellion populaire, par les forces, les méthodes et les organisations de la classe ouvrière. C’est un facteur d’une grande pertinence et importance pour les socialistes, qui développent nos perspectives pour les batailles de classe de l’avenir.

    Au Myanmar, c’est un mouvement ouvrier jeune et inexpérimenté qui a porté les plus grands coups aux putschistes du pays. Sans stratégie coordonnée et organisée à l’échelle nationale, les travailleurs d’un secteur après l’autre – en particulier la santé, le textile et la finance – ont arrêté le travail contre le coup d’État, construisant une grève générale de facto qui a frappé la classe dirigeante là où ça fait mal, empêchant à un moment donné le régime illégitime du coup d’État de payer ses employés.

    En Colombie, le “paro” – grève/arrêt de travail – était la méthode de lutte centrale du mouvement. Elle ne s’est pas toujours exprimée par une véritable grève nationale, s’appuyant parfois davantage sur des blocages de routes et d’autres formes de lutte de masse pour provoquer une paralysie économique. Tandis que la direction officielle du mouvement – le CNP (Comité Nacional del Paro), dirigé par les fédérations syndicales du pays – vacillait et tentait à plusieurs reprises d’intégrer le mouvement dans des négociations, l’avant-garde de la jeunesse ouvrière, organisée en “primera linea” (ligne de front), a entretenu la flamme de la lutte de masse, s’armant de boucliers de fortune contre les attaques meurtrières de la police.

    Crise de l’organisation et de la direction de la classe ouvrière

    Cependant, nous devons aller au-delà de notre admiration pour l’héroïsme de ces mouvements, et de l’inspiration qu’ils représentent à juste titre. L’autre point commun de ces deux mouvements est qu’aucun n’a remporté de victoire décisive. Pourquoi ?

    En développant une réponse, nous pouvons pointer vers le problème stratégique central auquel sont confrontés la classe ouvrière et nos mouvements dans le monde entier : la crise persistante de l’organisation et de la direction de la classe ouvrière. Le simple fait est que le rôle central occupé par la classe ouvrière dans les révoltes en Colombie et au Myanmar ne s’est pas clairement reflété dans une direction qui se basait sur le pouvoir de la classe ouvrière et avait confiance en sa capacité à gagner ses revendications.

    Au lieu de se battre pour un gouvernement favorable à la classe ouvrière pour remplacer les putschistes, les dirigeants syndicaux du Myanmar ont subordonné les organisations ouvrières à la Ligue nationale pour la démocratie (LND) libérale et bourgeoise, soutenant sans critique ces politiciens anti-ouvriers destitués et leur gouvernement d’unité nationale. En Colombie, les dirigeants du CNP ont constamment tenté de détourner le mouvement de la rue pour le diriger vers des négociations à huis clos avec le gouvernement Duque, réussissant finalement à démobiliser le mouvement.

    Cette crise de direction de la classe ouvrière est le plus grand obstacle qui empêche les luttes héroïques de la classe ouvrière de notre époque de remporter des victoires plus décisives. Cette crise ne peut être résolue que par la construction et le renforcement d’organisations de masse de travailleurs et de jeunes, dirigées non pas par des bureaucrates has been formés aux méthodes ratées de la collaboration de classe, mais par les jeunes éléments de la classe ouvrière dans le cœur battant des mouvements de masse, responsables démocratiquement devant le mouvement de masse via des structures démocratiques de masse.

    Cela signifie que les travailleurs eux-mêmes doivent créer des réseaux de base, lutter pour rétablir les traditions militantes et contester directement le contrôle de la direction existante. Cela signifie également la construction de nouveaux partis politiques, qui peuvent fournir une voix politique indépendante aux intérêts de la classe ouvrière dans les mouvements de masse. Les jeunes combattants de la classe ouvrière qui mèneront ces tâches à la victoire ne tomberont pas simplement du ciel, mais doivent être consciemment organisés, éduqués et armés des méthodes du marxisme.

    En 2021, nous avons déjà vu des signes importants d’une agitation croissante au sein du mouvement ouvrier dans plusieurs pays. Aux États-Unis, les travailleurs du puissant syndicat Teamsters ont élu une direction de gauche pour la première fois en près de 25 ans, et les membres de l’UAW ont voté pour mettre en œuvre des élections directes aux postes de direction au sein du syndicat. En Grande-Bretagne, l’année 2021 a vu des victoires historiques de la gauche dans les deux plus grands syndicats – Unison et Unite – lors des élections de l’exécutif national et du secrétaire général respectivement.

    À l’aube de 2022, la montée de la colère de classe et une vision transformée du rôle essentiel des travailleurs dans la société à la suite de la pandémie, ainsi que l’inflation, les problèmes de chaîne d’approvisionnement et une pénurie aiguë de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs de l’économie, laissent présager une année de conflit industriel majeur et des conditions favorables à des victoires majeures pour notre classe. Une nouvelle vague de lutte des travailleurs peut servir à générer de nouvelles forces au sein du mouvement pour défier les bureaucraties syndicales bien établies et lutter pour une politique indépendante de la classe ouvrière.

    Polarisation politique – Menace de l’extrême droite

    Alors que l’année 2021 a commencé par l’humiliation de Donald Trump qui n’a pas réussi à voler la présidence des États-Unis, d’une certaine manière, le trumpisme semble être en marche alors que l’année touche à sa fin. Les élections de novembre aux États-Unis ont vu les trumpistes gagner un terrain important. En outre, le parti républicain, qui n’a jamais été autant sous son contrôle, est bien placé pour reprendre le contrôle du Congrès américain lors des élections de mi-mandat de 2022, alors que la présidence de Biden s’enfonce dans la crise et que la “brigade” (The Squad) des démocrates de gauche se déplace vers la droite, échouant lamentablement à fournir une représentation aux personnes de la classe ouvrière qui ont faim d’alternatives.

    Nous avons également vu le candidat d’extrême-droite Jose Antonio Kast, qui s’appuie sur une plateforme ultra-réactionnaire, anti-ouvrière, autoritaire et misogyne, remporter une victoire surprise au premier tour des élections présidentielles chiliennes. Heureusement, Kast a perdu au second tour, car les travailleurs et les jeunes se sont mobilisés, sans illusion profonde, pour voter pour la gauche molle et Gabriel Boric dans une victoire historique qui a montré la puissance durable de la rébellion de 2019 au Chili. L’extrême droite a également fait une percée majeure lors des élections en Argentine, et en Europe, nous avons assisté à la montée terrifiante des phénomènes d’extrême droite autour de Zemmour en France et de Vox en Espagne.

    Une partie de cette même tendance est le processus de “Trumpification” des partis de droite traditionnels plus établis, tels que le Partido Popular espagnol et les Tories britanniques, qui ont subi un sérieux virage à droite ces dernières années, embrassant le populisme nationaliste.

    La montée et la consolidation de ces phénomènes politiques peu glorieux sont un aperçu de la polarisation politique plus forte et plus profonde qui caractérisera les années 2020. La crise durable de la direction et de l’organisation de la classe ouvrière décrite ci-dessus donne l’impression temporaire que ces forces ont l’initiative dans un grand nombre de pays importants à l’approche de 2022. Cependant, le véritable équilibre des forces de classe dans la société ne peut pas être mesuré par une jauge aussi superficielle que l’arithmétique électorale.

    Bien qu’il faille reconnaître que nombre de ces forces ont approfondi leur base sociale au cours de la dernière décennie, un processus auquel la tempête de crises des deux dernières années a donné un nouvel élan, il n’existe aucun pays dans lequel elles bénéficient d’un soutien proche de la majorité, en particulier parmi les jeunes et les travailleurs.

    Un mouvement ouvrier et une gauche combatifs pourraient couper court à la marche en avant de l’extrême droite. Toutefois, cela ne peut être réalisé que si une position indépendante audacieuse, offrant une véritable alternative socialiste radicale, est adoptée. La voie de la capitulation devant l’establishment politique capitaliste traditionnel en tant qu’opposition “principale” au populisme d’extrême droite, comme on l’a vu dans la capitulation de Sanders aux États-Unis et de la direction majoritaire du PSOL au Brésil devant l’establishment démocrate et le PT respectivement, ne fera que céder davantage de terrain au Trumpisme et au Bolsonaroïsme.

    Nous avons besoin du socialisme révolutionnaire, pas du réformisme

    Tout comme ce fut le cas suite à la vague de lutte des classes qui a secoué l’Europe après la crise de 2008, les prochaines batailles de classe à l’échelle internationale, qui comprendront des mouvements révolutionnaires, redessineront la carte politique dans les années 2020.

    Déjà en 2021, nous avons vu l’émergence de nouveaux phénomènes politiques importants qui ont donné une certaine expression aux luttes de la classe ouvrière. Au Pérou, le syndicaliste enseignant peu connu Pedro Castillo a défié tous les pronostics pour remporter les élections présidentielles en juin, à la suite d’un mouvement de protestation de masse qui a mis en échec un coup d’État institutionnel dans le pays en novembre 2020.

    L’Amérique latine est une poudrière pour les explosions sociales de l’année prochaine, et verra des élections importantes avoir lieu, notamment en Colombie et au Brésil, où les sondages d’opinion dans les deux pays indiquent des défaites potentielles pour la droite réactionnaire via des victoires pour le gauchiste Gustavo Petro en Colombie, et l’ancien président Lula da Silva au Brésil. Ce dernier a révélé ses couleurs pro-capitalistes lorsqu’il était au pouvoir au début du siècle.

    La période de crise aiguë dans laquelle naîtront les nouveaux gouvernements de gauche les mettra rapidement à l’épreuve. S’ils ne possèdent pas une perspective révolutionnaire de lutte de masse pour résister au capitalisme et à l’impérialisme, et mettre en œuvre un véritable changement en défiant le pouvoir de la classe dirigeante, seule la crise les attend. Déjà, Pedro Castillo a montré des signes de répétition de la stratégie ratée de collaboration de classe et de réformisme qui a conduit les gouvernements de gauche de la dernière décennie, y compris celui de Lula, à la ruine. Il a répondu à la pression des capitalistes en écartant les personnes les plus à gauche de son cabinet et en renonçant à ses principaux engagements de campagne. Pourtant, la droite n’a fait qu’intensifier ses efforts pour le saboter et l’écarter. Quelques mois seulement après le début de sa présidence, il a dû faire face à une tentative de mise en accusation au Congrès, qu’il a gagnée par deux voix seulement !

    ASI soutient tous les mouvements et formations politiques qui contribuent à faire avancer les luttes de la classe ouvrière pour ses revendications, et se battra avec acharnement pour vaincre la droite réactionnaire lors de toute élection. Cependant, nous devons aussi dire la vérité : pour vraiment remporter des victoires pour la majorité en cette période de crise capitaliste, une perspective réformiste est insuffisante. La mise en œuvre de politiques visant à redistribuer les richesses, à financer les services et travaux publics nécessaires, à créer des millions d’emplois dans le cadre de nouveaux contrats verts, etc., nécessitera une action audacieuse pour saisir les richesses et les moyens de production des 1% et placer la propriété publique démocratique au cœur de l’économie.

    La droite échoue à destituer Kshama Sawant à Seattle

    A quoi ressemble une stratégie alternative ? Un exemple remarquable de leadership révolutionnaire peut être trouvé à Seattle, où Kshama Sawant et Socialist Alternative viennent de battre les milliardaires dans leur propre cour pour la quatrième fois. Ce résultat est particulièrement significatif car il va “à contre-courant” du récent cycle électoral de novembre où les candidats démocrates progressistes, largement orientés vers la droite, ont perdu plusieurs grandes courses.

    L’histoire de Kshama Sawant et du rôle de Socialist Alternative à Seattle au cours des huit dernières années est un exemple de la différence que fait un véritable leadership socialiste. Imaginez que ces méthodes et ces politiques puissent s’exprimer au sein de la direction nationale du mouvement syndical aux États-Unis, ou dans n’importe quel pays !

    2021 : un tourbillon pour ASI

    Cette formidable victoire à Seattle s’inscrit dans une année de tourbillon pour ASI. Quelques semaines auparavant, des centaines de nos membres de 16 pays avaient envahi Glasgow, en Écosse, attirant l’attention des médias en constituant un bloc socialiste international impressionnant et dynamique lors des manifestations de masse contre l’inaction criminelle du sommet climatique COP26.

    Nos membres et nos sections nationales sont entrés et sortis de la clandestinité, et ont traversé des périodes éprouvantes, mais sont toujours restés alertes et actifs, cherchant à saisir les occasions de construire les forces du socialisme, quantitativement et qualitativement. À deux reprises, en janvier et en juillet, nous avons réuni plus de 1 000 de nos membres dans des universités marxistes virtuelles réussies et inspirantes.

    Nous avons été à l’avant-garde d’innombrables luttes, mouvements et campagnes. Toute notre organisation internationale a agi comme un seul homme, dans les mouvements de masse contre la guerre contre Gaza en mai, en étant solidaire et en soutenant nos courageux camarades en Israël/Palestine.

    Il serait impossible de dresser la liste de tout le travail, de toutes les réalisations et de tous les sacrifices consentis par les membres d’ASI et d’innombrables autres combattants de la classe ouvrière dans le monde en 2021. Nous pouvons être sûrs que ces efforts souvent invisibles auront contribué à améliorer la préparation de notre mouvement aux défis de 2022.

    ASI souhaite à tous ses lecteurs et sympathisants une bonne année et le meilleur pour 2022. Considérez ce qui suit comme votre résolution pour la nouvelle année : rejoignez un mouvement international socialiste révolutionnaire dynamique et en pleine croissance – rejoignez ASI. Et si vous êtes déjà membre, redoublez vos efforts pour la cause du socialisme international.

  • [DOSSIER] Procédure de destitution à Seattle : Comment Kshama Sawant et Socialist Alternative ont (encore !) gagné

    Pour la quatrième fois, la dirigeante de Socialist Alternative et membre du conseil de ville de Seattle Kshama Sawant a remporté une élection, cette fois en faisant face à une procédure de destitution par référendum raciste soutenue par les grandes entreprises. Cette nouvelle victoire souligne la pertinence d’une approche des positions élues reposant sur la lutte de classe. Il s’agit d’un brillant exemple concernant la façon dont la classe ouvrière peut bénéficier d’une politique indépendante du parti démocrate. Les leçons à tirer pour les travailleurs et la gauche socialiste ne manquent pas.

    Par Bryan Koulouris et Calvin Priest

    Cette élection a sans conteste été la plus difficile à laquelle nous avons été confrontés depuis l’élection de Kshama au Conseil de ville de Seattle en 2013 (ce conseil est à peine composé de 9 élus et du maire pour une ville de 750.000 habitants, NdT). Jusqu’ici, Seattle n’avait jamais connu d’élection en décembre (entre les fêtes de Thanksgiving et de Noël, NdT). Ce timing avait été sciemment réfléchi de manière à assurer la plus faible participation électorale possible parmi les travailleurs, les locataires, les jeunes et les personnes de couleur. Un CAP (Comité d’action politique, une structure privée dont le but est d’aider ou de gêner des élus, ainsi que d’encourager ou de dissuader l’adoption de certaines lois, NdT) pro-entreprises portant le nom orwellien « A Better Seattle » (Un meilleur Seattle) a dépensé des centaines de milliers de dollars pour bombarder de mensonges les électeurs au travers des publicités télévisées, d’annonces sur Internet ou de courriers. Parallèlement, la campagne de solidarité pour Kshama s’est vue refuser le droit d’avoir la moindre publicité sur Google, YouTube et Hulu.

    Les CAP pro-entreprises n’étaient du reste pas les seuls à diffuser des informations malhonnêtes sur Kshama et la procédure de destitution lancée à son encontre. En raison de notre capacité à remporter des victoires, ce qui a exaspéré la classe dirigeante et l’establishment politique, les médias dominants (en particulier le très lu Seattle Times) ont mené une campagne constante d’attaques trompeuses et sournoises contre Kshama et notre mouvement au cours de ces huit dernières années. La Cour suprême de l’État, sans prendre la peine d’organiser la moindre audience au sujet de la véracité des accusations ouvrant la voie à la procédure de destitution, a statué en faveur de celle-ci. En conséquence, des mensonges purs et simples ont figuré sur le bulletin de vote et étaient la dernière chose que les gens voyaient avant de voter.

    Les tribunaux ont inexplicablement reporté leur jugement de trois mois après le dépôt des signatures nécessaire au déclenchement de la procédure. La manœuvre visait à assurer que le moins d’électeurs possible ne prenne part au vote, avec une élection inédite pendant les vacances d’hiver. Le taux de participation pour de telles élections est déjà en temps normal beaucoup plus faible que lors d’élections générales. Moins de six mois auparavant, le même tribunal avait rejeté une tentative de révocation de la maire de Seattle, Jenny Durkan, alors qu’elle avait illégalement ordonné le gazage lacrymogène de manifestants pacifiques du mouvement Black Lives Matter ! Plus de 18.000 plaintes avaient pourtant été déposées. Cet exemple, à l’instar des graves attaques portées contre le droit à l’avortement et du racisme sur lequel repose tout le système judiciaire, démontre que les tribunaux capitalistes ne sont pas du côté des travailleurs et des opprimés.
    Au cours des huit années de mandat de Kshama, son leadership et le travail de Socialist Alternative à Seattle ont démontré comment les marxistes peuvent mener les travailleurs et les opprimés à arracher des victoires cruciales. Qu’il s’agisse de faire de Seattle la première grande ville à obtenir un salaire minimum de 15 dollars de l’heure en 2014, d’imposer la Taxe Amazon (qui a récolté 2 milliards de dollars en 2020 pour subventionner des projets de logements abordables) ou encore de remporter des victoires historiques en matière de droits des locataires, notre bureau de conseil marxiste ainsi que les mouvements de lutte de la classe ouvrière à Seattle ont eu un impact sur la vie non seulement des résidents de Seattle, mais aussi de millions de travailleurs au niveau national. Le mandat que nous avons reçu grâce à notre victoire dans cette procédure de destitution nous impose de poursuivre audacieusement notre combat contre la droite et la classe dominante.

    Polarisation profonde et prochaines étapes

    Comme c’est le cas dans de nombreuses grandes villes, les loyers montent en flèche à Seattle. Nous avons recueilli plus de 15.000 signatures en faveur du contrôle des loyers alors que nous menions campagne contre la procédure de destitution. Le bureau de Kshama et Socialist Alternative ont aidé les locataires à s’organiser pour lutter avec succès contre les augmentations de loyer dans certains immeubles spécifiques. Nous avons également obtenu cette année des droits historiques pour les locataires qui ont créé un précédent national. Nous allons intensifier ce combat pour des logements de qualité et abordables à Seattle, et nous espérons que ce mouvement dont nous avons désespérément besoin pourra s’étendre à tout le pays, tout comme notre victoire concernant le salaire minimum de 15 dollars de l’heure l’a fait en 2015. Comme toujours, nous ferons face à une opposition déterminée de la part des capitalistes, de l’establishment démocrate, des tribunaux pro-capitalistes, des populistes de droite, et peut-être même de la répression d’Etat. Mais nos victoires témoignent de la façon dont une approche reposant sur la lutte de classe peut surmonter ces obstacles.

    Les grandes entreprises n’étaient pas parvenues à déloger notre bureau socialiste du conseil de ville, bien qu’elles aient mis les bouchées doubles en 2019, Amazon ayant dépensé à elle seule plus de 3 millions de dollars dans l’élection. Cette fois-ci, elles ont fait équipe avec les forces de droite réactionnaires opposées au mouvement Black Lives Matter. Mais elles ne sont toujours pas parvenues à vaincre Kshama et notre mouvement. Elles ne s’arrêteront pas là. Socialist Alternative sera victime de mensonges de plus en plus nombreux, de poursuites judiciaires et même de la répression d’État. Nous avons assisté à une polarisation accrue lors de cette élection. Des activistes de droite déséquilibrés ont harcelé et menacé nos bénévoles avec férocité. L’ancien président du syndicat des flics, Ron Smith, a menacé de « menotter la membre du conseil » alors que les flics de Seattle faisaient campagne pour la destitution de Kshama.

    Pour la première fois depuis plus de 30 ans, un républicain ouvertement revendiqué a été élu le mois dernier au poste de procureur de la ville de Seattle. Cela ne fera qu’enhardir davantage la droite. Comme l’administration Biden ne parvient pas à obtenir des gains réels pour les travailleurs, l’espace pourrait grantir à l’avantage du populisme de droite. Notre victoire illustre comment lutter efficacement contre ce phénomène.

    Malheureusement, de nombreux candidats et militants de gauche tentent de contrer les politiciens de droite en masquant leur différences avec l’establishment démocrate. Cela ne fait que laisser un plus grand espace à la droite pour que celle-ci se présente comme l’alternative « anti-establishment » aux politiques habituelles, à la manière dont Trump et d’autres l’ont fait au niveau national. D’autres militants s’appuient sur des slogans “woke” sans proposer de revendications concrètes susceptibles d’améliorer la vie des travailleurs. Aucune de ces approches n’est efficace.

    L’année dernière, alors que notre campagne socialiste s’est battue pour des revendications populaires comme le contrôle des loyers, les droits des locataires et l’extension de la Taxe Amazon pour des logements abordables, pas un seul de ces candidats démocrate progressiste “woke” n’a fait campagne sur ces questions. Au lieu de cela, ils sont restés sur la défensive face aux attaques de la droite. En conséquence, non seulement les candidats démocrates ont perdu, mais certains d’entre eux, comme Lorena Gonzalez, ont été battus à plates coutures.

    Les socialistes peuvent contrer la droite en luttant sans réserve contre toutes les formes d’oppression et en reliant cette lutte aux revendications qui bénéficient aux travailleurs. Nous devons être prêts à dénoncer les dirigeants d’entreprise et les “progressistes” qui n’offrent aucune solution à la classe ouvrière, tout en organisant la lutte en faveur de politiques claires telles que le contrôle des loyers, l’augmentation des salaires, l’imposition des riches et un programme d’emploi socialiste et écologique.

    Une politique reposant sur le terrain

    Les médias de Seattle et une grande partie de la gauche se concentrent souvent sur l’incroyable « jeu de terrain » (groundgame) de Socialist Alternative pour expliquer les victoires de Kshama. Bien que nous soyons extrêmement fiers de notre effort sans précédent pour convaincre de participer aux élections et pour collecter un million de dollars de fonds de solidarité, tout cela découle directement de notre politique socialiste révolutionnaire dynamique.

    Vaincre les capitalistes exige un mouvement de masse actif. Le soutien passif aux idées socialistes ou à des politiques spécifiques de la classe ouvrière ne suffit pas pour remporter des victoires qui peuvent avoir un impact positif sur nos vies et porter un coup aux comptes en banque des milliardaires. Nous devons nous battre sans ambiguïté pour les besoins des travailleurs, des jeunes et des opprimés afin qu’ils s’investissent eux-mêmes dans la lutte pour la victoire. Cela s’exprime en partie dans les revendications combattives d’une campagne, à l’image de notre revendication d’un contrôle des loyers pour laquelle nous sommes passés à l’offensive malgré le fait que la campagne de solidarité contre la procédure de destitution était par essence une campagne défensive. Nous sommes également passés à l’offensive contre cette attaque de la droite pour souligner à quel point il était crucial pour les travailleurs de conserver la seule voix à l’hôtel de ville prête à se battre pour nous.

    Plus de 1.500 personnes du district 3 de Seattle se sont portées volontaires d’une manière ou d’une autre pour participer à la campagne de solidarité avec Kshama. Beaucoup d’entre elles ont rempli des « cartes d’engagement » pour discuter de l’élection et faire voter au moins trois proches ou collègues. De plus, nous ne nous sommes pas concentrés uniquement sur les électeurs probables. Le taux de participation au référendum révocatoire des 18-25 ans a été bien plus élevé que lors de l’élection générale de novembre ! Cela a été notamment rendu possible grâce à plus de 1.700 nouvelles inscriptions sur les listes électorales grâce à nos efforts ainsi qu’à une orientation vers les étudiants, qui ne votent normalement pas aux élections locales. L’inscription de nouveaux électeurs est particulièrement cruciale pour les locataires, souvent contraints de déménager en raison de la hausse vertigineuse du coût du logement, car Seattle dispose d’un système de vote par correspondance.

    Contrairement aux campagnes électorales de gauche qui promettent des victoires sur base du vote, nous avons répété à tous nos partisans que nous avions besoin qu’ils fassent plus que simplement voter. Nous avons demandé au moins trois fois à tous nos sympathisants rencontrés au porte-à-porte ou en déposant des affiches s’ils étaient prêts à faire un don à la campagne, en insistant sur les dépenses de la droite et des dirigeants d’entreprise. Nous avons battu tous les records pour une élection à Seattle en réunissant plus de 5.000 donateurs directement issus de la circonscription 3.

    Alors que de nombreuses campagnes progressistes se concentrent sur les électeurs « probables », nous avons augmenté le taux de participation dans les logements publics et les communautés marginalisées. Dans un immeuble à forte concentration est-africaine, le taux de participation a été presque dix fois supérieur à celui de l’élection générale ! Nous disposions de matériel de campagne en huit langues et avons mené des actions de sensibilisation spécialisées auprès de nombreuses communautés dont l’anglais est souvent la deuxième langue. De plus, nous avions prévu des stations d’impression de bulletins de vote pour que les travailleurs et les jeunes puissent voter sur place.

    Toutes ces réalisations organisationnelles étaient nécessaires pour gagner, et elles découlent toutes de l’orientation ouvrière du marxisme authentique. De nombreux militants ont également été impressionnés par la discipline de notre campagne qui découle également de notre politique révolutionnaire ; nous savons qu’il faudra une organisation soudée pour vaincre efficacement toutes les forces que le capitalisme nous envoie. Il s’agissait d’une campagne combattive visant à transformer un soutien passif en une lutte active contre les grands propriétaires, les promoteurs immobiliers et les dirigeants d’entreprise qui dominent l’establishment politique. Notre message politique a été un élément décisif de notre victoire.

    Nommer les ennemis de classe

    Tout comme le bureau de Kshama le fait depuis plus de huit ans, nous étions prêts à nommer et à faire honte aux partisans de la procédure de destitution. Alors que de nombreuses campagnes progressistes et même socialistes évitent souvent de polariser la discussion contre nos ennemis de classe et les mauvais dirigeants du mouvement social, nous étions fiers des adversaires que nous nous sommes faits.

    Dès le début, nous avons dit la vérité sur le fait que la procédure de destitution était une campagne de droite, même si cela a mis certaines personnes en colère. Deux des accusations de la campagne de révocation étaient une attaque contre le mouvement Black Lives Matter et les 20 millions de personnes qui ont participé aux manifestations pour demander justice pour George Floyd. L’autre concernait l’utilisation de notre bureau de conseil socialiste pour construire le mouvement Tax Amazon, qui avait connu un grand succès. Trop souvent, les progressistes sont sur la défensive lorsqu’ils sont attaqués par l’establishment politique. Nous avons fait tout le contraire et dit aux gens que Kshama et notre mouvement n’avaient rien à cacher, aucun regret, et que ces accusations étaient de droite. Nous avons souligné le soutien des grandes entreprises pour la destitution et leur motivation à renverser notre réélection en 2019. Nous avons également souligné que les tribunaux ne sont pas du côté des travailleurs et la nature antidémocratique du processus de destitution.

    Alors que les accusations de droite de la campagne de révocation étaient claires tout au long de la campagne, nous avons également utilisé le slogan « révocation de droite » (rightwing recall) sur base de notre prédiction politique de la façon dont la campagne se déroulerait. Alors qu’au départ, la campagne de révocation refusait les dons de donateurs de droite notoires, comme le milliardaire et promoteur immobilier Martin Selig, par ailleurs ardant partisan de Trump. Nous savions qu’ils devraient de plus en plus s’appuyer sur le soutien de la droite étant donné leur base peu profonde à Seattle. Après des mois passés à dire que la procédure était engagée par la droite, leur directeur de campagne, qui ne pouvait pas gérer les questions difficiles des journalistes progressistes, a commencé à apparaître sur des talk-shows de droite pour disposer d’interviews bienveillantes sur une base hebdomadaire. Les donateurs de droite (plus de 130 donateurs de Trump et plus de 500 donateurs républicains) ont commencé à affluer, et ils ont même accepté un nouveau don de Selig lui-même ! L’utilisation du slogan « révocation de droite » dès le début a positionné notre campagne pour scandaliser une couche d’électeurs du « centre mou ».

    Nous avons également prédit que la campagne de révocation aurait recours à la suppression d’électeurs comme seule voie possible vers la victoire. Nous avons recueilli plus de 3.000 signatures pour que la révocation soit inscrite sur le bulletin de vote, avec Kshama signant elle-même la pétition de façon bien visible ! Si nous avons procédé de la sorte, c’était pour dénoncer le plus fortement possible cette campagne de la droite qui a sciemment évité de mettre la question sur le bulletin de vote des élections générales du 2 novembre, lorsque le taux de participation devait être le plus élevé et alors que les habitants de Seattle devaient élire le maire et de nombreux autres postes de la ville et du comté. Cette tactique a permis de démontrer sans l’ombre d’un doute que la campagne de révocation était une tentative de suppression d’électeurs et a donné plus de crédibilité à notre slogan qualifiant la campagne de révocation de droite malgré les objections de nombreux riches libéraux.

    Tout en étant obligés de mener une lutte contre la révocation, nous avons également continué à nous concentrer sur la construction de mouvements sociaux pour les travailleurs et les locataires, même lorsque cela empiétait sur notre campagne de terrain. Le bureau de Kshama et Socialist Alternative se sont mobilisés pour une législation historique sur les droits des locataires en 2021 et ont mené une lutte contre les augmentations de loyer à Rainier Court (un ensemble d’immeubles d’habitation situés en dehors du district de Kshama). En plus de cela, nous avons recueilli plus de 15.000 signatures pour le contrôle des loyers et construit un rassemblement de centaines de personnes par une journée pluvieuse au plus fort de notre lutte contre la procédure de révocation. La lutte des classes ne s’arrête pas, et nous ne faisons pas de pause pour des considérations électorales ; nous savons aussi qu’une ambiance de confiance envers les mouvements sociaux serait de nature à aider les perspectives électorales des socialistes.

    Le rôle de Kshama et de Socialist Alternative dans la grève des charpentiers de l’État de Washington, menée par la base, est peut-être le plus important pour la lutte des classes, mais aussi le plus controversé. Cette grève, dont les dirigeants du syndicat n’ont jamais voulu, a eu lieu après que les travailleurs ont rejeté quatre accords de principe négociés par les permanents du syndicat. Les dirigeants du syndicat ont organisé des piquets de grève inefficaces qui n’ont pas permis de fermer un seul site de travail. Après quelques jours de cette situation, les travailleurs ont commencé à organiser leurs propres piquets de grève militants. Le bureau de Kshama a joué un rôle important dans cette grève, au grand dam de ces dirigeants syndicaux. Si l’issue de la grève n’a pas été une victoire décisive, elle a contribué à ouvrir la voie aux futures batailles syndicales qui s’annoncent, et Kshama est en train d’introduire une législation pour répondre à l’une des demandes des travailleurs : que les patrons paient les frais de stationnement très coûteux de Seattle. Ceux-ci absorbent une part importante du salaire quotidien des travailleurs.

    Socialistes et syndicats

    Nous sommes fiers d’avoir obtenu plus de 20 soutiens syndicaux locaux pour la campagne de solidarité avec Kshama, et cet effort a été soutenu par 600 soutiens de travailleurs de base du mouvement syndical de Seattle. Bien qu’il y ait quelques dirigeants syndicaux combattifs à Seattle, beaucoup d’autres n’ont soutenu notre campagne qu’à contrecœur en raison de la pression exercée par la base. Parfois, même après que les syndicats aient soutenu notre lutte contre la révocation, il fallait une proposition des militants de la base (souvent des membres ou sympathisants de Socialist Alternative) pour que les syndicats investissent des ressources dans la lutte.

    C’est un microcosme de la situation actuelle du mouvement syndical. Des syndicats combatifs sont désespérément nécessaires alors que les milliardaires amassent des richesses pendant que la planète brûle. Le mouvement ouvrier est également plus populaire que jamais, et des signes de lutte émergent. Pourtant, dans pratiquement tous les combats menés pendant le mois d’octobre (surnommé « striketober », une contraction entre « grève » et « octobre »), les dirigeants syndicaux ont freiné la lutte alors que les travailleurs de la base souhaitaient un combat plus déterminé. Comme par le passé, les militants socialistes peuvent jouer un rôle important dans le monde du travail si nous offrons une voie claire pour gagner. Cela signifie qu’il ne faut pas hésiter à critiquer les dirigeants syndicaux lorsqu’ils commettent des erreurs ou trahissent carrément la classe ouvrière.

    Socialist Alternative était fière de présenter une résolution à la convention nationale des Socialistes Démocrates d’Amérique (DSA) l’été dernier, arguant que les dirigeants syndicaux sont le principal obstacle qui empêche le mouvement de progresser. Bien que notre résolution n’ait finalement pas été adoptée, les événements ont prouvé que cette perspective était correcte. Bien que Kshama soit une présence constante dans les luttes des travailleurs de Seattle, une pression énorme a été exercée sur elle au fil des ans pour qu’elle modère ses critiques à l’égard des dirigeants syndicaux. Cependant, les socialistes ont le devoir d’indiquer le chemin de la victoire dans chaque mouvement, même si cela conduit à des débats acerbes.

    Les dirigeants syndicaux combattifs dont l’approche repose sur la lutte des classes, même lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec Socialist Alternative, ne craignent pas la critique lorsqu’ils valorisent un débat ouvert et honnête dans notre mouvement. Cependant, de nombreux dirigeants syndicaux, même ceux des syndicats qui ont soutenu la campagne de solidarité de Kshama, n’étaient pas d’accord avec notre approche de la grève des charpentiers, des travailleurs d’UPS avant cela ou encore notre opposition au contrat du syndicat des flics qui était largement contesté par les dirigeants des communautés marginalisées.

    Certains des dirigeants syndicaux les plus conservateurs, en particulier dans les métiers du bâtiment, ont ouvertement soutenu la campagne de révocation. Ils ont même aidé à mettre en place un CAP pour tenter de destituer Kshama et ont fait des dons aux mêmes CAP que les patrons du bâtiment détestés, l’Associated General Contractors of America. Nous avons publiquement dénoncé ces dirigeant et avons clairement exprimé nos désaccords. De nombreux responsables syndicaux ont vivement désapprouvé notre approche. Cependant, nous avons pour principe de dire la vérité à la classe ouvrière, et nous le ferons à nouveau.

    Malheureusement, l’approche combative adoptée par Socialist Alternative pour reconstruire un mouvement ouvrier combatif contraste avec une grande partie de la gauche. Par exemple, la campagne d’India Walton pour la mairie de Buffalo a été sapée par la direction du syndicat qui a massivement soutenu son adversaire sortant. Au lieu de construire agressivement le soutien de la base pour s’opposer aux dirigeants syndicaux conservateurs, sa campagne a reculé devant ce combat et n’a pas réussi à polariser suffisamment contre l’establishment démocrate. Au lieu de cela, Mme Walton s’est concentrée sur la promotion de son soutien à Chuck Schumer, démocrate de premier plan et complice des entreprises, dans les dernières semaines de la campagne.

    Le rôle honteux des responsables démocrates

    Kshama se présente ouvertement comme membre de Socialist Alternative, et elle est connue pour son plaidoyer en faveur d’un nouveau parti de masse des travailleurs et d’une rupture claire avec les démocrates. Sur cette base, nous avons néanmoins remporté le soutien écrasant des militants démocrates locaux dans le 43e district législatif, par une majorité de 83%. Seattle est quelque peu unique en ce sens que les structures locales du parti démocrate ont réellement des militants. Nous y avons trouvé un certain soutien pour les idées socialistes au fil des ans. Ce n’est pas le cas des partis démocrates de la plupart des villes qui sont souvent des coquilles vides sans militants qui ne servent que les besoins des politiciens carriéristes.

    Kshama et Socialist Alternative sont également fiers d’avoir reçu le soutien de Bernie Sanders, Noam Chomsky et d’autres personnalités nationales, en plus des racines profondes que nous avons dans le district 3 et dans le reste de Seattle.

    Malgré le soutien important des électeurs et des militants démocrates de base, nous avons été confrontés au silence de la plupart des élus démocrates (à quelques exceptions près au niveau de l’État et du comté). Il est honteux que pas un seul membre démocrate du conseil de ville n’ait soutenu Kshama, pas même les démocrates progressistes comme Tammy Morales et Teresa Mosqueda. Et ce, malgré les tentatives répétées de notre campagne et les efforts de bonne foi pour travailler avec les progressistes là où nous sommes d’accord. En même temps, Kshama n’a jamais retenu ses critiques lorsqu’elles étaient justifiées, et nous pensons que d’autres élus devraient faire de même lorsqu’ils sont confrontés à des démocrates progressistes qui ne défendent pas systématiquement les travailleurs.

    Les démocrates progressistes ont fait piètre figure lors des élections de novembre à Seattle. Les travailleurs en ont assez des mots à la mode “woke” des politiciens qui ne sont pas liés à des demandes concrètes comme le contrôle des loyers et l’imposition des riches. Les démocrates de l’establishment ont saisi l’ouverture, soutenus par des millions de dollars de CAP d’entreprises. Alors que les représentants des entreprises, comme le maire élu Bruce Harrell, se sont appuyés sur la répression pour faire face à la crise du logement à Seattle, la progressiste Lorena Gonzalez, soutenue par les travailleurs, n’a pas réussi à fournir un semblant d’alternative, et a fini par faire une série de gestes désespérés qui se sont retournés contre elle. Gonzalez a non seulement évité de mentionner le contrôle des loyers ou d’autres demandes de la classe ouvrière, mais elle n’a pas non plus défendu le mouvement Black Lives Matter. Elle a également refusé de dénoncer le soutien des grandes entreprises et le soutien massif des CAP à son adversaire, probablement parce qu’elle ne voulait pas se mettre à dos les grandes entreprises. Harrell a remporté une victoire écrasante.

    Leçons pour les DSA

    Malheureusement, les candidates soutenues par les DSA, Nikkita Oliver et Nicole Thomas-Kennedy, ont toutes deux perdu à Seattle en novembre. Nicole Thomas-Kennedy a été battue par un républicain (le premier élu de Seattle en 30 ans) pour le poste de procureur de la ville, et cela a été alimenté en partie par la réaction de la droite contre BLM. Nikkita Oliver, dirigeante du mouvement BLM soutenue par Kshama, a également perdu sa course, cette fois face à un démocrate de l’establishment. Malheureusement, Nikkita Oliver n’a pas vraiment fait campagne sur le contrôle des loyers, sur la taxation des grandes entreprises ou sur d’autres revendications de la classe ouvrière, se contentant de slogans vagues.

    Il est clair que ce qui s’est passé à Seattle, avec le contraste entre les résultats des élections de novembre et de décembre, contredit les affirmations de certains membres du mouvement socialiste selon lesquelles la politique indépendante en dehors du parti démocrate est une “condamnation à mort”. Les deux candidats (Oliver et Thomas-Kennedy) qui bénéficiaient du soutien de l’establishment démocrate progressiste de Seattle ont perdu, et la marxiste indépendante, Kshama Sawant, a gagné. Bien que l’indépendance politique ne se traduise pas nécessairement par un succès électoral, cela démontre qu’il est faux de dire que se présenter en tant que démocrate est une voie plus facile pour obtenir un changement socialiste. Et cela ne se limite pas aux élections – le fait d’éviter de contrarier les grandes entreprises et l’establishment politique pendant les élections se poursuit pratiquement toujours par un échec dans la construction de mouvements et la lutte pendant le mandat. Notre seul bureau de conseil marxiste à Seattle a remporté plus de gains historiques significatifs pour les travailleurs, comme le salaire minimum de 15 dollars et la taxe Amazon, que n’importe quel autre élu socialiste autoproclamé, y compris ceux qui ont les ressources et les plateformes d’un bureau national.

    En dernière analyse, le parti démocrate est une barrière pour les travailleurs, les opprimés et les jeunes qui tentent de changer la société. Kshama se présente indépendamment des Démocrates pour être un exemple brillant qu’un parti de la classe ouvrière est possible et nécessaire. Au lieu de promettre des réformes si elle est élue, Socialist Alternative pointe toujours vers les mouvements qui seront indispensables pour remporter des victoires.

    L’élection du maire de Buffalo en novembre montre également que les socialistes ne peuvent pas avoir un “raccourci” vers le succès en se présentant aux primaires du parti démocrate. India Walton a gagné la primaire contre le titulaire, mais a été battue dans l’élection générale par une campagne menée par ce même titulaire !

    Les DSA s’efforcent de trouver un moyen de tenir les élus responsables, comme le montre la récente trahison de Jamal Bowman et le débat continu à ce sujet au sein des DSA. Cela devrait être une discussion continue, et de simples réponses organisationnelles ne seront pas suffisantes. Une analyse approfondie et un plan d’action sont nécessaires pour que les socialistes utilisent efficacement les fonctions électives pour construire des luttes fructueuses et ouvrir la voie à un nouveau parti de masse de la classe ouvrière. Socialist Alternative aimerait approfondir sa contribution à cet important débat au sein des DSA et de la gauche au sens large, et notre travail et notre expérience à Seattle nous donnent un aperçu unique de cette discussion.

    Vers la victoire finale

    Bien qu’il y ait actuellement une accalmie dans les manifestations de rue, la société est profondément polarisée et des luttes de masse sont à l’horizon. La gauche socialiste peut se développer si nous indiquons une voie à suivre pour le mouvement ouvrier et la lutte contre la menace populiste croissante de la droite.

    Concrètement, le droit à l’avortement est directement menacé. Les socialistes doivent être à l’avant-garde de la lutte pour défendre et étendre les droits reproductifs. Si la gauche reste à l’écart des mouvements ouvriers et féministes en 2022, elle sera conduite dans des impasses et des défaites par les démocrates et les bureaucrates. Au lieu de cela, les socialistes devront faire des propositions audacieuses et concrètes pour élargir une lutte prête à prendre les mesures déterminées pour perturber le système capitaliste.

    Ce ne sont pas seulement les élections, mais la lutte de classe et sociale, qui peuvent jeter les bases d’un nouveau parti pour les travailleurs. Les travailleurs produisent tout, distribuent tout, construisent tout, nettoient tout, soignent les malades, enseignent aux enfants et fournissent tous les services. Ce système ne peut pas bouger sans nous. Nous pouvons le mettre à plat et construire un nouveau monde basé sur les besoins de l’humanité et de la planète, et non sur la cupidité de quelques-uns. Au niveau international, nous avons besoin d’un monde basé sur la solidarité et la démocratie, dans lequel les grandes entreprises et les ressources du monde sont détenues et contrôlées démocratiquement. Nous pouvons gagner un monde socialiste si nous nous organisons, et cette élection est une contribution importante mais modeste à ce processus.

    Comme l’a dit Kshama en annonçant notre victoire, “Si une petite organisation socialiste révolutionnaire peut battre les entreprises les plus riches du monde ici à Seattle, encore et encore, vous pouvez être sûrs que le pouvoir organisé de la classe ouvrière au sens large peut changer la société.” Rejoignez-nous !

  • Seattle. “Les riches ont joué leurs meilleures cartes contre nous, et nous les avons battus. Une fois de plus.”


    Voici ci-dessous, le texte du discours de Kshama Sawant prononcé lors de la conférence de presse du 10 décembre annonçant l’initiative de revue du scrutin par la Campagne de Solidarité avec Kshama (Kshama Solidarity Campaign). Cette campagne avait été lancée suite à la procédure de destitution engagée à son encontre par la droite et les grandes entreprises de Seattle.

    Tout d’abod, félicitations aux travailleurs de Starbucks pour le succès de leur campagne de syndicalisation (qui a tout récemment imposé la présence syndicale pour la toute première fois dans l’entreprise aux Etats-Unis, NdT). C’est un signe annonciateur de la période à venir.

    Aujourd’hui, l’ancien PDG de Starbucks et résident du district 3 de Seattle (circonscription en jeu pour la procédure de révocation de Kshama Sawant, NdT), Howard Schultz, a passé une très mauvaise journée. Entre les travailleurs de Starbucks qui commencent à se débarrasser de leurs chaînes et notre victoire apparente ici à Seattle, les nouvelles ont été terribles pour la classe capitaliste.

    Le dépouillement du scrutin d’hier après-midi a montré que notre campagne socialiste à Seattle a pris une avance de 232 voix.

    Il semble bien que nous ayons vaincu les efforts combinés des grandes entreprises, de leurs médias, de la droite, des tribunaux et de l’establishment politique – qui cherchaient par tous les moyens à éliminer notre présence socialiste au conseil de la ville de Seattle (conseil où ne siègent que 9 élus et le maire pour la gestion d’une ville de 740.000 habitants, NdT).

    En d’autres termes, les riches et leurs représentants en politique et dans les médias ont joué leurs meilleures cartes contre nous, et nous les avons battus. Une fois de plus.

    Comment avons-nous fait cela ? Nous avons gagné parce que nous n’avons pas reculé.

    Nous n’avons pas reculé dans notre position socialiste au conseil de ville. Au contraire, nous sommes passés à l’offensive, et cette année, nous avons remporté certaines des victoires les plus importantes pour les droits des locataires.

    Nous n’avons pas reculé dans la lutte des travailleurs : nous avons mis nos ressources et notre engagement total à la disposition des courageux syndicalistes de base du syndicat des charpentiers du Pacifique Nord-Ouest. Nous l’avons fait alors que la direction de leur syndicat a honteusement refusé de se battre et a attaqué publiquement notre siège au conseil de ville en nous accusant d’interférence. Si soutenir les travailleurs syndiqués dans leurs efforts pour combattre les patrons est une interférence, alors je plaide coupable. Je suis une interférente.

    Il existe également de bons et courageux dirigeants syndicaux, et nous devons travailler à leurs côtés. Les travailleurs n’ont pas d’autre choix que de reconstruire un mouvement syndical combatif, et si certains dirigeants syndicaux conservateurs veulent s’y opposer, nous ne pouvons pas les laisser nous arrêter.

    Nous n’avons pas reculé d’un pouce dans notre campagne électorale socialiste pour vaincre cette tentative de révocation lancée par la droite, une campagne raciste soutenue par les grandes entreprises. Nous avons combattu les attaques sans fin des médias capitalistes, en particulier le Seattle Times.

    Encore une fois, nous avons lutté contre les quantités massives d’argent des grandes entreprises. Un million de dollars. Je ne parle pas seulement de l’argent des Comités d’Action Politique (structures privées dont le but est d’aider ou de gêner des élus, ainsi que d’encourager ou de dissuader l’adoption de certaines lois, NdT), mais aussi des énormes sommes d’argent des entreprises qui sont allées directement à la campagne pour la révocation, avec plus de 500 riches républicains, 850 millionnaires, plus de 100 PDG et cadres supérieurs, de même que tout un Who’s Who du secteur de l’immobilier.

    Nous avons surmonté les obstacles posés par la Cour suprême de l’État de Washington, qui a non seulement permis à cette campagne de révocation injuste de se poursuivre, mais a également retardé sa prise de décision de façon à permettre au vote de se tenir en décembre (entre Thanksgiving et Noël, la pire période pour la participation à une élection, NdT) afin de priver de leurs droits les travailleurs, les locataires et les personnes de couleur.

    Et nous devons être clairs : la suppression des électeurs a eu un effet réel. En 2019, nous avons également eu une forte campagne pour inciter les gens à voter – bien qu’elle n’ait pas été aussi forte que cette fois-ci – et la participation a été de 60 % dans notre district. Cette fois-ci, elle n’est que de 53 %. S’il n’y avait pas eu de suppression flagrante d’électeurs, nous aurions gagné avec une marge bien plus importante. Le résultat n’aurait même pas été serré.

    Mais même cette fois-ci, sous la pluie battante de décembre et lors d’une élection sans précédent en période de fêtes, le résultat de ce vote n’était PAS du tout serré en ce qui concerne les votes de la classe ouvrière, des personnes de couleur et des jeunes. Dans tous les bureaux de vote avec des majorités claires de travailleurs, nous avons remporté des marges massives. Y compris dans cette circonscription. Des majorités de 70%, 80%, et plus.

    Ce fut vrai à chacune de nos élections. Les travailleurs soutiennent massivement nos politiques socialistes.

    Cela s’est reflété non seulement dans le vote, mais aussi dans le fait que nous avons réuni 1.500 bénévoles ou encore dans notre collecte de fonds record.

    Cette victoire n’aurait pas été possible sans l’énorme abnégation de nos bénévoles, des socialistes et des travailleurs. Nous avons fait campagne pendant des heures sous la pluie battante, dans le froid et les vents violents, au cours du mois de novembre le plus pluvieux de l’histoire de Seattle. Et ce n’est pas seulement leur sacrifice personnel, mais la clarté politique des idées socialistes qui a guidé tous leurs efforts pour remporter cette victoire historique pour la classe ouvrière.

    En fin de compte, la suppression d’électeurs n’a pas suffi. Il n’est donc pas surprenant que le bureau éditorial du Seattle Times souhaite maintenant davantage de suppression d’électeurs à l’avenir, et n’hésite pas à adopter ouvertement cette position digne de Trump.

    Si la classe dirigeante veut changer les lois de ce pays prétendument dans l’intérêt de la démocratie, elle devrait commencer par la loi de rappel de l’État. Ce système permet aux tribunaux de protéger les politiciens de l’establishment contre la révocation tout en ouvrant la voie à la révocation des politiciens de la classe ouvrière. Ils devraient faire en sorte que TOUS les politiciens soient soumis à un rappel démocratique, au lieu de cette parodie totale de démocratie qui vient d’avoir lieu.

    Les démocrates progressistes ont perdu du terrain au conseil de ville. L’élection de Sara Nelson va enhardir les grandes entreprises. Elle sera l’excuse pour ces nombreux démocrates présents au Conseil qui veulent faire glisser la politique de Seattle vers la droite. Nous ne pouvons pas les laisser faire.

    Il y a sans aucun doute d’énormes différences entre la socialiste que je suis d’une part, et les membres progressistes du conseil Teresa Mosqueda, Tammy Morales et Lisa Herbold d’autre part. Mais je leur demande instamment, ainsi qu’à notre bureau socialiste, d’agir de manière unie en tant qu’aile progressiste du conseil de ville pour lutter contre les attaques des grandes entreprises et passer à l’offensive en faveur des travailleurs.

    Si l’objectif des démocrates progressistes était réellement de se battre sans ambiguïté pour les travailleurs, je les rejoindrais volontiers. Je les rencontrerais dès aujourd’hui pour élaborer une stratégie offensive en faveur du contrôle des loyers, de logements abordables pour toutes et tous ou encore pour combattre le racisme institutionnel dans cette ville.

    Leur choix leur appartient. Et tous les mots doux et les fleurs de notre part ne les inciteront pas à agir de la sorte.

    Si l’on se fie à l’histoire, les démocrates progressistes « wokes » vont plutôt s’allier à la nouvelle administration du maire Bruce Harrell et chercher à apaiser les grandes entreprises dans les mois à venir. C’est d’ailleurs déjà le cas. Le conseiller Mosqueda a honteusement rejoint l’équipe de transition du maire. Cela en dit long. Les autres démocrates progressistes donnent également toutes sortes d’indications qu’ils ont l’intention de suivre cette voie.

    En tant que travailleurs, nous devons tirer les véritables leçons de ce combat.

    L’une d’elles est que les démocrates du conseil de ville de Seattle ne sont pas de votre côté, ils ne sont pas du côté de la classe ouvrière. Au mieux, ce sont des libéraux progressistes wokes qui vous diront parfois ce que vous voulez entendre lorsqu’ils ressentent la pression de la rue, mais leur bouche relayera également la volonté des grandes entreprises.

    Pas un seul des progressistes du conseil de ville, en fait pas un seul des huit démocrates, n’a prononcé un seul mot contre cette procédure de destitution de la droite en dépit de l’enjeu pour la classe ouvrière dans ce combat. Cela devrait vous dire tout ce que vous avez besoin de savoir sur eux.

    Mais c’est plus que cela. Au lieu de se tenir aux côtés de nos mouvements, ils nous ont combattus à chaque étape du processus. Gonzalez et d’autres démocrates ont utilisé des moyens bureaucratiques pour tenter de mettre fin à notre mouvement en faveur de la Tax Amazon l’année dernière (une taxe sur les multinationales présentes à Seattle de manière à subventionner des logements pour sans-abris et d’autres mesures liée au logement abordable, NdT). Il y a deux mois à peine, pas un seul de ces progressistes ne m’a soutenu, ne serait-ce que pour présenter notre projet de loi visant à faire payer aux patrons le stationnement des ouvriers du bâtiment, l’une des principales revendications de leur grève. En plus de cela, Gonzalez, en tant que président du Conseil, a menacé de me mettre en sourdine lors d’une réunion du Conseil en ligne. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.

    J’aimerais que ce ne soit pas vrai, mais ça l’est. Nous avons besoin de plus de socialistes au Conseil de ville pour se battre du côté des travailleurs. Et, plus important encore, nous devons construire nos mouvements de lutte. C’est ainsi que les choses changeront. Je sais que certains n’aiment pas entendre cela, mais c’est mon devoir politique de le dire.

    Nous avons besoin d’unité, mais l’unité dont nous avons besoin est celle de la classe ouvrière, de la jeunesse et des personnes opprimées. Nous avons besoin d’unité avec toutes elles et ceux qui sont prêts à se battre pour que le logement soit un droit humain, pour un New Deal vert socialiste et pour mettre fin au racisme et au sexisme. L’unité avec l’establishment politique ne signifie qu’une chose : la trahison.

    Si je devais tenir ma langue lorsque les politiciens démocrates trahissent les travailleurs, comme ils l’ont fait avec l’abrogation tout à fait honteuse de la première taxe Amazon en 2018, j’aurais moi-même trahi la classe ouvrière.

    C’est ce que cela signifie quand on ne s’exprime pas. En choisissant ce qu’il faut dire et ce qu’il faut laisser de côté, un élu choisit un camp. Si je ne dénonçais pas les démocrates quand ils vendent les travailleurs, je deviendrais moi-même une partie du problème, une partie de la trahison.

    Les démocrates présents au Conseil pourraient faire des choix différents. Je souhaite qu’ils le fassent, et j’espère qu’ils le feront, mais je ne retiens certainement pas mon souffle. Et vous ne devriez pas non plus. En fait, je vous appelle à arrêter de le faire. Il est temps d’agir. Il est temps de se battre pour le contrôle des loyers. Il est temps de reconstruire un mouvement ouvrier combatif. Il est temps d’avoir un système de santé pour tous. Nous avons du travail aujourd’hui, nous n’avons pas de temps à perdre à entretenir des illusions sur les politiciens acquis à la cause des patrons, même s’ils parlent bien. Ce que nous gagnerons ou ne gagnerons pas reposera sur l’unité que nous construirons au sein de la classe ouvrière. De cela dépendra la force de notre mouvement.

    Mais les grandes entreprises ont pratiquement balayé les élections de novembre à Seattle et ont remporté de grandes victoires au niveau national. Pourquoi donc ?

    Alors que les grandes entreprises ont soutenu de tout leur poids les candidats de la « loi et de l’ordre », les démocrates progressistes ne sont pas parvenus à mener campagne autour des problèmes rencontrés par la classe ouvrière. Pourquoi des démocrates comme Lorena Gonzalez n’ont-ils rien offert à la classe ouvrière ? Pourquoi ne se sont-ils pas battus pour le contrôle des loyers, pour l’extension de la taxe Amazon pour construire des logements abordables, ou pour toute autre revendication de la classe ouvrière ? Pourquoi ont-ils laissé l’élection être définie par l’opposition de droite au mouvement Black Lives Matter ? Pourquoi n’ont-ils pas dénoncé le soutien des grandes entreprises à leurs adversaires. Les grandes entreprises ont utilisé 2 millions de dollars pour acheter ces élections.

    Si l’élection de Gonzalez s’est soldée par un échec, c’est parce qu’elle n’a jamais présenté de revendications combatives – elle a fait campagne sur la défensive – sans vouloir souligner que son adversaire était la candidate préférée des grandes entreprises. Et c’est parce qu’elle ne veut pas se mettre à dos ces grandes entreprises précisément.

    Le parti démocrate n’est pas un parti de la classe ouvrière mais plutôt un parti des milliardaires. Même son aile progressiste veut en fin de compte faire la paix avec les grandes entreprises. Elle se limiter à apporter des changements largement symboliques dans le cadre du statu quo.

    Les démocrates sont évidemment différents du parti républicain, de plus en plus franchement réactionnaire. Mais cela ne suffit pas.

    Je suis une marxiste. C’est-à-dire que je suis une socialiste scientifique. Cela signifie que je ne m’engage pas dans les vœux pieux ou l’impressionnisme politique qui sont le fonds de commerce des progressistes libéraux. Je me base – comme tous mes camarades de Socialist Alternative – sur la réalité matérielle, sur le matérialisme historique – qui est l’étude de l’histoire à travers une lentille scientifique. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas tirer les leçons des erreurs et des victoires passées de la classe ouvrière. Nous n’avons tout simplement pas le temps de le faire.

    L’une des conclusions tirées par Karl Marx dans son étude de la lutte des classes est que la classe ouvrière a besoin de son indépendance politique, de ses propres candidats et de son propre parti politique. Elle ne peut partager son parti politique avec les capitalistes.

    Et il est grand temps que nous dressions le bilan du parti démocrate, qui est un parti raté, pourri de part en part. Il n’a jamais été le parti des travailleurs. Le New Deal de Roosevelt est né de l’action d’un mouvement ouvrier combattif, guidé par des socialistes et des idées socialistes, qui ne lui a laissé aucun autre choix que d’agir. Roosevelt a dit aux capitalistes de son époque : “Je suis le meilleur ami du capitalisme américain”.

    Nous avons juré de mettre sur pied la plus grande campagne de mobilisation électorale que Seattle ait jamais connue, et c’est exactement ce que nous avons fait. Mais nous n’avons pas fini. Il y a maintenant environ 600 votes qui ont été contestés, en raison de signatures manquantes ou qui ont été laissés incomplets par inadvertance. Notre campagne va mener l’effort nécessaire pour s’assurer que le vote de chaque travailleur compte dans cette élection, tout comme nous nous sommes battus pour le faire ces dernières semaines. Nous allons commencer cette campagne de protection des électeurs aujourd’hui, juste après cette conférence de presse.

    Nous avons maintenant devant nous une réelle opportunité de gagner le contrôle des loyers. Cette victoire témoigne de l’énorme soutien dont bénéficie le contrôle des loyers dans ce district, à Seattle et au-delà. Nous avons recueilli plus de 15.000 signatures cet été pour le contrôle des loyers, alors que nous étions déjà engagés dans cette procédure de révocation de la droite. Nous devons passer à l’offensive l’année prochaine pour que cela se produise. Comme notre victoire à la réélection de 2019 a créé l’élan dont nous avions besoin pour gagner la taxe historique sur Amazon, la défaite de la droite dans cette procédure de destitution représente un vent dans nos ailes pour faire passer cette législation à Seattle et l’imposer aux démocrates.

    Enfin, j’ai un message pour les travailleurs. Cette victoire vous a été apportée par les idées politiques et la clarté de Socialist Alternative, comme l’ont été toutes nos victoires électorales passées, comme l’ont été le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, la taxe Amazon et les droits obtenus pour les locataires. Point final. Si vous voulez sérieusement vous battre pour obtenir des gains pour les travailleurs, vous devriez sérieusement envisager de rejoindre Socialist Alternative. Vous le devez à vous-même, vous le devez à la classe ouvrière.

    Si une petite organisation socialiste révolutionnaire peut battre les entreprises les plus riches du monde ici à Seattle, encore et encore, vous pouvez être sûrs que la force organisée de la classe ouvrière au sens large peut changer la société.

  • Alternative Socialiste Internationale a fait retentir le besoin urgent d’un changement socialiste pour le climat à la COP26

    « Un homme s’est fixé l’objectif d’arrêter l’alcool dans 29 ans, en 2050, grâce à une méthode par paliers où il ne changera rien pendant 20 ans tout en bénéficiant de crédits d’alcool pour les années où il n’a pas bu, ce qui pourrait déplacer sa date de fin de consommation vers 2065. En attendant, il s’est déjà acheté un second frigo à bières qu’il décrit comme une méthode de ‘capture et stockage’ » La blague circule en plusieurs langues sur internet et synthétise parfaitement la « politique » dominante actuelle en matière de lutte contre la crise climatique. Tout porterait effectivement à rire si la situation n’était pas aussi dramatique.

    S’adressant à la foule à la suite de la manifestation du vendredi 5 novembre à Glasgow, Greta Thunberg a parlé de la COP26 comme d’un échec, une « célébration du ‘business as usual’ et du blabla », un « festival de greenwashing ». Six ans après l’accord de Paris qui visait à limiter le réchauffement de la planète bien en deçà de +2°C, si possible +1,5°C, nous nous dirigeons vers un réchauffement catastrophique de +2,7°C selon l’ONU. Ces 6 années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et les avertissements retentissent les uns après les autres. Mais l’inaction criminelle des dirigeants du monde se poursuit.

    Durant la première semaine de la COP26, il a plu des déclarations optimistes sur la déforestation, la sortie du charbon ou encore la levée de milliards de dollars pour des investissements verts. Comme l’explique Mohamed Adow, directeur du groupe de réflexion sur le climat Power Shift Africa basé à Nairobi, il y a « deux réalités » : « L’une est le monde des communiqués de presse du gouvernement britannique annonçant une multitude d’initiatives, suggérant que tout va bien et que nous avons presque résolu la crise climatique. L’autre réalité est hors de cette bulle de relations publiques. Le climat, ce sont les faits. »

    Comme pour illustrer toute l’hypocrisie du sommet, l’industrie fossile compte la plus grosse délégation à la COP26, avec 503 délégués, largement devant les pays les plus impactés par le changement climatique. Plus de 400 jets privés ont été mis à disposition pour amener diverses personnalités à Glasgow. Parmi elles se trouve le milliardaire Jeff Bezos, qui avait récemment fait part de sa solution pour le climat : « Nous devons déplacer toutes les industries lourdes, toutes les industries polluantes dans l’espace. » Qu’un pareil personnage soit invité à participer au sommet de l’ONU sur le climat est en soi une illustration de ce que nous avons à en attendre. La pollution causée par ces ultra-riches et VIP capitalistes produira plus de gaz à effet de serre que 1600 Écossais en un an… uniquement pour leur arrivée ! Contrairement à ce que les décideurs politiques et les médias dominants tentent de nous faire croire, nous ne sommes pas toutes et tous égaux face à la crise climatique. Là aussi, il y a deux réalités.

    D’un côté l’on trouve les criminels climatiques qui possèdent les leviers de l’économie et qui décident en toute connaissance de cause de continuer à sacrifier la Terre et l’humanité au profit des actionnaires. De l’autre celles et ceux qui subissent et subiront le plus durement les conséquences de la crise climatique alors que ce sont celles et ceux dont le travail, avec la nature, est source de toutes richesses.

    Contre le gaspillage de l’économie de marché, la planification démocratique socialiste

    Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge) avait mobilisé un imposant contingent international (d’environ 300 militantes et militants) afin de défendre une alternative face au chaos et au gaspillage de l’économie de marché. Une économie socialiste démocratiquement planifiée pourrait radicalement changer la situation en quelques mois à peine. Quelques exemples :

    • 12% des émissions totales de CO2 proviennent du transport routier. En investissant massivement dans des transports publics gratuits, en transportant les marchandises par rail et en empêchant que le transport maritime mondial soit utilisé comme un moyen de réduire les coûts de la main-d’œuvre, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire.
    • 6 % des émissions proviennent de la déforestation et des incendies. La déforestation pourrait être rapidement transformée en son contraire, tandis que les incendies pourraient être réduits grâce à la gestion des forêts, à une planification urbaine plus responsable et à des investissements publics dans les services de lutte contre les incendies.
    • L’industrie et les entreprises énergétiques d’aujourd’hui créent d’énormes émissions (environ 10 % des émissions) exclusivement par des processus inefficaces. Avec une économie planifiée qui élimine les déchets inutiles et avec des investissements permettant d’économiser l’énergie, ces émissions pourraient être réduites de façon spectaculaire.
    • 17,5 % des émissions proviennent de l’énergie utilisée dans les bâtiments. Il n’en resterait quasiment rien avec un ambitieux plan public d’isolation des bâtiments quartier par quartier.
    • Des structures capitalistes entières et des industries extrêmement destructrices pourraient être démantelées : l’industrie de l’armement, l’industrie publicitaire et la spéculation financière par exemple.
    Salle comble le samedi soir pour notre meeting international…. et même plus encore ! Une autre salle a dû être mise à disposition à l’étage inférieur, où le meeting a été retransmis.

    La faillite du capitalisme de plus en plus généralement acceptée

    Les militantes et militants d’ASI n’ont pas économisé leurs efforts pour faire entendre ce message en Ecosse lors des deux grandes manifestations qui se sont tenues à Glasgow les 5 et 6 novembre et lors d’une action à Édimbourg le 5 novembre à l’aide de stands ; de la vente du journal de nos camarades d’Angleterre, du Pays de Galles et d’Ecosse ; de la distribution de tracts ; d’un grand meeting ;… et d’imposantes délégations dans les manifestations de Glasgow.

    A Glasgow, le « School strike for future » du vendredi et ses quelques dizaines de milliers de manifestants était un parfait échauffement pour la manifestation du samedi qui a réuni pas moins de 100.000 personnes. Dans ces 2 cortèges, il était difficile de manquer nos délégations dynamiques qui ont regroupé plusieurs centaines de personnes à chaque fois. Le dynamisme et la détermination de ces contingent s’est reflétée dans l’excellente couverture médiatique dont nous avons bénéficié (et dans nombre d’extinctions de voix parmi les camarades). Nous avons tenté autant que faire ce peu de traduire nos idées en action et d’imposer notre marque sur les événements, ce qui s’est révélé payant.

    Près de 80 personnes sont parties de Belgique pour rejoindre la délégation d’ASI.

    Après la manifestation du vendredi, un podium a réuni divers orateurs et oratrices, dont Greta Thunberg. Nous avons également pu prendre la parole et notre camarade Amy Ferguson, une syndicaliste d’Irlande du Nord, qui a brillamment expliqué quel rôle pouvait jouer la classe ouvrière dans la lutte contre la crise climatique. Ce même jour, nous avons également manifesté à Édimbourg et rejoint des étudiants et étudiantes du secondaire en grève devant le parlement écossais qui, avec le gouvernement écossais (à l’image des politiciens capitalistes du monde entier) continue à laisser les grands pollueurs tranquilles. Le samedi soir, un meeting international intitulé « Le capitalisme tue la planète, luttons pour une transformation socialiste de la société » a réuni plusieurs centaines de personnes à la suite de la manifestation de Glasgow. Dans toutes ces activités, nous avons pu constater à quel point la compréhension de l’incapacité du capitalisme à offrir une issue face à cette crise a grandi et est plus généralement acceptée.

    Cette intervention historique de la part de notre internationale fera date dans la mémoire de tous les participantes et participants. Au-delà de notre intervention dans le mouvement pour le climat – en cherchant à orienter celui-ci vers la classe ouvrière et des solutions liées à la nécessité d’une transformation socialiste de la société – des pas de géant ont été fait pour « internationaliser notre internationale » et approfondir les échanges entre camarades des différentes sections à la suite d’années notamment marquées par les confinements. Nous remercions toutes et tous les camarades dont les efforts ont permis cet éclatant succès et vous invitons à y participer à votre échelle en participant au « fonds Glasgow » qui a permis d’assister près de 80 jeunes à partir de Belgique pour rejoindre l’Ecosse.

    Manifestation du vendredi 5 novembre à Glasgow

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    Manifestation du samedi 6 novembre à Glasgow

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    Action à Edimbourg le vendredi 5 novembre

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  • « Nos revendications sont modérées, nous voulons juste la Terre »

    Délégation d’ASI à la manifestation du samedi à Glasgow.

    Vendredi, une grande manifestation a eu lieu à Glasgow en marge de la COP26 à l’appel de Fridays for Future avec la participation de milliers d’étudiants du secondaire et du supérieur. Ce cortège très dynamique était un parfait échauffement pour la grande manifestation qui a eu lieu le lendemain. Greta Thunberg figurait parmi les orateurs qui se sont succédé au podium à la fin de la manifestation. Avant qu’elle ne prenne la parole, notre camarade Amy Ferguson, une syndicaliste d’Irlande du Nord membre d’Alternative Socialiste Internationale. Voici ci-dessous son discours traduit en français et la vidéo de son intervention.

    « Mon nom est Amy Ferguson. Je suis militante syndicale de Unite Hospitality en Irlande du Nord et je suis également membre d’Alternative Socialiste Internationale.

    « Cette semaine, Boris Johnson a admis que les réunions internationales comme le G20, et j’ajouterais la COP26, ne sont que des gouttes d’eau dans un océan surchauffé. Ces prétendus dirigeants du monde et leurs sponsors du secteur des combustibles fossiles ont eu des décennies pour agir, mais ils n’ont toujours rien à nous offrir, si ce n’est du greenwashing capitaliste. Ils continuent leurs affaires comme si de rien n’était et nous devons l’accepter parce qu’ils plantent quelques arbres ? C’est le mieux qu’ils puissent nous offrir. Il suffit de gratter la fine couche de vernis de leur rhétorique pour voir à quel point celle-ci est vide de sens.

    « Depuis l’accord de Paris sur le climat en 2016, les 60 plus grandes banques du monde ont investi 3.800 milliards dans des entreprises de combustibles fossiles. Ce n’est pas seulement de l’inaction, cela revient à détruire activement notre planète. Les délégués à la COP26 se félicitent du peu qu’ils font, tout en veillant à ne pas trop marcher sur les plates-bandes de leurs sponsors des énergies fossiles. N’oublions pas que ce ne sont pas eux qui ont mis le climat sur le devant de la scène : ce sont les millions de jeunes et de travailleurs du monde entier qui l’ont fait. Ce sont ces mouvements qui nous offrent une bouée de sauvetage.

    « La semaine dernière, j’ai participé à une conférence de mon syndicat avec des centaines de délégués représentant un million de membres de Grande-Bretagne et d’Irlande. Lors de cette conférence, nous avons eu une discussion sur ce qu’il faut faire face à la crise climatique. Des travailleurs de l’industrie lourde, des transports et d’autres secteurs ont dit à quel point le mouvement pour le climat les inspirait. Ils ont dit combien il est nécessaire que nos mouvements soient connectés. Certains essaient de nous dire que nous devons choisir entre une planète vivable et des emplois décents, mais c’est tout le contraire qui est vrai. Il y a tellement de travail à faire pour construire des infrastructures vertes ou développer de nouvelles technologies ! L’initiative pour cela ne viendra pas d’en haut ; l’initiative et la connaissance pour tout ça sont présentes parmi les travailleurs.

    « À Belfast, il y a quelques années, les travailleurs du chantier naval Harland & Wolff étaient confrontés à la menace de la fermeture de leur chantier et à la perte de leurs emplois. Au lieu d’accepter cela, les travailleurs ont occupé le chantier et proposé une alternative claire. Ils ont déclaré que leurs connaissances et leurs compétences devraient être utilisées pour construire des infrastructures vertes. Ils ont fini par sauver leurs emplois.

    « La semaine dernière, le personnel ferroviaire en Écosse a menacé de faire grève autour de revendications salariales. S’ils stoppent leur travail, ils sont capables de paralyser des villes entières. Cette menace a suffi à imposer une augmentation de salaire. Avec tous ceux qui défendent des transports publics gratuits et décents, nous devons nous rapprocher de ces travailleurs pour utiliser notre force collective. Rien ne peut nous arrêter en faisant cela ! Au fait, c’est une excellente chose que les éboueurs de Glasgow en grève soient ici. Ils méritent notre entière solidarité.

    « Notre énergie ne doit pas disparaître après ces actions. Nous devons continuer à nous organiser et à tisser des liens entre nous. Ce sont les jeunes et les travailleurs qui peuvent offrir une issue à la crise. Nous disposons de la force, des plans et des idées, mais nous ne pouvons pas contrôler ce que nous ne possédons pas. Notre mouvement doit se concentrer sur la racine des problèmes. Nous ne devons pas permettre au système capitaliste et à ses milliardaires, ses PDG et leurs politiciens de continuer sur la même voie désastreuse. Nous devons retirer le pouvoir de leurs mains.

    « L’alternative doit être socialiste, elle doit reposer sur la propriété publique et le contrôle démocratique des plus grandes entreprises et du secteur financier. Cela nous permettrait d’élaborer un plan international fondé sur les besoins des populations et de la planète, et non sur les comptes bancaires des riches. Les politiciens nous disent d’être réalistes et modérés. En réponse, je veux répéter les mots du syndicaliste et socialiste irlandais d’origine écossaise James Connolly : nos revendications sont modérées, nous voulons simplement la Terre. »

  • Meeting international d’ASI pour une alternative socialiste

    MEETING INTERNATIONAL CE DIMANCHE 25 JUILLET

    En anglais et espagnol. Traductions prévues vers le français, Deutsch, Nederlands, עברית, Polish, Português, Svenska, Русский.

    Le capitalisme traverse une crise historique. Nous entrons dans une “ère du désordre”, marquée par une polarisation, une instabilité et une inégalité croissantes. Les milliardaires ont augmenté leur richesse de 5 000 milliards de dollars pendant la pandémie, tandis que les travailleurs ont perdu 3 700 milliards de dollars.

    L’année dernière, des millions de personnes ont envahi les rues dans des mouvements contre le racisme, la violence policière, la guerre et la violence d’État. Des mouvements de masse et des révolutions ont éclaté dans le monde entier, de la Colombie au Myanmar. Les jeunes de la classe ouvrière ont pris la tête des révoltes contre le racisme, le sexisme et la crise climatique.

    Aujourd’hui plus que jamais, il est clair que le système capitaliste n’offre aucune réponse aux travailleurs et aux opprimés.

    Dans une trentaine de pays, sur tous les continents, Alternative socialiste internationale (ASI) construit un parti mondial pour s’attaquer à l’exploitation et à l’oppression à sa racine – le système capitaliste.

    Rejoignez-nous pour un meeting en faveur d’un monde socialiste afin d’écouter les militants socialistes du monde entier et d’en savoir plus sur la manière de s’impliquer dans ASI !

    Inscrivez-vous ici si vous souhaitez participer via Zoom ou recevoir un rappel avant le début de la réunion : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSeazVMfzu8ZxhBsH0dgb0x56sOdkzogCDmMuYcg70dsstKRaA/viewform?usp=send_form.

    Faites-nous savoir sur l’événement Facebook que vous venez : https://www.facebook.com/events/1115070825647767.

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