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[DOSSIER] Libéralisation et privatisation du rail: une voie sans issue
Ces dernières semaines, les cheminots ont fait grève à plusieurs reprises. Les causes du mécontentement sont diverses, mais tout particulièrement liées à B-Logistics (transport de marchandises, anciennement B-Cargo), ainsi qu’au transport de voyageurs. Le malaise augmente. La direction et le gouvernement ont lancé une véritable offensive vers la libéralisation et la privatisation en s’en prenant à la prestation de service et au statut du personnel. Résultat : moins de services, plus de retards de train, moins de sécurité et de mauvaises conditions de travail et de salaire.
Dossier tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
D’ABORD LIBÉRALISER, PUIS PRIVATISER
L’idée est de regrouper le transport de marchandises dans une succursale de droit privé, Logistics S.A. Pour le personnel, à court terme, cela signifie la fin de leur statut actuel. Une fois opérationnelle, la Société Anonyme pourra alors être privatisée en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
L’aide publique a déjà disparu dans le transport de marchandises, suite à la libéralisation, mais tous les transports ne sont pas commercialement intéressants. Ainsi, le trafic diffus (qui consiste à rassembler en un convoi des wagons de différentes entreprises raccordées au réseau ferré, ce qui demande plus de main d’oeuvre) et les petits clients vont être redirigés vers le transport routier, et vont donc renforcer la pollution et les embouteillages.
Début de cette année, le trafic international de voyageurs a aussi été libéralisé. Désormais, B-Europe est une activité purement commerciale. Et, simplement pour prendre un ticket au guichet, la direction a imposé un “supplément pour assistance personnelle” de 7 euros pour les TGV et de 3,5 euros pour les autres trains internationaux. Voilà ce qui remplace ce qui autrefois était un service public. Le trafic national sera lui aussi bientôt libéralisé et, là aussi, la direction aspire à remplacer les guichets par des ventes de tickets via internet ou des distributeurs automatiques. La libéralisation du rail signifie très clairement moins de services (avec la fermeture de guichets et moins de personnel) et des tarifs plus élevés.
RÉSISTANCE DU PERSONNEL
Les emplois de guichetiers et de signaleurs disparaissent, les statuts sont remplacés par des contrats et la SNCB recours de plus en plus à des contrats de consultance externe. Les guichets, les chefs de gare et les gares de triage seront à l’avenir retirés de la gestion de la SNCB, qui ne sera qu’un des opérateurs sur le marché belge du rail. Procéder à une filialisation pour ensuite revendre la filiale au privé n’est pas à exclure.
En septembre, des actions spontanées ont eu lieu dans le transport de marchandises, suivies par une action générale dans le transport de marchandises le 11 octobre et par une grève générale de la SCNB le 18. La combativité était grande, y compris chez les membres de syndicats qui n’avaient pas appelé à l’action : les divisions présentes au sommet ne sont pas présentes à la base. A plusieurs endroits, les piquets de grève étaient plus importants que lors de grèves précédentes.
Les médias et les politiciens traditionnels se sont empressés d’attaquer les cheminots avec l’éternel argument que ‘‘les voyageurs sont pris en otage’’. Il nous faut des actions unifiées sur base d’un plan d’action discuté et élaboré à la base et comprenant une campagne d’information et de mobilisation vers les voyageurs. Les tarifs des voyages, la fermeture de guichets ainsi que le manque de ponctualité et de sécurité illustrent à quel point le personnel et les voyageurs ont des intérêts identiques. Ils doivent résister ensemble.
La libéralisation est néfaste au personnel et à la sécurité
La libéralisation signifie concrètement une réduction du temps de formation. Le personnel est formé en 18 jours, à la place de la formation de plusieurs mois qui est la norme de la SCNB.
Les nouveaux conducteurs doivent apprendre plus vite les réseaux étrangers, même s’il y a de grandes différences dans la signalisation et la réglementation. Un signal rouge clignotant en France signifie que le conducteur peut continuer à une faible vitesse mais sans arrêter tandis qu’en Belgique, c’est un signe d’arrêt. Plusieurs conducteurs français sur notre réseau ont déjà continué après un tel signal, c’est un danger immédiat de collisions frontales ou de déraillements.
La SNCB veut assainir sur le dos des conducteurs. Mais le conducteur ne constitue que 5% des frais d’un train. Par contre, le conducteur et ses collègues restent le principal instrument de sécurité sur les voies. Même après l’installation du système de sécurité ECTS (le successeur du TBL1+ qui n’est pas encore installé…), la compétence et la vigilance du conducteur restent cruciales.
Il est absurde de demander au personnel d’être toujours plus flexible. La productivité d’un train complet avec 40 wagons ne peut pas être comparée à la productivité d’un même transport par camions. La libéralisation stimule le transport routier pour le trafic diffus et mine le statut du personnel, ce qui met en péril la sécurité.
LES EXPERTS: ‘‘IL MANQUE UNE CULTURE DE LA SÉCURITÉ AU SEIN DE LA SNCB’’
Après l’accident de Buizingen, une commission parlementaire a été mise sur pieds. La conclusion du rapport intermédiaire des experts est que la sécurité n’est pas considérée comme une priorité et qu’il manque une culture de la sécurité à la SNCB.
La SNCB et les ACEC (Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi, aujourd’hui majoritairement rachetés par Alstom) ont développé leur propre système de sécurité, TBL1. Les experts disent que, fin des années 1980, les gouvernements ont réduit les dépenses dévolues à ce système. En plus, le système ne fonctionne pas vraiment. Pour les lignes à grande vitesse, un autre système a été développé, TBL2.
Aujourd’hui, la SCNB essaie de rattraper le retard avec un système intermédiaire, TBL1+, qui sera adapté plus tard à la norme européenne, ETCS. Mais entretemps, disent les experts, les critères évoluent. La vitesse moyenne des trains, le nombre de voyageurs et le réseau deviennent plus complexes. Les facteurs de risques ont été multipliés par trois entre 1999 en 2014. La conclusion intermédiaire des experts: il nous faut au plus vite un ‘‘masterplan sécurité’’.
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5e journée d’action en France: Rapport de Lille et Valenciennes
Ce samedi 16 octobre avait lieu en France une nouvelle journée de mobilisation afin de contester la réforme des retraites du gouvernement Sarkozy. Ce fut de nouveau un succès, l’ensemble des manifestations regroupait 3 millions de jeunes, travailleurs et retraités. Ceux-ci ont tout à fait conscience que seul un plan d’action conséquent pourra faire plier l’intransigeance de Sarkozy et consorts, d’ailleurs nombreux sont les travailleurs qui exigent une grève générale afin d’obtenir le retrait de la réforme.
Par Michael (Bruxelles)
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Plus d’infos
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- Le dèclin du gouvernement Sarkozy, par Cédric Gérome (CIO)
- Défendons nos retraites – Préparons une grève générale! (Gauche Révolutionnaire, CIO-France)
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En effet, seule la construction d’un mouvement aboutissant à une grève générale reconductible pourra stopper les mesures d’austérité antisociales que les gouvernants et patrons tentent d’imposer sous couvert de la crise. Face à la faiblesse des directions syndicales, les travailleurs doivent s’organiser en comités de grèves dans leur entreprises et en comités de lutte locaux afin de propager le mouvement. C’est pour aider nos camarades de la Gauche Révolutionnaire, notre section-soeur en France, à diffuser ses idées que le PSL a envoyé des délégations à Paris, Lille et Valenciennes. Voici le rapport de notre intervention à Valenciennes et à Lille.
La manifestation de Valenciennes regroupait environ 4500 personnes, ce qui est moins que le mardi 12 octobre. En effet, contrairement à ce qu’avançaient les directions syndicales, il est plus difficile de mobiliser un jour de week-end, les travailleurs préférant passer celui-ci avec leurs enfants. Néanmoins, de nombreuses familles étaient présentes, ainsi que des lycéens. Ceux-ci s’intègrent de plus en plus nombreux dans le mouvement et c’était eux, ainsi que les délégations d’usine, qui étaient les plus combatifs, mettant en avant dans leurs slogans la nécessité d’une grève générale.
Les travailleurs du secteur privé étaient bien plus nombreux que ceux du public. Hormis les cheminots et les pompiers, nous avons pu voir des délégations des entreprises L.M.E. (laminoirs), Toyota, P.S.A. Peugeot, ALSTOM ainsi que de l’entreprise Wattiez qui se battent également afin de sauver leurs emplois. En effet, ils ont été rachetés par un grand groupe, S.P.I.E. Batignolles, qui laisse couler leur boite afin de justifier un plan de licenciement qui ramènerait le personnel de 58 à 14 travailleurs.
Il est intéressant de noter également la présence d’une importante délégation de l’association C.A.P.E.R. qui regroupe d’anciens travailleurs du secteur de l’amiante. Ceux-ci savent bien que de nombreux ouvriers ne peuvent déjà pas profiter de leurs retraites à cause de la pénibilité de leur travail. Si l’âge de la retraite est repoussé, cette situation s’aggravera encore et l’espérance de vie des ouvriers se verra encore diminuée, alors qu’elle est déjà inférieure au reste de la population.
L’état d’esprit des manifestants était très combatif, appelant de leurs voeux une grève générale. Les plus anciens, voyant le mouvement se développer, se rappellent mai 68…
La Gauche Révolutionnaire était la seule organisation politique à militer activement et les militants présents, dont les camarades du PSL, ont reçu beaucoup de soutien pour leurs propositions de construction du mouvement de lutte.
Notre délégation s’est ensuite rendue à Lille, mais elle est malheureusement arrivée en retard et n’a pas pu être présente pendant toute la durée de la manifestation. Là aussi les manifestants étaient moins nombreux que le mardi 12 octobre: 14.000 personnes, dont un important et combatif bloc lycéen. L’état d’esprit des manifestants montre que le mot d’ordre de grève et de manifestation pour ce mardi 19 octobre sera massivement suivi.
Nous enverrons de nouveau des délégations du PSL dans ces villes et nous publierons sur ce site de nouveaux rapports sur ce mouvement qui, espérons-le aussi pour nos retraites en Belgique, se développera jusqu’à la victoire.
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Les pensionnés crèvent la dalle, les travailleurs aussi, mais du pognon, il y en a !
INTERVIEW
Avant que la manifestation (qui comptera environ 20.000 participants) ne démarre, nous avons discuté avec Christian Delmotte, délégué FGTB-CMB à la société Lepage-Frère, sous-traitant en maintenance industrielle. Il travaille à la centrale nucléaire de Tihange et de la colère, il en a à revendre ! Mais selon lui, pas plus que les autres, ou alors à peine…
AS : Christian, nous sommes ici pour la deuxième journée d’action sur le pouvoir d’achat après, hier, les manifestations d’Anvers (entre 7.500 et 10.000 participants) et de Liège (25.000 participants). Pourquoi as-tu accordé de l’importance à venir manifester ici ?
CD : On est ici pour démontrer en masse le malaise général. C’est du panier de la ménagère dont il est question ici, pas du superflu ! Le monde qui commence à arriver ici reflète l’inquiétude du mouvement ouvrier, notamment vis-à-vis de l’index. Il y a aussi la question de l’emploi qui est bien problématique, le fait qu’on a de moins en moins de possibilités avec notre argent, le surendettement ou encore les pensions. Le type qui a travaillé toute sa vie et qui gagne peut-être 1.000 euros pour essayer profiter un peu de la vie, comment il fait ? Et nos enfants ? On leur laisse quel héritage si on ne réagit pas ? Ici, ce dont il est question, c’est d’un problème de société.
AS : En parlant de société, aujourd’hui, cela fait un an jour pour jour que les élections se sont déroulées, et on est toujours bloqué dans le communautaire…
CD : Cela ne nous concerne pas. Ici, c’est un appel du pied des travailleurs. Tous les secteurs en ont marre. Et pas qu’en Belgique ! Il y a les marins pêcheurs, la grande distribution qui affame les agriculteurs,… Il y a un ras-le-bol qui monte, qui monte…
AS : Il y a déjà eu une manifestation sur le thème du pouvoir d’achat, le 15 décembre dernier. Il a fallu attendre bien longtemps pour que quelque chose d’ampleur soit organisé. Qu’en penses-tu ?
CD : La base n’est pas spécialement d’accord avec la manière de fonctionner de la direction syndicale. On attend un mot d’ordre de nos dirigeants. Le monde ici, c’est aussi un peu pour ça. Pourquoi pas une grève nationale ? On a besoin d’un blocus total qui force ceux d’en haut à nous « écouter ». Liège, hier, a montré l’exemple. Continuons, et j’espère qu’il y aura autant de monde ici !
Mais ce n’est pas seulement dans l’autre ville qu’il faut regarder, aussi dans l’autre pays ! Au niveau international, ça commence à bouger aussi, avec la France, etc.
AS : Comment s’est passé la mobilisation dans ton entreprise ?
CD: On a un peu moins de 200 travailleurs, mais on travaille partout, et des gens viennent de partout. Moi, je travaille à Tihange, à 90 Km de chez moi. Dans notre cas, une grève nationale serait aussi une manière de mobiliser plus facilement. Sinon, on a diffusé des tracts, et puis beaucoup discuter. Enfin, beaucoup, le ras-le-bol est général, ce n’était pas difficile d’aborder le sujet. Mais les non-affiliés devraient être ici. Et puis à côté des délégués, on a quelques « meneurs » qui participent vraiment au travail de mobilisation et qui vont aussi activement participer au débriefing.
On fonctionne en front commun, et ça marche bien, malgré un peu de frustration après les élections sociales puisque la FGTB a récupéré la majorité à la CSC. On est tous dans le même bain et on va montrer qu’on en veut.
AS : Tu travailles et milites depuis pas mal d’années déjà, que penses-tu des luttes d’aujourd’hui ?
CD : Il y a du potentiel, mais il faut revenir aux luttes du passé, dans les années ’70 ou ’80 par exemple. En ’86, je travaillais à l’ACEC, qui est devenu Alstom aujourd’hui. A ce moment, on luttait pour les 36 heures. On a fait une grève de 13 semaines avec occupation du site, une grève au finish. Et on les a obtenues, les 36 heures ! Et puis après, cela a été étendu à tous le bassin de Charleroi, ça a fait juriceprudence.
AS : Revenir à un syndicalisme de lutte, quoi…
CD : Oui, le syndicalisme de « service », c’est dangereux. On a affaire à des barons du syndicat. Faut pas se foutre de la gueule du monde ! Ils ont des comptes à rendre. Uniquement avec des négociations, on ne mobilise pas et on obtient moins. Pour le prochain Accord Interprofessionnel d’ailleurs, pas de rigolade : on ne doit plus nous rouler dans la farine ! On ne peut plus se contenter de peu ! Les pensionnés crèvent la dalle, les travailleurs aussi, mais du pognon, il y en a !
Et ça, ça concerne toutes les couleurs, il faut admettre que le bilan du syndicalisme de service est faible et construire un rapport de force. Nous, on veut se battre.
Mais bon, tout ce que je te dis ici, les autres pourraient t’en dire autant : à la SNCB ou ailleurs. Moi, je n’ai peur de personne, je me bats pour les gosses.
On s’est compris ?
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EADS/Airbus. Les profits s’envolent, l’emploi s’écrase!
Nouvelle onde de choc dans le monde des travailleurs : EADS a décidé de supprimer 10.000 emplois en quatre ans sur les 55.000 que compte sa filiale Airbus. Une fois encore, ce n’est pas une entreprise en crise qui se sépare d’une partie de ceux qui ont forgé ses richesses : le chiffre d’affaire d’EADS s’élève à 39,4 milliards d’euros pour 2006, soit une hausse de 15% par rapport à 2005.
Nicolas Croes
La société Airbus a été créée en 1970 et rassemble des entreprises aérospatiales nationales française, anglaise, allemande et espagnole. Nombreux étaient ceux qui voyaient dans ce consortium un des symboles les plus parlants de l’Union Européenne. Il y a deux ans à peine, le président français Chirac, le premier ministre britannique Blair, son collègue espagnol Zapatero et le chancelier fédéral allemand Schröder avaient eux-mêmes repris la métaphore à l’occasion de la sortie de l’A380. Finalement, le parallèle est effectivement très significatif, bien plus d’ailleurs que ne l’auraient souhaité ces chefs d’Etat…
18% : une aumône…
En 1999, le gouvernement français du « socialiste » Jospin a décidé de privatiser l’aérospatiale française. Rapidement, les intérêts du privé ont dominé au sein du nouveau groupe nommé EADS. Ce groupe est devenu n° 2 mondial dans l’aéronautique civile avec Airbus et n° 1 dans les hélicoptères militaires avec Eurocopter, le lancement de satellites avec Arianespace, le positionnement géosatellitaire avec Galileo et les missiles militaires avec MBDA.
Pour les cinq années à venir, les carnets d’Aibus sont copieusement remplis : 2.357 appareils sont commandés, ce qui correspond à 258 milliards de dollars. Une situation qui ravit les actionnaires qui, depuis la privatisation de 1999, s’en mettent plein les fouilles: les actions rapportent en moyenne plus de 18% de bénéfices chaque année. Mais ce n’est pas encore suffisant. C’est même très loin de l’être pour étancher la soif de profit de la direction et des actionnaires.
En conséquence, 4.300 travailleurs français seront jetés à la porte, au même titre que 3.700 allemands, 1.600 anglais et 400 espagnols. Ceux qui restent n’auront qu’à se réjouir, ils pourront même rester plus longtemps dans les usines… pour le même salaire! C’est ce que révèle le magazine allemand Focus : la direction d’Airbus envisagerait de faire passer les travailleurs de 35 heures de travail par semaine à 40, sans aucune compensation salariale.
C’est exactement ce qu’avait fait le groupe américain Boeing quand Airbus était devenu n°1 mondial (place qu’il a perdue cette année). Boeing a pu se hisser à nouveau à la première place en escaladant les corps des travailleurs laissés sur le côté : 42% de l’effectif de 1998 ont été licenciés alors que ceux qui ont évité la trappe doivent subir des cadences infernales. C’est maintenant au tour d’Airbus, tandis que la Chine vient juste de décider de se lancer sur le marché aéronautique, menaçant l’hégémonie des deux compagnies occidentales.
Sauver les meubles… pas les travailleurs
Comment enrayer le cycle infernal des travailleurs sacrifiés sur l’autel de la concurrence? La décision du conseil d’administration d’EADS aura aussi des répercussions en Belgique. Depuis le début des années 1980, plusieurs sous-traitants d’Airbus sont des entreprises belges (la Sonaca, la Sabca, Asco et Eurair). Lors du dernier conseil extraordinaire des ministres à Louvain, le gouvernement belge a décidé de débloquer 150 millions d’EUR. C’est autant d’argent qui sortira de nos impôts pour compenser la rapacité d’un groupe infime de grands actionnaires.
Cependant, pour beaucoup de politiciens placés devant ce drame humain – finalement si caractéristique de la société d’exploitation que nous connaissons – la solution se trouve là : faire intervenir l’Etat (et notre argent). Attention! Il n’est en aucun cas question de revenir sur les privatisations! Si l’Etat doit intervenir, c’est uniquement quand les choses vont mal. Pour le reste, les bénéfices peuvent continuer à alimenter la folie des grandeurs des capitalistes, et uniquement elle. En France, où Airbus s’est infiltré dans la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a par exemple déclaré qu’il soutiendrait Airbus comme il l’avait «fait avec Alstom» (l’Etat avait pris 20% du groupe quand celui-ci était en difficulté).
Pour d’autres, le sort des travailleurs ne compte absolument pas. Le Premier ministre français Dominique de Villepin a ainsi précisé que s’il mesurait « pleinement l’inquiétude » des salariés, ce plan est pour lui « nécessaire pour sortir définitivement de la situation d’incertitude et préparer l’avenir »!
Airbus – ou VW-Forest pour prendre un autre exemple récent – illustre combien les logiques de « nos » gouvernements sont incapables de résoudre les problèmes de l’économie de marché. Pour sauver les emplois d’Airbus, il faut renationaliser l’entreprise, sans achat ni indemnité. Les travailleurs doivent avoir accès aux comptes de l’entreprise et à toutes les informations sans restrictions pour prévenir les erreurs de gestion et les magouilles. Mais seule une transformation socialiste de la société pourra sauvegarder définitivement les emplois d’Airbus et d’ailleurs.
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Sigma Coatings et Alstom. Pourquoi les conflits sociaux se durcissent
Sigma Coatings et Alstom.
FIN NOVEMBRE 6 membres de la direction de Sigma à Manage (Hainaut) ont été retenus dans les locaux de l’entreprise par les travailleurs en grève. Quelques jours plus tard la direction d’Alstom à Beyne-Heusay (Liège) subissaient le même sort.
Eric Byl
En février les cadres de Cockerill Sambre ont enfermé le directeur général Alain Bouchard et quelques membres de la direction à l’université de Liège. Un peu plus tard les travailleurs de Tihange faisaient de même. Dans les années 80 les travailleurs de la FN avaient aussi retenus la direction pendant deux jours. Beaucoup de militants syndicaux connaissent l’un ou l’autre exemple où les travailleurs ont bloqué des responsables de la direction dans des locaux lors de situations difficiles.
La presse a réagi avec une indignation sélective, surtout en Flandre. Le patronat flamand (Vlaams Economisch Verbond, VEV) veut imposer la personnalité juridique aux syndicats et saisir les caisses de grève car elles "paient des gens qui mènent des opérations criminelles". Le ministre de l’Intérieur, Dewael, aurait voulu une intervention de la police fédérale. L’hebdomadaire Knack a commenté: "Le bourgmestre socialiste de Manage, Christian Gibeau, a eu raison de ne pas vouloir l’intervention de la police. Cela aurait mené à une situation sans issue". Afin de parer à l’explosion sociale, la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) n’a condamné que discrètement les "actions sociales illégales." Knack et les stratèges les plus futés de la bourgeoisie n’ont pas voulu mettre de l’huile sur le feu.
Depuis des mois et des années les familles des travailleurs sont confrontées aux restructurations d’entreprises, aux délocalisations et aux fermetures. Rarement les clauses légales et les conventions collectives ont été respectées. Pour un rien les patrons ont fait appel aux tribunaux pour infliger des astreintes astronomiques aux piquets de grève. Les briseurs de grève ont même parfois été déposés par hélicoptère dans l’enceinte d’entreprises en grève, pour éviter de devoir franchir les piquets et les occupations d’usines sont attaquées sur le plan juridique sous le motif de "viol de propriété privée".
Dans la pratique, beaucoup de patrons ont enterré tout dialogue social. Leurs méthodes dignes du 19e siècle battent cependant de l’aile. Dépossédés de leurs moyens de luttes traditionnels, les travailleurs choisissent d’autres voies, même si cela doit parfois aboutir à une confrontation plus musclée. En juillet 2000, on a même vu les travailleurs de Cellatex à Givet (France), confrontés à une fermeture de leur usine, menacer de verser de l’acide dans la rivière si on ne voulait pas les entendre. Les travailleurs de Adelshoffen à Strasbourg, placés dans une situation identique, ont menacé, de leur côté, de carrément faire sauter l’usine.
Comparé à cela, l’action des travailleurs de Sigma apparaît comme presque banale. En mai 2003, la direction avait annoncé la suppression de 73 emplois. Après 7 jours de grève un pré-accord avait été signé: prépension à 50 ans, départs volontaires, crédit temps, baisse de salaires de 15%. Début novembre, la direction a annoncé qu’elle ne respecterait pas l’accord signé et que l’âge de la prépension serait rehaussé à 52 ans. Une tentative de conciliation a échoué le 17 novembre. Tous les employés ont alors été renvoyés chez eux pendant une semaine et la direction a disparu. Les ouvriers restés sur place ont assuré le maintien de l’outil de cette usine classée Seveso sans recevoir la moindre directive de la direction.
Le 24 novembre la direction a convoqué un conseil d’entreprise extraordinaire où elle a annoncé une nouvelle restructuration avec 159 pertes d’emploi (sur 279!) sans plan social. Les travailleurs en grève ont alors retenus 6 membres de la direction dans les locaux pendant trois jours pour imposer une négociation. La direction a signé un accord où elle reconnaissait le droit des travailleurs d’occuper l’usine et de bloquer les stocks de matières premières et de produits finis. Elle s’engageait aussi à ne pas faire appel aux forces de l’ordre et à rediscuter de la prépension à 50 ans.
Le 17 décembre à la manifestation régionale pour l’emploi à La Louvière, les travailleurs de Sigma étaient au premier rang. Les responsables syndicaux régionaux ont parlé de reconversion, mais n’ont rien dit sur le maintien de l’emploi. Le bourgmestre PS de La Louvière et le secrétaire régional de la FGTB ont tempêté contre les multinationales mais n’ont pas dit un mot sur une reprise de l’usine par la Région wallonne. Pas de mots d’ordre pour mobiliser les travailleurs de la région, ni pour lancer une grève régionale de solidarité. Avec d’autres si piètres dirigeants syndicaux on peut comprendre que les travailleurs iront parfois jusqu’au bout pour ne pas rester sur le carreau.
L’action des travailleurs de Sigma a été la dernière issue qu’il leur restait, une meillieure option que la concertation syndicale des appareils syndicaux qui mène à la défaite. Tout comme les exemples de Cellatex ou Adelshoffen, avoir retenu la direction dans les locaux fait partie d’un autre type de syndicalisme: le syndicalisme de combat. C’est souvent un type d’action qui a lieu quand la lutte est en recul, quand il faut vendre sa peau le plus chère que possible. Cela peut débloquer une situation, mais si le rapport de forces n’est pas en leur faveur la bourgeoisie peut passer à la contre-offensive par la répression.
Retenir la direction dans les locaux, ou d’autres types d’actions "radicales", ne peut cependant être une tactique payante que si elle ne nuit pas l’unité des travailleurs et celle des travailleurs avec la communauté locale. Cela doit être subordonné à la stratégie générale du syndicalisme de combat: meetings de masse dans les entreprises, grèves de solidarité, envoi de délégations de grévistes aux entreprises de la région, mobilisation de la population, mise sur pied de comités de grève et de solidarité.