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Algérie : à propos de la guerre d'indépendance 1954-1962
Colonialisme, libération nationale et lutte révolutionnaire
Il y a 50 ans, en 1962, la guerre d’Algérie, l’un des conflits anticolonialistes des plus longs et des plus sanglants, prit fin avec la victoire des combattants algériens contre l’impérialisme français. L’Algérie avait été gouvernée durant 132 ans par le règne colonial français et constituait la pierre angulaire de l’empire colonial français. Une politique de ségrégation raciale et une dépossession territoriale de masse avaient lieu au détriment des autochtones.
Par Cédric Gérôme, Comité pour une Internationale Ouvrière
La grande majorité des Algériens était conservée sous une écrasante pauvreté et souffrait systématiquement d’une discrimination salariale qui garantissait d’énormes profits pour les grandes industries françaises.
Lors de l’éruption du conflit, un million de colons européens – 79 % d’entre eux étaient nés en Algérie – coexistaient avec neuf millions d’Algériens. Il y avait également une large communauté de Juifs.
Au sommet de l’échelle des colons siégeaient les plus riches, une clique infime de gens qui exerçaient les pouvoirs politique et économique. L’écrasante majorité des colons, cependant, était pauvre. Jusque dans les années 50, leur niveau de vie moyen était de 20 % inférieur comparé au niveau de vie en France.
Après la 2ème Guerre Mondiale, le militantisme nationaliste et les luttes ont pris de l’ampleur partout dans le pays, dans le contexte de luttes indépendantistes émergeant à l’échelle internationale. Cela a coïncidé avec des vagues sans précédent de grèves de travailleurs et un désir accablant de changement social. Dans beaucoup de cas, ces conflits impliquaient des travailleurs algériens et français.
Le 1er novembre 1954, le FLN lança une série d’attaques de guérilla dans divers endroits du territoire, en visant les bases du pouvoir colonial. Le Front de Libération National était une organisation nationaliste composée d’activistes radicaux qui était excédés par le conservatisme et le réformisme grandissant des forces nationalistes traditionnelles, avait décidé d’allumer le foyer d’une révolte générale contre le règne français.
L’armée française y répondit avec une terreur systématique, en brûlant des villages, en créant des camps de concentrations, en procédant à des exécutions sommaires et en appliquant la torture à une échelle de masse. Cette violence a exposé la face brutale du capitalisme français – la prétendue "France des droits de l’homme".
L’Onde de choc
Au début de la révolte coloniale, des conflits sur les lieux de travail et des vagues de mutinerie parmi les soldats conscrits, qui refusaient d’aller se battre pour l’Algérie française, ont affecté des douzaines de villes et cités françaises. Et ce, alors que le soutien à la guerre et au régime colonial déclinait à une vitesse vertigineuse.
Les conséquences de cette guerre commencèrent à créer un déficit budgétaire qui devenait hors de contrôle. D’autre part, la sauvagerie inégalée déployée sur le sol algérien par le régime autoritaire de Charles de Gaulle – qui avait pris le pouvoir en France par un coup d’Etat parlementaire en 1958 – ne pouvait pas en finir avec la guerre.
L’offensive lancée par les troupes françaises en 1959 avait terriblement mis à mal l’ALN, l’aile armée du FLN, en tant que force combative. Mais le prix à payer, tant politiquement que socialement, affectait directement la confiance de la classe dominante française sur sa capacité à continuer la guerre.
Les manifestations massives pro-FLN de décembre 1960, les masses urbaines algériennes remplissant spontanément les rues en faveur de l’indépendance à une échelle excédant ce que le FLN avait prédit, marquèrent un tournant décisif.
De plus, en avril 1961, la masse de soldats français se rebella contre une tentative de coup d’Etat des généraux. De Gaule devait lutter désespérément pour regagner le contrôle de l’armée. A Blida (au Nord), les conscrits ont même saisi la base militaire principale, arrêté leurs officiers et arboré le drapeau rouge de la révolution!
De Gaulle savait qu’il devait agir ou risquer de totalement perdre le contrôle des évènements. A ce moment-là, la question était devenue: comment gérer une retraite ordonnée pour l’impérialisme français. C’est ce qui se passa avec la signature des Accords d’Evian entre le FLN et le gouvernement français en mars 1962, ouvrant la voie à une Algérie indépendante.
La gauche française
Le point de vue dominant sur la question algérienne dans la SFIO (section française de la 2ème internationale) peut être résumé à travers les mots d’un député du SFIO qui déclara: "nous voulons que les hommes d’Algérie soient plus libres, plus fraternels, plus égaux, c’est-à-dire plus français."
L’un des points fondamentaux sur lequel la 3ème internationale communiste s’était différenciée de la 2ème était son soutien inconditionnel aux luttes de libération nationale contre le colonialisme. Mais la dégénérescence stalinienne de la Russie soviétique avait sérieusement entamé ces principes.
Alors que dans les années ’20 le Parti Communiste français (PCF) avait pris un rôle de dirigeant en organisant l’opposition à la Guerre du Rif au Maroc, en 1959 ce parti était devenu un simple appendice à la diplomatie soviétique stalinienne, soutenant ‘ la défense nationale ‘ et les alliances avec les forces pro-capitalistes et tentant de restreindre les luttes anticoloniales des travailleurs.
Malgré l’activisme de beaucoup de ses membres et sympathisants en faveur de l’indépendance, le PCF a voté, en 1956, les pouvoirs spéciaux au gouvernement du ”socialiste” Guy Mollet, qui ont permis d’intensifier la répression en Algérie et d’envoyer des centaines de milliers de conscrits sur le champ de bataille.
Le FLN
Le manque d’un parti préconisant un programme pour l’unité de la classe des travailleurs, en France mais aussi, de façon cruciale, en Algérie est un facteur-clé. Cela aurait permis que la lutte anticoloniale ne reste pas dans une voie purement nationaliste. Le parti communiste algérien perdit de plus en plus de soutien public tandis que sa direction persévérait à défendre la politique du PCF.
Le FLN cherchait quant à lui à prendre le pouvoir par la force militaire, avec une armée essentiellement basée sur la paysannerie et la population urbaine marginalisée. Significativement, les six fondateurs du FLN venaient tous d’une élite rurale appauvrie par le colonialisme; leur monde était l’Algérie rurale et aucun n’avait eu d’interaction de longue durée avec le mouvement de la classe des travailleurs.
Au lieu d’orienter leurs efforts pour construire une lutte commune de tous les travailleurs et des pauvres, et d’essayer ainsi de diviser les colons européen sur une base de classe – avec des garanties pour les minorités européennes que leurs droits seraient respectées – la plupart des dirigeants du FLN avait une perspective purement nationaliste, et n’avait aucun programme pour développer le pays une fois l’indépendance acquise.
Leurs méthodes incluaient le bombardement des places publiques fréquentées par les travailleurs et la classe moyenne européenne. Ce type d’actions contribuait à diviser les travailleurs Algériens et non Algériens et à pousser massivement les colons dans les bras de la réaction pro-coloniale. A l’automne 1962, 99 % des colons européens avaient quitté le pays par peur de représailles, une des plus grandes migrations de population du 20ème siècle.
Aucune solution
Malgré le courage et l’héroïsme de beaucoup de combattants et sympathisants pro-FLN, leurs efforts ne conduisirent pas aux changements qu’ils avaient espéré et pour lesquels ils s’étaient battus.
Suivant l’indépendance, le régime qui prit le pouvoir en Algérie était un parti unique sous la coupe d’une machine militaire puissante. C’était un produit direct des structures militaires et des méthodes adoptées par les leaders du FLN.
En effet, l’implication démocratique de la classe des travailleurs – la seule force collective capable de renverser le capitalisme et de construire le socialisme – était considérée par la bureaucratie militaire émergente du FLN avec suspicion et comme une menace pour son propre pouvoir.
En équilibre entre le capitalisme et le stalinisme, le régime algérien a été capable, pendant un certain temps, d’opérer des nationalisations partielles qui ont aider au développement de l’infrastructure, des soins de santé et de l’éducation. Mais, suite à la chute du bloc stalinien, tout s’est déplacé vers la droite et les privatisations de masse ainsi que les contre-réformes néolibérales conduisirent à un profond désastre pour la majorité de la population.
L’Algérie aujourd’hui
Aujourd’hui, malgré leurs riches réserves de pétrole, les Algériens n’ont pas de conditions de vie décentes. Pour la majorité des algériens, avec un pays marqué par la pauvreté, la corruption et la violence, il y a à peine quoi que ce soit à célébrer pour le 50ème anniversaire de l’indépendance.
La capitale, Alger, a été classée parmi les villes les moins viables du monde. Le code de la famille, notoirement rétrograde consacre le statut des femmes comme mineur, à vie. Les élections sont falsifiées, les conditions de logement sont épouvantables et les abus de la police très répandus.
La génération post-indépendance constitue dès lors la grande majorité de la population, et ne ressent rien d’autre que de la colère envers l’élite corrompue qui est au pouvoir. En lumière des récentes luttes de masse qui ont englouti la région nord africaine, le temps est venu pour cette nouvelle génération de réapprendre les leçons de la lutte pour laquelle à peu près un million de leur ancêtres ont sacrifié leurs vies.
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Maghreb : La révolte Tunisienne s’étend en Algérie – Solidarité avec les masses Tunisiennes et Algériennes !
Cette nouvelle année a commencé avec une importante vague de révolte qui touche l’Afrique du Nord. Alors qu’en Tunisie, le régime dictatorial de Ben Ali est touché par une importante série de protestations depuis une semaine, l’Algérie a aussi vécue au fil ‘d’émeutes’ populaires. Celles-ci ont principalement impliqué pour le moment des jeunes et ce dans un pays où 75% de la population a moins de 30 ans. Ce soulèvement massif révèle au monde entier l’importance du désespoir et de la rage de cette génération “no future”, et ce dans un contexte aiguisé par les effets de la crise internationale du capitalisme.
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Pour en savoir plus:
- Révolte sans précédent en Tunisie – A bas le régime de Ben Ali !
- Tunisie: Message de solidarité de Joe Higgins, député européen du CIO
- Algérie: Arcelor Mittal connaît sa seconde grève à durée indéterminée de l’année! Juin 2010
- Algérie : Révolte de masse et actions de grève continuent de secouer le pays Avril 2010
- COURRIER des lecteurs: Elections en Tunisie – Quels enjeux et perspectives? Septembre 2009
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Cette vague d’émeutes a débuté dans la banlieue d’Alger mais s’est rapidement étendue à d’autres villes comme Oran, Blida, Bouira, Tizi Ouzou, Dejlfa, Ouargla, Constantine et beaucoup d’autres à travers le pays. La plupart des ces régions n’ont d’ailleurs pas été touchées par des émeutes de cette ampleur depuis plus de deux décennies. Même des figures gouvernementales sont obligées de reconnaitre qu’au moins 24 wilayas (régions) ont été touchées par le mouvement – en d’autres mots, la moitié du pays.
Jour et nuits, des groupes de jeunes se sont engagés dans des affrontements violents avec la police, bloquant les routes avec des pneus enflammés, et dans certains cas en attaquant des bâtiments publics et tout ce qui peut symboliser l’autorité de l’Etat et l’élite. Même si les émeutes en Algérie sont loin d’être un nouveau phénomène, l’étendue de celles-ci, ainsi que leur extension géographique rapide, leur donnant ainsi un caractère national, pourrait être un signal d’explosions plus importantes dans le futur proche.
Dans le passé, le régime a été capable de faire passer de telles explosions de colère comme des incidents isolés. Maintenant, il semble qu’une nouvelle brèche s’est ouverte et que beaucoup de travailleurs sont en train de regarder la jeunesse avec sympathie et inspiration, bien qu’en n’approuvant pas toujours leurs méthodes d’actions, spécialement par rapport aux actes de destruction et de violence. Des rapports mentionnent que dans certaines régions, des habitants se sont organisés dans le but de décourager certains jeunes à commettre des actes de vandalisme contre-productifs.
Un climat de “pre-1988”
Mais ces actes, portés par une minorité, ne peuvent pas éclipser l’importance significative de ces émeutes. Le site des droits de l’homme, “Algeria watch”, commentait ceci : “Très peu d’Algériens sont contre les mobilisations des jeunes; dans des conversations de rue, la majorité les trouvent légitimes, dans un pays où les autres voies sont bloquées et que les moyens ordinaires d’expression sont absents. Les parallèles avec les évènements d’Octobre 1988 sont souvent soulevés parmi les plus âgés d’entre eux.” Cette année-là, l’énorme crise sociale qui toucha le pays a conduit à une série d’émeutes, manifestations et grèves qui finalement conduisirent à la chute du règne du monolithique parti unique, le FLN. Une répression sanglante de l’armée entraina la mort de centaines de personnes et l’absence d’une force politique indépendante de gauche et ouvrière entraina que la révolte fut ensuite exploitée par les forces islamistes réactionnaires. Le pays plongea alors dans une terrible guerre civile d’une longue décennie.
Comme la situation actuelle en Tunisie l’illustre très bien, la poigne de fer d’un régime répressif et le manque de droits démocratiques de base, qui a étouffé toute opposition pendant très longtemps, peut, à partir du moment où cette énergie s’exprime, conduire beaucoup plus loin et prendre un tournant extrêmement explosif. Commentant le mouvement et ses possibles perspectives, Mahamed Zitout, un ancien diplomate Algérien, disait sur Al Jazeera: “C’est une révolte, et probablement une révolution d’un peuple opprimé qui a, depuis 50 ans, attendu des logements, des emplois et une vie décente dans un pays très riche.” Bien que ça ne soit pas encore la révolution, les possibilités que le mouvement actuel prenne des dimensions révolutionnaires est clairement présent, et ce dans un pays où les traditions de résistance des opprimés sont ancestrales. L’attitude de la classe ouvrière, qui n’est pas encore rentrée en scène en tant que telle sera décisive sur les futures développements de la lutte.
La colère accumulée s’est exprimée simultanément dans différentes régions. L’accès à internet et des sites tels que facebook, youtube ou encore twitter ont aidé les manifestants à dépasser les tentatives des médias d’Etat de cacher la réalité de ce qui se déroulait. Comme en Tunisie, la violente répression déployée par le régime (en Tunisie, une cinquantaine de personnes ont été tuées, alors qu’en Algérie, au moins 5 personnes sont décédées) a suscité une colère encore plus grande. Ce n’est pas une surprise de voir le silence et la complicité des gouvernements “démocratiques” européens face à la répression violente et l’assassinat de manifestants. Tout au mieux certains d’entre eux se sont limités à exprimer leur “inquiétude”.
300 personnes d’origine tunisienne et algérienne se sont rassemblés il y a quelques jours à Marseille pour demander un arrêt immédiat à la répression dans la région. Le CIO demande la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées à cause de leur implication dans les manifestations en Tunisie et en Algérie. Nous encourageons aussi l’organisation d’actions similaires partout où cela est possible.
Ce n’est pas juste une émeute de la faim
Ce tsunami d’émeutes n’a pas surgi de nulle part. Déjà depuis des mois, une révolte mûrissait en Algérie. Selon le quotidien, Liberté, une moyenne d’environ 9000 émeutes et ‘troubles’ ont eu lieu chaque mois en 2010. Depuis des mois, des travailleurs de différentes compagnies sont partis en grève les uns après les autres. En mars de l’année passée, nous écrivions à ce sujet: “Grève après grève, manifestation après manifestation, transforment le pays en un chaudron social prêt à exploser à n’importe quel moment.” (voir cet article) Ceci s’est confirmé par les récents évènements. La goutte qui a fait déborder le vase est la récente et dramatique explosion des prix de la nourriture qui ont augmenté de 20 à 30 % depuis le début du mois. Cela est particulièrement le cas pour l’huile, la farine et plus spécialement le sucre, dont le prix a augmenté de 80% dans le courant des trois derniers mois.
Les augmentations de salaires obtenues dans le secteur public après des années de luttes et de grèves restent dérisoires. Et alors que ces augmentations n’ont pas été appliquées partout, elles sont déjà mangées par la flambée des prix. Dans le secteur privé, la situation est encore pire. Faire ses courses afin de nourrir sa famille est devenu un challenge quotidien; pour le nombre sans cesse croissant de sans emplois, cela est devenu tâche impossible. L’insécurité sociale et la misère grimpante ont convaincu la majorité des Algériens que les mesures publiques de contrôle des prix sont absolument inutiles et laissent la liberté aux spéculateurs et aux monopoles d’augmenter leurs marges de profits sur le dos des plus pauvres, des petits commerçants et des vendeurs de rue. Dans les rues du quartier ouvrier de Bab El-Oued à Alger, qui est devenu le bastion symbolique de la révolte, les gens répètent sans cesse: “50% d’augmentation pour les flics! Et pour nous?” Il est clair que le seul secteur qui a bénéficié récemment d’une augmentation significative de ses salaires a été la police. C’était une tentative consciente de l’Etat d’augmenter la fiabilité de ses forces armées dans la perspective de ‘troubles sociaux’.
Par peur de perdre contrôle sur la situation, une réunion urgente des ministres le week-end passé a approuvé un nombre de mesures pour réduire le prix du sucre et de l’huile. Mais cela va difficilement être assez pour apaiser la situation, et encore moins la haine énorme envers le régime. En effet, bien que l’augmentation du coût de la vie soit devenue une inquiétude critique et un des éléments décisif de cette révolte, les raisons de la colère sont bien plus profondes. Ce que la jeunesse a exprimé aujourd’hui dans les rues fait partie d’un mécontentement plus général. “La vie chère, pas de logements abordables, chômage, drogues, marginalisation”. C’est ainsi que les habitants d’Oran, la deuxième plus grande ville d’Algérie, résument les raisons de leur révolte.
Ici comme ailleurs, ce cocktail de facteurs, encadré par un état policier qui musèle quelconque opposition sérieuse et protège la clique de riches gangsters corrompus au pouvoir, constitue le contexte des derniers évènements. Les inégalités sociales entre les pauvres et l’élite dirigeante ont grandi dans des proportions jamais vues depuis l’indépendance. Alors que le PIB Algérien a triplé ces dix dernières années, les revenus gigantesques du pétrole, qui constituent la plus grosse partie de cette croissance, ont seulement servi à remplir les poches et les comptes en banque d’une infime minorité proche de la classe dirigeante alors que la majorité de la population souffre de sous-nutrition, ou même encore de famine. L’augmentation des cas de blanchiment d’argent et la corruption touchant tous les secteurs et à tous les niveaux de pouvoir ont contribué à éclairer aux yeux de tous le détournement continu de la richesse du pays au bénéfice de quelques-uns.
Selon le journal, El Watan, un jeune manifestant a somptueusement résumé cette situation: “Rien ne nous retiendra cette fois. La vie est devenue trop chère et la famine menace nos familles pendant que des apparatchiks détournent des milliards et d’enrichissent sur notre dos. Nous ne voulons plus de cette vie de chien. Nous demandons notre part de la richesse de ce pays.”
La jeunesse en détresse
En 2001, des jeunes manifestants faisant face aux policiers tirants à balles réelles criaient: “Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts”. Le même esprit “rien à perdre” est présent dans la révolte actuelle de la jeunesse. En effet, aucune perspective n’est offerte à cette génération qui est particulièrement et durement touchée par les hauts niveaux de chômage et ainsi réduite à des activités quotidiennes de survie. Officiellement, le chômage touche 21,3% des jeunes entre 16 et 24 ans; la réalité est sans aucun doute bien plus grave alors que les statistiques officielles sont complètement falsifiées par les autorités. Certains estiment que certainement 60% de la population en dessous de 30 ans est sans emploi. Même une grande proportion de jeunes diplômés ont rejoint les rangs des chômeurs une fois leurs études finies. Pour les jeunes Algériens, la vision du futur est souvent réduite à un choix entre la prison et l’exil. Le taux de suicide parmi cette couche de la population atteint des proportions exorbitantes. La construction de la “forteresse Europe” et l’augmentation des mesures répressives contre les candidats à l’émigration vers l’Europe signifient qu’il n’y a pas d’autre voie pour les jeunes que de prendre le chemin de la lutte et de l’action collective.
Bien que généralisé, le mouvement actuel implique essentiellement la jeunesse des quartiers pauvres et n’a pas encore rassemblé autour de lui la mobilisation active de la masse de la population. L’entrée en action de la classe ouvrière sera nécessaire pour donner à ce mouvement un caractère plus massif et organisé évitant ainsi de le laisser se transformer dans des actions désorganisées et de désespoir qui rendrait plus facile sa répression par les forces armées.
Alors qu’en Tunisie, la fédération des syndicats, l’UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens) a exprimé sa solidarité avec la jeunesse et a soutenu leur lutte en appelant à l’action, les travailleurs algériens peuvent difficilement compter sur de telles initiatives de la part de l’UGTA (Union Générale des Travailleurs Algériens) qui a atteint un niveau incroyable de corruption, de trahisons et de soumission au régime de Bouteflika. Le seul communiqué public publié jusqu’à présent par la direction de l’UGTA avait pour but de défendre de manière exécrable la version officielle du gouvernement quant aux évènements. Sur les dernières années, cette soumission au gouvernement a entraîné des secteurs entiers de syndicalistes à quitter l’UGTA pour rejoindre des syndicats plus combatifs et indépendants. La bataille pour vitaliser, unifier et démocratiser ces syndicats indépendants est une des tâches importante à laquelle la classe ouvrière est aujourd’hui confrontée.
La mise sur pied de comités locaux de résistance dans les quartiers et dans les entreprises pourrait être un outil très utile pour construire la lutte de la jeunesse mais aussi surtout pour y impliquer le reste de la population via des actions de masse. Ces comités pourraient aider à coordonner de telles actions en lien avec les syndicats indépendants dans la perspective d’arrêts de travail et de grèves à l’échelle nationale. Déjà, dans certains secteurs, comme les dockers du port d’Alger ou bien les travailleurs des soins de santé discutent de partir en grève. Ces discussions sont d’une importance capitale. Généraliser de telles étapes pourrait transformer la situation. Un appel à une grève nationale en soutien à la révolte des jeunes entrainerait une réponse massive et contribuerait à transformer l’énorme colère et frustration qui existe en un mouvement plus puissant qui pourrait potentiellement abattre ce régime pourri et ouvrir la voie à un changement réellement démocratique et socialiste.
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Algérie: Arcelor Mittal connaît sa seconde grève à durée indéterminée de l’année!
Nationalisation du site sous contrôle démocratique des travailleurs
Depuis le 20 juin, plusieurs milliers de travailleurs du site du sidérurgiste Arcelor Mitall à Hel-Hadjar, près de la ville d’Annaba (au nord-est de l’Algérie), sont en grève pour une durée indéterminée sur base d’un conflit portant sur les salaires. Entre autres choses, les grévistes revendiquent une augmentation salariale comprise entre 13 et 20%.
Par Chahid Gashir, CIO
Arcelor Mittall est la plus grande compagnie sidérurgique au monde mais aussi le plus grand investisseur étranger d’Algérie, en dehors des secteurs pétrolier et gazier. Depuis 2001, la compagnie contrôle 70% de l’ancienne usine d’Etat d’El-Hadjar, la compagnie SIDER, contrôlée par l’Etat, ne possédant plus que 30% du site. Les travailleurs ont menacé de faire grève jusqu’à ce que l’Etat renationalise l’entreprise ou, au moins, augmente son contrôle sur elle.
Cette usine, un des plus grands sites industriel du pays, produit 750.000 tonnes d’acier annuellement et emploie quelques 7.200 travailleurs. 5.000 d’entre eux avaient précédemment pris part à une assemblée générale et ont voté à l’unanimité pour paralyser le site. Un travailleur de l’usine a fait remarqué que 95% de la force de travail est maintenant en grève. “Nous allons poursuivre jusqu’à la satisfaction complète de nos revendications” a déclaré le même travailleur. Plus tôt cette année, les travailleurs de cette usine avaient déjà engagé une grève de 9 jours concernant la fermeture d’une unité de production de coke et la menace de pertes d’emplois.
La colère est généralisée
Ces derniers mois, l’exaspération face à l’augmentation des prix et à la pénurie d’emplois et de logements a entraîné plusieurs vagues successives de grèves et de protestations en Algérie. Les médecins, les enseignants, les fonctionnaires, les travailleurs dans les industries, etc. ont été impliqués dans différentes actions de grève, avec la question des salaires comme point central. Dans un precedent article sur ce site, nous avons écrit “ces conflits ont encourage d’autres secteurs à prendre la voie de la lutte avec leurs propres exigences”. Cela est particulièrement le cas quand les travailleurs remportent une victoire, comme lors de la récente grève nationale de 8 jours des cheminots en mai.
10.000 travailleurs de la compagnie ferroviaire nationale SNTF, qui revendiquaient une augmentation salariale, ont paralysé tout le réseau dans une grève à durée indéterminée qui a finalement duré 8 jours. La plupart des cheminots recevaient un salaire inférieur au salaire minimum (qui autour de 15.000 dinars – soit environ 150 euros par mois). Cette grève des cheminots était la plus importante de ce type depuis que l’Algérie a connu une indépendance formelle en 1962. Alarmé par l’effet contagieux de ce conflit, le gouvernement a accepté une augmentation de salaire de 20%, “une concession qui, ont prévenu certains économistes, pourrait encourager d’autres grèves dans ce pays de l’Afrique du nord”, a-t-on pu lire dans le communiqué de l’agence Reuters juste après la grève.
Renationalisation de l’usine! Les entreprises privées et publiques doivent être retirées des mains des capitalistes et du mauvais fonctionnement bureaucratique!
Les grévistes d’Arcelor Mittal ont reçu le soutien et la solidarité de travailleurs du site SNVI à Rouiba (Alger), de même que celui de travailleurs de plusieurs autres compagnies, avec l’encouragement de poursuivre leur lutte.
Le CIO soutien également fermement cette grève, et suggère non seulement la nationalisation de l’usine, mais aussi sa mise sous contrôle démocratique de représentants des travailleurs démocratiquement élus et révocables à tout moment. Le CIO propose aussi de lier ce conflit aux autres secteurs faisant face à des problèmes similaires, en instaurant une économie entièrement placée sous une véritable panification socialiste et démocratique. Cela constituerait un encouragement énorme pour que la classe ouvrière joue un rôle décisif dans l’économie et afin d’utiliser les vastes ressources du pays au bénéfice de tous, tout en évitant le disfonctionnement et la corruption qui arrivent quand les compagnies publiques sont dirigées par des responsables de type mafieux.